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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00250

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 07 mai 2024, 24/00250


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12





SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 07 MAI 2024



(n°250, 4 pages)







N° du répertoire général : N° RG 24/00250 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJKBG



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Avril 2024 -Tribunal Judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/01664



L'audience

a été prise au siège de la juridiction, en chambre du conseil, le 06 Mai 2024



COMPOSITION



Patricia DUFOUR, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 07 MAI 2024

(n°250, 4 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00250 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJKBG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Avril 2024 -Tribunal Judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/01664

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en chambre du conseil, le 06 Mai 2024

COMPOSITION

Patricia DUFOUR, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,

assisté d'Anais DECEBAL, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision

APPELANT

Monsieur [I] [X] (Personne faisant l'objet de soins)

né le 24/02/1995 à [Localité 4]

demeurant Chez Madame [N] [J] - [Adresse 2]

Actuellement hospitalisé au Centre hospitalier [6]

comparant en personne / assisté de Me Sylvie BONAMI, avocat commis d'office au barreau de Paris,

INTIMÉ

M. LE PRÉFET DU VAL DE MARNE

demeurant [Adresse 3]

non comparant, non représenté,

PARTIE INTERVENANTE

M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [6]

demeurant [Adresse 1]

non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme M.-D. PERRIN, avocate générale,

Comparante,

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Alors qu'il est incarcéré au centre pénitentiaire [5], par certificat médical du 9 avril 2024 le Dr [L] [R] a sollicité l'admission de M. [I] [X] en soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète sur décision du représentant de l'Etat d'une personne détenue ce qui a conduit le préfet du Val-de-Marne par arrêté du même jour à l'admettre au sein du centre hospitalisation [6] ' UHSA de [Localité 7], mesure maintenue par arrêté du 15 avril 2024.

Par requête en date du 16 avril 2024, le préfet a sollicité la prolongation de la mesure, demande à laquelle le juge a fait droit par décision du 19 avril 2024.

Par courriel reçu au greffe le 29 avril 2024 à 13h38 M. M. [I] [X] a fait appel de la décision.

Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 6 mai 2024.

L'audience s'est tenue au siège de la juridiction chambre du conseil.

M. [I] [X] déclare qu'il a fait des allers-retours entre l'établissement pénitentiaire et l'hôpital où il a été ramené le 9 avril, qu'il a accepté de voir un psychiatre mais a refusé de le revoir et qu'on lui a expliqué qu'il pouvait être hospitalisé sans consentement.

Il précise qu'il préfère être en maison d'arrêt car il souffre de la maladie de crohn, qu'il peut prendre son traitement sans problème et que pour les repas c'est beaucoup mieux car il peut manger des aliments compatibles avec cette maladie et cuisiner.

Reprenant ses conclusions écrites Me Bonami sollicite l'infirmation de la décision du premier juge, au motif qu'aucun des arrêtés du préfet n'a été notifié à son client, que le troisième arrêté n'a pas été notifié à son client mais à des tiers, ajoutant qu'il n'y a aucun motif de cette absence de notifications puisque M. [I] [X] était en état de les recevoir, et que ces irrégularités font nécessairement grief.

S'agissant des certificats médicaux, elle fait remarquer que le premier certificat a été pris au-delà du délai de 24 heures et qu'il en est de même du certificat de 72 heures, ajoutant qu'elle ne comprend pas les retards d'autant que cette carence ne permet pas d'apprécier l'évolution de l'état de santé du patient.

L'avocate ajoute ne pas avoir la preuve du récépissé de notification et que les diligences imposées par l'article L. 3213-9 n'ont pas été respectées et qu'il s'agit là aussi d'une irrégularité de procédure.

Sur le fond, Me Bonami évoque les difficultés rencontrées par son client compte-tenu de sa maladie car à l'hôpital il y a un menu unique et que son client peut rester 24 heures sans manger, précisant qu'une semaine sur deux il est à l'hôpital pour sa maladie.

Pour conclure elle sollicite la mainlevée de la mesure.

L'avocate générale fait observer qu'il y a un certain nombre d'éléments inopérants, que l'arrêté du préfet de police a été notifié à l'avocate ce qui démontre que M. [I] [X] a eu nécessairement connaissance du dossier, qu'il n'y a aucune irrégularité quant à la notification de la décision du juge des libertés et de la détention, que la convocation à la présente audience a été portée à sa connaissance puisqu'il est présent.

Elle considère qu'il n'y a pas d'irrégularités de procédure et qu'il convient de confirmer l'ordonnance d'autant que dans le certificat médical de situation le psychiatre évoque un tableau dissociatif et délirant.

M. [I] [X] a la parole en dernier et renouvelle sa volonté de retourner en détention.

MOTIFS,

L'article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

Selon l'article L. 3211-12-1 du même Code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre , de l'article L.3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure.

Au surplus, l'article L. 3213-1 du code de la santé publique qui est relatif à l'admission en soins psychiatrique à la demande du représentant de l'Etat dispose, notamment, que le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département le certificat médical du médecin ayant examiné le patient et que, dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical le représentant de l'Etat décide de la prise en charge en tenant compte de la proposition du médecin et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public, l'article précisant que dans l'attente de la décision du représentant de l'Etat, la personne malade est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète, sachant qu'une procédure identique s'applique en cas de réintégration.

En l'espèce, M. [I] [X] a été hospitalisé sans consentement à la demande du représentant de l'Etat car il présentait, notamment, une symptomatologie associant étrangeté du contact avec discordance idéo-affective, bizarreries comportementales, désorganisation idéique avec troubles de la logique et du cours de la pensée, paralogismes, idées délirantes de persécution et d'empoisonnement de mécanismes intuitifs et interprétatifs avec adhésion totale. Il est mentionné aussi une anosognosie et une opposition aux soins avec refus de suivi, d'entretien et de thérapeutiques médicamenteuses, sachant que les différents intervenants ayant été amené à prendre en charge le patient rapportent une symptomatologie similaire.

S'agissant des exceptions d'irrégularité soulevées pour la première fois en cause d'appel, il convient de constater qu'aucune justification de la notification de l'arrêté du préfet du 9 avril 2024 portant admission en soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète sur décision du représentant de l'Etat ne figure dans le dossier et que l'irrégularité est établie puisque le patient n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits.

Pour ce qui concerne l'arrêté portant maintien de la mesure du 15 avril 2024, sa notification à un infirmier est établie, que celle-ci n'a pas été faite à M. [I] [X], qu'il est mentionné que le patient n'était pas en mesure de signer l'acte, sachant qu'aucun élément médical ne peut remettre en cause cette incapacité, d'autant que cet arrêté a été établi six jours après le premier, soit au-delà des délais impartis.

Il s'avère au surplus que le certificat médical de 24 heures a été établi le 12 avril 2024, soit trois jours après l'admission, que le médecin mentionne d'ailleurs son établissement dans les soixante-douze heures en SDRE. Soit il s'agit d'une erreur matérielle, et dans cette hypothèse le certificat des 24 heures est tardif, soit aucun certificat des 24 heures n'a été établi.

Quant au certificat médical des 72 heures, il a été établi la date du 13 avril soit le lendemain du premier certificat alors qu'un délai de 48 heures entre les deux certificats médicaux et est donc irrégulier.

Les éléments ci-dessus caractérisent des irrégularités qui ont nécessairement fait grief à l'intéressé et, sans qu'il y ait lieu d'apprécier le bien-fondé de la prolongation de la mesure, il convient d'ordonner la mainlevée de la mesure de soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète à la demande du représentant de l'Etat de M. [I] [X].

En conséquence, l'ordonnance querellée soit être infirmée.

PAR CES MOTIFS

Le délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, en chambre du conseil par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire,

INFIRME l'ordonnance,

Statuant à nouveau,

DECLARE la procédure irrégulière,

ORDONNE la mainlevée de la mesure de soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète à la demande du représentant de l'Etat de M. [I] [X],

DIT que la mainlevée de la mesure prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique,

LAISSE les dépens à la charge de l'État.

Ordonnance rendue le 07 MAI 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

copie certifiée conforme notifiée le 7 mai 2024 par courriel à :

X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l'hôpital

' tiers par LS

X préfet de police

' avocat du préfet

' tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 24/00250
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.00250 ?
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