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16/05/2024 | FRANCE | N°23/17492

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 mai 2024, 23/17492


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 16 MAI 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17492 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIN45



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Août 2023 -Président du TJ d'EVRY - RG n° 22/01118





APPELANT



SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE CORRESPONDANCE - [Ad

resse 3] [Adresse 11] - [Localité 8], représenté par son syndic formé en syndic coopératif

[Adresse 4]

[Localité 9]



Représenté par Me Valérie PIGALLE, avocat au barreau de PARIS, ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 16 MAI 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17492 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIN45

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Août 2023 -Président du TJ d'EVRY - RG n° 22/01118

APPELANT

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE CORRESPONDANCE - [Adresse 3] [Adresse 11] - [Localité 8], représenté par son syndic formé en syndic coopératif

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représenté par Me Valérie PIGALLE, avocat au barreau de PARIS, toque : D2171

INTIMÉE

S.C.I. MAISON MEDICALE [Localité 8], RCS d'Evry sous le n°829 138 247 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Fatima ALLOUCHE de l'AARPI GRAPHENE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L42 substituée par Me Eva COUTURIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, Laurent NAJEM, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société civile immobilière Maison médicale [Localité 8] est un établissement de santé propriétaire de plusieurs lots au sein de l'immeuble sis [Adresse 3] (91). Elle a installé courant 2020 un système de climatisation sur la terrasse non accessible de l'immeuble.

Cet immeuble est soumis au statut de la copropriété.

Faisant valoir que malgré mise en demeure, la SCI Maison médicale [Localité 8] n'avait pas démonté cette installation, par acte du 17 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires de la résidence Correspondance l'a faite assigner, devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry aux fins de voir :

dire et juger que la société Maison médicale [Localité 8] a commis une faute engageant sa responsabilité,

condamner la société Maison médicale [Localité 8] à déposer les systèmes de climatisation illicites édifiées sans autorisation de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires sur la façade de l'immeuble et dans les parties communes, et procéder tous travaux réparatoires de remise en état initial dans le respect de la réglementation RT2012 applicable avec justificatif de respect de la réglementation thermique, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la date de signification de l'ordonnance de référé à intervenir,

condamner la société Maison médicale [Localité 8] à laisser pénétrer tout technicien mandaté par le syndicat des copropriétaires et/ou par le syndic pour procéder la pose des compteurs divisionnaires, et ce sous astreinte de 500 par jour de retard compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la date de signification de l'ordonnance de référé à intervenir,

dire et juger que l'astreinte courra jusqu'au constat de bonne fin de travaux de suppression des systèmes de climatisation et des remises en état correspondant, selon les règles de l'art, et dans le respect de la réglementation RT2012, par l'architecte du Syndicat des copropriétaires, aux frais exclusifs de la société Maison médicale [Localité 8], ainsi que jusqu'au constat d'installation des compteurs divisionnaires,

se réserver le droit de liquider l'astreinte prononcée,

condamner la société Maison médicale [Localité 8] à payer au syndicat de copropriétaires requérant la somme de 2.132,40 euros, au titre des charges de copropriété pour la période arrêtée au 4ème trimestre 2022,

condamner la société Maison médicale [Localité 8] à payer au syndicat des copropriétaires requérant une provision d'un montant de 5.000 euros à valoir sur le trouble de jouissance collectif subi,

condamner la société Maison médicale [Localité 8] à payer au syndicat des copropriétaires requérant la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en application des articles 695 et 699 du même code, avec distraction au profit de Maître [Y] [P] pour ceux dont elle aura fait l'avance, et en ce compris les frais du constat d'huissier de justice du 21 février 2022.

Par ordonnance réputée contradictoire du 22 août 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry a :

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de la résidence Correspondance,

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute demande ample ou contraire,

condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence correspondance aux dépens.

Par déclaration du 26 octobre 2023, le syndicat des copropriétaires de la résidence Correspondance a relevé appel de l'ensemble des chefs de la décision rendue le 22 août 2023.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 11 mars 2024, il demande à la cour, au visa des articles 565, 566, 834, 835, 695, 699 et 700 du code de procédure civile, de l'article 1240 du code civil, des articles R.1336-4 et suivants du code de la Santé Publique et les articles L131-1 et L131-3 du Code des procédures civiles d'exécution, de :

recevoir et juger recevable et bien-fondé le Syndicat des copropriétaires en ses demandes fins et conclusions ;

débouter la société Maison médicale [Localité 8] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

en conséquence, y faisant droit,

réformer l'ordonnance de référé du 22 août 2023 en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de la Résidence Correspondance sur celles tendant à voir condamner sous astreinte de 500 euros par jour de retard la société Maison médicale [Localité 8] à procéder à la dépose des systèmes de climatisation édifiés irrégulièrement sans autorisation et en contradiction avec les règles applicables en copropriété, et tendant à voir condamner la société Maison médicale [Localité 8] à procéder aux travaux réparatoires de remise en état initial, sous astreinte, celles tendant à laisser pénétrer tout technicien mandaté par le syndicat des copropriétaire pour procéder à la pose des compteurs divisionnaires, sous astreinte de 500€ par jour de retard, et à l'arriéré de charges de l'immeuble [Adresse 3] [Adresse 11] - [Localité 8] dû par la société Maison médicale [Localité 8] et tendant à la voir condamner à payer au syndicat des copropriétaires une provision pour trouble de jouissance ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le syndicat des copropriétaires de la Résidence Correspondance aux dépens.

Et statuant à nouveau :

dire et juger que la société Maison médicale [Localité 8] a réalisé des travaux irréguliers constitutifs d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser,

condamner la société Maison Médicale [Localité 8] à déposer les systèmes de climatisation illicites édifiés sans autorisation de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires sur la façade de l'immeuble et dans les parties communes, et procéder tous travaux réparatoires de remise en état initial dans le respect de la réglementation RT2012 applicable avec justificatif de respect de la réglementation thermique, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la date de signification de l'arrêt intervenir,

enjoindre la société Maison médicale [Localité 8] de présenter en assemblée générale une solution d'installation d'une climatisation conforme aux règles applicables en copropriété, et en conformité avec la notice descriptive des locaux commerciaux, et en cas d'autorisation obtenue en assemblée faire réaliser les travaux pour la climatisation soit effectuée dans un délai de trois mois de l'autorisation devenue définitive, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois, suivant la date de signification de l'arrêt à intervenir,

À défaut de dépôt du dossier pour une installation conforme, de réalisation des travaux conforme à la notice et de dépose de l'installation existante dans un délai de trois mois à compter de l'autorisation obtenue en assemblée générale devenue définitive, il est demandé à la Cour d'Appel d'assortir la condamnation de dépose d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce jusqu'à la dépose effective de la climatisation,

condamner la société Maison médicale [Localité 8] à laisser pénétrer tout technicien mandaté par le syndicat des copropriétaires et/ou par le syndic pour procéder à la pose des compteurs divisionnaires, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la date de signification de l'arrêt à intervenir,

dire et juger que l'astreinte courra jusqu'au constat de bonne fin des travaux de suppression des systèmes de climatisation et des remises en état correspondant, selon les règles de l'art, et dans le respect de la réglementation RT2012, par l'architecte du syndicat des copropriétaires, aux frais exclusifs de la société Maison médicale [Localité 8], ainsi que jusqu'au constat d'installation des compteurs divisionnaires ;

se réserver le droit de liquider l'astreinte qui sera prononcée,

condamner la société Maison médicale [Localité 8] à payer au syndicat des copropriétaires requérant une provision d'un montant de 5.000 euros à valoir sur le trouble de jouissance collectif subi,

A titre subsidiaire,

ordonner une expertise judiciaire avec la mission d'usage et plus spécifiquement :

constater et décrire les travaux irréguliers allégués par le syndicat des copropriétaires et réalisés par la société Maison médicale [Localité 8] concernant l'installation de climatisation non autorisée et ne respectant pas les dispositions contractuelles applicables au sein de la résidence Lakota,

se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

visiter les parties communes et les parties privatives, à savoir plus précisément les lots de copropriété de la société Maison médicale [Localité 8],

donner son avis sur les non-conformités, désordres allégués par le syndicat des copropriétaires, et donner son avis sur les travaux irréguliers affectant les parties communes et l'aspect extérieur de l'immeuble,

donner son avis au regard de la nature des travaux réalisés, sur la possibilité et l'opportunité d'une remise en état initial,

donner son avis sur l'imputabilité et les responsabilités de l'installation de climatisation litigieuse,

décrire les travaux de remise en état nécessaires pour procéder à la dépose de l'installation irrégulière et à la remise en état des parties communes, et privatives, et les chiffrer,

décrire les travaux nécessaires pour procéder à une installation de climatisation conforme aux dispositions légales et contractuelles, sur la base de communication des devis des parties, et en fonction des contraintes de l'immeuble,

fournir d'une façon générale tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction compétente :

de se prononcer sur les responsabilités encourues et d'évaluer tous les préjudices subis,

de se prononcer sur la qualification juridique des travaux réalisés,

donner tous les éléments nécessaires pour apprécier les préjudices des parties.

En tout état de cause,

condamner la société Maison médicale [Localité 8] à payer au syndicat des copropriétaires requérant la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens entiers de première instance et d'appel en applications des articles 695 et 699 du code de procédure civile avec distraction au profit de Maitre [Y] [P] pour ceux dont elle aura fait l'avance, et en ce compris les frais du constat d'huissier de justice du 21 février 2022.

Il fait valoir que le premier juge a ajouté à l'existence d'un trouble manifestement illicite une condition tenant aux nuisances sonores et a en outre omis la décision de refus d'autorisation de réaliser les travaux résultant d'une résolution de l'assemblée générale.

Il considère que l'intimée confond la ventilation et la climatisation, cette dernière n'étant imposée par aucun texte dans les cabinets médicaux ou paramédicaux et il conteste le fait que l'intimée n'aurait pas disposé des informations nécessaires dès son acquisition. Il souligne qu'il ne lui appartient pas de prendre en charge les études techniques qui bénéficient à des copropriétaires.

Il soutient que toute modification extérieure sans autorisation constitue une atteinte aux parties communes de l'immeuble ce qui caractérise un trouble manifestement illicite.

Il se fonde sur les dispositions de l'article 55 du décret du 17 mars 1965 pour justifier de la recevabilité de ses demandes.

Il allègue au visa de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 que les façades et les murs sont des parties communes et fait valoir que l'installation des systèmes de climatisation modifie l'aspect extérieur de l'immeuble et qu'il existe des percements ; que l'harmonie n'y est plus assurée ; qu'il n'est pas réglementaire de raccorder la ventilation technique d'un commerce à la VMC collective d'un bâtiment de logement. Il conteste, en se fondant sur la notice descriptive des locaux en rez-de-chaussée, le fait que l'intimée ne disposait pas d'accès à la ventilation collective de l'immeuble.

Il considère que l'intimée a souhaité « passer en force » et expose qu'il ne sait pas si les équipements en cause sont conformes aux règles de l'art.

Il soutient que, s'agissant des compteurs divisionnaires, l'assemblée générale a voté leur installation.

Il précise qu'il ne s'oppose pas à l'installation d'une climatisation mais fait valoir que cette installation ne respecte pas les conditions dans lesquelles les évacuations doivent être effectuées. Il considère que l'astreinte se justifie d'autant plus que le copropriétaire a été destinataire de plusieurs lettres recommandées.

Il indique contester le coût des travaux chiffrés par l'entreprise qui serait intervenue initialement et aurait installé la climatisation contestée et fait valoir que le bardage de bois proposé par l'intimée n'est qu'une illusion et ne permettrait pas un fonctionnement normal de climatisation. Il réclame à titre subsidiaire une expertise judiciaire. Il soutient, au visa de l'article 566 du code de procédure civile, que cette demande est recevable en ce qu'elle tend aux mêmes fins que les demandes formulées en première instance ; qu'il ne s'agit pas de transformer l'expert en maître d''uvre mais d'obtenir un avis sur l'opportunité de procéder à la remise en état des parties communes et à voir procéder à la solution d'évacuation en toiture.

La société Maison médicale [Localité 8] demande à la cour, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 11 mars 2024, et au visa des articles 834, 835, 564 et suivants et 146 du code de procédure civile et de l'article L131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

confirmer en tout point le jugement (sic) rendu par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry en date du 22 août 2023 ;

Partant,

débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes ;

déclarer le syndicat des copropriétaires irrecevable en sa demande tendant à voir désigner un expert judiciaire ;

débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande tendant à voir désigner un expert judiciaire pour absence de fondement ;

condamner le syndicat des copropriétaires à payer à la société Maison médicale [Localité 8] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu'il n'est pas justifié d'une urgence, la climatisation ayant été posée en 2020 ; qu'il existe des contestations sérieuses ; que le règlement de copropriété ne comporte aucune disposition explicite interdisant les blocs de climatisation ; que la résolution rejetant sa demande aux fins de voir régulariser les travaux s'apparente à un abus de droit ; que le système de climatisation est nécessaire à son activité ; que les locaux ayant été livrés avec retard, elle ne pouvait plus procéder à cette installation sans engendrer de gros travaux au sein des lots privatifs.

Elle souligne que le déplacement de l'installation risque d'être quasiment impossible et disproportionné au regard d'un coût de plus de 60.000 euros.

Elle conteste l'existence d'un trouble manifestement illicite faisant valoir que la climatisation n'est visible par aucun des copropriétaires ; que les travaux n'ont pas pour effet de modifier l'aspect extérieur du bâtiment ; qu'elle a tenté de poser un coffrage pour réduire les prétendues nuisances ; que le règlement de copropriété (article 15) prévoit une servitude pour les commerçants ; que la faisabilité des travaux de déplacement aurait pu être vérifiée si le syndicat des copropriétaires avait transmis les plans de l'architecte.

Elle conteste l'existence d'une faute et estime qu'elle pourrait solliciter un remboursement des charges payées au prorata de l'absence de climatisation.

Elle allègue que les demandes doivent être déclarées irrecevables en ce que le syndic coopératif n'a pas eu l'habilitation pour agir.

Elle soutient que l'injonction à présenter en assemblée générale une solution d'installation ne préjuge pas d'une autorisation compte tenu de la difficulté actuelle d'obtenir un accord ; qu'aucune astreinte ne saurait être prononcée.

Elle précise qu'elle est favorable à la pose d'un compteur divisionnaire et reste dans l'attente de la société mandatée.

Elle allègue que le préjudice de jouissance allégué par l'appelante n'est pas justifié, l'installation n'étant pas visible.

Elle fait valoir que la demande d'expertise est nouvelle et donc irrecevable et qu'elle n'est pas fondée au visa de l'article 146 du code de procédure civile ; qu'il n'appartient pas à un expert, qui n'est pas un maître d''uvre, de donner son avis sur une étude technique relative à la mise en place d'un bloc de climatisation

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024.

SUR CE

Par message électronique (Rpva), la cour a réclamé à l'appelant sa pièce 11 (procès-verbal du 22 février 2022) manquante dans son dossier de plaidoirie.

Par un message électronique du 29 avril 2024, cette pièce a de nouveau été réclamée.

La pièce est parvenue au greffe le 2 mai 2024.

Si les conclusions du syndicat des copropriétaires contiennent des développements relatifs à la recevabilité de la demande du syndic au visa de l'article 55 du décret du 17 mars 1965, la cour observe que le dispositif des conclusions de l'intimée ne comprend aucune fin de non-recevoir à ce titre. En tout état de cause, les demandes du syndicat des copropriétaires fondées sur les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile en raison du trouble manifestement illicite résultant, selon lui, de l'existence d'une atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble et aux parties communes, relèvent bien des pouvoirs du juge des référés.

Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite

Selon l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l'acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d'un contrat ou aux usages.

L'intervention du juge des référés sur ce fondement n'est pas subordonnée à une condition d'urgence (Cass. 3e civ., 26 oct. 1982, n° 81-14.461 : Bull. civ. III, n° 207) et il résulte expressément de ces dispositions que l'existence de contestations sérieuses ne fait en elle-même obstacle aux pouvoirs de la présente juridiction.

Selon l'article 25 b) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dont les dispositions sont d'ordre public, sont adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Suivant procès-verbal du 21 février 2022, il a été constaté sur la terrasse technique uniquement accessible par une échelle « la présence de deux groupes de climatisation boulonnés par des équerres métalliques. Par ailleurs, une gaine d'alimentation est fixée au mur et un trou a été réalisé dans la maçonnerie ». Des photographies illustrent ces constatations, notamment le fait que l'installation est fixée sur la façade.

La réalisation de tels travaux en façade de l'immeuble, avec des percements des murs, parties communes, sans autorisation préalable de l'assemblée générale constitue en elle-même un trouble manifestement illicite, peu important que cette installation génère ou non des nuisances sonores, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

En outre, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 19 novembre 2020 que la SCI Maison médicale [Localité 8] a sollicité a posteriori l'autorisation d'effectuer des travaux de pose d'une climatisation au visa de l'article 24 de loi de 1965 « sous réserve de la réalisation des travaux dans les règles de l'art et après engagement de remise en état si une cessation d'activité devait intervenir ». Cette résolution a été rejetée et le syndic atteste de l'absence de recours contre cette assemblée générale (pièces 2 et 4 SDC). Il en résulte que cette décision de rejet est aujourd'hui définitive.

En la soumettant à l'approbation de l'assemblée générale, l'intimée a implicitement mais nécessairement reconnu que cette installation, en façade de l'immeuble, devait faire l'objet d'une autorisation. Elle ne peut aujourd'hui soutenir le contraire.

Enfin, l'existence alléguée de contestations sérieuses en ce que notamment le déplacement du système serait « quasiment impossible »est inopérant pour la constatation d'un trouble manifestement illicite.

Il appartient au juge constatant un tel trouble de déterminer les mesures les plus adéquates pour y mettre un terme.

Sur les demandes de dépose des systèmes de climatisation, soumission d'une solution d'installation à l'assemblée générale et d'expertise judiciaire

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La SCI Maison médicale [Localité 8] conteste la recevabilité de la demande d'expertise comme étant nouvelle.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et selon l'article 566, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La demande d'expertise visant à éclairer le juge du fond éventuellement saisi notamment sur la nature de l'installation en cause, les travaux réalisés, sur la possibilité d'une remise en état initial n'est que le complément de la demande principale visant au dépôt des installations illicites. Partant, elle est recevable.

Il existe un débat notamment sur les modalités de remise en état et le coût contesté de ces travaux.

La société Maison médicale [Localité 8] verse un devis en date du 6 avril 2023 (sa pièce 5) relatif au déplacement d'une « unité extérieure d'un VRV de marque Daikin » pour un montant de 60.600 euros : elle invoque une quasi impossibilité technique et une disproportion. Ce coût est contesté par le syndicat des copropriétaires.

Est également discutée la nature de l'installation, les parties ne s'accordent pas sur le fait de savoir si elle procède uniquement d'une climatisation, facultative ou de la ventilation, qui serait nécessaire à l'activité de l'établissement ; l'intimée contestant la possibilité de réaliser une installation en respectant la réglementation thermique RT2012.

La notice descriptive versée par le syndicat des copropriétaires revêt un caractère technique s'agissant de l'existence de gaines qui permettrait, selon lui, de faire passer des conduits entre les locaux du rez-de-chaussée et le toit terrasse technique.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile sont inopérantes devant le juge des référés mais relèvent du fond. Seul l'article 145 du même code a vocation à recevoir ici application.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, une mesure d'instruction s'impose afin de déterminer notamment la nature de l'installation existante, la faisabilité et le coût d'une dépose et d'une modification de la climatisation et les mesures adaptées pour la remise en état.

La première décision sera infirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé. Une expertise judiciaire sera ordonnée aux frais avancés de l'intimée, compte tenu du trouble manifestement illicite retenu ci-avant et résultant de cette installation. Les demandes de dépose de l'installation, de présentation d'une climatisation conforme seront rejetées.

Sur les charges de copropriété

Le premier juge a rejeté la demande formée à ce titre estimant, comme pour les compteurs divisionnaires, qu'il n'était démontré ni même invoqué l'existence d'un dommage imminent, d'un trouble manifestement illicite ou d'une obligation non sérieusement contestable.

La cour observe que le syndicat des copropriétaires demande expressément la condamnation de l'intimée à payer la somme de 4.835,22 euros au titre des charges de copropriété au 13 décembre 2023 (page 15 de ses conclusions) avant d'expliquer à la page suivante de ses écritures que l'intimée est à jour au 1er mars 2024 des dites charges de sorte qu'aucune condamnation n'est formulée dans le dispositif de ses écritures - la cour n'étant donc pas saisie d'une demande sur ce point. Le principe même des conclusions récapitulatives requiert cependant, en application de l'article 954 du code de procédure civile, que des prétentions contraires et inconciliables ne soient pas formulées au sein des dernières conclusions, sous le prétexte de l'évolution du litige.

Sur la pose de compteurs divisionnaires

Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation de la SCI Maison médicale [Localité 8] à laisser pénétrer tout technicien pour procéder à cette pose, et ce sous astreinte.

Cependant, la société intimée expose être favorable à cette installation et indique qu'elle reste dans l'attente de la société mandatée à cette fin.

Il est versé un tableau (SDC-pièce 24) aux termes duquel il est indiqué « logement inaccessible défaut clé ». Il n'est pas justifié des démarches préalables pour obtenir un accès, ni d'un quelconque refus de l'intimée qui indique au contraire souhaiter cette installation.

Il en résulte qu'aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent n'est caractérisé et que c'est à bon droit que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande, les motifs de la cour se substituant à ceux de l'ordonnance.

Sur la provision pour trouble de jouissance

Le premier juge bien que saisi de cette demande n'y a pas répondu explicitement.

Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, la demande du syndicat des copropriétaires se heurte à une contestation sérieuse en ce que le préjudice n'est pas établi avec évidence : l'installation litigieuse se situe sur une terrasse non accessible et dont il n'est pas démontré qu'elle soit visible des copropriétaires.

Il n'y a pas lieu à référé.

Sur les frais irrépétibles

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera infirmée en ce qu'elle a condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens.

Statuant de nouveau, chacune des parties conservera la charge de ses dépens et des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la pose des compteurs divisionnaires et rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir à référé sur les dommages et intérêts pour trouble collectif de jouissance ;

Déclare recevable la demande d'expertise ;

Ordonne une mesure d'expertise judiciaire et commet pour y procéder :

M. [C] [J]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Tél : [XXXXXXXX01]

Email : [Courriel 10]

Lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

Avec pour mission de :

- prendre connaissance de la présente décision, des conclusions des parties et des pièces qu'elles ont communiquées ;

- se faire remettre tous documents et éléments qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment les documents relatifs aux installations incriminées et aux travaux réalisés par les parties ;

- se rendre sur place au [Adresse 3] (91) après avoir convoqué les parties ;

- constater et décrire les travaux allégués par le syndicat des copropriétaires et réalisés par la société Maison médicale [Localité 8] afférent à l'installation d'une climatisation/ventilation ;

- visiter les parties communes et les parties privatives, à savoir plus précisément les lots de copropriété de la société Maison médicale [Localité 8] ;

- donner son avis sur les non-conformités, désordres allégués par le syndicat des copropriétaires, et donner son avis sur les travaux affectant les parties communes et l'aspect extérieur de l'immeuble ;

- donner son avis au regard de la nature des travaux réalisés, sur la possibilité et l'opportunité d'une remise en état initial ;

- donner son avis sur l'imputabilité et les responsabilités de l'installation de climatisation litigieuse ;

- décrire les travaux de remise en état nécessaires pour procéder à la dépose de l'installation et à la remise en état des parties communes, et privatives, et les chiffrer ;

- décrire les travaux nécessaires pour procéder à une installation de climatisation conforme aux dispositions légales et contractuelles, sur la base de communication des devis des parties, et en fonction des contraintes de l'immeuble ;

- donner tous les éléments nécessaires pour apprécier les préjudices allégués par les parties ;

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile ;

Dit que dès réception de sa mission et communication par les parties des pièces, l'expert devra évaluer le coût des opérations à entreprendre et si ce chiffre dépasse notablement la provision mentionnée ci-dessous, il devra après consultation des parties, solliciter une consignation complémentaire ;

Dit que l'expert devra, au plus tard lors de la première réunion d'expertise, déterminer en concertation avec les parties un calendrier de ses opérations ;

Dit l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

Dit que l'expert devra déposer le rapport de ses opérations au greffe du tribunal judiciaire d'Evry dans un délai de six mois à compter du jour où il aura été avisé de la réalisation de la consignation, sauf prorogation de délai expressément accordé par le juge chargé du contrôle ;

Subordonne l'exécution de l'expertise à la consignation par la société Maison médicale [Localité 8] à la régie d'avances et recettes du greffe du tribunal judiciaire d'Evry d'une avance de 3.000 euros pour le 30 juin 2024 au plus tard ;

Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque en vertu de l'article 271 du code de procédure civile ;

Désigne le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire d'Evry pour surveiller les opérations d'expertise, par application de l'article 964-2 du code de procédure civile ;

Dit qu'en cas d'empêchement, retard ou refus de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête par le juge chargé du contrôle de l'expertise du tribunal judiciaire d'Evry ;

Rejette les autres demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à la charge de chacune des parties ses dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/17492
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.17492 ?
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