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16/05/2024 | FRANCE | N°23/11807

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 mai 2024, 23/11807


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 16 MAI 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11807 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH5DY



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mai 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'EVRY COURCOURONNES - RG n° 21/00946





APPELANT



LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE

LA RESIDENCE ESSONIA IMMEUBLES, représentée par son syndic bénévole, Mme [C] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 16 MAI 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11807 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH5DY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mai 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'EVRY COURCOURONNES - RG n° 21/00946

APPELANT

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE ESSONIA IMMEUBLES, représentée par son syndic bénévole, Mme [C] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMES

M. [W] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

M. [B] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-sébastien TESLER de la SELARL AD LITEM JURIS, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

MM. [V] et [P] sont propriétaires indivis d'un appartement et d'un emplacement de parking (lots n°70 et 5212) dans la résidence Essonia sise [Adresse 1] à [Localité 2].

Par actes du 13 octobre 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence Essonia a fait assigner MM. [V] et [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry aux fins de les voir condamnés à déposer les brises-vue et installations réalisées sans autorisation sur leur balcon dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et à remettre en état les façades de l'immeuble, à leur frais.

Par ordonnance contradictoire du 23 mai 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry a :

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 2],

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute demande plus ample ou contraire,

condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens.

Par déclaration du 04 juillet 2023, le syndicat des copropriétaires de la résidence Essonia a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 mars 2024, il demande à la cour, au visa des articles 14, 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 835 du code de procédure civile, de :

infirmer l'ordonnance rendue le 23 mai 2023,

Statuant à nouveau :

recevoir le syndicat des copropriétaires en ses demandes et le déclarer bien fondé,

rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de MM. [V] et [P],

ordonner à MM. [V] et [P] de procéder à la dépose de tous les brises-vue, tôle et installations effectués, sans aucune autorisation, sur leur balcon, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ou à défaut de sa signification,

se réserver la liquidation de l'astreinte,

ordonner la remise en état de la façade, aux frais exclusifs de MM. [V] et [P], par un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat des copropriétaires,

condamner in solidum MM. [V] et [P] à payer au syndicat de copropriété la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au profit de la société BDL Avocats en la personne de Me Frédéric Lallement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Essonia fait valoir :

- que son action est recevable : il n'est pas démontré par les attestations de complaisance de MM. [V] et [P] qu'ils auraient installé les brises-vue litigieux en septembre 2011 comme ils le prétendent ; en tout état de cause ils ont refait les travaux en 2023 et se sont vu refuser par l'assemblée générale des copropriétaires du 30 décembre 2020 leur ratification, ce qui a impliqué un nouveau délai de prescription de cinq ans ;

- que le trouble manifestement illicite est bien caractérisé : les brises-vue ont été apposés sur une partie commune (le mur extérieur des façades, le balcon), nécessitant une autorisation préalable de la copropriété en application de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ; il ne résulte pas de la résolution 18 de l'assemblée générale du 17 novembre 2011 un accord de la copropriété , cette résolution n'ayant que donné mandat au syndic, après avis du conseil syndical, de définir le type de brise-vue à installer le cas échéant sur les balcons ; en application de cette résolution le conseil syndical a déterminé le type de brise-vue à installer et l'a indiqué au syndic par mail du 18 mars 2014 ; MM. [V] et [P] ne justifient pas d'un procès-verbal du conseil syndical autorisant leurs brises-vue ; ceux-ci ne correspondent pas à ceux définis par le syndic avec l'accord du conseil syndical ; en outre le maintien des brises-vue s'inscrit en violation de la décision de l'assemblée générale de ratifier l'installation de MM. [V] et [P], ce qui suffit à caractériser le trouble manifestement illicite ; par ailleurs ces brises-vue causent un trouble anormal au voisinage (nuisances sonores en cas de vent) et un risque pour la sécurité des occupants ou des tiers (solidité insuffisante).

Par dernières conclusions remises et notifiées le 18 mars 2024, MM. [V] et [P] demandent à la cour, de :

confirmer l'ordonnance du 23 mai 2023 en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à référé au titre des demandes formées par le syndicat de copropriétaires et le condamne aux dépens d'instance,

infirmer l'ordonnance en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à allocation d'une quelconque somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au profit des intimés,

En conséquence et en toute hypothèse :

déclarer n'y avoir lieu à référé en présence d'une contestation sérieuse et en l'absence d'un trouble manifestement illicite,

si par impossible la Cour disait y avoir lieu à référé, juger irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires en raison de la prescription,

statuant de nouveau de ce chef, condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Essonia à leur verser la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

Y ajoutant,

condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Essonia à leur verser la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Essonia aux entiers dépens d'appel.

Ils soutiennent en substance :

- qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite dès lors que :

la pose de brises-vue n'est pas interdite par le règlement de copropriété ni même soumise à l'approbation des copropriétaires,

l'assemblée générale des copropriétaires de juillet 2011 a voté le principe d'installation des brises-vue,

le syndicat des copropriétaires ne fait état ni d'une décision d'assemblée générale, ni d'une décision du conseil syndical communiquée à l'ensemble des copropriétaires faisant état de manière précise du type de brise-vue autorisé,

le syndicat des copropriétaires ne démontre pas une atteinte aux parties communes (aucune atteinte au gros oeuvre de l'immeuble), de même qu'à l'aspect ou l'harmonie de l'immeuble,

le syndicat des copropriétaires ne démontre aucun préjudice (dangerosité, nuisances sonores, etc.) ;

- qu'il existe une contestation sérieuse tenant à la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires, les brises-vue litigieux ayant été installés en septembre 2011 et l'action du syndicat soumise à un délai de cinq ans en application des articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 2224 du code civil, l'ajout de câbles pour attacher ces brises-vue aux gardes-corps n'étant pas de nature à remettre en cause la prescription, n'ayant été effectué que pour satisfaire aux préoccupations de la copropriété sur la solidité de l'ouvrage, le défaut de ratification de l'installation par l'assemblée générale des copropriétaires en 2020 ne faisant pas non plus échec à la prescription, ce vote n'ayant aucune valeur, ayant été dénaturé par le syndic bénévole.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

MM. [V] et [P] opposent principalement la prescription à l'action du syndicat des copropriétaires en cessation du trouble manifestement illicite dont ce dernier se prévaut du fait de l'installation des brises-vue litigieux sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.

Il résulte en effet de l'application combinée des articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 2224 du code civil que l'action du syndicat des copropriétaires en cessation du trouble manifestement illicite résultant de la violation par les copropriétaires du règlement de copropriété est soumise à un délai de prescription de 5 ans qui court à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'infraction commise, soit en l'espèce la date à laquelle MM. [V] et [P] ont installé les brises-vue sur le balcon de leur lot.

Il est d'abord acquis que ces derniers ont pris possession de leur lot le 26 juillet 2011, ce qui rend crédible leurs déclarations selon lesquelles ils ont réalisé l'installation litigieuse dès septembre 2011.

Pour le prouver, ils produisent le témoignage écrit de personnes déclarant avoir été propriétaires dans l'immeuble en cause et attestant que les brises-vue de MM. [V] et [P] ont été installés dès l'arrivée de ces derniers en 2011 (M. [X], M. [R], Mme [N], Mme [U], Mme [L], M. [G], M. [A]).

Le syndicat des copropriétaires argue de non probants car complaisants ces témoignages mais ne produit aucun élément de nature à contredire la réalité du fait que ces témoins déclarent avoir constaté, à savoir l'installation des brises-vue de MM. [P] et [V] dès 2011. Il ne produit aucun élément contraire permettant d'établir que cette installation aurait en réalité été effectuée à une autre date et en tout cas moins de cinq ans avant que le syndicat n'assigne MM. [P] et [V] en référé par acte du 13 octobre 2021.

La réalisation de travaux modificatifs en 2023 n'a pas eu pour effet de proroger le point de départ du délai de prescription, alors que selon l'article 2224 du code civil ce point de départ se situe au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, et que c'est incontestablement à la date des travaux initiaux que le syndicat a connu ou aurait dû connaître l'installation des brises-vue non autorisée.

Pour le même motif, n'a pas eu non plus pour effet de modifier le point de départ du délai de prescription le refus opposé le 30 décembre 2020 par l'assemblée générale des copropriétaires à la demande de ratification de l'installation formée par MM. [P] et [V] après qu'ils aient été mis en demeure de la déposer.

Il apparaît ainsi que son action étant manifestement prescrite, l'appelant ne peut plus se prévaloir d'un trouble manifestement illicite résultant de l'installation litigieuse.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat des copropriétaires, la cour substituant cependant ses motifs à ceux du premier juge qui, sans se prononcer sur la prescription pourtant soulevée, a considéré que le syndicat des copropriétaires échouait à faire la preuve d'une atteinte à l'aspect ou l'harmonie de l'immeuble ou d'une dégradation des parties communes.

L'ordonnance sera également confirmée sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dont elle a fait une juste appréciation.

Perdant en appel, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux entiers dépens de cette instance.

L'équité commande toutefois d'écarter, comme en première instance, l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne aux entiers dépens de l'instance d'appel le syndicat des copropriétaires de la résidence Essonia sise [Adresse 1] à [Localité 2],

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/11807
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.11807 ?
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