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16/05/2024 | FRANCE | N°23/16965

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 mai 2024, 23/16965


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 16 MAI 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16965 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMM3



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Octobre 2023 -Président du TC de Paris - RG n° 2023024603





APPELANTE



S.A.R.L. C2C ILE DE FRANCE, RCS de Nanterre sous l

e n°901 534 099, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRO...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 16 MAI 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16965 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMM3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Octobre 2023 -Président du TC de Paris - RG n° 2023024603

APPELANTE

S.A.R.L. C2C ILE DE FRANCE, RCS de Nanterre sous le n°901 534 099, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane RECCHI, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMES

M. [X] [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]

S.A.R.L. [O] AUDIT FORMATION ETUDE DEVELOPPEMENT, RCS de Chambéry sous le n°379 793 276

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Clotilde NORMAND de l'AARPI LOGELBACH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0042

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société MRAFED ([O] Audit Formation), appartenant au groupe [O], est un cabinet d'expertise comptable dirigé par M. [O].

La société C2C Ile-de-France appartient au groupe C2C, qui détient des cabinets d'expertise comptable sur tout le territoire national.

Souhaitant acquérir une société d'expertise comptable dans la région Ile-de-France, la société C2C s'est rapprochée de la société MRAFED qui, elle, cherchait à céder les 500 actions du capital social de la société d'expertise comptable SCOC (Société Cabinet [I] [G]), située à [Localité 7].

Le 28 juillet 2022, la société C2C Ile-de-France a adressé à la société MRAFED une lettre d'intention, proposant de se rendre acquéreur à hauteur de 100% des actions de la société SCOC.

Un compromis de cession a été régularisé le 3 août 2022 puis, le 26 septembre 2022, une convention de cession d'actions a été signée entre, d'une part, la société MRAFED, cédante à raison de 499 actions et M. [O] cédant à raison d'une action et, d'autre part, la société C2C Ile-de-France.

La convention prévoit que la cession a lieu au prix provisoire de 380.000 euros et que le prix final sera égal au montant des capitaux propres de la société arrêté à la date du 30 septembre 2022 majoré de 127.000 euros correspondant à la différence entre la valeur fixe conventionnellement attribuée à la clientèle de 470.000 euros et son coût historique inscrit au bilan arrondi à 343.000 euros.

Le transfert des titres cédés est intervenu le 1er octobre 2022 et à la même date, la société C2C Ile-de-France a absorbé la société SCOC avec transmission universelle du patrimoine.

Le 22 novembre 2022, M. [O] a remis à la société C2C Ile-de-France l'arrêté des comptes de la société SCOC au 30 septembre 2022, s'établissant à 292.569,69 euros, et s'est prévalu d'un prix final de 419.569,69 euros (292.569,69 euros + 127.000 euros). Il a sollicité la paiement d'un solde de 115.569,69 euros (419.569,69 euros - l'acompte de 304.000 euros versé à la signature de l'acte de cession).

La société C2C Ile-de-France a contesté l'arrêté de compte par lettre du 7 décembre 2022.

Faute d'accord entre les parties sur le prix définitif, par acte du 12 mai 2023 la société MRAFED et M. [O] ont assigné en référé la société C2C Ile-de-France devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner au paiement d'une provision de 126 269,73 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2023 et d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société C2C Ile-de-France a soulevé à titre principal l'irrecevabilité de l'action faute de respect de la clause de tentative de règlement amiable du litige. Elle a sollicité le débouté à titre subsidiaire et le prononcé d'une mesure d'expertise à titre très subsidiaire.

Par ordonnance du 4 octobre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

débouté la société C2C Ile-de-France de sa fin de non-recevoir au motif allégué de défaut de tentative de règlement amiable ;

dit en conséquence recevable l'action de la société [O] audit formation étude développement et de M. [O] ;

Vu l'article 873 al. 2 du code de procédure civile :

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de règlement du solde net restant à payer sur le prix de cession, soit la somme de 115.569,69 euros compte tenu de l'existence d'une contestation sérieuse ;

condamné la société C2C Ile-de-France à payer à la société [O] audit formation étude développement la somme provisionnelle de 10.699,94 euros à majorer des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2023 date de la mise en demeure ;

Vu l'article 143 du code de procédure civile :

désigné en qualité d'expert judiciaire Me [R] avec la mission suivante :

*se faire remettre et prendre connaissance :

du dossier d'arrêté des comptes de la SCOC remis par M. [O] à Mme [N] le 22 octobre 2022 ;

du compte-rendu de l'audit d'acquisition du cabinet [I] [G] établi par C2C Méditerranée ;

du rapport d'analyse de l'audit conduit par M. [O] ;

des bilans et pièces comptables du cabinet [I] [G] des exercices 2020, 2021 et 2022 ;

des bilans et pièces comptables de la société C2C Ile-de-France au titre des exercices ouverts depuis le 1er janvier 2022 ;

de toute autre pièce jugée utile pour la bonne exécution de ses travaux ;

* arrêter les comptes de la société SCOC au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2022 sans changement de méthode de comptabilisation des produits et des charges, en utilisant les mêmes principes et méthodes que pour les exercices 2020 et 2021 ;

* à titre corroboratif, indiquer au vu des livres comptables de la société C2C Ile-de- France, absorbante, la mesure dans laquelle les corrections demandées sur les comptes de la sociétés SCOC, absorbée, sont ou non confirmées par une même analyse dans la comptabilité de la société absorbante à l'occasion de la transmission universelle de patrimoine (TUP) du 1er octobre 2022 et lors de l'arrêté de ses propres comptes annuels au 31 décembre 2022 ;

* après avoir pris connaissance des observations de chacune des parties au sujet des points de désaccord, relatifs uniquement (1) à une absence de provisions pour créances douteuses et (2) au non-retraitement de produits constatés d'avance, indiquer parmi les corrections demandées par la société C2C Ile-de-France et contestées par la société [O] audit formation étude développement, celles qui seraient à retenir ;

* donner son avis sur les contestations relevées par l'audit dressé par C2C Méditerranée et les réponses données dans le rapport d'analyse rédigé par M. [O] ;

* déterminer le montant des capitaux propres de la société SCOC au 30 septembre 2022 découlant des corrections ainsi retenues ;

* faire en général toute constatation utile.

fixé à 15.000 euros TTC le montant de la provision à consigner par moitié par la société C2C Ile-de-France et par la société [O] audit formation étude développement dans les quinze jours de la date de la présente ordonnance au greffe de ce tribunal par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile ;

dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert est caduque (article 271 du code de procédure civile) ;

dit que les frais et honoraires définitifs de l'expertise seront partagés par moitié entre la société C2C Ile-de-France et la société [O] audit formation étude développement ;

condamné la société C2C Ile-de-France à payer à la société [O] audit formation étude développement la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déboutons pour le surplus ;

rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;

condamné en outre la société C2C Ile-de-France aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 87,02 euros TTC dont 14,29 euros de TVA.

Par déclaration du 18 octobre 2023, la société C2C Ile-de-France a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 mars 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 123 du code de procédure civile, 873 du code de commerce, 1103 et 1130 et suivants du code civil, de :

renvoyer la société MRAFED et M. [O] à mieux se pourvoir en raison de l'incompétence de la juridiction à défaut de tentative de règlement amiable du litige en application des clauses du contrat ;

Subsidiairement :

débouter la société MRAFED et M. [O] en l'absence de validation des comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2022 permettant la fixation du prix définitif en violation des stipulations du contrat de cession ;

débouter la société MRAFED et M. [O] en raison des contestations sérieuses qu'elle oppose et tenant aux anomalies comptables relevées dans le cadre de l'audit des comptes et de l'absence de toute validation à dire d'expert ;

débouter dans tous les cas la société MRAFED et M. [O] de toutes leurs demandes en raison des vices du consentement qu'elle oppose et tenant à la contestation des comptes et enregistrements erronés figurant au bilan et ayant faussé la valorisation de la clientèle ;

désigner un expert judiciaire avec la mission suivante :

*se faire remettre et prendre connaissance :

du dossier d'arrêté des comptes remis par M. [O] à C2C le 22 octobre 2022 de la SCOC ;

le rapport d'analyse de l'audit conduite par M. [O] ;

le compte rendu de l'audit d'acquisition du cabinet [I] [G] établi par C2C Méditerranée ;

de toute autre pièce jugée utile pour la bonne exécution de ses travaux ;

*arrêter les comptes de la société SCOC au titre de l'exercice 2022 sans changement de méthodes de comptabilisation des produits et des charges et en utilisant les mêmes principes et méthodes que pour les exercices 2021 et 2022 ;

*après avoir pris connaissances des observations de chacune des parties au sujet des points de désaccord, indiquer parmi les correction qu'elle demande et contestées par MRAFED, celles qui seraient à retenir ;

*donner son avis sur les contestations relevées par l'audit dressé par C2C Méditerranée et les réponses données dans le rapport d'analyse rédigé par M. [O] ;

*déterminer le montant des capitaux propres de la société SCOC au 30 septembre 2022 découlant des corrections ainsi retenues ;

*se faire communiquer la facture d'assistance et les frais prévus au contrat et donner son avis sur le travail d'accompagnement effectué et dire s'il est en conformité avec la convention ;

*donner son avis sur la valeur de la clientèle de la société SCOC notamment au regard du bilan 2022 de la SCOC valablement arrêté et dire si la valorisation a été fixée sur en considération de tous les éléments normalement communiqués et si la valeur retenue correspond à la réalité comptable et économique ;

*faire en général toute constatation utile ;

Dans tous les cas :

rejeter l'appel incident de la société [O] audit formation étude développement et M. [O] particulièrement injustifié ;

condamner in solidum la société [O] audit formation étude développement et M. [O] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 11 mars 2024, la société MRAFED et M. [O] demandent à la cour, au visa des articles 143, 873 al. 2 du code de procédure civile, 1103 et 1104 du code civil, de :

confirmer l'ordonnance du 4 octobre 223 en ce qu'elle a déclaré leur action recevable ;

infirmer l'ordonnance du 4 octobre 2023 en ce qu'elle a limité la condamnation de la société C2C Ile de France à leur payer la somme de 10.699,94 euros et ordonné une expertise judiciaire pour le surplus ;

La réformant :

condamner la société C2C à payer à la société [O] audit formation étude développement la somme de 126.269,73 euros au titre du solde du prix de la cession intervenue le 26 septembre 2022, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2023 ;

A titre subsidiaire :

condamner la société C2C Ile de France à payer à la société [O] audit formation étude développement la somme de 86.269,73 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2023 ;

et pour le surplus de la créance de prix, confirmer la désignation de M. [R] en qualité d'expert judiciaire avec la mission précisée dans l'ordonnance du 4 octobre 2023;

Encore plus subsidiairement :

condamner la société C2C à payer la somme de 24.422,73 euros à la société [O] audit formation étude développement outre les intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2023 ;

et pour le surplus de la créance de prix, confirmer la désignation de M. [R] en qualité d'expert judiciaire avec la mission précisée dans l'ordonnance du 4 octobre 2023;

A titre infiniment subsidiaire :

confirmer l'ordonnance du 4 octobre 2023 en ce qu'elle a condamné la société C2C Ile-de France à payer à la société [O] audit formation étude développement la somme de 10.699,94 euros et ordonné la nomination de M. [R] en qualité d'expert judiciaire, avec la mission précisée dans l'ordonnance ;

En tout état de cause :

débouter la société C2C Ile-de-France de sa demande d'extension de la mission de l'expert judiciaire ;

confirmer l'ordonnance en ce qu'elle condamne la société C2C Ile de France aux entiers dépens et à payer à la société [O] audit formation étude développement la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant :

condamner la société C2C Ile-de-France à payer à la société [O] audit formation étude développement la somme de 32.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

condamner la société C2C Ile-de-France aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR

Sur la fin de non-recevoir

L'article « Droit applicable-litiges » de la convention de cession d'actions conclue entre les parties stipule :

« Le présent acte et les opérations qu'il décrit sont soumis au droit français.

En cas de litige, le cédant et le cessionnaire devront tenter de négocier de bonne foi une solution amiable.

A défaut de règlement amiable, tous les litiges auxquels le présent acte pourrait donner lieu, concernant notamment sa validité, son interprétation ou son exécution seront soumis aux tribunaux compétents dans les conditions du droit commun. »

L'appelante soutient que la recherche de bonne foi d'une solution amiable ne pouvait justifier la saisine de la juridiction par les demandeurs avant d'avoir saisi les instances ordinales ou à défaut mis en oeuvre un processus de médiation, toute autre analyse revenant à considérer que la clause est sans portée et sans effet dès lors que la loi impose déjà en son article 1104 du code civil de négocier, former et exécuter de bonne foi les conventions.

Les intimés répliquent que selon une jurisprudence constante, si la clause n'est pas assortie, comme en l'espèce, de conditions de mise en oeuvre, elle ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable, ajoutant que l'appelante est d'autant plus mal venue à leur reprocher d'avoir saisi la justice alors qu'elle a refusé le mécanisme prévu au contrat, en cas de désaccord sur les comptes, de désigner un expert parmi les experts judiciaires inscrits sur les listes de la cour d'appel de Paris ou de Versailles.

Il convient d'abord de relever, comme l'a fait le premier juge par des motifs que la cour approuve, que les parties ont tenté de régler amiablement leur différend avant que le juge des référés ne soit saisi par la société MRAFED et M. [O].

Surtout, si la clause oblige les parties à tenter de négocier de bonne foi une solution amiable, elle n'assortit cette obligation d'aucune condition de mise en oeuvre et ne constitue donc pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci. (Cass.com, 29 avril 2014, n° 12-27.004)

La fin de non-recevoir sera donc rejetée et l'ordonnance entreprise confirmée de ce chef.

Sur la provision et l'expertise

L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, en référé, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime c'est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

A titre principal, les intimés sollicitent (sans confirmer l'expertise ordonnée par le premier juge) le paiement d'une provision de 126.269,73 euros se décomposant comme suit :

Au titre du prix définitif de la cession :

capitaux propres de la société SCOC arrêtés au 30/09/2022 : 292.569,69 €

+ prime de revalorisation de la clientèle : 127.000 €

= 419.569,69 €

- paiements provisionnels effectués la société C2C : 304.000 €

= 115.569,69 €

A ajouter :

solde créditeur du compte courant : 62,44 €

facture de prestations d'accompagnement-4ème trimestre+frais : 25.037,60 €

Déduction avoir prestations techniques (6000 € HT), soit TTC : 7.200 €

Déduction honoraires de direction (6000 € HT), soit TTC : 7.200 €

= 10.700,04 € (NB : montant total chiffré à 10.699,94 euros par le premier juge)

A titre subsidiaire, les intimés sollicitent (avec maintien de l'expertise ordonnée en première instance) une provision de 86.269,73 euros, soit 126.269,73 euros dont à déduire 40.000 euros, montant contesté par la société C2C au titre de l'absence de provision pour créances douteuses et du non-retraitement de produits constatés d'avance.

A titre plus subsidiaire encore, ils sollicitent (avec l'expertise ordonnée) une provision de 24.422,73 euros (soit 126.269,13 € - 101.847 €) si la cour devait estimer que la somme de 101.847 est bien en litige au vu du rapport établi par la société C2C.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer litigieuse la totalité du prix, ils demandent (avec maintien de l'expertise judiciaire), que la provision soit fixée au montant de 10.699,94 euros retenu par le premier juge et correspondant au montant du solde créditeur du compte courant d'associé de la MRAFED et des prestations d'accompagnement fournies par cette dernière à la société C2C conformément aux dispositions conventionnelles.

L'appelante considère pour sa part que conformément aux stipulations du contrat, aucune provision ne peut être allouée au titre du prix définitif dès lors que les parties ont convenu que le prix définitif ne peut trouver application tant que les comptes n'ont pas été arrêtés par l'expert judiciaire.

Il convient ici de préciser que la société C2C Ile-de-France conteste l'arrêté de compte de la société SCOC au 30 septembre 2022 sur deux postes : les créances douteuses et les produits constatés d'avance. Elle estime en outre que le prix de la clientèle a été surévalué et reproche au premier juge d'avoir refusé d'inclure ce point dans la mission de l'expert, arguant avoir été trompée sur le fait que la clientèle de la SCOC n'était pas saine, de nombreux clients n'étant pas satisfaits des prestations et contestant les factures d'honoraires. Elle sollicite en conséquence l'élargissement de la mission de l'expert désigné.

La convention prévoit à son article « prix » :

A la date des présentes, et sous réserve du mécanisme d'ajustement prévu ci-après, la cession a lieu au prix provisoire de 380.000 euros, soit 760 euros par action.

Le prix final de la totalité des actions cédées sera égal au montant des capitaux propres de la société arrêté à la date du 30 septembre 2022 majoré de 127.000 euros correspondant à la différence entre la valeur fixe conventionnellement attribuée à la clientèle de 470.000 euros et son coût historique inscrit au bilan arrondi à 343.000 euros.

Dans l'attente de l'arrêté des comptes de référence au 30 septembre 2022, le prix provisoire de 380.000 euros est estimé ainsi qu'il suit :

Capitaux propres au 30/09/22, provisoirement estimés à 253.000 euros

Valeur conventionnellement attribuée à la clientèle 470.000 euros

Coût historique de la clientèle au bilan - 343.000 euros

Revalorisation de la clientèle fixée dès ce jour par convention à 127.000 euros

Prix provisoire des actions égal à la valeur attribuée à la société 380.000 euros

Le prix définitif des actions sera déterminé de la même manière, en substituant à l'estimation des capitaux propres au 30 septembre 2022, soit 253.000 euros, le montant de ceux-ci constaté dans les comptes annuels qui seront établis.

Les comptes de référence au 30 septembre 2022 seront arrêtés sans modification des méthodes suivies jusqu'alors par la société dénommée Cabinet [I] [G] et ce dans le délai maximal usuel, soit au plus tard le 15 janvier 2023.

En cas de désaccord sur les comptes devant servir de référence et pour rendre le prix des actions déterminable en toute circonstance, les comptes définitifs seront arrêtés à dire d'expert judiciaire inscrit sur les listes dressées par la Cour d'appel de Versailles ou par la Cour d'appel de Paris.

Il est prévu plus loin :

Le solde égal à la différence entre le prix définitif et la somme des deux paiements précédents, à savoir 304.000 euros, sera versé dans les 105 jours suivant la clôture de l'arrêté comptable au 30 septembre 2022 soit au plus tard le 15 janvier 2023.

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions contractuelles, sans avoir à les interpréter, que comme l'a dit le premier juge le prix de cession est déterminé sur la base de deux paramètres, la valeur de la clientèle, fixée à 470.000 euros, et le montant des capitaux propres de la SCOC au 30 septembre 2022, encore inconnu lors de la signature de l'acte de cession.

Le premier juge a exactement considéré que la valeur de la clientèle, définie dès la lettre d'intention du 28 juillet 2022 dans des termes précis confirmés dans le compromis du 3 août 2022 et repris dans l'acte de cession du 26 septembre 2022, a été librement négociée entre les parties, sans être subordonnée à aucun calcul particulier et de manière définitive. C'est en effet le seul montant des capitaux propres tel que ressortant de l'arrêté des comptes à venir au 30 septembre 2022 qui constitue la variable d'ajustement du prix définitif.

La cour relève en outre que selon les termes de la lettre d'intention de la société C2C en date du 28 juillet 2022, cette dernière a accepté de fixer la valeur de la clientèle à 470 K€ « eu égard aux documents qui nous ont d'ores et déjà transmis », et que le contrat ne prévoit pas que cette valeur puisse être révisée sur la base des comptes arrêtés au 30 septembre 2022, cet arrêté ne venant que déterminer, de manière définitive, le montant des capitaux propres.

La société C2C est donc mal fondée à se prévaloir, sur la base des comptes arrêtés au 30 septembre 2022, d'éléments devant conduire à la révision du prix de la clientèle, lequel a été définitivement fixé d'un commun accord sur la base des éléments transmis à la date de la signature du compromis et de l'acte de cession. Une action en diminution du prix de la clientèle sur le fondement du dol apparaît ainsi manifestement vouée à l'échec, de sorte que la société C2C Ile-de-France ne justifie pas d'un motif légitime à voir étendre la mission de l'expert judiciairement désigné, le premier juge ayant exactement limité cette mission aux deux points contestés dans l'arrêté des comptes au 30 septembre 2022, à savoir l'absence de provision pour créances douteuses et le non-retraitement de produits constatés d'avance. Il convient d'ailleurs de relever qu'aux termes d'un courriel adressé le 28 février 2023 à son cocontractant, la société C2C Ile-de-France considérait clos le débat sur le prix de la clientèle, écrivant que le litige entre les parties portait sur deux points : l'absence de provisions clients douteux au bilan arrêté et les produits constatés d'avance.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a ordonné une expertise à la demande de la société C2C Ile-de-France, le motif légitime à voir ordonner cette mesure résultant des dispositions contractuelles qui ont prévu qu'un expert judiciaire devrait être désigné dès lors que les comptes arrêtés au 30 septembre 2022 feraient l'objet d'une contestation.

S'agissant de la provision sollicitée par les intimés au titre du prix définitif de la cession des actions, c'est à raison que la société C2C Ile-de-France soutient qu'aucune provision ne peut être versée au-delà de l'acompte de 304.000 euros déjà payé, cela conformément aux stipulations du contrat.

La convention prévoit en effet que le solde égal à la différence entre le prix définitif et la somme de 304.000 euros sera versé dans les 105 jours suivant la clôture de l'arrêté comptable au 30 septembre 2022 soit au plus tard le 15 janvier 2023, ce dont il résulte que le solde du prix n'est exigible qu'après l'arrêté du compte, lequel ne peut intervenir qu'après les opérations d'expertise, l'expert ayant précisément pour mission d'arrêter ce compte en l'état contesté par le cessionnaire.

C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande provisionnelle des cédants au-delà d'une somme de 10.699,94 euros, laquelle est indépendante du prix de cession proprement dit et correspond, d'une part, au montant du solde créditeur du compte courant d'associé de la société MRAFED , d'autre part, au coût des prestations de suivi qui ont été effectuées par cette dernière au profit du cessionnaire comme stipulé au contrat (25.037,60 euros desquels ont été déduits deux avoirs de 7.200 euros chacun).

Le solde créditeur du compte courant d'associé de la société cédante apparaît incontestablement dû par le cessionnaire, et la société appelante ne le conteste pas dans ses écritures. S'agissant des prestations de suivi, leur effectivité et leur montant ne sont pas sérieusement contestés par la société C2C Ile-de-France. La convention stipule en effet à son article « Présentation à la clientèle - mise au courant », que le cédant accompagnera le cessionnaire sur la transmission des tâches fonctionnelles, les travaux opérationnels sur les dossiers de clients, les interventions de mise en relation avec ces derniers, et que cette mise au courant par le cédant sera effectuée à titre onéreux, moyennant une facturation forfaitaire globale de 20.000 euros hors taxe au titre du quatrième trimestre 2022, frais de déplacement en sus. En outre, une note d'honoraires de 20.000 euros HT et de frais de 864,67 euros HT (soit 25.037,60 euros TTC) a été adressée par le groupe [O] à la société C2C Ile-de-France le 14 mars 2023.

Aucune pièce n'est produite par l'appelante pour étayer le défaut allégué de réalisation de ces prestations.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a alloué à la société MRAFED une provision de 10.699,94 euros, à majorer des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2023, date de la mise en demeure.

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais et dépens de première instance, dont elle a fait une juste appréciation.

Perdant en appel, la société C2C Ile de France sera condamnée aux dépens de cette instance et à payer à la société MRAFED la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la société C2C Ile de France aux entiers dépens de cette instance,

La condamne à payer à la société MRAFED la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/16965
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.16965 ?
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