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16/05/2024 | FRANCE | N°21/09646

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 mai 2024, 21/09646


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 16 MAI 2024



(n° 2024/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09646 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWKX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/11536





APPELANT



Monsieur [T] [F]

[Adresse 1]

[L

ocalité 4]

Représenté par Me Delphine LECOEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : B 271





INTIMEE



S.A.R.L. B2K

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe MOUNZER, avo...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 16 MAI 2024

(n° 2024/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09646 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWKX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/11536

APPELANT

Monsieur [T] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Delphine LECOEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : B 271

INTIMEE

S.A.R.L. B2K

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe MOUNZER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2172

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et de la formation

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er décembre 2017 avec reprise d'ancienneté au 23 octobre 2017, la société B2K exerçant sous l'enseigne O'Tacos (ci-après la société) a embauché M. [T] [F] en qualité d'équipier polyvalent, niveau I échelon 1, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 480,30 euros pour une durée de travail de 35 heures par semaine.

Par avenant du 31 juillet 2018, M. [F] a été promu équipier polyvalent, niveau II échelon 3, pour une rémunération brute mensuelle de 1 800 euros.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale de la restauration rapide en date du 18 mars 1988 et la société employait moins de onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Le 25 janvier 2019, M. [F] a été licencié verbalement avec remise des documents de fin de contrat. L'attestation Pôle Emploi mentionne une faute lourde comme motif de rupture.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 26 décembre 2019.

Par jugement du 11 octobre 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- fixé le salaire mensuel de référence à 2 085,87 euros bruts ;

- condamné la société à verser à M. [F] les sommes suivantes :

* 2 085,87 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 208,58 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 651,82 euros nets à titre d'indemnité de licenciement ;

avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2020 et exécution provisoire ;

* 2 085,87 euros nets à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure ;

* 2 085,87 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2021 ;

* 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société de remettre à M. [F] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

- débouté M. [F] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 19 novembre 2021, M. [F] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 septembre 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qui concerne le principe des condamnations prononcées à l'encontre de la société ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le salaire de référence fixé et le quantum de l'ensemble des sommes allouées ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral, d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de dommages et intérêts pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour perte de droit à la contrepartie obligatoire en repos au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent de 130 heures ;

en conséquence, statuant à nouveau :

- fixer son salaire de référence à 2 465,59 euros ;

- condamner la société à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter de l'introduction de l'instance :

* 2 465,59 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 246,56 au titre des congés payés afférents ;

* 770,10 à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 4 931,18 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 7 396,77 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

* 2 465,59 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure ;

* 8 050,72 euros au titre des heures supplémentaires ;

* 805,07 euros de congés payés afférents ;

* 7 396,77 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 14 793,54 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

* 2 304,15 euros de dommages et intérêts pour perte de droit à la contrepartie obligatoire en repos au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent de 130 heures ;

- ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et des bulletins de paie conformes, sous astreinte de 50 euros par jour et par document, à compter de la décision à intervenir ;

- condamner la société à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la société aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé le salaire de référence de M. [F] à 2 085,87 euros bruts ;

- débouté M. [F] des demandes en paiement suivantes : dommages et intérêts pour préjudice moral ; heures supplémentaires et congés payés afférents ; dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; dommages et intérêts pour travail dissimulé ; dommages et intérêts pour perte de droit à la contrepartie obligatoire en repos au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent de 130 heures ;

infirmer le jugement en ce qu'il :

- a constaté que le licenciement de M. [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qui concerne le principe des condamnations prononcées à l'encontre de la société ;

- l'a condamnée à verser à M. [F] les sommes suivantes :

* 2 085,87 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 208,58 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 651,82 euros nets à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2020 et exécution provisoire ;

* 2 085,87 euros nets à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure ;

* 2 085,87 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2021 ;

* 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- lui a ordonné de remettre à M. [F] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

- l'a déboutée de sa demande d'article 700 et l'a condamnée aux dépens ;

en conséquence, statuant à nouveau :

- constater que le licenciement de M. [F] est parfaitement régulier ;

- constater que les manquements commis par M. [F] constituent une faute lourde ;

- juger, en conséquence, que le licenciement de M. [F] pour faute lourde est justifié ;

en conséquence,

à titre principal,

- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions visant à obtenir le paiement des sommes suivantes :

* 2 085,87 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 208,58 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 651,82 euros nets à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2020 et exécution provisoire ;

* 2 085,87 euros nets à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure ;

* 2 085,87 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2021 ;

* 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* « ordonné de remettre à M. [F] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision" ;

* « débouté la société de sa demande d'article 700 et la condamne aux dépens » ;

à titre subsidiaire, si la cour jugeait que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- constater que l'article L. 1235-3 du code du travail est applicable ;

- en conséquence, limiter l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à un demi mois de salaire soit 1 042,92 euros ;

- juger que l'indemnité compensatrice de préavis ne peut être supérieure à 1 mois de salaire brut soit 2 085,87 euros ;

en tout état de cause,

- juger que M. [F] ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées ;

- en conséquence, débouter M. [F] de sa demande de paiement des heures supplémentaires ;

- débouter M. [F] de toutes ses autres demandes ;

- condamner M. [F] au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2023.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur le rappel d'heures supplémentaires et les congés payés afférents

M. [F] soutient qu'il a accompli des heures supplémentaires dans une proportion bien supérieure à celles qui sont mentionnées sur ses bulletins de paie tandis que la société réplique que le salarié ne justifie pas de la réalité des heures supplémentaires dont il demande le paiement et fait valoir que les éléments produits par le salarié sont insuffisants.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [F] produit :

- les horaires d'ouverture et de fermeture de l'établissement du lundi au dimanche tels qu'ils apparaissent sur Google : de 11h00 à 0h00 et le samedi de 11h00 à 2h00 ;

- un tableau mensuel des heures de travail effectuées sur la période d'octobre 2017 à janvier 2019 faisant ressortir le nombre d'heures supplémentaires accomplies chaque mois et le taux de majoration.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, force est de constater que la société ne produit aucun élément hormis les attestations suivantes :

- celles de M. [P] [K] et de M. [J] [V], respectivement gérant associé et gérant de la société qui sont dépourvues de force probatoire puisqu'elles émanent des représentants légaux de la société employeur ' de surcroît, elles ne sont pas circonstanciées sur les heures de travail accomplies par M. [F] ;

- celles de M. [W] [N] et de M. [R] [Z], tous deux cuisiniers salariés de la société. Outre que le lien de subordination existant entre la société et ces personnes invite à prendre ces attestations avec circonspection, celles-ci ne sont pas circonstanciées et évoquent essentiellement les pauses prises par M. [F] pendant ses heures de travail.

En conséquence, la demande de M. [F] sera accueillie. La société sera condamnée à lui payer la somme de 8 050,72 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 805,07 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité pour travail dissimulé

M. [F] fait valoir que le non-paiement et l'absence de mention des heures supplémentaires réellement effectuées sur ses bulletins de paie justifie que lui soit versée l'indemnité pour travail dissimulé.

Ce à quoi la société réplique que M. [F] ne rapporte pas la preuve de l'intention frauduleuse exigée par les textes.

Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, aucun des éléments communiqués au dossier ne suffit à caractériser l'intention de se soustraire intentionnellement aux obligations résultant des 2° et 3° de sorte que M. [F] sera débouté de sa demande. La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour perte du droit à la contrepartie obligatoire en repos

M. [F] soutient qu'il a droit à un repos compensateur égal à 50% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel de 130 heures prévu par la convention collective pour l'année 2018.

Aux termes de l'article L. 3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

Le second alinéa de l'article D. 3121-24 précise que, à défaut d'accord prévu au I de l'article L. 3121-33, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à deux cent vingt heures par salarié.

En l'espèce, eu égard aux heures supplémentaires retenues par la cour, le contingent annuel de 130 heures fixé par l'article 31 de la convention collective a été dépassé en 2018. Ce dépassement ouvre droit à un repos compensateur à hauteur de 50% sur le fondement de l'article L. 3121-38 du code du travail. La société sera donc condamnée à payer à M. [F] la somme de 2 296,09 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

* sur le bien-fondé du licenciement

M. [F] soutient qu'il a été licencié pour faute lourde « du jour au lendemain » sans avoir été convoqué à un entretien préalable et sans avoir été destinataire d'une lettre de licenciement avec les motifs du licenciement. M. [F] fait valoir que c'est au cours de la procédure en première instance qu'il a appris que la faute lourde alléguée par l'employeur dans l'attestation Pôle emploi concernerait plusieurs vols en récidive. M. [F] fait encore valoir que ce motif a été inventé et qu'en appel, la société produit pour la première fois deux attestations émanant des deux gérants de la société.

L'employeur reconnaît qu'il n'a pas remis au salarié de lettre de licenciement. Il fait valoir que son expert-comptable n'a pas respecté la procédure de licenciement. Il fait également valoir que M. [F] avait commis une faute lourde résultant de vols constatés en janvier 2019.

Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur qui décide de licencier un salarié doit lui en notifier le ou les motifs par lettre recommandée avec accusé de réception.

Un licenciement notifié verbalement est ainsi nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse comme ne répondant pas aux exigences légales de motivation de la rupture

La circonstance selon laquelle l'expert-comptable de l'employeur serait à l'origine de cette situation, à la supposer établie, est inopérante.

Partant, le licenciement de M. [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* sur les conséquences du licenciement

* sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [F] correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée d'un mois, soit la somme de 2 465,59 euros, outre la somme de 246,55 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum.

* sur l'indemnité légale de licenciement

En application des articles L. 1234-1, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, eu égard à l'ancienneté du salarié - quatorze mois - et à la moyenne des salaires la plus favorable - à savoir 2 465,59 euros par mois - la société sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 719,12 euros et la décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum.

* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [F] fait valoir qu'il s'est retrouvé brutalement dans une situation financière très difficile et qu'il est resté sans emploi jusqu'en décembre 2020. A cet égard, il justifie avoir perçu l'allocation de retour à l'emploi jusqu'en décembre 2020.

La société demande, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'indemnité soit limitée à 0,5 mois de salaire brut.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l'espèce entre 0,5 et 2 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 29 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à M. [F], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 3 000 euros, suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum.

* sur l'indemnité pour non-respect de la procédure

M. [F] fait valoir qu'il n'a pas bénéficié d'une procédure de licenciement lui permettant de savoir ce que l'employeur lui reprochait et de se faire assister. Il fait également valoir qu'il importe peu qu'une erreur de gestion de l'expert-comptable soit, aux dires de la société, à l'origine de l'absence de procédure de licenciement.

Suivant le dernier alinéa de l'article L. 1235-2 du code du travail, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Il résulte de ce texte que l'indemnité n'est pas due, en dépit de l'existence d'une irrégularité procédurale, dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui est le cas en l'espèce.

Partant, M. [F] sera débouté de sa demande et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

La société devra remettre à M. [F] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les autres demandes

* sur les dommages-intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances de la rupture

M. [F] soutient qu'il a été évincé de l'entreprise brutalement et avec de fausses allégations telles que l'existence de nombreux rappels à l'ordre et des mises en garde dont l'employeur ne justifie pas et fait valoir que les circonstances de la rupture lui ont causé un préjudice moral.

Ce à quoi la société réplique que M. [F] n'a pas été évincé brutalement car il a été informé des vols qui lui étaient reprochés. Elle réplique encore que M. [F] ne rapporte pas la preuve des circonstances vexatoires alléguées ni celle du préjudice moral allégué.

En l'espèce, il ressort des éléments de la cause que l'employeur ne caractérise pas les vols reprochés au salarié en janvier 2019 ' il ne justifie d'ailleurs pas du dépôt d'une plainte pénale. Les allégations de faute lourde (mention sur l'attestation Pôle emploi) qui n'ont pu être évoquées au cours d'un entretien préalable au licenciement ont incontestablement causé un préjudice moral à M. [F] qui s'est vu accuser sans preuve.

Le préjudice moral subi par M. [F] sera indemnisé à hauteur de 1 000 euros ' cette somme suffisant à réparer son entier préjudice ' et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [F] soutient que l'absence de paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées et la mention sur ses bulletins de paie d'un nombre d'heures inférieur à au nombre d'heures réellement accomplies caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur qui lui a causé un préjudice.

La société ne présente pas d'observations sur cette demande.

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

A l'appui de son allégation d'exécution déloyale du contrat de travail, M. [F] invoque l'absence de paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées et de leur mention sur ses bulletins de paie.

Ces faits avérés constituent effectivement un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail qui est à l'origine d'un préjudice qui sera réparé en allouant à M.[F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts. La société est condamnée au versement de cette somme. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens en appel, la décision des premiers juges étant confirmée sur les dépens.

La société sera également condamnée à payer à M. [F] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant confirmée sur les frais irrépétibles.

Enfin, la société sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

Infirme le jugement sauf sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé, sur les frais irrépétibles et sur les dépens ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société B2K à payer à M. [T] [F] les sommes suivantes :

* 8 050,72 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires ;

* 805,07 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 296,09 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

Dit que le licenciement de M. [T] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société B2K à payer à M. [T] [F] les sommes suivantes :

* 2 465,59 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 246,55 euros au titre des congés payés afférents ;

* 719,12 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

* 3 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances de la rupture ;

Ordonne à la société B2K de remettre à M. [T] [F] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société B2K à payer à M. [T] [F] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société B2K aux dépens en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09646
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.09646 ?
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