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13/05/2024 | FRANCE | N°23/16509

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 12, 13 mai 2024, 23/16509


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 12



ARRET DU 13 MAI 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16509 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CILII



Décision déférée à la Cour : Décision de rejet du 15 Septembre 2023 - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante





APPELANTE



Madame [N] [U] épouse [X]

[Adresse 2]

[

Localité 4]

née le 19 Avril 1964

comparante en personne, non représentée



Agissant en qualité d'ayant droit de Monsieur [R] [X]

né le 28 juin 1949 et décédé le 20 février 2019






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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 12

ARRET DU 13 MAI 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16509 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CILII

Décision déférée à la Cour : Décision de rejet du 15 Septembre 2023 - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

APPELANTE

Madame [N] [U] épouse [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le 19 Avril 1964

comparante en personne, non représentée

Agissant en qualité d'ayant droit de Monsieur [R] [X]

né le 28 juin 1949 et décédé le 20 février 2019

INTIME

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1215

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Présidente de chambre

Madame Sylvie LEROY, Conseillère

Madame Dorothée DIBIE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Eva ROSE-HANO

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Andrée BAUMANN, Présidente de chambre et par Eva ROSE-HANO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

M. [R] [X], né le 28 juin 1949, exposé aux poussières d'amiante dans le cadre de son activité professionnelle, a contracté un cancer broncho-pulmonaire à compter de l'année 2016, à l'âge de 66 ans.

Le 19 avril 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne a reconnu le caractère professionnel de cette pathologie.

Le 17 mai 2017, M. [R] [X] a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande d'indemnisation de ses préjudices.

Le 30 mai 2017, le FIVA lui a notifié une première offre d'indemnisation, que M. [R] [X] a acceptée le 16 juin 2017.

L'état de M. [R] [X] s'est par la suite aggravé (récidive ganglionnaire métastatique), ce qui l'a conduit à saisir de nouveau le FIVA, le 25 août 2017, en indemnisation des préjudices consécutifs à cette aggravation.

Par lettre recommandée du 19 septembre 2017, le FIVA a adressé à M. [R] [X] une offre complémentaire, qu'il a acceptée le 23 septembre 2017. Dans ce courrier, le FIVA a indiqué que le médecin-conseil estimait que son état de santé, résultant de son exposition à l'amiante, justifiait l'attribution d'un taux d'incapacité (barème FIVA) de 100 % à compter du 4 novembre 2016. Il lui a proposé une somme totale de 53 400 euros.

M. [R] [X] est décédé des suites de sa pathologie le 4 juillet 2022.

Les ayants droit de M. [R] [X] ont alors saisi le FIVA en réparation notamment des préjudices subis du fait de son décès ainsi qu'en remboursement des frais d'obsèques.

Le 30 novembre 2022, le FIVA a adressé à Mme [N] [U] épouse [X] une première offre, qu'elle a acceptée le 2 décembre 2022, relative à l'indemnisation de son préjudice moral et d'accompagnement de fin de vie. Le 27 avril 2023, le FIVA lui a adressé une deuxième offre relative aux frais funéraires engagés du fait du décès de son époux, qu'elle a également acceptée, de même que les enfants majeurs de M. [X], nés d'une première union.

Le 15 septembre 2023, le FIVA lui a adressé, au titre de l'action successorale, une troisième offre concernant l'indemnisation des préjudices subis par le défunt, au titre de l'aggravation de son état de santé depuis l'acceptation de l'offre du 23 septembre 2017, en proposant de verser la somme complémentaire de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique. Le FIVA a rejeté sa demande au titre du préjudice économique dans la mesure où M. [R] [X] avait cessé toute activité professionnelle à partir du 1er novembre 2006, avant la constatation médicale de sa pathologie.

Mme [N] [X] a contesté cette offre par déclaration du 9 octobre 2023.

****

Mme [N] [X] expose qu'à la suite de la récidive ganglionnaire de sa maladie, l'état de son époux a été stable jusqu'en septembre 2020, date à laquelle il a souffert d'une entéropathie exsudative extrêmement sévère, secondaire au traitement par Nivolumab et qu'après une hospitalisation, il est rentré à leur domicile, 'déclaré en fin de vie'. Elle sollicite, au titre des préjudices subis en 2020 et jusqu'à la date du décès de son mari, la reconnaissance des préjudices fonctionnel, d'agrément, moral et physique que son mari a subis en expliquant qu'il ne bougeait plus du lit médicalisé et qu'il était totalement dépendant des infirmières, aides médicales et d'elle-même ; qu'il n'avait plus aucune vie sociale et n'avait plus de force, ne serait-ce que pour lire ou regarder la télévision et que les préjudices moraux et physiques résultent des souffrances insupportables subies depuis cette seconde aggravation jusqu'au décès de son mari.

A l'audience, elle précise que les diarrhées qui ont justifié l'hospitalisation de son mari en septembre 2020 résultaient du surdosage d'un médicament qui lui était prescrit (la gabapentine), lequel n'était pas prévisible et qu'il a également souffert d'une septicémie, consécutive à une complication survenue lors de la coloscopie pratiquée durant son hospitalisation, là encore non prévisible. Elle indique qu'à la suite de cette hospitalisation, l'état de santé de son mari s'est finalement stabilisé, même s'il est resté très faible.

Par conclusions reçues le 29 février 2024, le FIVA demande à la cour de :

- juger que l'indemnisation accordée sur la base d'un taux d'incapacité de 100% définitif inclut l'intégralité des souffrances endurées et restant à endurer par la victime ;

- juger que, dans ces circonstances, aucune indemnisation complémentaire de la victime n'est

possible dans la mesure où elle subit l'évolution logique et inexorable de sa maladie ;

- constater que Mme [N] [X] ne justifie d'aucune complication exceptionnelle permettant d'attribuer des sommes complémentaires au titre des préjudices fonctionnel, moral, physique et d'agrément subis par M. [R] [X] qui s'ajouteraient à celles qu'il a allouées dans ses offres des 30 mai 2017 (acceptée le 16 juin 2017) et 19 septembre 2017 (acceptée le 23 septembre 2017) ;

- confirmer sa décision de rejet en date du 15 septembre 2023 ;

- sur le complément d'indemnisation au titre du préjudice esthétique, confirmer son offre d'indemnisation du 15 septembre 2023 selon lequel le préjudice esthétique de M. [R] [X] est justement indemnisé par une somme complémentaire de 1 000 euros.

Le FIVA soutient que M. [R] [X] a présenté des complications prévisibles dans le cadre de sa pathologie dont il a été indemnisé sur la base du taux d'incapacité maximal de 100 %, qu'il a subi l'évolution inévitable de sa maladie cancéreuse et que la mise en oeuvre d'une immunothérapie et ses conséquences ne peuvent s'apparenter à des complications exceptionnelles n'entrant pas dans le champ prévisible de cette évolution.

CECI ETANT EXPOSE, LA COUR,

Le FIVA indemnise les victimes de l'amiante conformément au principe de réparation intégrale, sans perte ni profit pour ces dernières.

Conformément aux dispositions de l'article 53-IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, l'acceptation de l'offre présentée par le FIVA ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l'action en justice prévue au V de cet article vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l'exposition à l'amiante

Si l'article 53-IV prévoit cependant, dans son alinéa 2, l'indemnisation des préjudices découlant de l'aggravation de l'état de la victime lorsqu'elle survient postérieurement à l'acceptation de l'offre, une telle indemnisation complémentaire ne peut toutefois être allouée dans le cadre d'une aggravation de l'état d'une victime ayant déjà été indemnisée

de son préjudice sur la base d'un taux d'incapacité de 100 %, qu'à la condition que les facteurs aggravants invoqués, tels les affections et les traitements subis par la victime, n'entrent pas dans le champ d'une évolution prévisible de la maladie et des préjudices déjà indemnisés.

Il ressort des offres d'indemnisation en date des 30 mai 2017 puis 19 septembre 2017, que le FIVA, saisi de demandes d'indemnisation pour le compte de M. [R] [X], atteint d'un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué en 2016, a proposé de lui verser les sommes suivantes suite à l'avis du médecin-conseil du FIVA qui a d'abord considéré que l'état de santé de M. [R] [X] résultant de son exposition à l'amiante justifiait l'attribution d'un taux d'incapacité de 100 % du 4 novembre 2016 au 3 novembre 2018 puis, suite à l'aggravation de son état de santé, qu'il devait être retenu, à titre définitif, un taux d'incapacité de 100 % à compter du 4 novembre :

* première offre :

incapacité fonctionnelle : en attente,

préjudice moral : 24 100 euros,

préjudice physique : 12 200 euros,

préjudice d'agrément : 12 100 euros,

préjudice esthétique : 1 000 euros,

* seconde offre :

incapacité fonctionnelle : indemnisée par la rente versée par l'organisme de sécurité sociale (34 554,51 euros)

préjudice moral : 26 500 euros complémentaires,

préjudice physique : 13 500 euros complémentaires,

préjudice d'agrément : 13 400 euros complémentaires,

préjudice esthétique : pas de préjudice complémentaire indemnisable.

M. [R] [X] a accepté ces deux offres, respectivement les 16 juin 2017 et 23 septembre 2017, de sorte qu'il lui a été alloué au total les sommes suivantes :

- 25 700 euros au titre des douleurs physiques,

- 50 600 euros au titre des douleurs morales,

- 25 500 euros au titre du préjudice d'agrément

- 1 000 euros au titre du préjudice esthétique.

Il ressort des éléments communiqués que :

- M. [R] [X] a reçu 'une immunothérapie de type Nivolumab entre mai 2018 et août 2020', sa dernière injection datant du 28 août 2020 ;

- d'après le compte-rendu de l'hospitalisation de M. [R] [X], du 3 septembre au 17 septembre 2020, il a souffert d'un syndrome diarrhéique évoluant depuis juin 2020 ; après une 'évolution rapidement favorable sous entocort dans l'hypothèse d'un effet secondaire immunomédié du nivolumab', il a été constaté une reprise de ce syndrome qui a conduit à son hospitalisation 'pour bilan' le 3 septembre ;

- il a été constaté, (page 2 du compte-rendu), qu'il 'semblait à la relecture des différentes ordonnances que la dose de gapapentine ait été augmentée brutalement en mai 2020, (de 300 mg/j à 1800 mg/j), ce qui pourrait rendre compte ....des diarrhées' ; la dose a été diminuée ;

- une coloscopie a été réalisée le 8 septembre 2020 et a conclu à un examen normal en dehors d'une 'muqueuse rectale légèrement inflammatoire' ;

- à la suite de cet examen, M. [R] [X] a souffert d'une 'septicémie à klebsielle pneumoniae sur probable translocation post coloscopie' qui a nécessité la prise d'antibiotiques pendant huit jours ; sur le plan infectieux, il a été noté le 16 septembre 2020, une évolution favorable de la CRP et un arrêt des antibiotiques ;

- d'après la conclusion du compte-rendu, l'état clinique de M. [R] [X] était stabilisé avec une diminution nette des oedèmes des membres inférieurs et de l'encombrement bronchique ; il persistait de volumineux oedèmes des membres supérieurs en cours de résolution (un doppler veineux réalisé le 6 août 2020 sur le bras gauche ayant exclu l'existence d'une phlébite et d'une thrombose au niveau superficiel) et un état général qui demeurait 'précaire' ; il était mentionné qu' 'après plusieurs entretiens avec

Mme [X]', il avait été convenu 'd'un retour à domicile avec arrêt des traitements spécifiques et souhait si possible d'un décès à domicile' ;

- le docteur [E] [K], médecin oncologue, qui suivait M. [R] [X], l'a revu en consultation le 13 novembre 2020 ; après avoir noté que 'le scanner du 14 septembre 2020 objectivait une rémission complète persistante' à la suite de l'immunothérapie qu'il avait reçue, il a fait état de 'l'entéropathie exutative extrêmement sévère' présentée par le patient 'sur une colite aspécifique probablement secondaire au Nivolumab (...) d'évolution rapidement favorable après corticothérapie' ; il a estimé que M. [R] [X] était 'ce jour en excellent état général performans status 1, poids 53 kg transit normal', le bilan biologique retrouvant 'un petit syndrome inflammatoire' ; il a décidé de poursuivre 'la surveillance simple' et de revoir son patient en janvier avec une imagerie de contrôle ;

- le médecin traitant de M. [R] [X] a indiqué, dans un certificat du 11 juillet 2022, que celui-ci était 'décédé de mort naturelle dans les suites de sa maladie professionnelle' .

Il n'est pas produit d'autre élément médical probant par Mme [X] qui verse aussi aux débats deux ordonnances, des 15 avril et 3 juin 2002, justifiant des prescriptions liées à la pathologie dont souffrait son époux.

Si les éléments communiqués témoignent des souffrances de M. [R] [X] et de la pénibilité de sa maladie, ils ne démontrent pas cependant que l'entéropathie 'extrêmement sévère' dont celui-ci a souffert au cours de son hospitalisation en septembre 2020, constitue une complication exceptionnelle de la pathologie liée à l'amiante, pouvant justifier une indemnisation complémentaire alors qu'elle est survenue dans les suites du traitement par immunothérapie dont les résultats ont eu un effet positif sur l'évolution de la maladie. L'oncologue de M. [R] [X] a indiqué que cette entéropathie a eu une évolution 'rapidement favorable', confortée par le constat fait par le médecin de l'état de santé de son patient en novembre 2020. Les lourds préjudices évoqués par Mme [X], postérieurement à l'hospitalisation de septembre 2020 et jusqu'au décès de son mari, s'inscrivent dans le champ de l'évolution malheureusement prévisible de la pathologie et des préjudices déjà indemnisés par le FIVA, selon les offres précédemment acceptées.

Il n'y a donc pas lieu à indemnisation complémentaire au titre de l'aggravation des préjudices fonctionnel, moral, physique et d'agrément de M. [R] [X].

Pour faire une offre complémentaire au titre du préjudice esthétique, le FIVA a tenu compte de la chimiothérapie, initiée au cours de l'été 2017 à la suite de la rechute ganglionnaire métastatique dont M. [R] [X] a souffert ; selon le compte-rendu d'hospitalisation, elle a été mise en oeuvre d'août à novembre 2017. Le FIVA précise qu'il n'en avait pas été informé lorsqu'il a formulé sa première offre complémentaire acceptée le 23 septembre 2017 et que compte tenu des effets esthétiques d'un tel traitement liés notamment à l'amaigrissement du patient, son médecin conseil a évalué à 2/7 le préjudice esthétique, précédemment fixé à 1/7.

La cour juge satisfactoire cette offre du FIVA, à hauteur de la somme supplémentaire de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Déboute Mme [N] [X] de sa demande d'indemnisation complémentaire au titre de l'aggravation des préjudices fonctionnel, moral, physique et d'agrément de M. [R] [X],

Confirme la décision du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en date du 15 septembre 2023 allouant une somme complémentaire de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique de M. [R] [X],

Laisse les dépens de la présente instance à la charge du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 23/16509
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;23.16509 ?
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