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10/05/2024 | FRANCE | N°18/12498

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 10 mai 2024, 18/12498


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 10 Mai 2024



(n° , 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12498 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6V2X



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00958



APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse

2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS



INTIME

Monsieur [W] [U]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 10 Mai 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12498 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6V2X

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00958

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [W] [U]

Chez Monsieur [U] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Carole YTURBIDE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,

toque : 131

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Fatma DEVEC greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis d'un jugement rendu le 25 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny (RG18-00958B) dans un litige l'opposant à M. [U].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [W] [U] était salarié de la société [5] (désignée ci-après 'la Société') depuis le 19 décembre 2005 en qualité de manutentionnaire lorsque, le 22 avril 2014, il a informé son employeur avoir été victime d'un accident survenu sur son lieu de travail que celui-ci a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (ci-après désignée 'la Caisse') en ces termes « la victime s'est présentée à nos bureaux en nous demandant une déclaration d'accident du travail qui aurait eu lieu le 22 avril 2014 ; siège des lésions : genou droit ; nature des lésions : trauma rotulien - épanchement ».

Le certificat médical initial établi le 15 mai 2014 par le docteur [D] [E] faisait mention d'un « traumatisme rotulien et épanchement au genou droit » et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 23 mai 2014.

La Caisse a alors diligenté une instruction par l'envoi de questionnaires à son assuré et à son employeur à l'issue de laquelle elle a, par décision du 22 octobre 2014, refusé de prendre en charge l'accident déclaré au titre du risque professionnel estimant qu'il n'existait pas de preuve de la survenance d'un fait accidentel le 22 avril 2014.

M. [U] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable laquelle, lors de sa séance du 25 mars 2015, confirmé la décision de la Caisse estimant qu'aucune pièce ne permettait d'établir l'existence d'un fait accidentel survenu le 22 avril 2014 d'autant que le certificat médical initial avait été établi tardivement. Cette décision a été notifiée à M. [U] le 1er avril 2015.

C'est dans ce contexte que M. [U] a porté sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny qui a, par jugement du 25 septembre 2018 :

- déclaré son action recevable et bien fondée,

- déclaré mal fondée la décision de la caisse d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis de refus de prise en charge de l'accident dont a été victime M. [W] [U] le 22 avril 2014,

- ordonné la prise en charge de l'accident de travail dont a été victime M. [W] [U] le 22 avril 2014 au titre de la législation sur les risques professionnels,

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à remplir de ses droits M. [W] [U] suite à l'accident du travail survenu le 22 avril- 2014 dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels,

- rappelé que la procédure est gratuite et sans frais,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Pour juger ainsi, le tribunal a estimé que la Caisse avait implicitement reconnu le caractère professionnel de l'accident. Il a considéré que l'organisme avait reçu le certificat médical initial au cours du mois de mai 2014 et la déclaration d'accident du travail le 10 juin 2014 de sorte qu'il aurait dû, au plus tard le 10 juillet, ou le 10 septembre 2014 dans l'hypothèse d'une notification régulière d'un délai complémentaire, rendre une décision sur la prise en charge de l'accident. Or, ce n'est que le 22 octobre 2014 qu'une décision de refus de prise en charge au titre du risque professionnel a été notifiée à M. [U].

Le jugement a été notifié à la Caisse le 3 octobre 2018 qui en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 2 novembre 2018.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur 21 juin 2021 puis, faute pour les parties d'être en état, renvoyée à celles des 31 janvier 2022, 18 octobre 2022, 3 juillet 2023 et finalement à celle du 20 février 2024 lors de laquelle les parties étaient représentées et ont plaidé.

La Caisse, reprenant oralement le bénéfice de ses conclusions, demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 25 septembre 2018 en toutes ses dispositions et, en conséquence,

- juger qu'il n'y a pas eu de prise en charge implicite,

- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [U] en tous les dépens.

M. [U], développant oralement les conclusions qu'il dépose à l'audience, demande à la cour de :

- le dire et juger recevable et bien fondé en ce recours,

- dire que l'accident dont il a été victime doit être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

- confirmer purement et simplement la décision de première instance.

A titre subsidiaire, M. [U] demande à la cour d'ordonner la mise en 'uvre d'une expertise médicale.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 20 février 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 10 mai 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

Moyens des parties

Au soutien de son appel, la Caisse fait valoir que c'est par une inversion de la charge de la preuve que le Tribunal a retenu que l'organisme ne rapportait pas la preuve qu'elle avait rendu sa décision de refus de prise en charge dans les délais requis. Or, conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de leurs prétentions. Au cas présent, M. [U] ne précisait pas la date à laquelle le délai aurait commencé à courir, ni celle à laquelle il se serait achevé. La Caisse souligne que la présente cour a eu l'occasion de rappeler qu'en matière de prise en charge implicite, la charge de la preuve reposait sur la partie qui invoquait le non-respect du délai. En tout état de cause, elle note que le tribunal a inexactement retenu que le point de départ du délai de prise en charge était la date d'établissement de la déclaration d'accident du travail, alors que le point de départ du délai d'instruction ne peut être que celle à laquelle l'organisme a été en possession tant de la déclaration d'accident du travail que du certificat médical initial.

M. [U] ne formule aucune observation de ce chef, reconnaissant cependant qu'il n'a pas d'élément pour fixer une date d'envoi et de réception par la Caisse du certificat médical initial et de la déclaration d'accident du travail. Il indique par ailleurs n'avoir jamais demandé au tribunal de statuer sur une prise en charge implicite de son accident de travail.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale

La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L.432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu

L'article R. 441-14 se lit quant à lui

Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision. (souligné par la cour)

Au cas présent, aucun élément ne permet à la cour de s'assurer de la date à laquelle la Caisse a été en possession de la déclaration d'accident du travail et du certificat médical initial. Le tribunal, qui a évoqué plusieurs dates, n'a retenu que des hypothèses que ne corrobore aucune pièce.

M. [U], qui n'avait pas sollicité le bénéfice d'une reconnaissance implicite en première instance, indique ne pas avoir plus d'éléments pour établir la date à laquelle le point de départ du délai d'instruction devait courir.

Dès lors que la preuve n'est pas rapportée de la date de réception par la caisse de la déclaration de maladie professionnelle ainsi que du certificat médical initial, ni d'ailleurs de la réception par la caisse du questionnaire complété par l'assuré, il ne peut être retenu qu'en rendant sa décision le 22 octobre 2014, la Caisse se trouvait hors délai.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce sens.

Sur le caractère professionnel de l'accident

Moyens des parties

Au soutien de son recours, la Caisse rappelle qu'un accident du travail bénéficie de la présomption d'imputation au travail s'il résulte d'une action soudaine, survenue au temps et au lieu du travail, ayant provoqué une lésion, le fait générateur de celle-ci devant trouver son origine dans le travail. C'est à la victime d'apporter cette preuve ce que M. [U] échoue à le faire. Elle relève d'abord qu'il a attendu deux mois avant de solliciter de son employeur qu'il rédige une déclaration d'accident du travail sans aucunement fournir d'explications sur les circonstances de sa survenue ni même nommer un témoin. Ensuite, les éléments qu'il a renseignés dans le cadre du questionnaire n'étaient pas plus de nature à établir la preuve de l'accident puisqu'il ne faisait référence à aucun fait accidentel qui serait survenu le 22 avril 2014. Il indiquait seulement qu'il aurait été heurté au niveau du genou droit par un poteau et que son genou s'était 'soudainement mis à gonfler' le 20 novembre 2013, date qui démontre qu'aucun accident n'est survenu le 22 avril 2014. Elle souligne que l'employeur a indiqué n'avoir été destinataire que d'un arrêt maladie daté du 2 mai 2014, qui a été modifié en arrêt de travail au titre de la législation professionnelle à compter du 1er août 2014, pour des motifs qu'il ignorait. Il précisait néanmoins qu'aucune des personnes présentes au dépôt le 22 avril 2014 n'avait constaté ou évoqué d'accident impliquant M. [U], alors qu'il travaillait avec une équipe d'environ six personnes. La Caisse relève enfin que les lésions ont été constatées trois semaines après la survenance de l'accident ce qui ne permet pas de les imputer à un fait qui serait survenu le 22 avril 2014. Elle souligne que M [U] les a d'ailleurs imputées à des événements qui seraient survenus les 10 février 2011 et 20 novembre 2013. La Caisse conclut en conséquence à l'absence de caractère professionnel de l'accident déclaré le 22 avril 2014.

M. [U] rétorque que son accident bénéficie d'une présomption d'imputabilité puisqu'il réunit les trois éléments caractérisant l'accident du travail à savoir une action soudaine, une lésion corporelle et un fait lié au travail. Il souligne l'existence d'une lésion qu'aucun élément ne permet de rattacher à un autre événement que celui survenu le 22 avril 2014.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs, ou chefs d'entreprise .

L'accident du travail est ainsi légalement caractérisé par la réunion de trois éléments :

- un fait accidentel, c'est-à-dire que l'accident repose sur la survenance d'un événement qui n'a pas nécessairement les caractéristiques d'un fait soudain, la soudaineté pouvant s'attacher soit à l'événement, soit à la lésion, mais dont la date est certaine, cette exigence ayant pour but d'établir une distinction fondamentale entre l'accident et la maladie laquelle est normalement le résultat d'une série d'événements à évolution lente et ne doit pas être rattachée au risque accident du travail,

- une lésion corporelle : c'est-à-dire que l'accident doit porter atteinte à l'organisme humain, physiquement ou psychiquement, peu important l'étendue et l'importance de la lésion ainsi que ses caractéristiques ;

- un lien avec le travail c'est-à-dire que l'accident doit être survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; cela ne signifie pas toutefois que l'accident doive se dérouler sur le lieu et durant le temps de travail mais si tel est le cas, l'accident survenu au temps et au lieu de travail est présumé d'origine professionnelle.

Cette définition suppose que le salarié soit, au moment des faits, sous la subordination de l'employeur ou en position de subordination.

Il résulte également de cet article une présomption d'imputabilité de l'accident survenu au temps et au lieu de travail laquelle ne peut être combattue que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail. Néanmoins, dans ce dernier cas, il appartient à celui qui invoque le jeu de la présomption d'établir au préalable les circonstances exactes de l'accident autrement que par de simples affirmations et de prouver que la lésion est apparue au temps et au lieu de travail (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, Bull. n° 132).

A défaut de preuve, la victime doit établir la preuve, par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes, au sens de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

- de la matérialité du fait accidentel,

- de sa survenance par le fait ou à l'occasion du travail,

- du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel,

les seules affirmations de la victime non corroborées par des éléments objectifs étant insuffisantes.

Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui qui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail (2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-29.411).

Il est constant en l'espèce que M. [U] était employé en qualité de manutentionnaire le 10 juin 2014 lorsqu'une déclaration d'accident du travail a été établie par son employeur faisant état d'un accident survenu le 22 avril 2014 ainsi libellée «La victime s'est présentée à nos bureaux pour nous demander une déclaration d'accident du travail qui aurait eu lieu le 22.04.2014 ».

Le certificat médical initial établi le 15 mai 2014 par le docteur [D] [E] faisait mention d'un « traumatisme rotulien et épanchement au genou droit » et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 23 mai 2014. Il reliait l'accident à un fait survenu le 22 avril 2014 sans aucune précision sur les raisons qui justifiaient que cette date soit retenue.

Dans le cadre de l'enquête diligentée par la Caisse, M. [U] a expliqué avoir été accidenté au dépôt de l'entreprise le 10 février 2011 où un de ses collègues aurait heurté son genou droit avec une fourche et l'avait fait chuter. Il précisait avoir de nouveau été victime d'un accident le 20 novembre 2013 et son genou se serait mis à gonfler. Il explique que son employeur n'aurait procédé à aucune déclaration d'accident du travail et que ce n'est que le 15 mai 2014, sur les conseils de son médecin qui lui aurait dit que « sa pathologie serait plus due à un accident du travail qu'à une maladie » qu'il aurait fait une déclaration d'accident du travail pour un fait survenu le 20 novembre 2013.

Pour sa part, l'employeur indiquait à la Caisse n'avoir été informé d'un accident survenu le 22 avril 2014 que le 10 juin 2014, soit près de trois mois après les faits. M. [U] lui avait adressé un arrêt de travail à compter du 2 mai 2014 au titre de l'assurance maladie, arrêt qui était devenu un arrêt de travail au titre du risque professionnel à compter du 1er août 2014. Il confirmait n'avoir jamais eu connaissance d'un quelconque fait qui serait survenu le 22 avril 2014, alors même que le travail se faisait en équipe et confirmait que la déclaration d'accident du travail n'avait été faite qu'à la demande de M. [U] et sur ses seules déclarations.

Aucun témoin n'est venu confirmer les déclarations de M. [U] sur la survenue d'un accident le 22 avril 2014.

Il n'est pas contesté par ailleurs que M. [U] a continué de travailler au moins jusqu'au 2 mai 2014, date de l'arrêt de travail délivré au titre de l'assurance maladie.

En raison d'une déclaration d'accident du travail tardive, d'un certificat médical initial établi trois semaines après l'événement invoqué, de l'absence de témoin et de l'incohérence des déclarations de l'assuré qui relie son accident parfois à un fait datant de 2011 parfois à un fait survenu le 20 novembre 2013 et parfois le 22 avril 2014, il n'existe aucun faisceau d'éléments objectifs, précis et concordants, qui vienne corroborer les affirmations de M. [U] sur les circonstances exactes de l'accident et sur le caractère professionnel de celui-ci.

Il ne peut donc bénéficier de la présomption prévue à l'article L. 422-1 précité de sorte qu'il lui appartient d'établir, autrement que par ses déclarations, que les lésions médicalement constatées le 15 mai 2014 sont en rapport avec un fait accidentel en lien avec son activité professionnelle.

Or, force est de constater que M. [U] échoue à rapporter cette preuve, ne produisant que la déclaration d'accident du travail reposant sur ses seules déclarations et un certificat médical initial dont il vient d'être jugé que la tardiveté de son établissement ne permettait pas de connaître la date exacte de l'apparition de la lésion.

C'est donc à juste titre que la Caisse a refusé de prendre en charge l'accident invoqué au titre du risque professionnel.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les dépens

M. [U], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis recevable,

INFIRME le jugement rendu le 25 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny (RG18-958) en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

JUGE que l'accident déclaré par M. [W] [U] le 22 avril 2014 n'est pas d'origine professionnelle et qu'il n'a pas à être pris en charge à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE M. [U] aux dépens d'instance et d'appel.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/12498
Date de la décision : 10/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-10;18.12498 ?
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