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07/05/2024 | FRANCE | N°23/16785

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 07 mai 2024, 23/16785


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 07 MAI 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16785 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIL26



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Juin 2023 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/55717





APPELANTE



S.A. BNP PARIBAS, RCS de Paris sous le n°662 042 449, prise en

la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Dominique PENIN du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 07 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16785 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIL26

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Juin 2023 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/55717

APPELANTE

S.A. BNP PARIBAS, RCS de Paris sous le n°662 042 449, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Dominique PENIN du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

INTIMEE

Mme [Z] [D] divorcée [M]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Grégoire HALPERN de la SELAS Cabinet G.Halpern & Associé, avocat au barreau de PARIS, toque : E0593

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Laurent NAJEM, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D], divorcée [M], est titulaire de comptes bancaires ouverts dans les livres des banques BNP Paribas et Société Générale.

Elle expose avoir fait l'objet d'une interdiction bancaire le 1er décembre 2020 pour un chèque sans provision qu'elle n'avait pas établi, puis d'une notification d'un fichage auprès de la Banque de France au mois de juillet 2021, et ajoute avoir par la suite découvert la présence de débits inexpliqués sur ses comptes et la falsification de plusieurs de ses chèques.

Par actes des 12 juillet et 9 août 2022, Mme [D], a fait citer la banque BNP Paribas, la Société Générale et Mme [S] [W], sa fille, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement des articles 11 et 145 du code de procédure civile aux fins de communication de pièces.

A l'audience du 24 janvier 2023, M. [P] [D] a déclaré intervenir volontairement à la procédure.

Par acte du 17 mars 2023, Mme [D] et M. [D] ont fait citer M. [L] [W] en intervention forcée.

Par ordonnance réputée contradictoire du 14 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

- déclaré recevable M. [P] [D] en son intervention volontaire ;

- ordonné à la BNP Paribas de transmettre à Mme [D], divorcée [M] :

* la copie des chèques suivants tirés sur son compte :

- chèque n°2891154 d'un montant de 500 euros ;

- chèque n°2891122 d'un montant de 500 euros ;

- chèque n°4434689 d'un montant de 179 euros ;

- chèque n°2891174 d'un montant de 1.300 euros ;

- chèque n°2891136 d'un montant de 3.500 euros ;

* la copie des ordres/instructions de virement effectués depuis le mois de juillet 2019 jusqu'au mois de juin 2021, ainsi que le libellé du bénéficiaire ;

* s'agissant du changement d'adressage opéré au profit de l'adresse de Mme [W] au [Adresse 6] à [Localité 5] :

- la lettre avisant la BNP Paribas du changement d'adressage et lui demandant d'enregistrer une nouvelle adresse au nom de Mme [D] ;

- les justificatifs sollicités par la BNP Paribas et fournis par l'auteur de la demande de changement d'adressage ;

*s'agissant du changement d'adressage de Mme [D], divorcée [M], domiciliée « chez Mme [S] [W] au [Adresse 3] » :

- la lettre de demande d'enregistrement de cette adresse au nom de Mme [D], divorcée [M] ;

- les justificatifs sollicités par la BNP Paribas et fournis par l'auteur de la demande de changement d'adressage ;

- la procuration qui aurait été confiée par Mme [D], divorcée [M] à Mme [W] ;

et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision ;

- dit que passé ce délai, la société BNP Paribas sera redevable d'une astreinte provisoire de 10 euros par document et par jour pendant quatre mois ;

- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- débouté M et Mme [D] du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société BNP Paribas à verser à Mme [D], divorcée [M] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné Mme [D], divorcée [M] et M. [D] à verser à la Société Générale la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la BNP Paribas au paiement des dépens qui la concerne ;

- laissé à la charge de M. et Mme [D] le surplus des dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéfice de l'exécution provisoire de droit.

Par déclaration du 13 octobre 2023, la société BNP Paribas a interjeté appel, intimant Mme [D].

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 26 février 2024, la société BNP Paribas demande à la cour de :

- la dire et la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 14 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Paris ;

- prononcer l'irrecevabilité de la demande subsidiaire de Mme [D], divorcée [M] de sa condamnation au paiement d'une provision de 5.979 euros ;

- débouter Mme [D], divorcée [M] de l'intégralité de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent ;

- condamner Mme [D], divorcée [M] à lui payer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle allègue qu'à l'absence de démonstration d'une action susceptible d'être mise en 'uvre au titre des chèques réclamés, s'ajoutait le fait que la demande était générale et indéterminée ; qu'elle a produit en première instance l'ensemble des chèques dont elle est parvenue à récupérer copie ; qu'elle ne dispose pas de la copie des chèques encore sollicités, de sorte qu'elle ne saurait être condamnée à les produire sous astreinte.

Elle fait valoir que la demande provisionnelle de l'intimée est irrecevable comme nouvelle ; que la discussion au titre d'une faute relève du juge du fond.

S'agissant de la copie des ordres et instructions effectués depuis le mois de juillet 2019 jusqu'au mois de juin 2021, ainsi que le libellé du bénéficiaire, elle soutient qu'elle ne saurait être responsable si l'intimée a communiqué à sa fille « ses identifiants et mots de passe » ; que l'action serait vouée à l'échec, en raison du délai de forclusion qui résulte de l'article L. 133-24 du code monétaire et financier ; que Mme [D] a toujours disposé de ses relevés de compte puisqu'elle les a versés aux débats, quel que soit l'adressage de l'envoie desdits relevés ; qu'elle n'a jamais fait la moindre observation au sujet des virements. Elle fait valoir qu'elle ne dispose plus en tout état de cause desdites instructions.

Elle allègue que, malgré ses recherches, elle n'a pas réussi à retrouver le changement d'adressage au profit de Mme [W] ([Adresse 7] puis [Adresse 10]), ni la procuration. Elle relève à ce dernier titre que cette pièce doit être entre les mains de l'intimée. Elle indique qu'elle ne dispose pas davantage de la convention de compte initiale.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 26 février 2024, Mme [D], demande à la cour, au visa des articles 145, 328 et 330 du code de procédure civile et 10 du code civil, de :

la recevoir en ses demandes et la déclarer bien-fondée ;

confirmer l'ordonnance du juge des référés du 14 juin 2023 en ce qu'elle a ordonné à la BNP Paribas de lui transmettre [différentes pièces sous condition d'astreinte]

infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- débouté Mme [D], divorcée [M] du surplus de ses demandes ;

- laissé à la charge de M et Mme [D] le surplus des dépens ;

ordonner, dans un délai de trente jours à compter de la signification de la décision intervenir, la communication des pièces ci-après énumérées, et au-delà de ce délai, sous astreinte de 50 euros par document et jour de retard et se réserver la liquidation de l'astreinte :

* à la BNP Paribas :

- la convention d'ouverture du compte bancaire (conditions particulières) portant les références suivantes :

- RIB : [XXXXXXXXXX02]

- IBAN : [XXXXXXXXXX09]

- BIC : [XXXXXXXXXX08]

- la copie des chèques tirés sur le compte détenu par elle à la BNP :

- chèque n°2891154 d'un montant de 500 euros ;

- chèque n°2891122 d'un montant de 500 euros ;

- chèque n°2891136 d'un montant de 3.500 euros ;

- chèque n°7034209 d'un montant de 3.600 euros ;

- chèque n°7034207 pour un montant de 487,64 euros ;

- chèque n°7034208 pour un montant de 1.800 euros ;

à défaut de restitution, condamner la BNP Paribas à lui rembourser le montant des chèques dont la BNP prétend ne pas pouvoir restituer : soit un montant de 5.979 euros ;

- la copie des ordres/instructions de virement effectués depuis juin 2017 à ce jour et de l'identification de leur(s) bénéficiaire(s) :

- s'agissant du changement d'adressage opéré au profit de l'adresse de Mme [W] au [Adresse 6] :

- la lettre avisant la BNP du changement d'adressage et lui demandant d'enregistrer une nouvelle adresse au nom de Mme [D], divorcée [M] ;

- les justificatifs sollicités par la BNP et fournis par l'auteur de la demande de changement d'adressage, dont un justificatif de domicile au nom de Mme [D], divorcée [M] ;

- le carton de signature sollicité par la BNP et déposé à cette occasion par l'auteur de la demande de changement d'adressage ;

- s'agissant du changement d'adressage de Mme [D], divorcée [M] domiciliée « chez Mme [W] au [Adresse 3] » :

- la lettre de demande d'enregistrement de cette adresse au nom de Mme [D], divorcée [M] ;

- les justificatifs sollicités par la BNP et fournis par l'auteur de la demande de changement d'adressage, dont un justificatif de domicile du nom de Mme [D], divorcée [M] ;

- le carton de signature sollicité par elle et déposé à cette occasion par l'auteur de la demande de changement d'adressage ;

- la procuration dont la BNP invoque l'existence, qui aurait été confiée par Mme [D], divorcée [M] à Mme [W] ;

condamner la BNP Paribas à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

débouter la BNP Paribas de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande de condamnation de la BNP Paribas à lui rembourser le montant des chèques dont la BNP prétend ne pas pouvoir restituer : soit un montant de 5.979 euros ;

débouter la BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires.

Elle rappelle les conditions du référé probatoire, tenant à un motif légitime. Elle fait valoir que la banque répond envers son client des erreurs qu'il a pu commettre ; qu'il existe une obligation de vigilance ; qu'il revient à la banque d'établir la négligence grave de l'utilisateur ; que les faits qu'elle met en exergue justifient la mise en cause de la responsabilité civile de la banque, s'agissant de la vérification des chèques et des ordres de virement et l'indemnisation d'un dommage matériel et moral, sans préjudice d'une action pénale.

Elle détaille les mouvements qu'elle considère comme suspects et n'étant pas de son initiative.

Elle conteste le fait que son action serait vouée à l'échec pour cause de forclusion, l'article L.133-34 du code de monétaire et financier conditionnant son application à la mise à disposition des informations prévues par l'article L. 314-14 du même code et elle allègue que le point de départ ne saurait s'appliquer qu'à compter de la connaissance de l'anomalie.

Elle fait valoir qu'il est curieux que la BNP ne dispose pas de la convention de compte de 1990 alors qu'elle dispose toujours du carton de signature pourtant déposé à la même date, sauf à reconnaître une nouvelle négligence. Elle fait état des différences sur les signatures entre celle recueillie lors de l'entrée en relation et celles figurant sur certains chèques et souligne la réticence et une volonté de dissimulation de la banque.

Elle allègue que la BNP Paribas doit justifier de la procédure suivie pour enregistrer et valider un changement d'adresse ; que le défaut de communication de ces documents démontre que la banque a failli à ses obligations.

Elle fait valoir que sa demande de paiement constitue le prolongement nécessaire de la demande tendant à la communication forcée.

Elle soutient que sans copie de la procuration, il n'est pas possible d'en vérifier le contenu, la validité et le périmètre ; que sa signature ayant été imitée, aucune procuration n'a été mise en place au profit de sa fille, sinon Mme [W] n'aurait pas grossièrement imité sa signature.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024.

SUR CE,

Sur le périmètre de l'appel

La BNP Paribas a intimé uniquement Mme [D] divorcée [M].

Mme [S] [W] née [M], M. [L] [W], M. [P] [D] et la Société Générale ne sont pas parties à la présente instance.

Sur la demande de communication de pièces

Selon les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête en référé.

Lorsqu'il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n'est pas soumis aux conditions imposées par l'article 834 du code de procédure civile, il n'a notamment pas à rechercher s'il y a urgence à la mise en 'uvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Les mesures de production de pièces, bien qu'elles ne relèvent pas formellement du sous-titre « Les mesures d'instruction », peuvent être prescrites sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Il est rappelé que la production forcée doit porter sur des actes ou des pièces déterminées ou déterminables. Elle ne peut porter sur un ensemble indistinct de documents. Ceux-ci doivent être suffisamment identifiés.

Par ailleurs, la production ne peut être ordonnée que si l'existence de la pièce est certaine. Le demandeur doit ainsi faire la preuve que la pièce ou l'acte recherché est détenu par celui auquel il le réclame. Si la pièce n'a pas été transmise, malgré la procédure, soit parce que la partie expose qu'elle n'en dispose plus, ou qu'elle l'a égarée par exemple, le débat se déplacera sur le terrain de la responsabilité, devant le juge du fond.

Aux termes de l'article L.133-24 du code monétaire et financier :

« L'utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n'ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III.

Sauf dans les cas où l'utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, les parties peuvent convenir d'un délai distinct de celui prévu au présent article.

Les dispositions du présent article s'appliquent, indifféremment de l'intervention d'un prestataire de services de paiement fournissant un service d'initiation de paiement dans l'opération de paiement. »

La société BNP Paribas oppose les dispositions de cet article, faisant valoir que Mme [M] a toujours eu en sa possession ses relevés de comptes puisqu'elle les a versés aux débats et qu'elle n'a pas fait d'observations sur les virements intervenus.

Cependant, et comme l'a relevé le premier juge par des motifs pertinents, Mme [M] conteste notamment avoir effectué un changement d'adresse au profit de sa fille sous l'intitulé « chez Madame [W], [Adresse 6] » qui figure sur certains des relevés. Il existe donc un débat de fond, sur la connaissance des relevés et le point de départ du délai de forclusion et il en résulte que l'action de Mme [M] n'apparait pas manifestement vouée à l'échec, d'autant que la banque indique par ailleurs ne pas être en mesure de produire les instructions sur les changements d'adresse intervenus.

Par ailleurs, Mme [M] justifie d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile en ce qu'elle entend engager une action à l'encontre de la banque alléguant que cette dernière a méconnu son devoir de vigilance et de vérification : la société BNP Paribas reconnaît qu'elle n'est pas en mesure de produire notamment des instructions relatives aux virements, qui portent à chaque fois sur des milliers d'euros, pas plus que la procuration sur le compte au bénéfice de Mme [W].

Sur les changements d'adresse

Le premier juge a relevé qu'il résultait des chèques produits par la banque qu'un talon entier est libellé au nom de « Madame [M], chez Madame [S] [W], [Adresse 3] », mais que Mme [M] contestait être l'origine d'un tel libellé et à celui portant l'adresse de sa fille, au [Adresse 6].

L'appelante fait valoir qu'elle n'a pas retrouvé la copie des documents à ce titre mais que contrairement à ce qu'a indiqué le premier juge, les documents bancaires ont été adressés à son mandataire « Intuitae » (sa pièce 9). Il sera relevé que les relevés de comptes qu'elle produit outre le fait qu'ils sont datés de 2023 ne contiennent la mention d'aucune adresse.

Cependant, la BNP Paribas soutenant ne pas avoir ces éléments, malgré le temps de procédure, il incombera au juge du fond de tirer les conséquences juridiques de cette carence. Il y a donc lieu d'infirmer la décision entreprise et de rejeter la demande de Mme [M] à ce titre.

Sur la copie des ordres/instructions de virement effectués depuis juin 2017 jusqu'à ce jour et de l'identité de leur(s) bénéficiaires(s)

Le premier juge n'a fait droit à cette demande qu'à compter du 30 juin 2019, retenant que les virements effectués auparavant figuraient sur les relevés bancaires qui ont été adressés au domicile, et dont il est présumé qu'elle avait connaissance et jusqu'au mois de juin 2021, aucun virement n'ayant été effectué sur son compte par la suite.

La BNP Paribas considère que Mme [M] a toujours disposé de ses relevés, quelle que soit l'adresse où ils ont été envoyés.

Il y a lieu de relever que l'intimée verse aux débats pour le mois de décembre 2019 et pour une partie de l'année 2020 des relevés sur lesquels figurent les virements contestés.

La BNP Paribas expose qu'elle ne dispose pas des ordres et instructions, malgré l'écoulement de la procédure : le litige doit se déplacer sur la question, de fond, de responsabilité.

La décision déférée sera infirmée et Mme [M] sera déboutée de sa demande de communication à ce titre.

Sur la copie de chèques

Mme [M] réclamait la copie de cinq chèques tirés sur son compte dont elle communique les numéros.

Le premier juge avait relevé que la BNP Paribas avait communiqué, en cours de procédure, la copie de 133 chèques sur les 138 réclamés initialement et que la demande s'agissant des cinq derniers chèques était en cours de traitement. C'est à bon droit que le premier juge a relevé qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier l'anomalie apparente de la signature figurant sur les chèques, s'agissant d'un débat de fond.

Mme [M] réclame devant la cour six chèques, dont trois n'avaient pas été réclamés en première instance.

La BNP Paribas fait valoir, à hauteur d'appel, qu'elle ne dispose pas desdits chèques et ce fait est crédible au regard de l'ensemble des nombreuses autres copies produites. Il n'y a dès lors aucune certitude sur le fait qu'elle détiendrait ces pièces.

Par conséquent, la décision sera infirmée et la demande de communication de Mme [M] sera rejetée au titre des six chèques.

Sur la procuration

La société BNP Paribas explique que malgré ses recherches, elle n'est pas parvenue à retrouver cette procuration, dont l'existence n'est pas contestée.

Il appartiendra le cas échant au juge du fond de statuer sur les conséquences du défaut de production de cette pièce, s'agissant des opérations qui ont pu intervenir sur le compte en vertu d'un acte que l'établissement bancaire n'est pas en mesure de produire.

La décision sera infirmée en ce qu'elle lui a été ordonnée de remettre cette pièce.

Statuant de nouveau, la cour rejettera cette demande.

Sur la convention d'ouverture de compte

C'est à bon droit que le premier juge, relevant que la preuve que la banque disposerait encore de cette pièce établie il y a plus de 30 ans n'était pas établie.

L'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande au titre des cartons de signature au moment des demandes de changement d'adresse, en ce qu'il n'est pas démontré qu'il aurait été procédé à l'enregistrement des signatures lors desdits changements.

Sur les demandes aux fins de remboursement de chèques

En application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Mme [M] sollicite à défaut de la copie des chèques, la restitution des montants en cause, soit la somme de 5 979 euros - sans préciser le caractère nécessairement provisionnel de sa demande.

La société BNP Paribas fait valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle.

Cependant, cette demande en remboursement au titre des chèques dont la copie est réclamée en constitue l'accessoire au sens de l'article 566 du code de procédure civile et elle est dès lors recevable.

Néanmoins, cette prétention nécessite d'examiner la responsabilité de la banque au titre d'une obligation de vigilance, ce débat, de fond, ne présente pas le caractère d'évidence requis en référé, et alors même que toutes les parties au litige, notamment Mme [W], n'ont pas été attraites devant la cour d'appel.

Cette demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le premier juge a fait une exacte appréciation des dépens et des frais irrépétibles (dans les limites de la saisine de la cour).

A hauteur d'appel, il sera relevé que la décision n'est infirmée que dans la mesure où pour l'essentiel, la banque BNP Paribas expose que malgré ses recherches et le temps de la procédure, elle n'a pas retrouvé les éléments sollicités et que dès lors, le débat se déplace sur la question de la responsabilité. Par conséquent, chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel et les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de la saisine,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté les demandes de Mme [D] divorcée [M] au titre de la convention d'ouverture du compte et des cartons de signatures et sur les dépens et les frais irrépétibles ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette l'ensemble des demandes au titre de la production de pièces ;

Déclare recevable la demande de remboursement à hauteur de 5.979 euros mais non fondée ;

Par conséquent,

Rejette la demande de remboursement ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à la charge de chacune des parties ses dépens ;

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/16785
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;23.16785 ?
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