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07/05/2024 | FRANCE | N°21/07741

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 07 mai 2024, 21/07741


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 07 MAI 2024



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07741 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEJRV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 août 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02335





APPELANT

Monsieur [V] [E]

Né le 22 juillet 1974 à [Localité 6] (78)

[Adresse 3]

[Locali

té 2]

Représenté par Me Maud THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0753



INTIMÉE

G.I.E. BUSINESS & DECISION CORPORATE

N° SIRET : 520 079 252

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 07 MAI 2024

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07741 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEJRV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 août 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02335

APPELANT

Monsieur [V] [E]

Né le 22 juillet 1974 à [Localité 6] (78)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Maud THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0753

INTIMÉE

G.I.E. BUSINESS & DECISION CORPORATE

N° SIRET : 520 079 252

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandra ABRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0223

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre

Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre et par Laëtitia PRADIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

La société Business BI 4 a engagé M. [V] [E] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 mai 2006 en qualité de chef de projet, statut cadre, niveau 2.3, position 150.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études, d'ingénieurs et de conseil (dit SYNTEC).

Le 1er avril 2009, le contrat de travail de M. [E] a été transféré au groupe business & décision corporate services (GIE). En dernier lieu, sa fonction était celle de chef de projet confirmé et sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 4 250 €.

Le 9 février 2018 puis le 19 mars, 24 et 25 mai 2018, M. [E] a dénoncé des relations conflictuelles avec M. [S] qui était devenu en janvier 2017 le directeur de projet pour la mission Primonial sur laquelle il était intervenu de juin à octobre 2017 et intervenait à nouveau depuis décembre 2017. Par suite, une réunion avec la directrice des ressources humaines a été organisée le 4 juin 2018 et un compte-rendu lui a été adressé le 19 juin 2018.

M. [E] a été ensuite affecté du 13 août 2018 au 31 décembre 2018 sur la mission Axa assistance.

Alors qu'il était en inter-contrat (sans mission), M. [E] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 mars 2019 par lettre notifiée le 27 février 2019.

M. [E] a ensuite été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre notifiée le 5 avril 2019.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [E] avait une ancienneté de 12 ans et 11 mois et le groupe business & décision corporate services occupait à titre habituel au moins onze salariés.

M. [E] a saisi le 20 mars 2020 le conseil de prud'hommes de de Paris pour contester le licenciement et former diverses demandes de rappels de salaires et de dommages-intérêts. En dernier lieu il a formé les demandes suivantes :

« - Fixer le salaire mensuel brut moyen à la somme de 4 250,00 €

- A titre principal : Dire et juger le licenciement nul

- Dommages et intérêts (L 1152-2 et L. 1235-1 CT) : 51 000,00 €

- A titre subsidiaire : Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Dommages et intérêts L 1235-3 CT : 51 000,00 €

- En tout état de cause : Dommages et intérêts pour défaut de sécurité et de protection de la santé (surcharge de travail, non-respect du droit au repos, absence de décompte de la durée du travail...) : 12 750,00 €

- Dommages et intérêts pour défaut de prévention de harcèlement moral : 12 750,00 €

- Dommages et intérêts pour défaut d'adaptation et de formation : 12 750,00 €

- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 4 250,00 €

- Dommages et intérêts pour préjudice moral : 12 750,00 €

- Article 700 du Code de Procédure Civile : 3 000,00 €

- Remboursement au Pôle Emploi dans la limite de 6 mois de salaires.

- Exécution provisoire article 515 C.P.

- Intérêts au taux légal

- Capitalisation des intérêts

- Dépens et frais d'exécution forcée »

Par jugement du 12 août 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute Monsieur [E] [V] de l'ensemble de ses demandes, et le condamne aux paiement des entiers dépens.

Déboute le G.I.E BUSINESS & DECISIONS CORPORATE SERVICES (anciennement G.I.E BUSINESS & DECISION SERVICES [Localité 5]) de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. »

M. [E] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 2 septembre 2021.

La constitution d'intimée de Le groupe business & décision corporate services a été transmise par voie électronique le 24 septembre 2021.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 novembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [E] demande à la cour de :

« D'INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions : en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes tant au titre de l'exécution (défaut de protection, défaut de prévention du harcèlement moral, défaut de protection, déloyauté) que de la rupture du contrat de travail (licenciement nul à titre principal, sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, manquement à l'obligation de formation et d'adaptation, circonstances vexatoires) qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

STATUANT à nouveau :

Juger Monsieur [E] recevable et bien fondé en ses demandes

FIXER le salaire mensuel moyen brut à 4.250 €

A TITRE PRINCIPAL, condamner le GIE BUSINESS & DECISION à verser à Monsieur [E] la somme de 51.000 € net à titre de dommages et intérêts en application des articles L1152-2 et L1235-11 du Code du Travail au titre de la nullité du licenciement prononcé en représailles de la dénonciation de faits de harcèlement moral

SUBSIDIAIREMENT, condamner le GIE BUSINESS & DECISION à lui verser 51.000 € net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L1235-3 du Code du Travail

EN TOUTE HYPOTHESE,

CONDAMNER le GIE BUSINESS & DECISION à verser à Monsieur [E] :

-12.750 € net à titre de dommages et intérêts pour défaut de protection de la santé du salarié en application de l'article L4121-1 du Code du Travail : surcharge de travail, non-respect du droit au repos, absence de décompte de la durée du travail

-12.750 € net à titre de dommages et intérêts pour défaut de prévention de harcèlement moral en application de l'article L1154-1 du Code du Travail

-12.750 € net à titre de dommages et intérêts pour défaut d'adaptation et de formation en application de l'article L6321-2 du Code du Travail

-4.250 € net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en application de l'article L1222-1 du Code du Travail

-12.750 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct lié aux circonstances brutales et vexatoires du licenciement

ASSORTIR les condamnations des intérêts de retard au taux légal avec capitalisation

CONDAMNER la SOCIETE aux frais irrépétibles à hauteur de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et au titre de la procédure d'appel

CONDAMNER la SOCIETE aux dépens en ce compris les éventuels frais d'exécution forcée.

DEBOUTER B&D de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. »

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, le groupe business & décision corporate services demande à la cour de :

« A titre principal :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS du 12 Août 2021, en ce qu'il a :

- Jugé qu'aucun acte de harcèlement moral n'était constitué

- Jugé que le licenciement pour insuffisance professionnelle était justifié

- Jugé qu'aucun manquement à l'égard de M. [E] tant au titre de l'obligation de loyauté, de sécurité, et formation ne pouvait être reproché au GIE BUSINESS & DECISION CORPORATE SERVICES

- En conséquence débouté, Monsieur [V] [E] de l'ensemble de ses demandes

DEBOUTER Monsieur [V] [E] de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement,

Si par extraordinaire la Cour, déclarait le licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, il lui plaira ramener le montant de la réparation sollicitée par Monsieur [E] à de plus justes proportions soit, à une somme maximum de 12.750 euros bruts par application de l'article L.1253-3 du Code du Travail.

DEBOUTER Monsieur [V] [E] du surplus de ses demandes.

CONDAMNER Monsieur [E] à payer au GIE BUSINESS & DECISION CORPORATE SERVICES la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens. »

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 9 janvier 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 12 mars 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« (...)Vous occupez à ce jour les fonctions de chef de projet confirmé.

À ce titre, vos missions consistaient, notamment à :

' participer à l'ensemble des processus d'avant vente, de la rédaction, de l'offre, technique ou fonctionnelle à la présentation de solutions possibles ou des propositions commerciales ;

' participer aux instances de décision (comité de projet, de pilotage) permettant l'analyse du besoin client et de l'existant, des outils disponibles et d'établir le cahier des charges ;

' conseiller le client, dans le choix de la solution la plus adaptée à son organisation/système et l'accompagner dans la mise en 'uvre ;

' piloter le projet dont il a la charge, en termes de budget, planning, coordination des activités et des tâches des intervenants, avec l'assistance de son responsable opérationnel;

' encadrer et participer aux process d'élaboration de la solution, par l'analyse de l'existant et la rédaction des spécifications techniques ;

' participer à la mise en 'uvre de la solution chez le client installation, formation en s'assurant du respect du cahier des charges ;

' être le garant de la qualité des éléments produits, voire mettre en 'uvre une démarche d'amélioration de la qualité continue au sein du projet ;

' encadrer les consultants, intervenant sur le projet et participer à leur évaluation ;

Or, depuis plusieurs mois, c'est avec regret que nous avons constaté que vous ne satisfaisez plus à vos obligations professionnels.

En effet, eu égard à l'ensemble des éléments évoqués lors de votre entretien préalable du 11 mars 2019, il apparaît que le bilan de vos dernières missions traduit une insuffisance professionnelle caractérisée et ne correspond pas aux attendus que nous sommes pourtant légitimes d'attendre compte tenu du poste que vous occupez et de votre séniorité.

(i) Concernant le projet PRIMONIAL

Pour mémoire, vous avez été positionné chez l'un de nos clients, sur le projet PRIMONIAL pour la période du 22 juin 2017 au 30 novembre 2017, puis pour la période du 18 décembre 2017 au 27 avril 2018.

Ce projet s'est déroulé en deux phases.

Dans le cadre de la première phase, sur laquelle vous êtes intervenu en qualité de chef de projet, vous avez eu des difficultés à réaliser les spécifications fonctionnelles, qui, finalement n'ont pas pu être émises, difficulté que vous vous avez par ailleurs reconnu lors du point qui s'est déroulé en présence de (...), directrice d'agence, de (...) chef et directeur de projet PRIMONIAL, de (...) votre manager référent, de (...), responsable des ressources humaines, et (...), gestionnaire, ressources humaines, le 4 juin 2018.

Constat que vous avez également pu partager dans le cadre de votre mail en date du 6 juin 2018.

À ce titre, vous évoquez le fait qu'il était compliqué de comprendre le besoin client. Vous précisez également que vous avez alors mis en place des ateliers qui vous ont permis d'avancer sur le projet, mais sans pour autant pouvoir finaliser les spécifications et sans avoir la validation des spécifications par le client.

Notamment, dans le cadre de votre mail en date du 6 juin dernier, vous avez déclaré que « (vous) attendiez du soutien de la part d'une personne supplémentaire pour que l'on puisse (vous) décharger de certaines tâches ».

L'absence de validation du client, ayant un impact sur la conduite du projet, nous avons été amenés à nommer un nouveau chef/directeur de projet.

Vous avez assumé un rôle de leader technico fonctionnel de ce projet, conformément à vos souhaits compétences.

C'est dans ce contexte qu'en décembre 2017, Monsieur [Y] [S] a alors pris la conduite du projet, en qualité de chef/directeur de projet et en organisant des ateliers, déterminant des spécifications, puis entonnant la validation client.

Sans même évoquer les rapports tendus entretenus avec Monsieur [S], au détriment de l'avancée du projet, traduisant une mauvaise gestion de ce projet, qui était pourtant en dérive, il ressort que les spécifications détaillées n'ont pas été réalisées au cours de la phase 1, ni à la date du point en date du 4 juin 2018, alors même que Monsieur [Y] [S], vous les avait demandées.

Il a finalement été convenu d'un dernier délai au 15 juin 2018, afin de prendre en compte l'ensemble des retours du client sur les spécifications.

Nous avons été au regret de constater que les livrables n'était finalement pas aux attendus de ce que nous sommes pourtant légitimes d'attendre de la part d'un chef de projet confirmé.

Compte tenu de notre insatisfaction quant à votre bilan sur cette mission, nous n'avons pu vous accorder les augmentation et promotion que vous sollicitiez en juin 2018 décidant que votre situation serait revue lors du prochain CRH, vous permettant ainsi de faire vos preuves dans l'intervalle dans le cadre d'une nouvelle mission.

C'est ainsi que nonobstant l'échec de cette mission PRIMONIAL, nous avons décidé de vous accorder une seconde chance, en vous positionnement sur une nouvelle mission AXA.

(ii) Concernant la mission AXA assistance

Pour mémoire, vous vous avez été positionné pour une mission chez notre client AXA assistance à compter du 20 août 2018, jusqu'au 31 décembre 2018.

L'objectif de cette mission était (i) de faciliter et de débloquer les différentes problématiques dans le cadre de la récupération des données dans les tables sources pour pouvoir les injecter dans un format CSV afin de les envoyer dans la datalake, et (ii) de remonter les informations en vue de la tenue du comité de pilotage.

Cette mission vous a été proposée afin de répondre à vos demandes de pouvoir intervenir sur des missions orientées Big Data. Néanmoins, dans la mesure où l'activité Big Data était assez nouvelle pour vous et bien qu'une partie des connaissances requises, était identique à celles précédemment rencontrées dans le cadre de la mission PRIMONIAL, il a été convenu que vous interviendriez sur le projet en qualité de consultant senior.

De même, il vous a été proposé de pouvoir solliciter (...), en sa qualité de manager, conseil, expertise, disposant des connaissances dans le domaine Big Data, et dont l'expertise devait donc vous servir, proposition dont vous avez pris note, comme en atteste votre email en date du 13 août 2018.

Ceci devait vous permettre d'intervenir sur le projet de manière optimum, en cohérence avec votre profil, et de manière à ce que vous puissiez bénéficier de l'accompagnement nécessaire.

De même, pour précision, étant parfaitement entendu avant votre démarrage de mission, que vous ne possédiez pas les connaissances et l'expérience en Big Data suffisantes, les attentes du client ne portaient pas nécessairement sur un profil technique, orientée big data, mais davantage sur un profil moteur, capable d'insuffler la motivation nécessaire au projet.

Or, nous avons été au regret de constater que notre client nous a remonté son mécontentement face à vos résultats durant l'exécution de votre mission.

Il a assez motivé sa décision en mentionnant (i) un manque de motivation apparent, (ii) le fait que vous ne preniez pas les sujets en main, comme cela a pu nous être confirmé dans le cadre de l'écrit en date du 20 décembre 2018 adressé par notre client.

Votre manque d'implication et de motivation a ainsi conduit à ce que le client fasse le choix de ne pas vous positionner sur un nouveau projet à l'issue de votre mission.

Constat que nous avons pu partager lors de la réalisation de votre fiche d'évaluation projet où il apparaît clairement que votre niveau quant à l'écoute et à la compréhension des besoins des clients, l'esprit d'équipe, la maîtrise de soi ou encore, la réactivité n'était pas aux attendus d'un consultant ayant cette séniorité, étant précisé que vous avez été apprécié selon les critères liés à cette fonction, afin de ne pas vous pénaliser.

À ce titre, il vous a indiqué que vous manquez de pro-activité sur le traitement des sujets, le client se plaignant d'une non prise en charge en main des sujets, et précisant qu'il attendait plus d'un consultant disposant de votre séniorité.

Enfin, il en est ressorti que vous ne répondiez que partiellement aux attendus de votre fonction.

Ainsi, nonobstant l'accompagnement dont vous avez pu bénéficier, il est apparu que vous n'êtes pas parvenu à intervenir de manière optimum sur le projet concerné, comme en témoigne la décision du client de ne pas vous reconduire sur une prochaine mission.

De même à aucun moment, vous n'avez alerté votre management sur d'éventuelles difficultés que vous auriez rencontrées de manière que nous puissions vous apporter l'aide nécessaire, afin d'y remédier.

Outre l'impact significatif de votre manque d'investissement sur le projet concerné sur son bon déroulé, votre comportement a également été préjudiciable pour l'image de Business & Décision auprès de notre client.

Votre manque de résultat et de qualité des livrables produits, sur l'ensemble des projets sur lequel vous êtes intervenus, ces dernières années, traduisent, sans équivoque, un manque de compétences et une insuffisance professionnelle de votre part, alors même que tous les moyens ont été mis en 'uvre, afin de vous permettre d'atteindre les résultats attendus.

Nous attendions de vous que vous accomplissiez les missions qui vous ont été confiées avec tout le professionnalisme requis, et ce d'autant plus que ces missions font partie intégrante de vos fonctions.

Les explications recueillies auprès de vous, au cours de votre entretien préalable en date du 11 mars 2019, ne nous ayant pas permis de modifier notre opinion, nous sommes contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement motivé par l'ensemble des éléments ci-dessus développés.

Conformément aux dispositions de votre contrat de travail, votre préavis d'une durée de trois mois, débutera le jour de la première présentation de ce courrier par les services postaux.

Néanmoins, nous vous informons par la présence de notre décision, de vous dispenser de l'exécution de votre préavis à compter de la première présentation du courrier à votre domicile et jusqu'à son terme (...) »

Sur le moyen principal

M. [E] soutient à titre principal que son licenciement est nul sur le fondement des articles L.1152-2 et L. 1153-3 (sic) du code du travail au motif qu'il a été licencié du fait qu'il a dénoncé les difficultés rencontrées avec M. [S] le 9 février 2018 (pièce salarié n° 4), le 19 mars 2018 (pièce salarié n° 5) et les altercations survenues les 24 et 25 mai 2018 (pièces salarié n° 24 à 27) et au motif qu'aucune enquête n'a été diligentée à la suite de sa dénonciations des faits peu important que les mots de harcèlement moral n'aient pas été employés.

M. [E] précise que le « sanctionner (...) au titre de son « comportement fautif » et des « rapports tendus entretenus avec Monsieur [S], au détriment de l'avancée du projet » va à l'encontre de la protection contre le licenciement dont bénéficie le salarié qui subit, refuse ou dénonce des faits de harcèlement moral, que les faits dénoncés soient établis ou non » et que « de ce simple fait, (son) licenciement est nul de plein droit (...) »

En réplique, le groupe business & décision corporate services soutient que :

- pour bénéficier de la protection légale conférée aux salariés qui ont témoigné contre des agissements de harcèlement moral ou qui ont relaté de tels faits (C. trav., art. L. 1152-2), le salarié doit avoir expressément désigné les faits relatés comme étant des faits de harcèlement moral, ce qui n'est pas le cas dans la présente affaire,

- en outre il faut que le licenciement ait un lien avec cette dénonciation, ce qui n'est pas non plus le cas dans la présente affaire,

- M. [E] n'a été victime d'aucun acte d'harcèlement et à l'inverse M. [S] a été maltraité par M. [E] qui le dénigrait et s'emportait en haussant la voix à son encontre y compris dans les locaux du client,

- le licenciement prononcé est sans rapport avec ces faits comme cela est, du reste, expressément mentionné dans la lettre de licenciement,

- l'employeur est intervenu rapidement pour faire cesser toute mésentente entre salariés, et a donc parfaitement respecté son obligation de sécurité.

La cour constate que M. [E] ne formule pas de demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Aux termes de l'article L.1152-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des faits, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L1152-1 et L1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [E] est mal fondé dans son moyen tiré de l'article L.1152-2 du code du travail au motif qu'aucune des énonciations de la lettre de licenciement ne permet de retenir qu'il a été licencié du fait qu'il a dénoncé les difficultés rencontrées avec M. [S] le 9 février 2018 et le 19 mars 2018 et les altercations survenues les 24 et 25 mai 2018 étant précisé qu'il n'a pas été reproché à M. [E] ses mauvais rapports avec M. [S] dans le cadre de la mission Primonial.

C'est donc en vain que M. [E] soutient qu'il a été sanctionné « au titre de son « comportement fautif » et des « rapports tendus entretenus avec Monsieur [S], au détriment de l'avancée du projet » et que cela va à l'encontre de la protection contre le licenciement dont bénéficie le salarié qui subit, refuse ou dénonce des faits de harcèlement moral, que les faits dénoncés soient établis ou non » et que « de ce simple fait, (son) licenciement est nul de plein droit (...) » ; en effet M. [E] manque en fait, la lettre de licenciement ne contenant aucun reproche relatif à la dénonciation des difficultés rencontrées avec M. [S] et des altercations survenues avec lui et à son « comportement fautif ».

C'est aussi en vain que M. [E] soutient qu'aucune enquête n'a été diligentée à la suite de sa dénonciation des faits ; en effet, la cour retient que ce moyen est inopérant en ce que, ce fait, à le supposer établi, ce qu'il n'est pas, ne serait pas susceptible de vicier le licenciement litigieux qui a été prononcé pour insuffisance professionnelle.

Sur le moyen subsidiaire

M. [E] soutient à titre subsidiaire que son licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que :

- son licenciement est en réalité un licenciement disciplinaire, l'employeur lui reprochant sa mauvaise volonté, en particulier son insubordination à l'égard de M. [S] dans le cadre de la mission Primonial et son « manque de motivation apparent », son manque « d'implication » et son manque de « proactivité » fautives dans le cadre de la mission Axa assurances,

- ces griefs disciplinaires sont prescrits du fait qu'ils sont survenus plus de 2 mois avant la convocation à l'entretien préalable,

- les faits allégués à l'appui de la prétendue insuffisance professionnelle et leur imputabilité ne sont pas établis,

- il conteste les insuffisances qui lui sont imputées tant pour la mission Primonial que pour la mission Axa assurances qui sont contredites par les éléments de preuve qu'il produit,

- l'employeur ne saurait se prévaloir de son insuffisance professionnelle alors qu'il n'a pris aucune mesure d'adaptation ou de formation destinées à assurer son employabilité : d'ailleurs son inscription à une formation d'anglais est intervenue tardivement ; en outre ce n'est pas seulement l'anglais qui a posé difficulté mais également le défaut de formation « power-bi » : le groupe business & décision corporate services l'a donc affecté à la mission Axa assurances sans se soucier de l'adéquation avec son profil ni de le faire bénéficier à temps des formations requises.

En réplique, le groupe business & décision corporate services soutient que :

- les faits invoqués ne sont pas disciplinaires et ne sont donc pas prescrits : il n'a jamais été employé le terme de faute à l'inverse de ce que M. [E] prétend,

- l'exécution de la mission Primonial et de la mission Axa assurances caractérisent l'insuffisance professionnelle de M. [E].

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle consistant l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle résulte des échecs, des erreurs ou autres négligences imputables au salarié, sans pour autant revêtir un caractère fautif.

Le licenciement pour insuffisance professionnelle échappe donc au droit disciplinaire.

L'insuffisance professionnelle peut motiver un licenciement à condition qu'elle soit établie par l'employeur.

Cependant l'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leurs capacités à occuper un emploi compte tenu de l'évolution des technologies, des organisations et des emplois ; il doit leur proposer les actions de formation nécessaire, à savoir une formation adéquate et un temps de formation correcte leur laissant un laps de temps suffisant pour s'adapter à un nouveau matériel ou à de nouvelles fonctions ; l'employeur ne peut donc invoquer l'insuffisance professionnelle que si tous les moyens ont été donnés au salarié pour qu'ils puissent faire ses preuves, en temps et en formation.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [E] est mal fondé dans ses moyens tirés du caractère disciplinaire du licenciement au motif qu'aucune des énonciations de la lettre de licenciement ne permet de retenir qu'il a été licencié pour des faits de nature disciplinaire ; en effet, en ce qui concerne le projet Primonial, il a été reproché à M. [E] l'absence de validation par le client des premières spécifications lors de la phase 1 et le défaut de remise dans les délais des spécifications détaillées lors de la phase 2 et en ce qui concerne la mission Axa assurances, il lui a été reproché une insuffisance relative à l'écoute et la compréhension des besoins des clients, à sa réactivité sur le traitement des sujets.

C'est donc en vain que M. [E] soutient que l'employeur lui a reproché sa mauvaise volonté, en particulier son insubordination à l'égard de M. [S] dans le cadre de la mission Primonial et son manque de motivation, d'implication et de proactivité dans le cadre de la mission Axa assurances ; en effet la lettre de licenciement ne contient pas de griefs relatifs à sa « mauvaise volonté » et à son « insubordination » à l'égard de M. [S] dans le cadre de la mission Primonial et le manque de motivation, d'implication et de proactivité dans le cadre de la mission Axa assurances ne saurait s'analyser à la lecture de la lettre de licenciement en griefs disciplinaires.

En ce qui concerne la mission Primonial, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le groupe business & décision corporate services ne démontre pas que l'absence de validation par le client des premières spécifications lors de la phase 1 du projet, était imputable à M. [E] ; en effet la validation du client dépend de ce dernier et non de M. [E], et le groupe business & décision corporate services n'expose pas en quoi cette absence de validation est imputable à M. [E] et n'expose notamment pas en quoi M. [E] a été défaillant dans l'exécution de son travail et en quoi cette défaillance est à l'origine d'un refus de validation des spécifications par le client alors que M. [E] justifie par les éléments de preuve qu'il produit que des échanges existaient relativement à ces spécifications.

La cour retient aussi que le groupe business & décision corporate services ne démontre pas non plus le défaut de remise dans les délais des spécifications détaillées lors de la phase 2 de la mission Primonial alors même qu'il est constant que les spécifications détaillées ont été remises pour le 15 juin 2018 qui était le délai fixé impérativement à M. [E] pour cette remise, peu important que lors de la réunion du 4 juin 2018, M. [E] a admis ne pas les avoir encore remises du fait que le caractère impératif des délais de remises des spécifications détaillées n'a été exprimé que pour la date du 15 juin 2018 comme cela ressort du courrier électronique du 19 juin 2018 intitulé « compte-rendu du point du 4 juin 2018 » (pièce employeur n° 4).

En ce qui concerne la mission Axa assurances, la cour retient que le groupe business & décision corporate services ne démontre pas que les difficultés rencontrées dans cette mission, sont personnellement imputables à M. [E] alors même d'une part qu'il démontre avoir alerté l'entreprise dès octobre 2018 que la licence Attunity, qui était une licence déterminante pour la réalisation de la mission, était toujours attendue chez le client et alors même d'autre part que M. [E] n'a pas pu bénéficier des deux formations prévues pour lui pour cette mission (formations en anglais et power-bi) malgré « les engagements pris par B&D » comme l'écrit M. [G] de la société Axa Partners à l'occasion d'échanges sur la fin de la mission de M. [E] (pièce employeur n° 7).

S'il est donc démontré par le groupe business & décision corporate services que des difficultés sont survenues dans le cadre de la mission Primonial et de la mission Axa assurances qui ont été confiées à M. [E], le groupe business & décision corporate services échoue à démontrer que ces difficultés sont imputables à des insuffisances professionnelles de M. [E].

Il ressort de ce qui précède que l'insuffisance professionnelle de M. [E] qui est invoquée dans la lettre de licenciement n'est pas établie ; en conséquence, le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [E] est justifié, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [E] demande la somme de 51 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait que son préjudice justifie le déplafonnement du barème Macron, en application de la Charte européenne des Droits Sociaux et de l'article 10 de la Convention Internationale du Travail n° 158 de l'OIT ; le groupe business & décision corporate services s'oppose à cette demande, l'indemnité équivalente à 3 mois de salaire (12 750 €) suffisant amplement à réparer les préjudices subis.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Ces dispositions et celles des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

La demande de M. [E] à ce que soit écarté le barème prévu à l'article L.1235-3 du code du travail est donc rejetée.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 12 ans entre 3 et 11 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [E] (4 250 €), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [E] doit être évaluée à la somme de 12 750 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne le groupe business & décision corporate services à payer à M. [E] la somme de 12 750 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

Le licenciement de M. [E] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par le groupe business & décision corporate services aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [E], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les autres demandes de dommages et intérêts

M. [E] demande par infirmation du jugement les sommes de :

-12 750 € net à titre de dommages et intérêts pour défaut de protection de la santé du salarié en application de l'article L. 4121-1 du code du travail

-12 750 € net pour défaut de prévention du harcèlement moral en application de l'article L. 1154-1 du code du travail

-12 750 € net à titre de dommages et intérêts pour défaut d'adaptation et de formation en application de l'article L. 6321-2 du code du travail

-4 250 € net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en application de l'article L. 1222-1 du code du travail

-12 750 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct lié aux circonstances brutales et vexatoires du licenciement.

En défense, le groupe business & décision corporate services s'oppose à ces demandes.

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Sur les dommages et intérêts pour défaut de protection de la santé du salarié en application de l'article L. 4121-1 du code du travail

Il résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Toutefois, l'employeur ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un manquement à son obligation de sécurité, a pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [E] est mal fondé dans sa demande de dommages et intérêts pour défaut de protection de la santé du salarié en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au motif que le groupe business & décision corporate services démontre qu'il a exécuté son obligation de sécurité en organisant avec M. [E] et M. [S] une réunion le 4 juin 2018 en présence de leurs supérieurs hiérarchiques et de la responsable des relations humaines au cours de laquelle M. [E] s'est exprimé et a répliqué aux propos de M. [S] comme cela ressort du courrier électronique du 19 juin 2018 intitulé « compte-rendu du point du 4 juin 2018 » (pièce employeur n° 4) ; de surcroît M. [E] n'articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon lui, du manquement allégué ; le moyen de ce chef est donc rejeté.

C'est donc en vain que M. [E] soutient à l'appui de cette demande qu'il « est établi par les pièces versées aux débats que le SALARIE a travaillé dans un contexte organisationnel et managérial pathogène qu'il a dénoncé à plusieurs reprises, en vain. » au motif que ce moyen est contredit par les éléments de preuve produits par l'employeur (pièces employeur n° 4 et 14) dont il ressort non seulement que les plaintes de M. [E] (pièces salarié n° 4 à 8) ont été prises en considération par l'employeur qui les a exactement analysées en une mésentente entre M. [E] et M. [S] mais aussi qu'il a pris les mesures nécessaires pour la régler et mettre fin aux tensions entre eux.

La cour retient que les autres faits allégués par M. [E] dans ses conclusions comme suit « surcharge de travail, non-respect du droit au repos, absence de décompte de la durée du travail » n'ont non seulement pas été signalés à l'employeur mais ne sont pas non plus établis ; en effet aucun des éléments produits par M. [E] et par le groupe business & décision corporate services ne permet de retenir que l'existence d'une surcharge de travail, d'une situation de non-respect du droit au repos, et d'absence de décompte de la durée du travail.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de protection de la santé du salarié en application de l'article L. 4121-1 du code du travail.

Sur les dommages et intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral en application de l'article L. 1154-1 du code du travail

Il ressort de l'article L1152-4 du code du travail que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [E] est mal fondé dans sa demande de dommages et intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral au motif que le groupe business & décision corporate services démontre qu'il a exécuté son obligation de prévention comme cela ressort de ce qu'elle prouve avoir été diligent face à la mésentente et à l'opposition existant entre ses deux collaborateurs, M. [E] et M. [S], qu'il a ainsi pris toutes les précautions et a mené des actions visant à comprendre la situation dont chacun d'eux se plaignait, en organisant des réunions avec les intéressés et les RH et notamment la réunion du 4 juin 2018 ; en outre l'éloignement des deux protagonistes a également été assuré, si bien qu'ils n'ont plus été en contact et ont continué chacun à accomplir leur mission dans le cadre de projets différents ; de surcroît M. [E] n'articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon lui, du manquement allégué ; le moyen de ce chef est donc rejeté.

C'est donc en vain que M. [E] soutient que le groupe business & décision corporate services n'a pas pris toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral en dépit de ses alertes, prenant ostensiblement parti pour M. [S] sans enquête objective et impartiale et le sanctionnant même en représailles de cette dénonciation au motif que ce moyen est contredit par les éléments de preuve produits par l'employeur (pièces employeur n° 4 et 14) dont il ressort non seulement que les plaintes de M. [E] (pièces salarié n° 4 à 8) ont été prises en considération par l'employeur qui les a exactement analysées en une mésentente entre M. [E] et M. [S] mais aussi qu'il a pris les mesures nécessaires pour la régler et mettre fin aux tensions.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral en application de l'article L. 1154-1 du code du travail.

Sur les dommages et intérêts pour défaut d'adaptation et de formation en application de l'article L. 6321-2 du code du travail

Il ressort de l'article L6321-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits, que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, qu'il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [E] est mal fondé au motif que le groupe business & décision corporate services démontre qu'il a exécuté son obligation d'adaptation et de formation au sens de l'article L. 6321-2 du code du travail en permettant à M. [E] de suivre les formations suivantes « Chef de Projet - Niveau 1 » en juin 2016 (pièce employeur n° 8), « Consultants : Identifier, valoriser, exprimer ses compétences » en juillet 2016 (pièce employeur n° 10), « Méthodes agiles - Comprendre la démarche » en avril 2017 (pièce employeur n° 11), « Developing with Semarchy xDM » en mai 2018 (pièce employeur n° 12) et « Anglais - Formule Voxy » en novembre 2018 (pièce employeur n° 8) ; de surcroît M. [E] n'articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon lui, du manquement allégué ; le moyen de ce chef est donc rejeté.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d'adaptation et de formation en application de l'article L. 6321-2 du code du travail.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [E] est mal fondé dans sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au motif qu'il ne prouve pas, comme il le soutient, que « la mauvaise foi de l'employeur est totale dans cette affaire tant en cours d'exécution qu'à l'occasion de la rupture du contrat de travail, dans un contexte de compression des effectifs préalable à la cession à ORANGE et alors (qu'il) était en inter-contrat » et que « l'employeur n'a par ailleurs pas hésité pour les besoins de sa cause à (le) dénigrer professionnellement en le licenciant pour insuffisance professionnelle en dépit de ses performances avérées » étant ajouté en ce qui concerne ce dernier moyen que les énonciations de la lettre de licenciement ne sont pas dénigrantes, peu important pas ailleurs que le licenciement pour insuffisance professionnelle a été jugé plus haut dépourvu de cause réelle et sérieuse ; de surcroît M. [E] n'articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon lui, du manquement allégué ; le moyen de ce chef est donc rejeté.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail .

Sur les dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [E] est mal fondé au motif qu'il ne prouve pas que son licenciement est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires ; de surcroît M. [E] n'articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon lui, des circonstances de son licenciement ; le moyen de ce chef est donc rejeté.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.

La cour condamne le groupe business & décision corporate services aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne le groupe business & décision corporate services à payer à M. [E] la somme de 12 750 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les dommages et intérêts alloués à M. [E], sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne la capitalisation des intérêts et dit qu'elle s'opérera par année entière en vertu de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne le remboursement par le groupe business & décision corporate services aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [E], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

Déboute M. [E] et le groupe business & décision corporate services des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Condamne le groupe business & décision corporate services aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/07741
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.07741 ?
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