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15/05/2024 | FRANCE | N°22/02473

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 15 mai 2024, 22/02473


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 15 MAI 2024



(n° 2024/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02473 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFHR6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F21/01788



APPELANT



Monsieur [H] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Repr

ésenté par Me Julie MERGUY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2451



INTIMEE



S.A.R.L. LOCAMANEGE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie LECA, avocat au barre...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 15 MAI 2024

(n° 2024/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02473 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFHR6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F21/01788

APPELANT

Monsieur [H] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Julie MERGUY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2451

INTIMEE

S.A.R.L. LOCAMANEGE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie LECA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [H] [G] a été engagé par la société LOCAMANEGE pour une durée indéterminée à compter du 1er juin 2011, en qualité de vendeur.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels.

Monsieur [G] a d'abord travaillé sur le stand de la [Adresse 7] à [Localité 6]. Il a été placé en chômage partiel total de mars à mai 2020 en raison de la crise sanitaire. Puis, à compter de juin 2020, il a été affecté au poste de vendeur du chariot glacier de la société situé [Adresse 5].

Par lettre du 5 octobre 2020, Monsieur [G] a été convoqué pour le 12 octobre 2020 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 26 octobre 2020. La lettre de licenciement mentionnait un motif de mésentente avec l'employeur nuisant au bon fonctionnement de l'entreprise.

Par courrier du 30 octobre 2020, Monsieur [G] a sollicité de son employeur, en application de l'article L.1235-2 du code du travail, des précisions sur le motif de son licenciement. Il ne lui a pas été répondu.

Le 26 février 2021, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé les demandes de condamnations suivantes à l'encontre de son employeur :

- 1.539,45 € pour non-respect de procédure de licenciement,

- 1.539,45 € d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 153,94 € à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 13.855,05 € de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 4.618,35 € à titre d'indemnité de conditions vexatoires de la rupture,

- 902,40 € titre d'indemnité de frais de transport,

- 2.000 € de dommages et intérêts pour l'absence de suivi médical,

- 9.236,70 € pour dissimulation d'emploi,

- 3.000 € de frais de procédure.

Par jugement du 3 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- Condamné la société LOCAMANEGE à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :

- congés payés afférents au préavis : 153,94 €,

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3.848,50 €,

- dommages et intérêts pour absence de couverture santé : 600 €,

- dommages et intérêts pour absence de visite médicale : 1.000 €,

- frais de procédure : 1.000 €,

- Débouté le salarié du surplus de ses demandes.

A l'encontre de ce jugement notifié le 3 février 2022, Monsieur [G] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 9 février 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 avril 2022, Monsieur [G] demande à la cour de :

Infirmer le jugement du 3 novembre 2021 en ce qu'il a :

- limité le quantum de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 3.848,50 €,

- débouté Monsieur [G] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- débouté Monsieur [G] de sa demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail,

Statuant de nouveau, condamner la société LOCAMANEGE à lui verser les sommes suivantes :

- dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse : 13.855,05 €,

- indemnité pour conditions vexatoires de la rupture : 4.618,35 €,

- dommages et intérêts pour dissimulation d'emploi : 9 236,70 €,

En tout état de cause, condamner la société LOCAMANEGE :

- à lui verser 3.000 € au titre des frais de procédure,

- aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juillet 2022, la société LOCAMANEGE demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la société LOCAMANEGE au paiement :

- d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 3.848,50 €,

- de 600 € de dommages et intérêts pour absence de couverture santé,

- de 1.000 € de dommages et intérêts pour absence de visite médicale,

- de 1.000 € de frais de procédure,

Le confirmer pour le surplus,

Statuant de nouveau,

- Débouter Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes,

- Le condamner à lui verser la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure,

- Le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 19 octobre 2020 qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants : " Mésentente avec votre employeur ce qui nuit au bon fonctionnement de l'entreprise ".

Par courrier du 30 octobre 2020, Monsieur [G] a sollicité de son employeur, en application de l'article L.1235-2 du code du travail, des précisions sur le motif de son licenciement. Il ne lui a pas été répondu. Seul le motif tel qu'exposé dans la lettre de licenciement sera donc retenu pour apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

Monsieur [G] conteste toute mésentente avec son employeur, ajoutant qu'il travaillait seul sur les stands de vente auxquels il était affecté.

L'employeur fait valoir que Monsieur [G] avait une attitude de " donneur de leçons " et qu'il ne s'entendait pas avec les autres employés de l'entreprise qu'il croisait régulièrement. Il ajoute que le salarié a manifestement manqué de loyauté en détournant une partie des recettes de ses stands à son profit ainsi qu'il ressort des éléments comptables versés au débat. Il indique enfin que Monsieur [G] s'est gravement emporté contre le directeur de la société lorsqu'il a reçu sa convocation à son entretien préalable et a manqué de la forme de respect la plus élémentaire, proférant des insultes et menaces.

La cour rappelle que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, l'employeur ne peut invoquer au stade de la procédure prud'homale d'autres motifs de licenciement que ceux figurant au sein de celle-ci. Les griefs de mésentente avec les autres salariés et de détournement de recettes ne seront donc pas examinés.

S'agissant du grief de mésentente, l'employeur fait état d'un échange avec le directeur de la société suite à remise de la convocation à l'entretien préalable, mais rien ne vient démontrer la réalité de ses allégations. Aucun autre élément ou aucune autre pièce ne viennent démontrer le grief de mésentente avec l'employeur fondant le licenciement.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [G] sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Monsieur [G] justifie de 9 années d'ancienneté et l'entreprise emploie habituellement moins de 11 salariés.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 1.539,45 €.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 2,5 et 9 mois de salaire, soit entre 3.848,62 € et 13.855,05 €.

Au moment de la rupture, il était âgé de 55 ans et il justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'en juillet 2021. Il ne produit pas d'éléments sur sa situation après cette date.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 8.000 €.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 3.848,50 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant de nouveau, de condamner l'employeur à verser à Monsieur [G] la somme de 8.000 € à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires de la rupture

Le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

En l'espèce, le salarié fait valoir que l'employeur ne lui a donné aucune explication sur son licenciement et n'a pas répondu à sa demande de précision sur les motifs.

La cour relève toutefois que le défaut de motivation du licenciement par une cause réelle et sérieuse expressément exposée est déjà sanctionné et réparé par l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que le salarié ne caractérise pas les circonstances vexatoires qu'il invoque, ni le préjudice distinct de celui causé par le licenciement qu'il aurait subi.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette demande.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l'espèce, alors que Monsieur [G] a été salarié à temps plein de la société LOCAMANEGE de juin 2011 à octobre 2020, il produit plusieurs relevés de carrière de l'assurance retraite (juin 2020, juillet 2021, janvier 2022) faisant apparaître une absence de déclaration de l'employeur sur certaines de ses périodes d'emploi.

L'employeur répond qu'il avait informé le salarié de ce que son ancien comptable avait oublié de réaliser plusieurs paiements effectifs de charges, mais que la situation a été régularisée, ainsi qu'en atteste l'organisme collecteur B2V, de sorte qu'aucune intention de dissimulation n'est établie.

La cour relève que le dernier relevé de carrière en date produit par le salarié, daté de janvier 2022, fait état de trois trimestres manquants en 2014 et deux trimestres manquants en 2016, soit deux années durant lesquelles le salarié travaillait à temps plein pour la société LOCAMANEGE.

Contrairement à ce qu'elle soutient, la société n'avait donc pas procédé à la régularisation des droits de son salarié à cette date, alors qu'elle était informée des défaillances de son précédent expert-comptable. En outre, l'attestation de l'organisme collecteur B2V du 3 mai 2021 indique que la société est " à jour de ses cotisations au 31 mars 2021 sous réserve d'apurement des comptes ". Toutefois, l'attestation étant antérieure de plusieurs mois au relevé de carrière de janvier 2022, les comptes n'étaient manifestement pas à jour.

Au regard de ces éléments, il est établi que l'employeur, informé des défaillances de déclarations, n'a pas accompli les diligences nécessaires pour régulariser la situation. Il sera donc retenu qu'il s'est soustrait intentionnellement à ses obligations déclaratives au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail, et qu'il doit au salarié une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires, soit 9.236,70 € (6x1.539,45 €).

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande, et statuant de nouveau, l'employeur sera condamné à verser à Monsieur [G] la somme de 9.236,70 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de couverture santé

L'employeur sollicite l'infirmation jugement sur ce point dans le dispositif de ses conclusions, mais ne développe aucun moyen à l'appui de sa prétention dans le corps de ses écritures, de sorte que le jugement déféré sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale

L'employeur sollicite l'infirmation jugement sur ce point dans le dispositif de ses conclusions, mais ne développe aucun moyen à l'appui de sa prétention dans le corps de ses écritures, de sorte que le jugement déféré sera confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner la société LOCAMANEGE aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [G] la somme de 1.500 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel.

La société LOCAMANEGE sera déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

- limité le quantum de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse due au salarié à la somme de 3.848,50 €,

- débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société LOCAMANEGE à verser à Monsieur [G] :

- la somme de 8.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la somme de 9.236,70 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

CONDAMNE la société LOCAMANEGE aux dépens de l'appel,

CONDAMNE la société LOCAMANEGE à verser à Monsieur [G] la somme de 1.500 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel,

DÉBOUTE la société LOCAMANEGE de sa demande au titre des frais de procédure.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 22/02473
Date de la décision : 15/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-15;22.02473 ?
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