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16/05/2024 | FRANCE | N°23/08070

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 mai 2024, 23/08070


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 16 MAI 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08070 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHRWR



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Avril 2023 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°2023014022





APPELANTE



S.A.S. SYG ENERGIE, RCS de Paris sous le n°840 574 933,

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Jean-raphaël ALTABEF de la SELARL CJE, avoc...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 16 MAI 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08070 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHRWR

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Avril 2023 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°2023014022

APPELANTE

S.A.S. SYG ENERGIE, RCS de Paris sous le n°840 574 933, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-raphaël ALTABEF de la SELARL CJE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0231

INTIMEE

S.A.S. CAL'HAUTS DE FRANCE, RCS de Créteil sous le n°884 787 276, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878, et ayant pour avocat plaidant Me Jérémie COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2181

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, Michèle CHOPIN, Conseillère, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (ci-après CEE) créé par la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 constitue un des instruments de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Il repose sur l'obligation d'économie d'énergie matérialisée par l'obtention d'un volume déterminé de CEE exprimé en kilowattheures cumulés (cumac) imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d'énergie sous peine d'application de pénalités réglementaires. Les fournisseurs d'énergie peuvent déléguer toute ou partie de leurs obligations à des sociétés tierces.

La société Syg énergie exerce une activité de conseil en travaux d'isolation thermique, d'achat/vente de matériel d'isolation thermique et d'études et services relatifs aux certificats d'économie d'énergie (CEE).

Elle permet ainsi aux distributeurs d'énergie, appelés « obligés », d'obtenir des certificats d'économies d'énergies (CEE), délivrés par le ministère de la transition énergétique, qui compensent les émissions de Co2 par le financement de travaux de rénovation et d'isolation thermique, afin de réaliser des économies d'énergies.

Pour obtenir des CEE au profit de ces obligés, la société Syg énergie confie à des entreprises spécialisées la réalisation des travaux d'isolation thermique au sein d'entreprises, d'administrations ou de communautés territoriales.

La société Syg énergie et la société la société Cal'Hauts de France ont conclu un contrat cadre d'apporteur d'affaires le 19 octobre 2021, au titre duquel cette dernière a été chargée de mettre en relation la société Syg énergie et des entreprises de travaux en mesure d'effectuer des travaux d'isolation thermique chez les clients finaux (partenaires, collectivités territoriales, entreprises ') en contrepartie d'une commission.

La société Syg énergie a adressé à Cal'Hauts de France un courrier recommandé avec avis de réception valant résiliation du contrat consenti en date du 27 novembre 2022.

Par ordonnance du 5 décembre 2022 dénoncée par procès-verbal du 8 décembre 2022, la société Cal'Hauts de France a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains du LCL, Crédit Lyonnais, sur toutes créances détenues par la société Syg énergie en garantie de la somme de 708.778,98 euros.

Par exploit du 5 janvier 2023, la société Cal'Hauts de France a fait assigner en référé la société Syg énergie devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :

- condamner la société Syg énergie à lui verser la somme de 622.223,06 euros sous forme de provision, outre intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2022, pour les commissions dues sur la période du 1er mars 2022 au 30 janvier 2023 ;

- condamner la société Syg énergie à lui verser la somme de 339.671,39 euros sous forme de provision, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2022, pour les commissions dues sur la période du 1er février 2023 au 17 février 2023 ;

- enjoindre la société Syg énergie de communiquer, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, l'ensemble des documents justifiant sur le volume de CEE valorisés auprès des pollueurs, comprenant les bonifications liées aux bailleurs sociaux pour l'ensemble des chantiers réalisés par les sociétés BTP 13 et Protech ingénierie et maintenance, depuis le 19 octobre 2021 à ce jour.

Par ordonnance rendue sur requête et au visa des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, le 30 janvier 2023, le président du tribunal de commerce de Paris a autorisé la société Cal'Hauts de France à faire pratiquer une mesure d'instruction auprès de la société Syg énergie et du pôle national des certificats d'énergie (PNCEE) afin de rechercher le volume de GWh cumac déposé par la société BP France ayant pour mandataire la société Syg énergie pour les travaux réalisés par les société BTP 13 et Protech Ingénierie et maintenance.

Par ordonnance contradictoire du 21 avril 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- condamné par provision la société Syg énergie à payer à la société Cal'Hauts de France la somme de 338.948,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2022 ;

- ordonné au séquestre de la saisie-conservatoire pratiquée le 6 décembre 2022, Me [W], ès qualités, de remettre la somme susvisée à la société Cal'Hauts de France et de restituer à la société Syg énergie le surplus ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes, ni à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné en outre la société Syg énergie aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.

Par déclaration du 28 avril 2023, la société Syg énergie a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 18 mars 2023, la société Syg énergie demande à la cour, au visa des articles 905-2, 960 et 961 du code de procédure civile, de :

- l'accueillir en ses explications ;

- l'y dire recevable et bien fondée ;

En conséquence,

- infirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a condamné la société Syg énergie à payer par provision la somme de 338.48,47 euros à la société Cal'Hauts de France,

- constater que les demandes de la société Cal'Hauts de France se heurtent à des contestations sérieuses,

- débouter la société Syg énergie de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Cal'Hauts de France à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 mars 2024, la société Cal'Hauts de France demande à la cour, au visa des articles 873 du code de procédure civile, 1103 et 1104 du code civil, de :

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société Syg énergie ;

- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses conclusions, demandes et appel incident ;

Y faisant droit :

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle est entrée en voie de condamnation contre la société Syg énergie mais l'infirmer en ce qu'elle a limité le quantum des condamnations provisionnelles la somme de 338.948,47 euros ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a débouté la société Cal'Hauts de France de sa demande de communication sous astreinte de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau :

- condamner la société Syg énergie à lui verser la somme de 1.828.050,49 euros sous forme de provision, outre intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2022 ;

- enjoindre la société Syg énergie de communiquer sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, l'ensemble des documents justifiant le volume de CEE valorisés auprès des pollueurs, comprenant les bonifications liées aux bailleurs sociaux pour l'ensemble des chantiers réalisés par les sociétés BTP 13 et Protech ingénierie et maintenance depuis le 19 octobre 2021 à ce jour ;

A titre subsidiaire :

- condamner la société Syg énergie à lui verser la somme de 1.371.037,87 euros sous forme de provision outre intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2022 ;

En toute hypothèse :

- débouter la société Syg énergie de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Syg énergie à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Syg énergie aux entiers dépens de la présente instance.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

A titre liminaire, il sera relevé que la cour n'est pas saisie de la disposition de l'ordonnance rendue ordonnant au séquestre de la saisie conservatoire de remettre la somme de 338.948,47 euros à la société Cal'Hauts de France et de restituer le surplus à la société Syg énergie.

Sur la recevabilité des écritures notifiées le 23 juin 2023 par la société Cal'Hauts de France

En l'espèce, il est reproché à la société Cal'Hauts de France d'avoir indiqué un siège social fictif dans la constitution de son conseil et ses écritures notifiées par RPVA le 23 juin 2023, alors qu'elle n'y exerce aucune activité. Celle-ci répond que ses conclusions notifiées le 23 juin 2023 sont recevables, la fin de non-recevoir soulevée pouvant être régularisée jusqu'au prononcé de l'ordonnance de clôture, l'adresse du siège social de la société figurant dans les écritures du 4 mars 2024 contenant une erreur de plume.

L'article 961 du code de procédure civile dispose que les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article précédent n'ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

Or, s'il n'est pas contesté que ces conclusions mentionnent un siège social qui n'est plus celui de la société Cal'Hauts de France, indiqué comme étant le [Adresse 2] à [Localité 6], les écritures notifiées par RPVA le 19 mars 2024 par l'intimée font état d'un siège social situé au [Adresse 3] à [Localité 5] (94), qui correspond à l'adresse figurant sur l'extrait Kbis communiqué.

Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée a été régularisée en temps utile et l'ensemble des écritures de l'intimée est recevable à ce titre.

Cette fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur la fin de non-recevoir

La société Cal'Hauts de France soutient que le moyen de la société Syg énergie tiré de ce qu'elle ne pourrait être condamnée au titre du contrat signé avec la société BP France est nouveau en appel et subsidiairement, mal fondé.

La société Syg énergie fait valoir que les demandes formées par la société Cal'Hauts de France au titre des livraisons BTP 1 à 6 et PEIM 1 à 8 concernent exclusivement des commissions d'apport d'affaires au titre de commandes passées auprès de la société BPC sur le fondement du contrat de partenariat conclu entre l'intimée et cette société, les factures correspondantes ayant été réglées par elle au surplus, de sorte que l'appelante a en première instance soulevé une fin de non-recevoir de ce chef, qui ne peut être considérée comme étant une demande nouvelle en appel.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En revanche, il résulte de l'article 565 du même code que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En outre, selon l'article 566 de ce code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

S'agissant de la contestation du principe et du quantum de la dette, l'argument élevé par la société Syg énergie consistant à soutenir que les demandes formées par la société Cal'Hauts de France au titre des livraisons BTP 1 à 6 et PEIM 1 à 8 concernent exclusivement des commissions d'apport d'affaires au titre de commandes passées auprès de la société BPC sur le fondement du contrat de partenariat conclu entre l'intimée et cette société est en réalité argument de fait venant à l'appui de sa prétention à obtenir le débouté, donc un moyen qui tend à justifier cette demande, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Cette fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur le fond du référé

La société Syg énergie expose notamment qu'elle seule peut valoriser les dossiers qui lui sont apportés par la société Cal'Hauts de France et par ses autres apporteurs d'affaires, de sorte qu'elle rémunère ces derniers et les entreprises qui interviennent sur les chantiers de rénovation énergétique, et qu'elle ne peut être débitrice de la société Cal'Hauts de France. Elle indique que les demandes de la société Cal'Hauts de France doivent être rejetées, la société Cal'Hauts de France ne produisant aucune facture à l'appui et ayant émis une série de factures le 24 octobre 2022 correspondant à des prestations déjà facturées dont elle a modifié les montants.

S'agissant des commissions sur la période du 1er mars au 30 décembre 2022, elle précise qu'aucune facture ne justifie la demande portant sur la somme de 961.894 euros, alors que par ailleurs, l'intimée a facturé deux fois les mêmes prestations pour un montant de 75.038,12 euros, que le montant « Cumac » retenu pour l'assiette de calcul des commissions est sérieusement contestable, que la société Cal'Hauts de France ne bénéficie d'aucun droit de suite ni d'aucune exclusivité. Elle indique encore que le coefficient de calcul de la commission par la société Cal'Hauts de France est également erroné, le taux ayant été fixé d'un commun accord aux termes de l'article 5.1 du contrat qui lie les parties.

S'agissant des commissions sur la période du 1er février au 30 avril 2023, elle soutient que la demande se heurte à plusieurs contestations sérieuses également, en ce que la relation contractuelle a pris fin le 2 décembre 2022, que, dans ce cas aussi, l'intimée n'est titulaire d'aucun droit de suite, que le taux de commission utilisé est tout autant erroné, et que la société Cal'Hauts de France n'a aucun droit de regard sur les relations contractuelles de l'appelante avec d'autres prestataires conformément aux stipulations convenues.

La société Cal'Hauts de France fait valoir pour sa part qu'aucune contestation sérieuse ne s'oppose aux demandes dans la mesure où le contrat liant les parties n'a pas été résilié de manière effective, la société Syg énergie ayant poursuivi ses relations contractuelles avec elle au-delà de cette date, aucun accord sur la modification du coefficient de calcul de la commission n'étant survenu, l'ensemble des factures correspondantes ayant été communiqué par ses soins, les volumes réclamés n'étant pas discutable, et les parties étant conformes sur le montant des sommes versées par l'appelante.

Elle soutient que la communication des volumes a été demandée à de nombreuses reprises, ceux-ci ayant finalement été transmis par le pôle national des certificats d'économie d'énergie, de sorte que la provision calculée sur la base de cette transmission s'élève pour la période du 1er mars 2022 au 30 janvier 2023 à la somme de 957.949,96 euros, et pour la période du 1er février 2023 au 30 avril 2023, de 1.014.237,44 euros, soit au total 1.828.050,49 euros.

A titre subsidiaire, elle indique que la provision en retenant le coefficient préconisé par la société Syg énergie s'élève à la somme de 1.371.037 euros.

L'article 873 premier alinéa du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il résulte en outre de l'article 873 en son second alinéa que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article du 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Au cas présent, il convient pour la cour de relever que :

- les parties en litige, toutes deux mandataires au sens du dispositif des certificats d'économie d'énergie, sont liées par un contrat d'apporteur d'affaires, tandis que la société Cal'Hauts de France a pour sa part conclu un second contrat d'apport d'affaires avec la société Business Partner Conseils (BOC) le 19 octobre 2021, elle-même contractante de la société Syg énergie aux termes d'un contrat de partenariat et d'apport d'affaires du 29 septembre 2021,

- aux termes du contrat d'apport d'affaires litigieux, il est prévu que la société Cal'Hauts de France a pour mission de prospecter « en toute liberté » et présenter à la société Syg énergie, en vue de permettre la conclusion de contrats au titre du dispositif des CEE, des entreprises de travaux susceptibles d'être intéressées par un service de valorisation de ces certificats d'économie d'énergie,

- le contrat qui lie les parties précise en son article 2.2 les obligations de la société Cal'Hauts de France consistant notamment à prospecter activement une clientèle et lui présenter l'activité de la société Syg énergie et la mettre en relation, indiquer à ladite clientèle que la société Syg énergie n'est engagée qu'à compter de la conclusion d'un contrat de partenariat dans le cadre du dispositif des CEE et qu'à ce titre, elle est libre de refuser de contracter ; elle a également pour mission d'accompagner la société Syg énergie dans la réalisation des projets de rénovation énergétique pour lesquels les entreprises de travaux présentées ont contracté avec cette dernière,

- le contrat prévoit en son article 5 les conditions financières de ce partenariat, à savoir :

« pour chaque contrat conclu entre Syg énergie et les entreprises de travaux présentées par Cal'Hauts de France donnant lieu à la réalisation effective d'opérations d'économies d'énergie générant des certificats et valorisées auprès du pôle national des certificats d'économies d'énergie, Syg énergie s'engage à verser à Cal'Hauts de France une commission préalablement définie et calculée selon la formule suivante :

Commission de Cal'Hauts de France = montant total versé par Syg énergie - montant de la prime CEE versée à l'entreprise de travaux et in fine au bénéficiaire »,

- il est ajouté que « le montant total versé par Syg énergie inclut la commission de Cal'Hauts de France et est défini à six euros et quarante centimes par MWh cumac de CEE pour les opérations d'économies éligibles. Le montant de la prime CEE versée aux entreprises de travaux est défini à six euros par MHW cumac de CEE pour les opérations éligibles »,

- il est prévu encore que « les parties sont convenues que les conditions financières définies (') devront automatiquement être révisées trimestriellement dans l'hypothèse où le prix du marché du CEE, observable sur plateforme EMMY ou C2E Market serait en baisse ou en hausse »,

- l'article 5.2 édicte les modalités du règlement comme suit :

a. « concernant la prime CEE versée aux entreprises de travaux :

- Syg énergie transmets à Cal'Hauts de France un appel à versement dans les 10 jours ouvrés suivant l'acceptation et la validation d'un lot de dossiers CEE complets reçus en original et ce, y compris les rapports de synthèse de l'organisme d'inspection accrédité COFRAC, afin que celle-ci vérifie les informations et transmette aux entreprises de travaux concernées,

- les entreprises de travaux concernées émettent alors à Cal'Hauts de France une note de débours de refacturation détaillée et conforme que cette dernière transmettra après vérification à Syg énergie afin qu'elle règle par chèque ou virement bancaire ladite facture dans les 3 jours ouvrés selon sa date de réception.

b. concernant la commission de Cal'Hauts de France :

- Syg énergie émet un appel à facturation de la commission dans les 10 jours ouvrés suivant l'acceptation et la validation d 'un lot de dossiers CEE complets reçus en original, et ce y compris les rapports de synthèse de l'organisme d'inspection accrédité COFRAC,

- Cal'Hauts de France émet alors une facture détaillée et conforme de sa commission qui sera réglée par chèque ou virement bancaires dans les trois jours ouvrés suivant sa réception.»,

- il s'en déduit a minima que le droit à commission de la société Cal'Hauts de France est calculé en fonction du volume de livraison dit « cumac » et du coefficient appliqué, soit à la signature du contrat d'apport d'affaires, un coefficient de 0,40 euros/MWh de CEE, ce qui n'est pas discuté,

- il s'en déduit également que les dossiers validés par le PNCEE sont ceux déposés par la société Syg énergie après validation et selon les données fournies par la société Cal'Hauts de France,

- il convient d'observer que la société Cal'Hauts de France explique sa demande par le fait que la société Syg énergie aurait volontairement appelé à facturation des sommes erronées et refusé d'appeler à facturation des sommes auprès d'elle alors même que les sommes dues à l'entreprise de travaux présentée ont bien été appelées à facturation,

- elle se prévaut à ce titre de la réponse du PNCEE à la mesure d'instruction qu'elle a sollicitée, indiquant qu'entre le mois de mars 2022 et le mois de janvier 2023, la société Syg énergie a déposé auprès du ministère de la transition écologique l'équivalent d'un volume de 321117 600 cumac (en kWh) pour la société BTP et 2.073.757.304 cumac (en kWh) pour la société Protech ingénierie et maintenance,

- tout d'abord, il apparait que l'erreur invoquée sur la facturation provient de ce que la bonification spécifique du volume des CEE, applicable aux travaux réalisés auprès de bailleurs sociaux, n'a pas été prise en compte, la société Syg énergie ayant émis des appels à facturation hors bonification, soit la somme de 338.948, 47 euros,

- s'agissant de cette somme de 338.949, 47 euros, la société Syg énergie indique à titre de contestation sérieuse qu'elle correspond en réalité à des livraisons au profit de la société BPC qui lui ont été facturées, précisant que ces factures ont été payées par la société BPC à la société Cal'Hauts de France, et estimant que la société Cal'Hauts de France aurait pratiqué une double facturation,

- toutefois, aucune des pièces qu'elle produit ne permets de démontrer cette affirmation, alors que les appels à facturation qui correspondent à la somme de 338.948, 47 euros ont été émis par ses soins, de sorte que c'est à juste titre que le premier juge a alloué ladite somme à titre provisionnel à la société Cal'Hauts de France, l'obligation de paiement de la société Syg énergie à hauteur de cette somme étant, avec l'évidence requise en référé, incontestable,

- ensuite, il doit être relevé que les factures de la société Cal'Hauts de France produite par la société Syg énergie (pièces 54.1 à 54.6) comportent pour les mêmes ensembles immobiliers et les mêmes prestations des montants différents, formant des « doublons », sans que la société Cal'Hauts de France ne fournisse aucune explication, de sorte que l'obligation de paiement de l'appelante à hauteur de leur montant global de 75.038, 12 euros est contestable,

- par ailleurs, il s'avère que le contrat qui lie les parties a été résilié avec effet au 2 décembre 2022, et que, bien que la société Cal'Hauts de France estime que les relations contractuelles se sont poursuivies au-delà de cette date, il doit être relevé que conformément à l'article 4.3.1, en cas de résiliation, « toutes les opérations engagées devront être réalisées et honorées dans les conditions des présentes et ce, avant résiliation complète des entreprises de travaux présentées »,

- les effets de la résiliation du contrat qui lie les parties affectent donc directement l'assiette du droit à commission de la société Cal'Hauts de France lequel ne peut déterminé qu'en interprétant la clause précitée du contrat, ce qui n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, la réponse du PNCEE à la mesure d'instruction sollicitée par la société Cal'Hauts de France, précisant le volume des dépôts de la société Syg énergie entre le mois de mars 2022 et le mois de janvier 2023, auprès du ministère de la transition écologique, étant insuffisante à elle seule à permettre la détermination de cette assiette, puisqu'elle ne fait que fournir une indication de volume, sans précision de l'identité de l'apporteur d'affaires,

- en outre, il doit être observé aussi que le coefficient de calcul des commissions est litigieux, étant rappelé que les conditions financières sont issues de la rédaction de l'article 5.1 précité, la société Cal'Hauts de France indiquant que le montant de ses commissions est obtenu en multipliant un montant de cumac (en MWh) par un coefficient de 0,4, la société Syg énergie estimant que le coefficient est variable et évolue en fonction du prix du cumac,

- il convient sur ce point de rappeler que la lettre du contrat est la suivante : « le montant total versé par Syg énergie inclut la commission de Cal'Hauts de France et est défini à six euros et quarante centimes par MWh cumac de CEE pour les opérations d'économies éligibles. Le montant de la prime CEE versée aux entreprises de travaux est défini à six euros par MWh cumac de CEE pour les opérations éligibles », et plus loin, « les parties sont convenues que les conditions financières définies (') devront automatiquement être révisées trimestriellement dans l'hypothèse où le prix du marché du CEE, observable sur plateforme EMMY ou C2E Market serait en baisse ou en hausse »,

- cette rédaction induit que le prix du marché du CEE est susceptible d'influer sur le mode de calcul de la commission due à la société Cal'Hauts de France, alors qu'il est établi par les courriels échangés entre les parties (pièce n°35 de la société Syg énergie) que celles-ci ont d'ores et déjà adapté au cours de l'exécution du contrat le coefficient qu'elles ont fixé en septembre 2022 à 0,3 au lieu initialement de 0,4, tandis qu'aux termes de ses demandes, la société Cal'Hauts de France applique explicitement le coefficient initial de 0, 4, de sorte que la détermination du mode de calcul des commissions suppose que la volonté des parties soit analysée et interprétée.

De ce qui précède, il résulte, que le juge des référés, juge de l'évidence, ne peut que constater que l'obligation de paiement de la société Syg énergie est sérieusement contestable, de sorte que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision, à l'exception de celle portant sur la somme de 338.948, 47 euros.

Pour ces mêmes motifs, la demande subsidiaire de la société Cal'Hauts de France se heurte à une contestation sérieuse puisque quand bien même le coefficient de 0, 3 serait appliqué, la détermination de l'assiette de son droit à commission nécessite une interprétation du contrat à laquelle le juge des référés ne peut pas procéder, de sorte qu'elle devra être rejetée.

Sur la demande de communication de pièce sous astreinte, il est demandé par la société Cal'Hauts de France que la société Syg énergie soit enjointe de communiquer, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, « l'ensemble des documents justifiant le volume de CEE valorisés auprès de pollueurs, comprenant les bonifications liées aux bailleurs sociaux pour l'ensemble des chantiers réalisés par les sociétés BTP 13 et Protech ingénierie et maintenance, depuis le 19 octobre 2021 à ce jour ».

Cependant, outre que cette demande est imprécise et n'est pas étayée aux termes des écritures de la société Cal'Hauts de France, celle-ci n'expose pas, alors qu'elle a obtenu ces informations auprès du PNCEE, en quoi les documents sollicités seraient utiles à la solution du litige.

L'ordonnance rendue sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

L'ordonnance rendue sera confirmée en ce qui concerne le sort des dépens et des frais irrépétibles exactement tranchés par le premier juge.

Chacune des parties, succombant en une partie de ses demandes, conservera la charge des dépens exposés. Il n'y pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine,

Déclare recevables les écritures de la société Cal'Hauts de France,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Cal'Hauts de France,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue,

Y ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens exposés en cause d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/08070
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.08070 ?
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