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16/05/2024 | FRANCE | N°23/12065

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 16 mai 2024, 23/12065


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 MAI 2024



AUDIENCE SOLENNELLE



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12065 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH56F



Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation - arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2023 ayant cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'ap

pel de Paris en date du 18 novembre 2021

Décision du conseil national des barreaux en date du 24 novembre 2020



DEMANDEUR AU RECOURS



Monsieur [IX] [L]

[Adresse 24]
...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 MAI 2024

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12065 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH56F

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation - arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2023 ayant cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 18 novembre 2021

Décision du conseil national des barreaux en date du 24 novembre 2020

DEMANDEUR AU RECOURS

Monsieur [IX] [L]

[Adresse 24]

[Localité 2]

Comparant

DÉFENDEURS AU RECOURS

LE CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

[Adresse 9]

[Localité 40]

Non comparant et représenté par Me Paul-albert IWEINS de la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque: J010

Monsieur [CK] [H]

[Adresse 28]

[Localité 6]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [OB] [Z]

[Adresse 43]

[Localité 21]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [ZL] [X]

[Adresse 11]

[Localité 2]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [O] [E]

[Adresse 52]

[Adresse 52]

[Localité 33]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [IA] [W]

[Adresse 45]

[Localité 25]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [N] [A]

[Adresse 17]

[Localité 18]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [SN] [F]

[Adresse 12]

[Localité 15]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [B] [Y]

[Adresse 53]

[Adresse 53]

[Localité 41]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [YO] [T]

[Adresse 5]

[Localité 42]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [CV] [R]

[Adresse 36]

[Localité 16]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [OY] [C]

[Adresse 46]

[Adresse 46]

[Localité 44]

Non comparante et non représentée

Madame [NF] [U]

[Adresse 13]

[Localité 48]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [I] [TJ]

[Adresse 26]

[Localité 49]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [ZL] [DS]

[Adresse 37]

[Localité 50]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [HD] [VZ]

[Adresse 35]

[Localité 38]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [HD] [MI]

[Adresse 31]

[Localité 34]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [M] [GH]

[Adresse 27]

[Localité 29]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [FK] [LL]

[Adresse 51]

[Adresse 51]

[Localité 20]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [XT] [KP]

[Adresse 54]

[Localité 47]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [P] [AD]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 32]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [RR] [PV]

[Adresse 23]

[Localité 10]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Madame [BZ] [OC]

[Adresse 30]

[Localité 1]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [WW] [J], président du Conseil National des barreaux

[Adresse 8]

[Localité 6]

Non comparant

Représenté par Me Jérôme HERCE de la SELARL JEROME HERCE AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, toque : 37

Monsieur [EN] [NE]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Non comparant et non représenté

Madame [XS] [D]

[Adresse 22]

[Localité 7]

Non comparante et non représentée

AUTRE PARTIE

LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE PARIS

[Adresse 19]

[Localité 39]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

- M. Marc BAILLY, Président de chambre

- Mme Florence LAGEMI, Présidente de chambre

- Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

- Mme Agnès BISCH, Conseillère

- Mme Nicole COCHET, Magistrate Honoraire juridictionnel

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Florence GREGORI

MINISTERE PUBLIC : représenté lors des débats par Mme Florence LIFCHITZ qui a fait connaître son avis oralement à l'audience.

DÉBATS : à l'audience tenue le 21 Mars 2024, ont été entendus :

- M. Marc Bailly, en son rapport ;

- M. [IX] [L] a accepté que l'audience soit publique ;

- M. [IX] [L], en ses observations ;

- Me Paul-Albert IWEINS, avocat représentant le Conseil National des barreaux, en ses observations ;

- Me Jérome HERCE, en ses observations ;

- Mme Florence LIFCHITZ, substitute du Procureur Général, en ses observations.

ARRÊT :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

* * *

Le Conseil national des barreaux, qui est chargé de représenter l'ensemble des avocats de France, est composé de 80 membres élus pour trois ans qui se répartissent en 48 avocats élus pour la circonscription nationale et en 32 avocats pour la circonscription de [Localité 55], auxquels s'ajoutent deux vice-présidents de droit qui sont le bâtonnier de [Localité 55] et le président de la conférence des bâtonniers en exercice.

Les membres sont élus au suffrage direct par deux collèges : le collège ordinal et le collège général.

Chaque collège élit la moitié des membres de la circonscription soit pour chacun d'eux, 16 sièges pour la circonscription parisienne et 24 sièges pour la circonscription nationale.

L'élection au CNB pour la mandature 2021-2023 s'est déroulée le 24 novembre 2020 sur l'ensemble du territoire et les résultats ont été proclamés le 30 novembre suivant.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 décembre 2020, adressée au greffier en chef de la cour d'appel de Paris, et reçue le 8 décembre 2020 par le service courrier de la cour, M. [IX] [L], avocat inscrit au barreau de Nice et ancien bâtonnier de ce barreau, a formé un recours contre l'élection des 24 personnes élues au sein de la circonscription nationale du collège ordinal du CNB qui s'est déroulée le 24 novembre 2020, pour la mandature 2021-2023, afin d'en obtenir l'annulation, à savoir :

1°) M. [CK] [H]

2°) M. [OB] [Z]

3°) Mme [ZL] [S]

4°) M. [O] [E]

5°) M. [IA] [W]

6°) Mme [N] [A]

7°) M. [SN] [F]

8°) M. [YO] [T]

9°) M. [CV] [R]

10°) Mme [OY] [C]

11°) Mme [NF] [U]

12°) Mme [I] [TJ]

13°) Mme [ZL] [DS]

14°) Mme [HD] [VZ]

15°) Mme [HD] [MI]

16°) Mme [FK] [LL]

17°) Mme [M] [GH]

18°) M. [XT] [KP]

19°) Mme [P] [AD]

20°) M. [RR] [PV]

21°) M. [B] [Y]

22°) Mme [BZ] [OC]

23°)M. [WW] [J]

24°) M. [EN] [NE].

Par arrêt rendu le 18 novembre 2021, la cour d'appel de Paris a déclaré le recours irrecevable pour non respect des dispositions de l'article 16 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, le recours par lettre recommandée ayant été envoyé au greffier en chef et non au secrétariat-greffe, et condamné M. [L] aux dépens ainsi qu'à payer différentes sommes aux défendeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision en toutes ses dispositions au motif que le recours formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception avait été réceptionné par le greffe de la cour d'appel de Paris.

Par acte du 24 juin 2023, M. [L] a saisi la cour d'appel de Paris désignée comme cour de renvoi.

Par acte en date du 6 décembre 2023, M. [L] a fait assigner Mme [XS] [D], ayant suppléé un confrère en cours de mandat en déclaration d'arrêt commun et demande à la cour de :

- déclarer qu'en ayant pris la suite de Mme [OY] [C], Mme [XS] [D] fait partie des membres élus du CNB dont l'annulation est sollicitée,

- déclarer recevable l'intervention de Mme [OY] [D] dans le cadre de la procédure actuellement en cours devant la chambre 13 pôle 4 de la cour d'appel de Paris enregistrée sous le numéro RG 23/12062,

- déclarer commune et opposable la décision de la chambre 13 pôle 4 de la cour d'appel de Paris à intervenir à Mme [XS] [D],

- annuler en conséquence l'élection de Mme [XS] [D] en sa qualité de membre élu du CNB au sein du collège ordinal pour la circonscription nationale.

Aux termes d'écritures déposées le 18 mars 2024, visées par le greffe ce même jour et soutenues oralement à l'audience, M. [IX] [L], demande à la cour de :

- ordonner la jonction de la présente affaire avec l'assignation en déclaration d'arrêt commun délivrée à Mme [XS] [D] le 28 novembre 2023,

- déclarer qu'en ayant pris la suite de Mme [OY] [C], Mme [XS] [D], fait partie des membres élus du CNB dont l'annulation est sollicitée,

- déclarer qu'il a un intérêt à agir, que c'est à juste titre qu'il a dirigé son action contre le CNB et qu'il a circonscrit le périmètre de cette action contre le collège ordinal national visé,

- déclarer qu'il n'avait pas personnellement à attraire dans la procédure les personnes visées par l'annulation,

- déclarer commune et opposable la décision à intervenir à Mme [XS] [D],

- annuler l'élection des 25 membres du CNB élus au sein de la circonscription nationale du collège ordinal constituée de la liste ci-dessus à laquelle s'ajoute Mme [XS] [D],

- condamner le CNB à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les intimés, personnes physiques, à l'exception de Mmes [C] et [D], à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes d'écritures préalablement communiquées, visées par le greffe le 14 décembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, le Conseil national des barreaux demande à la cour de :

- déclarer M. [L] irrecevable en son recours,

- débouter M. [L] de ses demandes,

- condamner M. [L] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [L] aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes d'écritures préalablement communiquées, visées par le greffe le 14 décembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, M. [WW] [J], président du CNB, M. [CK] [H], M.[OB] [Z], Mme [ZL] [S], M. [O] [E], M. [IA] [W], Mme [N] [A], M. [SN] [F], M. [YO] [T], M. [CV] [R], Mme [NF] [U], Mme [I] [TJ], Mme [ZL] [DS], Mme [HD] [VZ], Mme [HD] [MI], Mme [FK] [LL], Mme [M] [GH], M. [XT] [KP], Mme [P] [AD], M. [RR] [PV], M. [B] [Y] et Mme [BZ] [OC] demandent à la cour de :

à titre principal,

- rejeter comme irrecevable le recours formé par M. [IX] [L],

à titre subsidiaire,

- rejeter comme mal-fondé le recours formé par M. [IX] [L],

en tout état de cause,

- dire et juger qu'ils sont élus aux termes des opérations électorales du 24 novembre 2020,

- condamner M. [IX] [L] à verser à chacun des défendeurs la somme de 2 000 mille euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [IX] [L] aux entiers dépens de l'instance.

M. [EN] [NE], qui n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter, a écrit à la cour le 12 décembre 2023 pour excuser son absence et indiquer qu'il s'en rapportait à la sagesse de la cour, s'étonnant de ce que le recours de M. [L] s'étende à lui qui ne figurait pas parmi ceux faisant l'objet d'un soutien de la conférence des bâtonniers puisqu'il était 'candidat indépendant' selon les termes du recours.

Mme [XS] [D], régulièrement assignée à personne habilitée, n'a pas comparue et ne s'est pas fait représenter mais, par lettre du 13 décembre 2023, elle a informé la cour qu'elle ne constituerait pas avocat et ne se présenterait pas à l'audience.

Convoquée par lettre recommandée dont l'avis de réception est revenu avec la mention 'Destinataire inconnu à l'adresse', Mme [C], qui a démissionné de son mandat en 2022 et dont Mme [XS] [D] a pris la suite, n'a pas comparu.

Le ministère public, qui n'a pas déposé de conclusions écrites, a soutenu oralement :

- que M. [L] a intérêt à agir en application de l'article 33 du décret du 27 novembre 1991,

- s'en rapporter sur le défaut de qualité à défendre du CNB et le périmètre du recours,

- que toutes les personnes intéressées ont été régulièrement convoquées par le greffe,

- que les principes généraux du droit électoral ont été respectés et aucune irrégularité n'a été commise,

- et a conclu au rejet du recours.

Le président Conseil national des Barreaux, avisé, n'a pas formulé d'observations.

SUR CE

L'attrait en la cause de Mme [D], qui n'est pas contestée, est recevable.

Sur la recevabilité du recours et la qualité à défendre du CNB

Le CNB soulève tout d'abord une fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt personnel et direct à agir de M. [L], lequel n'était en 2020, ni bâtonnier ni membre du conseil de l'ordre en fonction, et ne pouvait donc pas être électeur au sein du collège ordinal, ni candidat (ce qu'il aurait pu être en sa qualité d'ancien bâtonnier) dans le collège ordinal national aux élections litigieuses, considérant que la règle posée par l'article 33 du décret du 27 novembre 1991 ne dispense pas le demandeur, qui n'était pas électeur dans le collège électoral dont il conteste les résultats et qui ne s'est pas porté candidat à l'élection, de justifier d'un intérêt personnel et direct selon les règles du code de procédure civile.

Il invoque ensuite son propre défaut de qualité à défendre en ce qu'il ne disposait de compétence propre ni dans l'organisation du scrutin, dont il fixait la date et centralisait les résultats, ni dans le déroulement de la campagne électorale, soulignant n' y avoir joué aucun rôle pas plus que dans l'organisation du scrutin au sein de chaque barreau. Il considère que le recours, à le supposer fondé, devrait donc être dirigé contre la conférence des bâtonniers ou contre les candidats élus.

Les candidats dont l'élection est contestée, parmi lesquels figurent M. [J] alors président du CNB, font valoir que :

- la saisine est irrecevable en ce que la cour n'est pas saisie de l'annulation de l'ensemble de l'élection des candidats élus au CNB en son entier mais de résultats partiels d'un seul collège,

- il appartenait à M. [L] de mettre en cause M. [J] in personam en tant qu'élu et non de se limiter uniquement à attraire le CNB qui n'est ni le candidat élu ni l'organisateur des scrutins locaux,

- elle l'est également en l'absence de mise en cause des 'défendeurs', le fait que la cour ait pallié cette carence ne régularise pas l'absence de cette mise en cause du 'défenseur', car si un arrêt de la Cour de cassation en date du 16 avril 2015 (14-14.309) est venu rappeler l'obligation du greffe de convoquer les personnes élues dont l'élection est contestée, cela ne saurait dispenser de l'obligation qui doit peser sur l'auteur d'un recours électoral d'attraire tous les élus concernés, s'agissant en particulier d'un scrutin nominal.

M. [L] estime que :

- il a intérêt à agir en ce que l'action est ouverte à tout avocat en exercice sans qu'il soit besoin de justifier d'un intérêt personnel à agir,

- l'action n'est pas réservée aux seuls avocats justifiant de la qualité d'électeur,

- quand bien même le serait-elle, cette restriction ne ferait pas obstacle à l'action dans la mesure où en sa qualité d'avocat inscrit au barreau de Nice, il bénéficie de la qualité d'électeur,

- il ne peut être exigé qu'il se soit lui-même porté candidat à l'élection pour en contester la validité, précisant qu'il y était éligible,

- en sa qualité d'ancien bâtonnier du barreau de Nice, il pouvait concourir à l'élection au sein du collège ordinal en application des dispositions de l'article 22 du décret du 27 novembre 1991 et a, en ce sens, directement et personnellement subi les diverses irrégularités ayant faussé le jeu électoral,

- il résulte de la combinaison des articles 33 et 16 du décret du 27 novembre 1991 que le CNB est nécessairement partie au recours formé contre l'élection de ses membres, peu importe qu'il ne l'ait pas visé dans son acte introductif d'instance dès lors qu'il doit être entendu en ses observations,

- il ne saurait lui être reproché de ne former aucune demande contentieuse à son endroit,

- s'agissant du périmètre du recours, les six scrutins organisés le même jour sont distincts et autonomes en sorte qu'il n'était pas tenu de solliciter l'annulation de l'ensemble de l'élection pour que son recours soit recevable,

- sur la présence à la cause des élus, il résulte de la combinaison des articles 33, 16 et 277 du décret du 27 novembre 1991, d'une part, 936 et 937 du code de procédure civile, d'autre part, qu'il appartient au greffe de la cour de convoquer toutes les personnes intéressées par le recours, le requérant n'étant tenu d'aucune diligence procédurale particulière à cet égard.

Aux termes de l'article 33 du décret du 27 novembre 1991, 'Tout avocat peut déférer l'élection des membres du Conseil national des barreaux à la cour d'appel de Paris dans le délai de huit jours à compter de la proclamation des résultats....Le recours est formé, instruit et jugé comme il est dit à l'article 16. Le greffier en chef de la cour d'appel avise immédiatement du recours le procureur général et le président du Conseil national des barreaux.'

Il résulte de ce texte que tout avocat en exercice peut former un recours contre l'élection des membres du CNB, sans avoir à justifier d'un autre intérêt personnel, spécialement tiré de sa qualité d'électeur ou de candidat.

L'article 16 du décret du 27 novembre 1991, auquel renvoie l'article 33, qui prévoit que le conseil de l'ordre est partie à l'instance, est relatif à la procédure à suivre en matière de recours contre une décision de ce conseil.

Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le recours n'est pas exercé contre une décision du CNB.

Il s'ensuit que celui-ci n'est pas nécessairement partie à l'instance. Seul son président doit être avisé du recours et entendu en ses observations. Il n'appartient donc pas au requérant d'attraire directement le CNB ou son président, lequel a toutefois conclu avec l'ensemble des personnes dont l'élection est contestée.

Il ne lui incombe pas plus, à peine d'irrecevabilité du recours, de mettre en cause chacun des élus dont l'élection est contestée, cette formalité incombant en tout état de cause au greffe de la cour par application des articles 936 et 937 du code de procédure civile, étant relevé qu'en l'espèce, celles-ci ont toutes été attraites à l'instance par ce greffe.

Selon l'article 20 du décret du 27 novembre 1991, 'Le collège ordinal et le collège général sont divisés en deux circonscriptions, l'une nationale, à l'exception du barreau de Paris, l'autre correspondant à ce barreau.'

L'article 22 du même texte précise 'Le collège ordinal est composé, dans chacune des circonscriptions, du ou des bâtonniers et des membres du ou des conseils de l'ordre exerçant leurs fonctions dans la circonscription concernée.

Sont éligibles par ce collège, au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les bâtonniers, anciens bâtonniers, vice-bâtonniers, anciens vice-bâtonniers et membres et anciens membres des conseils de l'ordre exerçant la profession d'avocat, ainsi que les présidents et membres des anciennes commissions nationale et régionales des conseils juridiques exerçant la profession d'avocat.

Au sein de chacune des circonscriptions, la moitié des sièges à pourvoir est réservée à des candidats de sexe féminin, l'autre moitié à des candidats de sexe masculin.

A cet effet, deux scrutins distincts sont organisés aux fins d'élection des candidats de chaque sexe, chaque électeur disposant du même nombre de voix pour chacun de ces deux scrutins.'

Il découle de ces textes, et de l'article 27 du même décret, qui prévoit que l'élection a lieu le même jour pour les deux collèges, que plusieurs scrutins distincts sont organisés le même jour.

M. [L] ne conteste que l'élection des 24 personnes élues au sein de la circonscription nationale du collège ordinal du CNB qui s'est déroulée le 24 novembre 2020.

Bien qu'il s'agisse d'une élection unique, elle comporte des scrutins distincts avec des candidats différents, en sorte qu'il n'était pas tenu de déférer à la cour l'ensemble de l'élection des membres du CNB d'autant que les griefs qu'il forme ne sont relatifs qu'au collège ordinal national qu'il conteste.

Il s'en déduit que le recours formé par M. [L] est recevable.

Sur le bien fondé du recours

M. [L] prétend que :

- les conditions dans lesquelles s'est déroulé le scrutin révèle de nombreuses irrégularités de nature à altérer la sincérité du vote, lesquelles doivent être appréciées au prisme des principes généraux du droit électoral,

- la conférence des bâtonniers a arrêté une liste de 26 candidats qu'elle a appelé à élire préférentiellement sur les 31 candidatures enregistrées par le CNB pour la circonscription nationale du collège ordinal,

- la plaquette de la conférence des bâtonniers diffusée auprès de l'ensemble des électeurs du collège ordinal dans les semaines précédant le scrutin vise, par sa formulation, à désinformer les électeurs en les dissuadant de porter leurs suffrages sur l'un des cinq candidats ne bénéficiant pas de l'agrément de l'institution ce qui porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats,

- l'utilisation du vocable 'liste finale' lors de l'interview donnée le 17 novembre 2020 par Mme [FK] [V], présidente en exercice de la conférence des bâtonniers, à la Gazette du Palais, vise à accréditer la thèse selon laquelle les électeurs seraient appelés à participer à un scrutin de liste et non à un scrutin uninominal,

- la diffusion de cette communication sur les réseaux sociaux par la conférence des bâtonniers et la mention dans ce texte des comptes Tweeter officiels du CNB et de sa présidente, ont conféré une autorité particulière au message, laissant supposer que la composition de cette 'équipe' de candidats serait agréée par l'institution représentative elle-même,

- à l'issue de l'élection, la conférence des bâtonniers a revendiqué la victoire de 'sa liste',

- les procédés déployés par la conférence des bâtonniers ont eu pour objectif commun d'assimiler l'élection du collège ordinal à un scrutin de liste là où l'article 22 du décret du 27 novembre 1991 dispose qu'il s'agit d'un scrutin uninominal,

- cette communication porte atteinte à l'information sincère des électeurs et au principe d'égalité entre les candidats,

- les candidats n'ont pas disposé de moyens de campagne identiques, du moins équivalents, afin de se présenter à armes égales devant les électeurs puisque 26 des 31 candidats ont bénéficié du soutien matériel et logistique de la conférence des bâtonniers, l'examen des comptes de l'association pour l'exercice écoulé révélant une somme de 1 151 779 euros consacrée à des achats et charges externes dont les dépenses de communication exposées dans le cadre de la campagne électorale, cette situation générant une rupture d'égalité entre les candidats,

- la stratégie de communication mise en oeuvre par la conférence des bâtonniers s'analyse en une diffusion de fausse nouvelle au sens du code électoral et de la jurisprudence, circonstance de nature à altérer la sincérité du scrutin et la complète information des électeurs,

- s'agissant de ces deux arguments, il est demandé à la cour, pour s'opposer à l'irrecevabilité soulevée, de faire application de la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière électorale, soulignant qu'il s'agit d'une procédure orale,

- le procédé mis en oeuvre porte atteinte à la liberté du vote en ce qu'il conduit à écarter du scrutin les membres et anciens membres des conseils de l'ordre, alors qu'ils sont éligibles, au profit des bâtonniers qui sont les seuls à bénéficier du soutien de la conférence des bâtonniers,

- compte-tenu de l'importante disproportion entre les nombres de bâtonniers et de membres des conseils de l'ordre, ce dispositif fausse le jeu électoral en conférant aux candidats bâtonniers et anciens bâtonniers une audience très supérieure à leur représentativité réelle au sein du corps électoral, cette situation portant également atteinte au libre choix de l'électeur,

- chaque bâtonnier, en sa qualité d'organisateur local du scrutin, est soumis à une obligation de neutralité qui en l'espèce n'a pas été respectée comme le montrent l'édition d'octobre 2020 de la 'Lettre de la conférence des bâtonniers' dans laquelle il est demandé aux bâtonniers de favoriser 26 des 31 candidats en incitant les membres du conseil de l'ordre à leur apporter leurs suffrages, les courriers de Mme [V] des 6 et 11 novembre 2020 adressés à l'ensemble des bâtonniers visant à déconsidérer les cinq candidats ne bénéficiant pas de l'agrément de l'association qu'elle présidait, et l'intervention de Mme [JT] [G], vice-présidente de la conférence des bâtonniers, lors de l'assemblée générale de la conférence des bâtonniers tenue en visioconférence le 20 novembre 2020, ce que le CNB reconnaît,

- étant organisatrice des élections, la Conférence des bâtonniers a une obligation de stricte neutralité,

- l'atteinte au principe de neutralité est d'autant plus avérée que, consécutivement au dépôt de son recours et postérieurement à l'arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 2021, le CNB

a entrepris de refondre les modalités du vote pour les élections de 2023 afin de décharger les bâtonniers de l'organisation des opérations électorales et du dépouillement des votes et de devenir lui-même l'organisateur de ces élections,

- les consignes données par la conférence des bâtonniers ont été appliquées par de nombreux bâtonniers qui les ont relayées sur les réseaux sociaux par le biais du compte institutionnel de leur ordre, comme le démontrent de nombreux tweets,

- ces irrégularités, contraires aux principes généraux du droit électoral, justifient l'annulation des élections,

- à titre surabondant, elles ont eu une influence sur les résultats du vote au regard du caractère extrêmement serré du résultat de l'élection.

Le CNB estime que la demande est mal fondée en ce que :

- les principes généraux du droit électoral ont été respectés,

- aucune atteinte aux principes d'information sincère des électeurs et d'égalité entre les candidats ne peut être retenue dès lors que les communications de la conférence des bâtonniers n'ont pas induit les électeurs en erreur en les incitant à voter pour une liste préétablie, les électeurs étaient parfaitement avertis qu'ils devaient voter pour chaque candidat de manière individuelle et nominale en cochant devant chaque nom choisi, les candidatures ont été déposées de manière individuelle et les professions de foi de chacun des candidats diffusées,

- aucun manquement à une prétendue obligation de neutralité, au demeurant non établie, n'est caractérisé, la Cour de cassation ayant affirmé que la jurisprudence électorale en droit social n'était pas transposable,

- ni la jurisprudence ni la réglementation applicable à la composition du CNB n'imposent une obligation de neutralité à l'organisateur de ces élections,

- les modalités d'élection ont respecté le principe de liberté de vote des électeurs, aucun texte n'imposant à la conférence des bâtonniers de soutenir des candidats exerçant chacune des fonctions listées à l'article 22 du décret du 27 novembre 1991 ; elles ont été affichées sur son site et communiquées à tous les avocats par une newsletter spéciale ; tous les membres et anciens membres des conseils de l'ordre et tous les présidents et membres des anciennes commissions nationales et régionales des conseils juridiques ont été avertis et en mesure de se présenter individuellement à ces élections,

- le tableau de synthèse des résultats montre une hétérogénéité des suffrages exprimés et un écart de voix important entre les différents candidats élus,

- aucun principe général du droit électoral ni aucun texte n'empêchent la conférence des bâtonniers de soutenir une liste et de communiquer à ce sujet,

- la réforme des élections qui répond à un souci de simplification et de sécurisation des votes n'est pas consécutive à la procédure initiée par M. [L].

Les candidats représentés dont l'élection est contestée répliquent que :

- les griefs soulevés ne sont pas constitués et ne sont pas de nature en tout état de cause à remettre en cause l'élection des candidats élus,

- la protestation électorale ab initio reçue le 8 décembre 2020 ne comporte que trois griefs, de sorte que les deux autres griefs invoqués dans les écritures ultérieures de M. [L] et après le délai de recours sont irrecevables par analogie avec la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière électorale de droit commun,

- sur le premier grief, tiré de ce que la conférence des bâtonniers aurait cherché à faire passer le scrutin du collège ordinal pour un scrutin de liste, celui-ci est contredit par l'information institutionnelle diffusée par le CNB, la nature des informations adressées par la conférence des bâtonniers, les résultats des candidats qui se sont tous engagés individuellement et ont mené campagne pour eux-mêmes à l'aide de profession de foi répondant à un format commun et comportant le logo de l'organisme avec lequel ils partagent et portent les idées,

- sur le deuxième grief tiré de ce que les candidats recommandés par la conférence des bâtonniers seraient tous des bâtonniers en exercice ou d'anciens bâtonniers, il n'y a pas de violation des principes généraux du droit électoral à ce que la conférence des bâtonniers soutienne des bâtonniers en exercice ou non, la liberté de vote de l'électeur étant respectée,

- sur le troisième grief tiré de l'obligation de neutralité des organisateurs du scrutin, il n'est pas démontré en quoi l'intervention orale d'un bâtonnier et des tweets d'information seraient de nature à remettre en cause l'élection de chacun des membres élus,

- sur le quatrième grief tiré de la rupture d'égalité entre les candidats au regard des dépenses de communication exposées par la conférence des bâtonniers, le fait pour un organisme de soutenir des candidats ne constitue pas une rupture d'égalité entre eux,

- sur le cinquième grief tiré de ce que la stratégie mise en place par la conférence des bâtonniers constituerait une diffusion de fausse nouvelle, l'article L.163-2 du code électoral est réservé aux élections politiques,

- sur le nouveau grief tiré de la modification des modalités de vote pour le scrutin aux élections en 2023, celle-ci s'explique par le fait que le CNB a désormais une administration très compétente pour gérer l'organisation d'une élection nationale,

- les résultats des élections 2023 montrent que M. [L] impute à tort à la conférence des bâtonniers un rôle sur l'électeur qu'elle n'a pas,

- l'écart de voix entre le dernier candidat élu et le premier non élu traduit bien le choix libre et éclairé du corps électoral, de sorte que les griefs même à les supposer établis ne sont pas de nature à altérer les résultats.

Il n'est pas discuté que les dispositions du code électoral ne s'appliquent pas à cette élection d'ordre professionnel.

La procédure étant orale, les moyens nouveaux développés par M. [L] au soutien de son recours sont recevables.

Il appartient au demandeur de rapporter la preuve de l'existence d'irrégularités au regard des principes généraux du droit électoral dont l'objectif est d'assurer la complète information de l'électeur, son libre choix, l'égalité entre les candidats, le secret du vote et sa sincérité.

Aux termes de l'article 22 du décret du 27 novembre 1991, dans sa version alors applicable, 'Le collège ordinal est composé, dans chacune des circonscriptions, du ou des bâtonniers et des membres du ou des conseils de l'ordre exerçant leurs fonctions dans la circonscription concernée.

Sont éligibles par ce collège, au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les bâtonniers, anciens bâtonniers, vice-bâtonniers, anciens vice-bâtonniers et membres et anciens membres des conseils de l'ordre exerçant la profession d'avocat, ainsi que les présidents et membres des anciennes commissions nationale et régionales des conseils juridiques exerçant la profession d'avocat.

Conformément à l'article 24 du même texte, c'est le bâtonnier, qui dans chaque barreau, est chargé de l'organisation des opérations électorales. Ce n'était donc à l'époque de l'élection litigieuse ni le Conseil national des barreaux ni la conférence des bâtonniers.

La jurisprudence électorale en droit social, invoquée par l'appelant, qui impose à l'employeur une obligation de neutralité dans le cadre des élections qui se déroulent dans son entreprise, n'est pas transposable au bâtonnier pour l'élection des membres du CNB en l'absence de rapport de subordination entre les bâtonniers organisateurs et les avocats électeurs.

Il ne peut pas plus être reproché à la conférence des bâtonniers un manquement à une obligation de neutralité qu'elle n'a pas. En effet, cette association régie par la loi du 1er juillet 1901 qui regroupe des barreaux français à l'exception notamment de celui de [Localité 55], a pour mandat de défendre les prérogatives des bâtonniers ainsi que les intérêts des ordres.

Il est établi par les pièces produites que les modalités de l'élection ont été affichées sur le site du CNB et communiquées à tous les avocats à travers une newsletter 'spéciale élections' ; qu'il y est rappelé que sont éligibles non seulement les bâtonniers, anciens bâtonniers, vice-bâtonniers et anciens vice-bâtonniers mais également les membres et anciens membres du conseil de l'ordre; que chacun des candidats a été invité à adresser au CNB sa candidature de manière individuelle ainsi qu'une profession de foi qui a été publiée sur son site ; enfin que les électeurs, qui étaient nécessairement tous avocats, ont été avertis qu'ils devaient voter pour douze candidats, chacun de manière individuelle et nominale, en cochant devant chaque nom choisi, sur une liste de quatorze noms, le bulletin de vote précisant 'Mettre une croix dans les cases correspondantes aux candidatures retenues dans la limite de 12 au maximum'.

La plaquette de la conférence des bâtonniers présente la liste des candidats des ordres qu'elle soutient comme une équipe engagée pour représenter les avocats et défendre les ordres au sein du CNB. Elle rappelle le rôle et l'action des commissions au sein du CNB, explique ce qu'est le collège ordinal, notamment '40 membres élus (24 représentants des barreaux de province et 16 représentants du barreau de Paris) élus au scrutin uninominal majoritaire par les bâtonniers et membres des conseils de l'ordre en exercice', qui va être élu le 24 novembre 2020, soit '24 membres (12 hommes et 12 femmes) du collège ordinal représentant les barreaux de province que vous devez élire, en votre qualité de bâtonnier ou de membre du conseil de l'ordre' et comment voter en ces termes 'La liste présentée ci-dessus comprend 26 noms : 13 hommes et 13 femmes. Vous devez choisir par ces noms les 24 personnes,12 hommes et 12 femmes, qui composeront l'équipe du collège ordinal des barreaux de province au sein de l'institution représentative des avocats. Attention ! Pour être valable, votre vote ne doit porter au maximum que sur 12 hommes et 12 femmes.'

Cette plaquette a été relayée sur le compte twitter de la conférence des bâtonniers dans les jours qui ont précédé l'élection ainsi que sur les comptes de plusieurs barreaux.

Dans la lettre de la conférence des bâtonniers parue en octobre 2020, les bâtonniers ont été invités à 'mobiliser les membres de leurs conseils de l'ordre sur l'importance de ce scrutin et les inciter à voter pour l'équipe proposée'.

Par lettres des 6 et 10 novembre 2020 adressées aux bâtonniers, Mme [FK] [V], alors présidente de la conférence des bâtonniers, réagissant à des détournements de visuels créés et utilisés par les candidats soutenus par la conférence par des candidats 'souhaitant entretenir la confusion et donner l'illusion qu'ils pourraient être, eux aussi, soutenus par la conférence des bâtonniers' ainsi qu'à une désinformation par des candidats 'hors liste' sur la position de cette association sur l'avocat d'entreprise, leur a rappelé qu'il y avait 31 candidats dont 26 soutenus par la conférence, soulignant 'Ce sont des confrères dignes qui agissent avec probité ; des confrères qui revendiquent et appliquent les valeurs de notre serment.'

Dans un article publié dans la Gazette du palais du 17 novembre 2020, relatif aux élections organisées pendant la crise sanitaire, Mme [FK] [V] a par ailleurs expliqué que 'Pour la circonscription nationale (hors Paris), les conférences régionales proposent des candidats à la conférence des bâtonniers, qui détermine la liste finale sur la base de leurs recommandations.'

Enfin, par un message adressé aux participants de l'assemblée générale de la conférence, organisée par visioconférence le 20 novembre 2020, Mme [JT] [G], vice-présidente de la conférence des bâtonniers, a également invité les bâtonniers à faire voter le plus largement possible les membres de leur conseil de l'ordre pour la liste de la conférence, indiquant que ' des candidatures individuelles hors liste, toutes portées par un même syndicat, viennent fragiliser l'équilibre de la future mandature du CNB'.

Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, ces différents messages et documents, qui s'inscrivent dans le cadre d'une campagne de communication destinée à soutenir des candidats en vue d'une élection, s'ils tentent logiquement d'inciter les électeurs à porter leurs suffrages sur les candidats soutenus et non sur les autres, n'ont pas pour autant porté atteinte à l'information sincère des électeurs, nécessairement tous avocats et éclairés sur les modalités et enjeux de cette élection qui se produit tous les trois ans, et à leur liberté de choix en ce qu'ils n'ont pas pu malgré l'usage de terme -impropre - de liste s'agissant d'un scrutin nominal comme le rappellent les règles publiées - leur faire croire qu'il s'agissait d'un scrutin de liste et non d'un scrutin uninominal ou qu'il s'agissait de candidats agréés par le CNB lui-même, l'information diffusée sur le site du CNB et les bulletins de vote étant parfaitement clairs à cet égard.

Il importe peu que la conférence des bâtonniers n'ait soutenu que des bâtonniers en exercice ou non dès lors que sa communication n'a pas non plus conduit à écarter du scrutin les membres et anciens membres des conseils de l'ordre. Il ressort en effet des pièces produites par M. [L] que MM. [UG] [K] et [EO] [VC], membre ou ancien membre du conseil de l'ordre, se sont portés candidats à cette élection, et que M. [NE], ancien bâtonnier non soutenu par la conférence a été élu, la liberté de vote des électeurs étant ainsi respectée.

Outre que l'article L.163-2 du code électoral est réservé aux élections politiques, cette communication ne s'analyse pas plus en une diffusion de fausse nouvelle au sens de ce texte.

M. [L], qui n'invoque aucune disposition légale selon laquelle les candidats à cette élection devraient disposer de moyens équivalents, affirme mais ne démontre pas que ces candidats n'ont pas bénéficié de moyens de campagne identiques, du moins équivalents, générant une rupture d'égalité entre eux.

En effet, si 26 des 31 candidats ont profité du soutien de la conférence des bâtonniers par les publications rapportées ci-dessus, les comptes de l'association pour l'exercice 2020 montrent une somme de 1 151 779 euros consacrée à des achats et charges externes sans précision sur la part dans ceux-ci des dépenses de communication exposées dans le cadre de la campagne électorale litigieuse alors que ne sont pas objectivée de dépenses particulière à cet égard et, par ailleurs, aucun élément n'est apporté sur le soutien matériel que les autres candidats ont pu obtenir.

Aucune atteinte au principe d'égalité entre les candidats n'est donc caractérisée.

Enfin, l'argument relatif aux modifications postérieures des modalités de vote de ces élections afin de décharger les bâtonniers de l'organisation des opérations électorales et du dépouillement des votes au profit du CNB, est inopérant.

M. [L] ne rapporte donc pas la preuve de l'existence d'irrégularités au regard des principes généraux du droit électoral.

Il convient de relever, de surcroît, qu'il existe un écart de voix important entre d'une part Mme [DS], élue avec 18 403 voix, et Mme [D], première non élue avec 16 241 voix, et d'autre part, M. [NE], élu avec 13 925 voix et M. [VC], premier non élu avec 13 574 voix, de sorte qu'à supposer même l'existence d'une irrégularité, celle-ci n'aurait eu aucune influence sur les résultats du vote, même en tenant compte des pondérations appliquées par barreau.

Le recours est en conséquence rejeté.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- Déclare recevable le recours formé par M. [IX] [L] contre l'élection des 24 personnes élues au sein de la circonscription nationale du collège ordinal du CNB qui s'est déroulée le 24 novembre 2020, pour la mandature 2021-2023,

- Déclare recevable l'intervention forcée à l'instance de Mme [XS] [D],

- Déboute M. [IX] [L] de son recours,

- Condamne M. [IX] [L] à payer la somme de 2 000 euros au Conseil national des barreaux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [IX] [L] à payer la somme totale de 1 000 euros à M. [WW] [J], M. [CK] [H], M. [OB] [Z], Mme [ZL] [S], M. [O] [E], M. [IA] [W], Mme [N] [A], M. [SN] [F], M. [YO] [T], M. [CV] [R], Mme [NF] [U], Mme [I] [TJ], Mme [ZL] [DS], Mme [HD] [VZ], Mme [HD] [MI], Mme [FK] [LL], Mme [M] [GH], M. [XT] [KP], Mme [P] [AD], M. [RR] [PV], M. [B] [Y] et Mme [BZ] [OC] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [IX] [L] aux dépens.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 23/12065
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.12065 ?
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