Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 14 MAI 2024
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06258 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBKQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/01863
APPELANT
Monsieur [Y] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jean Marc MARTINVALET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 16
INTIMEE
S.A.S. SNAPCAR
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Pascal PERELSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R062
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [Y] [X], né en 1969, a été engagé par la S.A.S. Voxtur, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 30 juin 2014 en qualité d'employé administratif d'exploitation.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport.
Par suite d'une cession de fonds de commerce entre la société Voxtur et la S.A.S. Snapcar intervenue le 8 août 2019, le contrat de travail a été transféré à la nouvelle société.
Par lettre datée du 18 octobre 2019, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 novembre 2019 avec mise à pied conservatoire.
M. [X] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 12 novembre 2019.
A la date du licenciement, M. [X] avait une ancienneté de 5 ans et 4 mois, et la société Snapcar occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaire et des dommages et intérêts en raison du travail de nuit, de l'absence de repos compensateur, et du travail le dimanche, M. [X] a saisi le 3 mars 2020 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 2 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamne la SAS Snapcar à payer à M. [X] [Y] les sommes suivantes :
- 6751,76 € au titre du préavis,
- 675,18 € au titre des congés payés afférents,
- 4219,85 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 2869,50 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied,
- 286,95 € au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
- rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,
- fixe cette moyenne à la somme de 3375,88 €,
- ordonne la remise des documents sociaux conformes à la présente décision sous quinzaine à réception de la notification du jugement,
- 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute M. [X] [Y] du surplus de ses demandes,
- déboute la SELARL [M] Yang Ting en la personne de M. [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute la SAS Snapcar de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la SAS Snapcar aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 8 juillet 2021, M. [X] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 11 juin 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 octobre 2021, M. [X] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,
statuant à nouveau,
- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société sas Snapcar à payer à M. [X] la somme de 219,85 4 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- condamner la société sas Snapcar à payer à M. [X] la somme de 6751,76 € à titre d'indemnité de préavis, outre 675,18 € pour les congés payés afférents,
- condamner la société sas Snapcar à payer à M. [X] la somme de 20255,28 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- au paiement de son salaire, non réglé du fait de la mise à pied du 18 octobre au 12 novembre, soit la somme de 2869,50 €, outre 286,95 € pour les congés payés afférents,
- condamner solidairement la société Snapcar à payer à M. [X] la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société sas Snapcar aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 novembre 2021, la société Snapcar demande à la cour de :
- dire M. [X] mal fondé dans son appel,
- le débouter de ses demandes, fins et conclusions,
reconventionnellement,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [X] est dépourvu de faute grave
et, statuant à nouveau,
- dire que son licenciement est fondé sur une faute grave et le débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [X] à restituer à la société Snapcar la somme de 12 361,72 € qu'elle lui a versée au titre de l'exécution provisoire,
subsidiairement,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [X] reposant sur une cause réelle et sérieuse,
en toute hypothèse,
- le condamner à verser à la société Snapcar les sommes de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et de 2 .000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 8 mars 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
La cour observe à titre liminaire qu'elle n'est saisie que dans les limites de l'appel de M. [X] lequel ne porte que sur le licenciement et les indemnités qui en découlent.
Sur le licenciement pour faute grave
Pour infirmation du jugement déféré, M. [X] expose que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que le bénéfice d'un arrêt de maladie en l'absence de toute contestation ou de contrôle de celui-ci ne saurait constituer un grief de licenciement et qu'il était réellement malade le 18 octobre 2019 lorsqu'il a justifié de son absence par un arrêt de maladie. Il estime que les éléments de l'employeur tendant à établir le caractère prémédité et concerté des arrêts de maladie concomitants de différents salariés ne permettent pas de considérer que son arrêt de travail était de complaisance. Il souligne en outre que tous les salariés n'ont pas été sanctionnés de la même façon et que son licenciement était fondé sur son état de santé.
Pour confirmation de la décision, la société intimée réplique qu'elle n'a pas licencié l'appelant sur le terrain de l'arrêt de maladie mais sur celui de l'attitude de ce dernier visant à paralyser l'entreprise, en se mettant d'accord avec ses collègues pour bloquer simultanément le service de régulation, ce qui était malveillant et de nature à lui porter préjudice. Elle en déduit que le comportement fautif reconnu par le conseil de prud'hommes doit être qualifié de faute grave.
La lettre de licenciement qui circonscrit le litige était ainsi essentiellement libellée :
« Par courrier RAR en date du 18 octobre 2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement vous concernant.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous étaient reprochés, vous avez par ailleurs été mis à pied à titre conservatoire jusqu'à la décision à intervenir.
Lors de cet entretien, auquel vous n'avez pas souhaité être assisté, qui s'est tenu le 4 novembre 2019 à 16 heures avec Monsieur [U] [N], Président de notre Société, et Madame [P] [IE], Directrice des Ressources Humaines, nous vous avons exposé les motifs de la décision que nous envisagions de prendre à votre égard et nous avons recueilli vos observations.
Cet entretien ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous sommes malheureusement amenés à procéder désormais à votre licenciement pour faute grave.
Vous avez été embauché par la société VOXTUR, par contrat écrit à durée indéterminée, à temps plein,en qualité de « Contrôleur de flotte », statut employé, groupe 6, coefficient 125, à effet du 30 juin 2014.
Depuis le 1er février 2016, vous occupez le poste de « Chef d'exploitation du réseau », statut Agent de maîtrise, groupe 8, coefficient 225. Vos missions consistent à contrôler et optimiser la flotte des véhicules de la société, à surveiller le bon fonctionnement du système d'affectation des courses, à gérer les incidents, les problèmes et exceptions du terrain, et plus particulièrement à :
- Former les nouveaux « Employés administratif et d'exploitation « et s'assurer qu'ils connaissent et respectent les processus;
- Faire du reporting à la fin de chaque shift;
- Optimiser l'activité ;
- Prévoir les évènements à [Localité 3] (météo, manifestations, matches, concerts, événements LeCab, etc.) et les communiquer aux services concernés ;
- Coordonner les événements LeCab ;
- Veiller au respect des règles LeCab ;
- Créer un mapping pour les lieux spéciaux : La Défense, les musées, stades, parcs, salles de spectacle, etc. ;
- Gérer les limites de pré-réservation par service chaque semaine ;
- Vérifier régulièrement la qualité des calls centers externes et s'assurer qu'ils ont toujours des informations et processus à jour ;
- Traiter les demandes de réservations des clients et les enregistrer dans le système de la Société.
Votre contrat de travail prévoit que la société peut vous demander, conformément aux dispositions de la Convention Collective, d'effectuer d'éventuelIes heures supplémentaires, au-delà de 35 heures par semaine.
Il est prévu également que vous pouvez être amené à effectuer des horaires de nuit.
Depuis votre arrivée dans l'entreprise, vous avez été amené fréquemment, à votre demande, à travailler la nuit, ce qui vous a permis, de percevoir une rémunération globale plus importante que votre salaire de base, par le jeu des heures supplémentaires et des heures de nuit.
Vous travaillez par roulement au sein de l'équipe de régulation, qui était anciennement celle de la société VOXTUR, de 10 personnes, sur une plage horaire de 15 heures par jour du lundi au vendredi, et de 8 heures par jour le samedi et dimanche.
Le 24 mai 2019, Madame [P] [IE] Directrice des Ressources Humaines, vous a, ainsi qu'à vos collègues de l'équipe régulation, informé que dorénavant, suite à une décision de l'inspection du travail, le travail de nuit ne pouvait dorénavant plus se poursuivre.
Madame [IE] vous informait cependant que cette situation n'aurait pas d'impact sur votre rémunération globale.
Ainsi, et alors que la société n'en avait pas l'obligation, elle décidait de compenser votre baisse de salaire globale - et celle de vos collègues du service régulation - baisse due à l'arrêt du travail de nuit (régulièrement majoré par les heures supplémentaires et heures de nuit que vous pouviez effectuer) par le versement d'une prime exceptionnelle et temporaire.
Cette prime vous a été versée tous les mois à compter du mois de mai 2019.
Le 8 août 2019, la société VOXTUR a cédé à notre Société le fonds de commerce « LeCab '' qu'elle exploitait jusqu'alors ainsi que le personnel correspondant, dont vous faites partie.
Nous avons décidé dans un premier temps de maintenir le versement de cette prime exceptionnelle.
Mais le 16 septembre 2019, après plusieurs réunions de la Direction, il a été décidé de ne pas reconduire le versement de la prime exceptionnelle à partir du mois d'octobre 2019.
Par mail du même jour, Monsieur [I] [Z], Directeur des Opérations, vous a confirmé, ainsi qu'à vos collègues, cette décision, en vous rappelant que la Société travaillait activement à une reprise de la régulation de nuit afin de permettre aux salariés de l'équipe régulation de moduler leurs heures de travail et, pour ceux qui le souhaitent, d'augmenter leur revenu grâce aux heures supplémentaires et aux tarifs horaires majorés.
Une nouvelle réunion, en présence de la quasi-totalité de l'équipe régulation et de la Direction, se tenait le 16 octobre 2019 à 13 heures pour évoquer les suites de cette décision.
Lors de cette réunion, le management ainsi que la DRH ont répondu aux questions et ont expliqué que les démarches intentées par SNAPCAR auprès de l'inspection du travail devraient permettre une reprise du travail de nuit à partir du 24 octobre 2019 (d'ailleurs, dès le 18 octobre, nous avons effectivement reçu l'autorisation de reprendre le travail de nuit).
Était évoquée la question du maintien de la prime exceptionnelle entre le 1er octobre et 23 octobre 2019, et la Direction renouvelait son refus, ce qui déclenchait le départ groupé de la réunion de toute l'équipe régulation avec le commentaire suivant : « Nous prenons acte ».
Mais dès le soir même, le lendemain, ou le surlendemain pour l'un d'eux, sept membres de l'équipe régulation sur 10, dont vous-même (sachant qu'une huitième personne nous avait par ailleurs avertis préalablement de son absence), ont adressé quasi-concomitamment au management et/ou aux Ressources Humaines un mail pour informer l'entreprise de son absence pour maladie, à partir du lendemain.
Ainsi, le 17 octobre dans la matinée vous nous avez adressé un mail nous annonçant que vous vous ne vous sentiez pas bien et que vous ne seriez pas présent ce jour pour travailler (travail qui devait débuter ce jour-là à 13h).
Monsieur [F] [R] nous a écrit le 17 octobre à 12h29, nous annonçant qu'il n'était pas non plus en état physique de se rendre au bureau le jour même.
Monsieur [D] [K] nous a écrit, à peu près à la même heure, qu'étant actuellement souffrant, il ne pourrait être son poste ce jour, devant aller chez le médecin.
Monsieur [V] [H] nous avait écrit le même jour quelques heures plus tôt : « étant malade pas dormi je vous envoie ce mail à 3h30 du matin que je ne pourrais pas venir aujourd'hui j'irai voir le doc dans la journée... ».
Encore quelques heures plus tôt, le 16 octobre à 21h30, Monsieur [O] [S], nous écrivait par mail qu'il ne serait pas présent demain ayant un souci de santé.
Monsieur [J] [B] nous avertissait par mail du 16 octobre vers 21h40 qu'il ne pourrait pas venir travailler le 17 octobre car il était malade.
Enfin, Monsieur [E] [C] nous a également envoyé le 18 octobre 2019 un mail aux termes duquel il expliquait ne pas se sentir bien, ne pas pouvoir être présent ce jour, et devoir se rendre chez le médecin.
Bref, la quasi-totalité des membres du service régulation, dans un même élan, se sont déclarés malade, bloquant entièrement ou presque le service et en conséquence le bon fonctionnement de notre société.
Il s'agit bien ici d'un comportement concerté malveillant à l'égard de votre employeur, totalement inacceptable, auquel vous vous êtes associé, dans le but de déstabiliser notre société ou en tous les cas de lui porter un grave préjudice.
En agissant de la sorte, c'est non seulement le service régulation, mais bien toute l'entreprise qui en a subi les conséquences :
- Surcharge de travail très importante pour d'autres collaborateurs de la société
- Dégradation de la qualité du service et de notre image vis à vis des clients et des chauffeurs partenaires là titre d'exemple, le service a enregistré un taux de retard de 13% sur les coursesquand la moyenne de l'année se situe à 7% et que l'objectif fixé par la direction est de 5%)
Mais vous ne vous êtes pas contenté de ne pas vous présenter, sous un faux prétexte et en concertation avec vos collègues, à votre poste de travail.
Dès le 11 octobre 2019, vous aviez eu un comportement inadapté vis-à-vis du Directeur Général, Monsieur [A] [W], via des messages écrits et des appels, et dont il s'est formellement plaint par mail à votre manager, Monsieur [F] [G].
Cette situation globale, dans laquelle vous avez indéniablement une responsabilité personnelle, a créé au sein de notre société un climat délétère dont plusieurs collaborateurs se sont plaints auprès de leur manager et/ou de la Direction Générale et la Direction des Ressources Humaines.
Il va de soi que votre comportement est contraire à nos valeurs et que nous ne pouvons pas le tolérer.
Votre volonté de porter préjudice votre employeur mais aussi directement et indirectement à vos collègues ne nous permet pas de poursuivre votre contrat de travail.
Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement sans indemnités de préavis ni de licenciement.(...) ».
Il en résulte qu'il est reproché à l'appelant deux griefs principaux :
- un comportement concerté malveillant à l'égard de son employeur, totalement inacceptable, auquel il s'est associé, en se portant malade à compter du 17 octobre 2019 dans le but de déstabiliser la société ou en tous les cas de lui porter un grave préjudice.
-un comportement inadapté vis-à-vis du Directeur Général, Monsieur [A] [W], dès le 11 octobre 2019, via des messages écrits et des appels.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au soutien de la preuve de la réalité des faits qui lui incombe, la société intimée produit les courriels par lesquels les salariés du service « régulation » dont l'appelant ont informé l'employeur entre le 16 et le 17 octobre 2019 de leur indisposition les empêchant de travailler (à savoir MM. [R], [K], [H], [S] et [B], pièces 11 et 17 société). Il s'appuie aussi sur l'échange vindicatif de SMS entre M. [F] [R] et un autre salarié du service qui ne s'est pas associé à la démarche collective, qui démontre le caractère concerté de celle-ci.(pièce 20) et sur l'attestation de M. [L] [T] qui a été rappelé pour venir travailler à la régulation pendant le mouvement et qui évoque des menaces par téléphone de la part de salariés en arrêt de maladie. (pièce 30). Il rappelle que ces arrêts concertés sont intervenus dans un contexte de suppression d'une prime destinée à compenser l'interdiction du travail de nuit par l'inspection du travail et par mesure de rétorsion alors que le service de régulation était essentiel au bon fonctionnement de la société. Il souligne que ce comportement malveillant et illégal aurait pu justifier une faute lourde. Il insiste sur le fait qu'il n'a pas licencié l'appelant sur le terrain de la maladie mais sur celui de l'attitude concertée des salariés tendant à bloquer simultanément ensemble le service de régulation.
S'agissant du comportement inadapté à l'égard de M. [W] le directeur général, il verse aux débats un courriel adressé par ce dernier le 11 octobre 2019 au manager de l'appelant M. [G] (pièce 18).
Il est constant que le 18 octobre 2019, M. [X] a justifié de son absence par un arrêt de maladie portant sur la période du 17 au 20 octobre 2019. Rien ne permet de retenir en l'état et en l'absence de contre-visite ou de contestation officielle de l'employeur, qu'il s'agit d'un arrêt de complaisance même si celui-ci s'inscrit dans un contexte d'arrêts de maladie multiples et concomitants de salariés du même service et de contestation d'une suppression de primes. C'est de façon pertinente que l'appelant souligne qu'il n'est pas mis en cause personnellement ni par l'attestation de M. [T] ni dans l'échange de M. [R], que nul ne peut être licencié en raison de son état de santé alors qu'il affirme qu'il était réellement malade et qu'il n'est pas justifié pourquoi il a été licencié alors que d'autres salariés également arrêtés n'ont été sanctionnés que par un avertissement.
C'est à juste titre ensuite qu'il oppose que le comportement inadapté avec le directeur général, qui lui a été reproché n'est pas établi, puisque le courriel produit en pièce 18, se borne à évoquer une demande du directeur général à ne plus être dérangé par téléphone successivement par les différents salariés dont l'appelant, sans toutefois le mettre en cause particulièrement en cause.
La cour en déduit, par infirmation du jugement déféré, que la réalité des faits reprochés à l'appelant n'est pas établie et que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les prétentions financières
Le licenciement étant jugé sans cause réelle et sérieuse, M. [X] est en droit de prétendre, par confirmation du jugement déféré, aux sommes suivantes non contestées dans leur quantum:
- 2869,50 euros outre 286,95 euros de congés payés afférents de rappel de salaire retenu au titre de la mise à pied injustifiée;
- 6751,76 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis correspondant aux deux mois de salaire qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant cette période ;
-4219,85 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.
Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse octroyée au salarié est fixée dans une entreprise de plus de 11 salariés en fonction de son ancienneté en années complètes selon un barème fixant une indemnité minimale et une indemnité maximale, soit en l'espèce pour une ancienneté de 5 années complètes une indemnité comprise entre 3 et 6 mois de salaire.
Au jour du licenciement M. [X] était âgé de 50 ans et il ne justifie pas de sa situation professionnelle ultérieure. La cour dispose d'éléments suffisants pour lui allouer une indemnité de 13 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à France Travail des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [Y] [X] dans la limite de six mois d'indemnités.
Partie perdante, la société intimée est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point et à verser à l'appelant une indemnité de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [Y] [X] repose sur une cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
JUGE que le licenciement de M. [Y] [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
CONDAMNE la SAS Snapcar à verser à M. [Y] [X] une indemnité de 13 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ORDONNE d'office le remboursement à France Travail par la SAS Snapcar des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [Y] [X] dans la limite de 6 mois d'indemnité.
CONFIRME le jugement déféré sur le surplus.
-CONDAMNE la SAS Snapcar à verser à M. [Y] [X] une indemnité de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;
-CONDAMNE la SAS Snapcar aux dépens d'appel.
La greffière, La présidente.