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10/05/2024 | FRANCE | N°19/10628

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 10 mai 2024, 19/10628


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 10 Mai 2024



(n° , 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/10628 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2PI



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance d'EVRY RG n° 18/00369



APPELANTE

SAS [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me C

orinne POTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461 substituée par Me Chloé GAUCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461



INTIMEE

CPAM 38 - ISERE ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 3...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 10 Mai 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/10628 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2PI

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance d'EVRY RG n° 18/00369

APPELANTE

SAS [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461 substituée par Me Chloé GAUCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

INTIMEE

CPAM 38 - ISERE ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [5] d'un jugement rendu le 10 septembre 2019 (RG 18/00369) par le pôle social du tribunal de grande instance d'Evry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Monsieur [W] [N] était salarié de la société [5], établissement d'[Localité 6] (désignée ci-après 'la Société'), depuis le 10 mai 1999 en qualité d'employé commercial lorsque, le 17 janvier 2017, il a informé son employeur avoir été victime d'un accident survenu sur son lieu de travail que celui-ci a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (ci-après désignée 'la Caisse') en ces termes « la victime déclare : la roue d'une tour de mise en rayon s'est prise dans le sol, la tour a basculé, je me suis fait mal au dos et au bras en essayant de la retenir ».

Le certificat médical initial, établi le 18 janvier 2017 par le docteur [V], faisait mention de «l°) Douleurs lombofessiers droit lumbago 2°) Epicondylite inflammatoire bilatérale Antalgiques, kiné, radio » et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 23 janvier suivant.

La Caisse a reconnu le caractère professionnel de cet accident par décision du 27 janvier 2017 puis, après avis de son médecin-conseil, le docteur [D] [H], a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. [N] au 15 octobre 2018 sans séquelles indemnisables. La Caisse aura pris en charge, à ce titre, 195 jours d'arrêts de travail.

La Société a contesté l'imputation sur son compte employeur du coût des prescriptions dont a bénéficié son salarié devant la commission médicale de recours amiable laquelle, lors de sa séance du 12 mars 2018, a confirmé l'opposabilité à la Société des conséquences financières de l' accident du travail du 17 janvier 2017.

C'est dans ce contexte que la Société a formé un recours contentieux devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry.

En application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, l'affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance d'Evry.

Par jugement du 10 septembre 2019, le tribunal a :

- débouté la SAS [5] de l'ensemble de ses prétentions formulées au titre de l'accident de travail dont a été victime M. [W] [N] le 17 janvier 2017,

- condamné la Société aux dépens.

Pour juger ainsi, le tribunal a retenu, en substance, que la durée apparemment excessive des arrêts de travail ne permettait pas de conclure à l'inopposabilité desdits arrêts ni même d'ordonner une expertise dès lors que la continuité des symptômes était établie par les certificats médicaux et la présomption d'imputabilité pleinement applicable. Il écartait l'avis du médecin consultant de la Société comme étant peu pertinent dès lors qu'il n'avait pas examiné personnellement la victime de l'accident.

Aucun élément ne permettant de connaître la date à laquelle le jugement a été notifié aux parties, la Société en interjetant appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 24 octobre 2019, sera déclarée recevable.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 30 octobre 2022 puis renvoyée à celle du 3 juillet 2023 à la demande de la Caisse et enfin à celle du 20 février 2024 pour être plaidée lors de laquelle les parties étaient représentées et ont plaidé.

La Société, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions formulées au titre de l'accident du travail du 17 janvier 2017 dont a été victime M. [W] [N],

- fixer la date de consolidation de l'état de santé de M. [W] [N] au 28 avril 2017,

- déclarer inopposables à son égard les soins et arrêts de travail postérieurs au 28 avril 2017 prescrits à M. [W] [N].

Subsidiairement, la Société demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise médicale dans les conditions de l'article R. 142-16 du code de la sécurité sociale afin de déterminer si les soins et arrêts de travail sont en lien avec l'accident du travail du 17 janvier 2017 et s'il existe une cause totalement étrangère au travail.

La Caisse, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- confirmer la décision du pôle social du tribunal de grande instance d'Evry du 10 septembre 2019,

- débouter la société [5] de son recours,

- constater le respect par l'organisme des dispositions légales,

- déclarer opposable à l'employeur la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont a été victime M. [N] le 17 janvier 2017 ainsi que des arrêts de travail et soins prescrits à ce titre.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait ordonner une expertise, la Caisse lui demande de limiter la mission de l'expert à la seule question d'établir si les arrêts de travail ont une cause totalement étrangère au travail.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 20 février 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 10 mai 2024

MOTIFS DE LA DÉCISION

Moyens des parties

Au soutien de son recours, la Société fait valoir que la motivation du jugement est injustifiée puisque, si la présomption d'imputabilité des arrêts de travail et des soins s'étend de la date de l'accident à celle de la consolidation, cela ne concerne que ceux liés directement à l'accident.

Au cas présent, elle relève que le nombre de jours d'arrêt de travail est manifestement disproportionné au regard de la lésion initialement constatée et semble conforter l'idée que la date de consolidation a été fixée tardivement ou qu'il existait un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, d'autant qu'aucun élément de nature médicale ne permet de justifier les 195 jours d'arrêt. Elle appuie son argumentation sur l'avis de son médecin consultant, le docteur [I], qui estime que «les prescriptions d'arrêt de travail délivrées au-delà du 28 avril 2017 sont en relation exclusive avec l'évolution pour son propre compte de l'état antérieur vertébral qui se fait en toute indépendance des séquelles traumatiques du 17 janvier 2017 ».

Subsidiairement, la Société estime qu'il convient d'ordonner une expertise médicale judiciaire.

La Caisse rétorque que la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale s'étend aux troubles et lésions qui font suite à l'accident du travail de façon ininterrompue et ce jusqu'à la guérison complète ou la consolidation de l'état de la victime dès lors qu'il est démontré la continuité des arrêts de travail et des soins à l'accident. Au cas présent, elle indique produire l'ensemble des certificats médicaux délivrés au salarié suite à son accident du 17 janvier 2017 desquels il peut être constaté qu'ils mentionnent des lésions similaires, notamment des lombalgies. Elle rappelle qu'au moment des faits, M. [N] exerçait la profession d'employé commercial dans la grande distribution et qu'indiscutablement la reprise de cette activité n'était pas possible avant le 15 octobre 2018. Au demeurant, elle précise que le salarié a repris le travail à mi-temps thérapeutique en accord avec le médecin du travail le 1er août 2017 jusqu'au 18 janvier 2018, puis du 21 janvier 2018 au 15 octobre 2018. Il a donc toujours bénéficié, successivement ou concomitamment, d'arrêts de travail et/ou de soins lesquels bénéficient de la présomption d'imputabilité au travail. De plus, son médecin-conseil a confirmé à trois reprises le bien-fondé de l'arrêt de l'activité à savoir les 29 septembre 2017 et 6 juin 2018, émettant à cette date un avis favorable à la reprise du travail à temps partiel thérapeutique et le 3 octobre 2018 en donnant un avis favorable à la consolidation avec séquelles non indemnisables au 15 octobre 2018.

Aussi, il appartient à la Société, qui entend la combattre de prouver l'existence d'une cause totalement étrangère au travail. Or, au cas présent, la Caisse considère qu'elle n'apporte aucun commencement de preuve en ce sens, se contentant d'insister sur la durée des arrêts de travail prescrits à son salarié, qu'elle estime anormalement longue sans étayer ses doutes du moindre élément justifiant d'un état pathologique antérieur.

La Caisse relève enfin que la mesure d'expertise sollicitée par la Société n'est justifiée par aucune pièce d'ordre médical. Or, elle ne peut constituer une modalité d'information de l'employeur sur l'état de santé de son salarié ni être déclenchée sur simple demande d'un employeur qui s'estimerait insuffisamment informé du dossier médical de son salarié. Elle doit être réservée à des situations où l'employeur fait état d'éléments probants quant à une possible cause étrangère au travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Néanmoins, si une telle mesure devait être ordonnée, la mission devrait être limitée à la question de l'existence d'un état antérieur.

Réponse de la cour

La cour indiquera au préalable que la demande de la Société tendant à voir fixer la date de consolidation de l'état de santé de M. [N] ne saurait prospérer dans le cadre de la présente instance qui concerne l'imputabilité des arrêts de travail et des soins prescrits à M. [N] à la suite de l'accident du travail dont il a été victime. La contestation de la date de consolidation, qui ne se confond pas avec la durée des prescriptions d'arrêts de travail, relève d'une procédure particulière qu'il appartiendra à la Société de mettre en oeuvre, sous réserve des règles de prescription.

L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il résulte de ce texte que la présomption d'imputabilité dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial de la maladie professionnelle est assorti d'un arrêt de travail, s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, pendant toute la période d'incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement, aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement à toutes les conséquences directes de l'accident, fait obligation à la caisse de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents de travail les dépenses afférentes à ces lésions.

Ainsi, et sans que la Caisse n'ai à justifier de la continuité de symptômes et de soins à compter de l'accident initial, l'incapacité et les soins en découlant sont présumés imputables à celui-ci sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs. Sauf à inverser la charge de la preuve, ce n'est donc pas à la Caisse de prouver que les soins et arrêts de travail pris en charge sont exclusivement imputables à l'accident du travail, mais à l'employeur de justifier que ceux-ci sont exclusivement imputables à une cause totalement étrangère au travail de l'assuré.

En conséquence, l'employeur qui conteste le caractère professionnel de l'accident ou des arrêts de travail prescrits à la suite de l'accident et pris en charge à ce titre, doit détruire la présomption d'imputabilité s'attachant à toute lésion survenue au temps et au lieu de travail, en apportant la preuve que cette lésion est totalement étrangère au travail.

Dans le cadre de la présente procédure, la Caisse verse aux débats le certificat médical initial établi le 18 janvier 2017 par le docteur [V] faisant mention de «l°) Douleurs lombofessiers droit lumbago 2°) Epicondylite inflammatoire bilatérale Antalgiques, kiné, radio » et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 23 janvier 2019.

En produisant un certificat médical initial prescrivant un arrêt de travail, la Caisse bénéficie de la présomption d'imputabilité des arrêts de travail et des soins à l'accident du travail laquelle s'étend à toute la durée de l'incapacité jusqu'à la guérison.

Bien que sans incidence sur l'application de la présomption, la Caisse produit également l'intégralité des certificats médicaux de prolongation d'arrêts de travail prescrits à M. [N] jusqu'à la date de la consolidation de son état de santé fixée au 15 octobre 2018. A la lecture de ces certificats médicaux, il peut être constaté que le siège et la nature des lésions y figurant sont identiques à ceux mentionnés sur le certificat médical initial et que :

- du 17 janvier au 31 juillet 2017, M. [N] a bénéficié d'arrêts de travail et de soins,

- du 31 juillet 2017 au 15 octobre 2018, M. [N] a bénéficié de soins,

- à compter du 1er juillet 2017, il est prescrit une reprise d'un travail léger jusqu'au 30 novembre suivant puis, à compter de cette date et jusqu'au 15 octobre 2018, une poursuite de l'activité au titre d'un mi-temps thérapeutique de 4 heures 30 par jour.

La Caisse produit encore les avis de son service médical à savoir :

- les avis rendu le 29 septembre 2017 et 6 juin 2018 confirmant le bien fondé de l'arrêt de travail,

- le 5 octobre 2017, donnant un avis favorable à la reprise en temps partiel thérapeutique,

- le 3 octobre 2018, en donnant un avis favorable à la consolidation avec séquelles non indemnisables au 15 octobre 2018.

Il appartient donc à l'employeur, qui entend combattre la présomption d'imputabilité, de produire des éléments permettant d'établir, ou à tout le moins de douter, que les arrêts de travail et les soins seraient la conséquence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte et totalement étrangère au travail.

Pour ce faire, la Société verse aux débats l'avis de son médecin consultant, le docteur [I], établi le 5 février 2019, qui rappelle que, sur le plan médico-légal, M. [N] avait été victime d'un accident du travail responsable d'un lumbago d'effort avec irradiation dans la fesse droite et réveil d'une épicondylite bilatérale. Il relève, en substance, que :

- les certificats médicaux de prolongation ont tous été prescrits par un médecin généraliste,

- les lésions ont été traitées médicalement avec recours à un protocole de kinésithérapie permettant la disparition des radiculalgies au 7 avril 2017,

- l'état lombalgique est chronicisé à partir du 28 avril 2017 au regard des constatations du docteur [V].

Il considère que l'absence de séquelles indemnisées à la date de la consolidation, le 15 octobre 2018, alors que la victime présentait un état clinique stabilisé depuis le 28 avril 2017, indique l'existence de lombalgies chroniques antérieures à l'accident du travail, état qu'il estime connu du médecin-conseil de la Caisse au regard de la nature du traitement mis en 'uvre et de l'absence de recours à une prise en charge spécialisée en dépit de la durée de l'arrêt de travail.

Le docteur [I] relevait encore que, selon les différents référentiels relatifs à la longueur des arrêts de travail en traumatologie, l'évolution de telles activations traumatiques des états antérieurs dégénératifs (lombalgie et épicondylite bilatérale), se fait classiquement en un à deux mois, voire trois mois chez les travailleurs de force, ce qui correspond approximativement aux constatations du médecin traitant de M. [N] qui a fixé la chronicisation de son état au 28 avril 2017.

Il concluait que « les prescriptions d'arrêt de travail délivrées au-delà du 28 avril 2017 sont en relation exclusive avec l'évolution pour son propre compte de l'état antérieur vertébral qui se fait en toute indépendance des séquelles traumatiques du 17 janvier 2017 ».

Or, la cour ne pourra pas suivre cette argumentation.

Il sera tout d'abord rappelé que le fait qu'il existe un état antérieur n'exclut pas le jeu de la présomption d'imputabilité des lésions à l'accident du travail dès lors que celui-ci a concouru à l'aggravation de cet état de santé. En d'autres termes, dans l'hypothèse où un accident du travail est la cause de l'aggravation d'un état pathologique antérieur, c'est néanmoins la totalité de l'incapacité de travail consécutive à cette aggravation qui doit être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels puisque la présomption d'imputabilité s'étend à toutes les conséquences du fait accidentel. Seule la démonstration que la pathologie prise en charge par la Caisse relèverait exclusivement d'un état préexistant évoluant pour son propre compte et totalement étrangère au travail pourrait permettre un renversement de la présomption.

Or, le docteur [I] n'établit nullement qu'à compter du 28 avril 2018, seul l'état antérieur aurait été à l'origine des arrêts, se référant uniquement à un barème indicatif et à la mention « lombalgie devenant chronique » mentionnée sur le certificat médical de prolongation du 28 avril 2017, ce qui est insuffisant, à défaut de tout autre élément d'ordre médical applicable au cas de M. [N], pour remettre en cause la présomption d'imputabilité. En outre, il sera relevé que la chronicisation de la lombalgie est considérée par le médecin traitant comme « devenant chronique sur effort de soulèvement », ce qui n'exclut pas une dolorisation persistante.

Si le docteur [I] relève que le barème de la Haute autorité de santé prévoit en cas de lombalgies une durée de référence des arrêts d'un à deux, voire trois mois, il convient de rappeler qu'il s'agit d'une simple estimation de la durée sans appréciation de la situation médicale particulière du patient et qu'elle est dès lors purement indicative, ne pouvant à elle seule remettre en cause l'imputabilité des lésions à l'accident.

Il résulte de ce qui précède que l'employeur échoue à renverser la présomption d'imputabilité des arrêts de travail et des soins à l'accident du travail.

De même, aucun des documents ci-dessus, pris isolément ou dans leur ensemble, ne constitue au regard de leur généralité, un commencement de preuve d'une cause extérieure aux arrêts qui justifierait le recours à une expertise, étant rappelé que celle-ci doit trancher un différent d'ordre médical quant à l'état de santé de l'assuré, ce qui suppose que la partie qui la sollicite fasse état d'éléments de nature à remettre en cause, ou à tout le moins de douter, de l'exactitude ou de la pertinence du diagnostic posé par le médecin conseil. Il vient d'être démontré que ce n'est pas le cas en l'espèce.

En conséquence, la demande d'expertise sera rejetée et la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère de prendre en charge, au titre du risque professionnel, les arrêts de travail et les soins prescrits à M. [N] à compter du 17 janvier 2017, date de l'accident, est opposable à la Société.

Le jugement querellé sera en conséquence confirmé.

Sur les dépens

La Société, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la SAS [5] recevable,

CONFIRME le jugement rendu le 10 septembre 2019 (RG 18/00369) par le pôle social du tribunal de grande instance d'Evry en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la Société aux dépens.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/10628
Date de la décision : 10/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-10;19.10628 ?
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