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10/05/2024 | FRANCE | N°22/07330

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 10 mai 2024, 22/07330


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 10 Mai 2024



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/07330 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFJU



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juin 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/03619



APPELANTE

Caisse PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée

par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMEE

Société [6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, toque : 1406 subs...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 10 Mai 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/07330 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFJU

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juin 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/03619

APPELANTE

Caisse PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société [6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, toque : 1406 substitué par Me Nicolas BERETTI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN,présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin d'un jugement rendu le 7 juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris

(RG19-3619) dans un litige l'opposant à la société [6].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [Y] [L] était salarié de la société [5], aux droits de laquelle vient la Société [6] (désignée ci-après 'la Société') depuis le 12 novembre 1997 en qualité de collaborateur technicien régleur lorsque, le 13 octobre 2011, il a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin

(ci-après désignée 'la Caisse') une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une

« tendinopathie d'insertion distale du sus épineux droit » à laquelle était joint un certificat médical initial établi le 21 septembre 2011 par le docteur [W] [M] mentionnant une « tendinite du sus épineux droit » et fixant la date de première constatation au 21 septembre 2011.

La Caisse a reconnu le caractère professionnel de cette pathologie au titre du tableau 57 des maladies professionnelles « affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », par décision du 24 avril 2012 puis a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. [Y] [L] au 24 juin 2013.

Considérant qu'il subsistait des séquelles indemnisables à cette date, et après avis de son service médical qui constatait des « douleurs et raideur articulaire légère de tous les mouvements de l'épaule droite chez un droitier », la Caisse a, par décision du

22 juillet 2013, attribué à son assuré un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %.

Estimant ce taux surévalué, la Société a formé un recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris recours qui, en application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, l'affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement avant dire droit du 7 septembre 2021, le tribunal, devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020, a :

- ordonné une expertise sur pièces et désigné pour y procéder le

docteur [T] [P] [I], avec pour mission, en se plaçant à la date de consolidation de la maladie professionnelle, le 24 juin 2013 :

o prendre connaissance des pièces transmises par les parties,

o déterminer, selon les règles prévues par les articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale et les barèmes annexés, le taux d'IPP de M. [L] imputable à la maladie professionnelle du 21 septembre 2011, incluant un éventuel coefficient socio-professionnel,

o ordonné à la CPAM du Bas-Rhin de transmettre à l'expert le rapport du médecin conseil reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision,

- dit que la société [6] fera l'avance des frais d'expertise et devra consigner à la régie d'avances et de recettes de ce tribunal une somme de 600 euros,

- renvoyée l'affaire à l'audience du 15 février 2022.

L'expert a réalisé sa mission le 19 janvier 2022 et déposé son rapport au greffe du tribunal le 25 janvier suivant.

C'est ainsi que, par jugement du 7 juin 2022, le tribunal a :

- déclaré fondé le recours exercé par la société [6] contre la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin du 22 juillet 2013,

- fixé à 7 % le taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [Y] [L], opposable à l'employeur, la société [6], à la suite de la maladie professionnelle déclarée le 13 octobre 2011,

- rejeté le surplus des demandes,

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin supportera la charge des dépens.

Pour juger ainsi, le tribunal a entériné les conclusions de l'expert à défaut pour chacune des parties de produire d'éléments d'ordre médical pertinent permettant de remettre en cause leur bien fondé.

Le jugement a été notifié à la Caisse le 16 juin 2022 laquelle en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 13 juillet 2022.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 21 février 2024 lors de laquelle les parties étaient représentées et ont plaidé.

La Caisse, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- déclarer son acte d'appel recevable et bien-fondé,

- dire et juger que le médecin conseil a justement évalué à 10 % les séquelles liées l'accident du travail (sic) du 21 septembre 2011 de M. [Y] [L], compte tenu des séquelles constatées et, par conséquent,

- infirmer le jugement du TJ de Paris du 07 juin 2022,

- déclarer pleinement opposable à la société [6] le taux IPP de 10 %,

- condamner la Société aux entiers frais et dépens.

La Société, au visa de ses conclusions n°2, demande à la cour de :

- juger son recours recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 juin 2022, notamment en ce qu'il a abaissé à 7% le taux d'IPP de M. [L],

- dire que les séquelles de la maladie professionnelle du 21 septembre 2011 présentées par M. [L] justifient à l'égard de l'employeur l'opposabilité d'un taux d'incapacité permanente partielle de 7 % avec toutes les conséquences de droit.

En tout état de cause, la Société demande à la cour de :

- condamner la CPAM du Bas-Rhin aux dépens,

- débouter cette dernière de toutes ses demandes, fins et prétentions.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 21 février 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 10 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Moyens des parties

Au soutien de son recours, la Caisse rappelle qu'aux termes de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux médical d'incapacité permanente partielle est déterminé selon un barème indicatif d'invalidité qui fixe des taux moyens d'incapacité en fonction de différents critères reposant sur la nature de l'infirmité, l'âge, l'état général, les facultés physiques et mentales de la victime et ses aptitudes et ses qualifications professionnelles.

Au cas de M. [Y] [L], elle estime son médecin-conseil a fait une juste appréciation du guide barème des accidents de travail et maladies professionnelles en retenant un taux de 10 % pour des 'douleur et raideur articulaire légère de tous les mouvements de l'épaule droite chez un droitier' d'autant que l'intéressé a été licencié pour inaptitude suite à cette maladie et que le taux d'incapacité doit prendre en compte les éléments socio-économiques. En outre, le taux doit comprendre non seulement les limitations des mouvements de l'épaule mais également les douleurs, consistant en une périarthrite qui est estimée seule à 5 %. Or, l'expert n'a pas retenu ce poste de séquelles, ce qui a minoré le taux qu'il a proposé au tribunal.

Elle conclut que le taux de 10 % se situe ainsi dans la fourchette très basse du barème.

La Société sollicite la confirmation du jugement et l'entérinement du rapport d'expertise, soulignant qu'il vient confirmer l'avis médico-légal de son médecin consultant produit en première instance. Elle rappelle que le taux d' IPP attribué ne doit traduire la perte de capacité que des seules séquelles résultant des lésions prises en charge au titre de la maladie professionnelle. Or au cas présent, M. [L] présentait diverses pathologiques dégénératives dont la plupart était préexistantes à la maladie professionnelle prise en charge. Elle relève que la Caisse verse aux débats pour la première fois en cause d'appel une note médicale de son médecin-conseil établie le 17 novembre 2020, alors qu'au regard de cette date, elle aurait pu être produite à l'expert pour être contradictoirement débattue.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale

Une indemnité en capital est attribuée à la victime d'un accident du travail atteinte d'une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé.

Son montant est fonction du taux d'incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret dont les montants sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25. Il est révisé lorsque le taux d'incapacité de la victime augmente tout en restant inférieur à un pourcentage déterminé.

Cette indemnité est versée lorsque la décision est devenue définitive. Elle est incessible et insaisissable.

l'article L. 434-2 du même code prévoyant

Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

(...)

Lorsque l'état d'invalidité apprécié conformément aux dispositions du présent article est susceptible d'ouvrir droit, si cet état relève de l'assurance invalidité, à une pension dans les conditions prévues par les articles L. 341-1 et suivants, la rente accordée à la victime en vertu du présent titre dans le cas où elle est inférieure à ladite pension d'invalidité, est portée au montant de celle-ci. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable si la victime est déjà titulaire d'une pension d'invalidité des assurances sociales.

Il sera rappelé par ailleurs que les séquelles d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas toujours en rapport avec l'importance des lésions initiales. De même, les lésions qui demeurent au moment de la date de consolidation (laquelle ne correspond ni à la guérison ni à la reprise de l'activité professionnelle) sont proposées à partir du barème moyen indicatif, éventuellement modifiée par des estimations en plus ou en moins en fonction de l'examen médical pratiqué par le médecin.

Le barème indicatif d'invalidité relatif aux accidents de travail, prévoit que, pour l'estimation médicale de l'incapacité, il doit être fait la part de ce qui revient à l'état antérieur et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière. Ainsi :

a) il peut arriver qu'un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu'il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n'y a aucune raison d'en tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité,

b) l'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver. Il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

c) un état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d'en faire l'estimation. L'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l'accident ou la maladie professionnelle.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente, d'une part, en matière d'accidents du travail et d'autre part, en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail'.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le taux d'incapacité permanente partielle, objet de la contestation, doit être évalué tel qu'il existait à la date de consolidation de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle suite à la décision de la caisse à l'origine de la procédure, les situations postérieures à cette date ne pouvant pas être prises en considération par les juridictions du contentieux technique.

Enfin, lorsque les juridictions sont saisies d'une contestation du taux d'incapacité permanente partielle attribué à un salarié victime d'accident de travail ou d'une maladie professionnelle, seules les séquelles imputables à l'accident ou à la maladie peuvent être prises en considération par ces juridictions pour apprécier l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle.

En l'espèce, le certificat médical initial établi le 21 septembre 2011 par le docteur [W] [M] mentionnait une « tendinite du sus épineux droit ».

Aux termes du rapport d'évaluation établi par le médecin-conseil de la Caisse, repris dans le rapport d'expertise du docteur [I], le docteur [N] rapportait, à l'issue de l'examen réalisé le 29 mai 2013 :

- une absence de geste thérapeutique agressif,

- une imagerie du docteur [B] réalisée le 18 septembre 2012 mettant en évidence une arthropathie acromio-claviculaire modérée ainsi qu'une tendinopathie fissuraire partielle distale et bursale du tendon supra-épineux sur acromion semblant pathogène et un acromion agressif.

Le médecin notait que les douleurs de l'épaule droite étaient caractérisées à l'effort.

Le médecin notait par ailleurs que M. [L] présentait des lésions dégénératives préexistantes à la maladie professionnelle à savoir une arthropathie acromio-claviculaire laquelle avait naturellement des conséquences pour les tendons et concourrait à la limitation fonctionnelle de cette épaule.

Il en concluait un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %

Aux termes de son rapport d'expertise, le docteur [I], désigné par le tribunal, propose de retenir un taux d'IPP de 7 % pour des séquelles consistant en une « épaule droite douloureuse simple côté dominant avec tendinopathie du supraépineux, distale, avec fissuration ». Il note que contrairement à l'argumentation du médecin consultant de la Société, l'ensemble des mouvements avait été apprécié par le médecin-conseil et qu'ils montraient une limitation modeste et une douleur ainsi qu'une raideur articulaire légère de tous les mouvements, ce qui s'analysait en une tendinopathie discrète de coiffe du membre dominant. Il relève également l'existence de lésions dégénératives qui, bien que préexistantes à la maladie professionnelle, concourent à la limitation algofonctionnelle de l'épaule droite.

La Société sollicite la confirmation de ce taux et produit la note médicale de son médecin consultant, le docteur [Z], qui, même s'il proposait un taux de 5 %, considérait que ni l'examen de l'assuré ni aucun autre élément d'ordre médical ne permettait de considérer que M. [L] souffrirait d'une véritable limitation de tous les mouvements de l'épaule droite. Il estimait que « tout au plus est-il possible de retenir un gêne fonctionnelle douloureuse (arc douloureux) au niveau de l'épaule dominante comme étant séquellaire » et notait également que le salarié souffrait d'une pathologie dégénérative interférente

«notamment une arthropathie acromio-claviculaire indépendante mais qui est naturellement agressive pour les tendons et concourt à la limitation fonctionnelle de cette épaule ».

Pour sa part, le docteur [R], médecin-conseil de la Caisse, répondant aux observations de l'expert par une note établie le 25 février 2022, (et non 2020 comme indiqué par la Société) rappelle que le taux conseillé par le barème pour une limitation légère de tous les mouvements de l'épaule dominante est compris entre 10 et 15 % de sorte que le taux de 10 % indemnise justement les séquelles de l'épaule droite dominante au moment de la consolidation d'autant qu'il peut être retenu un coefficient professionnel puisque la victime a été licenciée pour inaptitude. Il considère que « l'arthropathie acromioclaviculaire est le plus souvent associée à une pathologie tendineuse du fait des gestes répétitifs mais les signes de l'arthropathie sont différents et ce qui limite l'épaule c'est bien le tendon fissuré. L'acromion pathogène ne peut être dissocié de la pathologie puisqu'il en est en partie la cause ».

Ce faisant, le barème indicatif d'invalidité des accident du travail prévoit en son chapitre 1.1.2 intitulé « Atteinte des fonctions articulaires », l'évaluation du blocage et de la limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu'en soit la cause.

S'agissant de la mobilité de l'épaule, le barème indique que « normalement », la mobilité est de :

- 170° pour l'élévation latérale,

- 20° pour l'adduction,

- 180° pour l'antépulsion,

- 40° pour la rétropulsion,

- 80° pour la rotation interne,

- 60° pour la rotation externe.

Il rappelle également que la main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et que la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne.

Il prévoit enfin que les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxiliaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.

Le barème propose alors, en cas de blocage ou de limitation de l'épaule, les taux suivants:

DOMINANT

NON DOMINANT

Blocage de l'épaule, omoplate bloquée

55

45

Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile

40

30

Limitation moyenne de tous les mouvements

20

15

Limitation légère de tous les mouvements

10 à 15

8 à 10

Il ressort des éléments versés aux débats et notamment du rapport d'évaluation du médecin conseil dont les données sont reprises ci-dessous, le constat d'une limitation :

- de 50° en antépulsion (130° pour une normale à180°)

- de 50° en abduction (120°pour une normale à170°)

- de 20° pour la rotation externe (40°pour une normale à 60°), main cou et main rachis lombaires étaient réalisés.

La rotation interne laissait la main à L3 à droite contre T 12.

Il n'était retenue aucune amyotrophie de sous-utilisation en raison de la gêne fonctionnelle invoquée.

Les mesures reprises dans le rapport d'évaluation permettent donc de constater que

M. [L] souffre d'une limitation de certains mouvements de l'épaule droite et non de tous les mouvements d'autant que l'évaluation de l'élévation latérale et de la rétropulsion ne sont pas recueillis, les mouvements complexes non plus. N'étant pas limité dans tous ses mouvements et souffrant en outre d'un état dégénératif ne devant pas être pris en compte dans l'évaluation, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime ne peut qu'être inférieur à 10 % s'agissant du taux médical.

Si la Caisse évoque une périarthrite scapulo-humérale qui à elle seule justifie un taux de 5 %, force est de constater que seule une douleur, sans précision, est retenue par le médecin-conseil, ce qui ne répond pas à la définition qu'en donne le barème.

La note du médecin-conseil sur l'absence d'incidence de l'état antérieur au motif que « L'arthropathie acromioclaviculaire est le plus souvent associée à une pathologie tendineuse du fait des gestes répétitifs mais les signes de l'arthropathie sont différents et ce qui limite l'épaule c'est bien le tendon fissuré. L'acromion pathogène ne peut être dissocié de la pathologie puisqu'il en est en partie la cause » ne sera pas retenue puisque, comme relevé par l'expert, non utilement contredit, «l'atteinte dégénérative de l'acromion étant une entité anatomique différente des tendons des muscles constituant la coiffe des rotateurs, il s'agit d'une lésion interférente, participant à la limitation algo fonctionnelle avec d'éventuelles séquelles de la maladie professionnelle ». Elle n'a donc pas à être prise en compte.

De plus, il n'est pas rapporté d'éléments attestant que l'état de santé de M. [Y] [L] a eu un impact sur son activité professionnelle et son accès à l'emploi, le rapport de l'expert indiquant que « l'assuré a repris, à la consolidation au 24 juin 2013, l'emploi qui était le sien » (page 2 du rapport). Si la Caisse indique que qu'il aurait été licencié, aucun avis d'inaptitude n'est versé aux débats et il n'est pas davantage produit d'éléments susceptibles de démontrer que ce licenciement était lié avec la maladie objet du présent recours, d'autant qu'il souffrait également d'une autre pathologie.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que l'examen de la situation médicale de M. [L] ayant abouti à fixer un taux d'incapacité permanente partielle de 7 % est conforme au barème indicatif rappelé ci-avant.

La décision querellée sera donc confirmée.

Sur les dépens

La Caisse, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin recevable,

CONFIRME le jugement rendu le 7 juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris (RG19-3639) en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la Caisse aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/07330
Date de la décision : 10/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-10;22.07330 ?
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