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10/05/2024 | FRANCE | N°20/04979

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 10 mai 2024, 20/04979


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 10 Mai 2024



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04979 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFXM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mai 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 18/04123



APPELANTE

URSSAF - ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 4]

[LocalitÃ

© 3]

représentée par M. [F] [G] en vertu d'un pouvoir général



INTIMEE

Madame [Y] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 10 Mai 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04979 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFXM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mai 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 18/04123

APPELANTE

URSSAF - ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par M. [F] [G] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

Madame [Y] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France d'un jugement rendu le

29 mai 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris (RG18-4123) dans un litige l'opposant à Mme [Y] [I].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [Y] [I] a été affiliée à la caisse du régime social des indépendants (ci-après désigné 'RSI') aux droits duquel vient désormais l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Ile-de-France (autrement désignée 'l'Urssaf' ou 'l'organisme') en qualité d'avocate.

A ce titre, elle doit s'acquitter des cotisations et contributions sociales obligatoires, notamment celles liées aux risques de maladie, maternité, invalidité, décès, d'indemnités journalières, d'allocations familiales, de retraite de base et complémentaires ainsi que de la CSG-CRDS.

Estimant qu'elle ne s'en était pas acquitté au titre de la période du 2ème trimestre 2018, l'Urssaf a, le 1er juin 2018, établi une mise en demeure d'un montant total de 13 355 euros pour en obtenir paiement. Cette mise en demeure a été retournée à l'organisme avec la mention « avisé, pli non réclamé ».

Puis, le 30 juillet 2018, l'Urssaf a établi une contrainte d'un même montant de cotisations et de majorations de retard. Cette contrainte a été signifiée à Mme [Y] [I] le 6 septembre 2018.

Mme [Y] [I] a formé opposition à l'exécution de cette contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, et le dossier, conformément à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, a été transféré le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020.

Par jugement du 29 mai 2020, le tribunal a :

- déclaré l'opposition à la contrainte recevable et bien fondée,

- rejeté l'exception tenant à l'autorité de la chose jugée,

- déclaré irrégulière l'action en recouvrement de l'Urssaf Île-de-France à l'égard de Mme [Y] [I],

- prononcé la nullité de la contrainte délivrée par l'Urssaf Île-de-France à Mme [Y] [I] le 24 septembre 2018,

- condamné l'Urssaf à payer à Mme [Y] [I] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- débouté Mme [Y] [I] de sa réclamation formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes des parties,

- mis les dépens à la charge de l'Urssaf Île-de-France.

Le jugement a été notifié aux parties le 9 juin 2020 et l'Urssaf en a interjeté appel par déclaration devant la présente cour enregistrée au greffe le 20 juillet 2020 puis par une déclaration d'appel rectificative arrivée au greffe le 31 juillet 2020.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 20 septembre 2023 puis, faute pour les parties d'avoir été en état, renvoyée à celle du 21 février 2024 pour être plaidée.

L'Urssaf, représentée par un agent muni d'un pouvoir, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable ;

- joindre les recours 20/05138 et 20/04979

- infirmer le jugement rendu par le Pôle Social du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a:

o rejeté l'exception tenant à l'autorité de la chose jugée ;

o déclaré irrégulière son action en recouvrement à l'égard de Mme [Y] [I],

o prononcé la nullité de la contrainte qu'elle a délivrée à Mme [Y] [I] le 24 septembre 2018 ;

o l'a condamnée à payer à Mme [Y] [I] la somme de 3000 euros au titre de dommages et intérêts ,

- statuant à nouveau de déclarer régulière la contrainte émise le 30 juillet 2018 et signifiée le 6 septembre 2018,

- constater qu'elle a bien pris en compte la demande de modulation de Mme [Y] [I] dès le 7 novembre 2018 ;

- débouter Mme [Y] [I] de ses demandes au titre des dommages et intérêts,

- condamner la cotisante au paiement de la somme de 2 219 euros au titre des cotisations et 137 euros au titre des majorations de retard afférentes au 20 trimestre 2018,

- condamner la cotisante à 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [Y] [I], qui comparait en personne, développe oralement les observations déposées à l'audience, demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les appels de l'Urssaf Île-de-France contre les deux jugements du tribunal judiciaire de Paris du 29 mai 2020, RG n° 18/04123 et RG n°18/04370,

- condamner l'Urssaf Île-de-France à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Urssaf Île-de-France aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 21 février 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 10 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

La cour relèvera au préalable qu'elle n'est saisie que de l'appel du jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris portant le numéro de RG 18-4123.

Sur la jonction des procédures

L'Urssaf a formé un recours contre la décision rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris le 29 mai 2020 par déclaration du 20 juillet 2020. Ce recours a été enregistré sous le numéro de répertoire général 20-4979.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 22 juillet 2020, enregistrée au greffe le 31 juillet suivant, l'Urssaf a de nouveau contesté cette même décision. Ce recours a été enregistré sous le numéro de répertoire général 20-5138.

Il n'est pas contesté que ces recours concernent le même litige et les mêmes parties.

Dès lors, pour une meilleure administration de la justice, et conformément à l'article 367 du code de procédure civile, il convient d'ordonner la jonction des deux procédures enregistrées sous le numéro unique du Répertoire Général 20-4979.

Sur la recevabilité de l'appel

Moyens des parties

Mme [I] fait valoir que seules les dispositions des articles 1 et 2 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais de procédure échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables et qu'elles ne prévoient une prorogation des délais d'appel que lorsque le terme de ce délai expirait dans la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020. En l'espèce, le jugement querellé a été notifié à l'Urssaf le 9 juin 2020, de sorte que le délai d'appel n'avait pas été prorogé. L'Urssaf devait donc en interjeter appel avant le 9 juillet 2020. En saisissant la cour le 20 juillet 2020, elle se trouvait donc hors délai.

L'Urssaf rétorque que si en vertu des articles 1 et 2 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 précitée tout acte, recours ou action en justice qui aurait dû être accompli pendant la période comprise entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus est réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois, sont néanmoins exclus de ces dispositions les délais et mesures faisant l'objet d'autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020. Or, l'article 4 de l'ordonnance précitée relative à la prolongation des droits sociaux prévoit que « les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales, non versées à leur date d'échéance, par les organismes de recouvrement des régimes obligatoires de sécurité sociale ainsi que par Pôle emploi, de contrôle et du contentieux subséquent sont suspendus entre le

12 mars 2020 et le 30 juin 2020 inclus ». Elle en déduit que les délais de procédure applicables au recouvrement des cotisations et contributions sociales étaient suspendus entre le 12 mars 2020 et le 30 juin 2020, et que les délais dont le point de départ se situait dans cette période n'ont commencé à courir que le 1er juillet 2020.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 538 du code de procédure civile « le délai de recours par une voie ordinaire est de un mois en matière contentieuse ».

Ce faisant, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire deux ordonnances parues sous les n°2020-306 et 2020-312, ont suspendu et reporté la prescription entre le 12 mars 2020 et le 30 juin 2020.

Aux termes de l'article 1, I, de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020, rendus applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire par l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 :

Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.

l'article 2, poursuivant

Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois."

sous réserve des dispositions de l'article 1, II, 5°selon lesquelles les dispositions précitées ne sont pas applicables aux délais ayant fait l'objet d'adaptations particulières en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.

Il est constant que figure parmi ces exceptions l'ordonnance n°2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux.

L'article de 4 de cette ordonnance dispose :

Les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales, non versées à leur date d'échéance, par les organismes de recouvrement des régimes obligatoires de sécurité sociale ainsi que par Pôle Emploi, de contrôle et du contentieux subséquent, sont suspendus entre le 12 mars 2020 et le 30 juin 2020 inclus.

Pour l'application de ce texte, les délais du contentieux subséquent s'entendent des délais de contestation du recouvrement des cotisations et contributions sociales et du contrôle devant la commission de recours amiable et de saisine du tribunal judiciaire, tels que prévus aux articles R. 133-3, R. 142-1-A, III, R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale.

Pour autant, en envisageant « les contentieux subséquents », l'article 4 précité ne vise que les contentieux qui suivent immédiatement la décision contestée, ce qui n'est pas le cas de l'appel.

Seules s'appliquent donc les dispositions de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.

Par ailleurs, l'article 640 du code de procédure civile dispose que « lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir » de sorte que le point de départ du délai pour interjeter appel est donc le 9 juin à 0'heure.

Ce délai étant exprimé en mois, il expire, conformément aux dispositions des articles 641 et 642 du code de procédure civile, le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai et à 24 heures, c'est-à-dire en l'espèce le 9 juillet à 24'heures.

En l'espèce, l'Urssaf a émis une contrainte à l'encontre de Mme [I] le

30 juillet 2018 qui lui a été signifiée le 6 septembre 2018 pour obtenir paiement des cotisations et majorations de retard du 2ème trimestre 2018.

Le jugement rendu le 29 mai 2020 a été notifié à l'Urssaf le 9 juin 2020 qui avait donc, selon les dispositions de droit commun, jusqu'au 9 juillet 2020 pour en interjeter appel. A cette date le délai d'appel n'était plus dans la période visée aux articles 1 et 2 de l'ordonnance, de sorte que la prorogation prévue par cet article 2 n'avait pas vocation à s'appliquer.

L'appel ayant été adressé le 16 juillet 2020 et enregistrée le 21 juillet 2020 par le greffe, il est donc irrecevable. Il en est de même de la déclaration d'appel survenue postérieurement, le 22 juillet 2020.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'Urssaf qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile mais ni la nature de l'affaire ni l'équité ne commandent qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de répertoire général 20-4979 et 20-5138 sous le numéro unique de répertoire général 20-479 ;

DÉCLARE l'appel formé par l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Île-de-France à l'encontre du jugement rendu le

29 mai 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris (RG18-4123) irrecevable ;

DIT n'y avoir lieu à statuer au fond ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Urssaf aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/04979
Date de la décision : 10/05/2024
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-10;20.04979 ?
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