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07/05/2024 | FRANCE | N°21/07677

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 07 mai 2024, 21/07677


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 07 MAI 2024



(n° 2024/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07677 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEI5L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 20/00601





APPELANTE



S.A.S. SEMIOS venant aux droits p

ar suite d'une fusion absorption de la société SED ENSEIGNES, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 739 200 715

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Ju...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 07 MAI 2024

(n° 2024/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07677 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEI5L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 20/00601

APPELANTE

S.A.S. SEMIOS venant aux droits par suite d'une fusion absorption de la société SED ENSEIGNES, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 739 200 715

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Julien CHAINAY, avocat au barreau de RENNES, toque : 56

INTIME - APPELANT INCIDENT

Monsieur [B] [G] [M]

né le 26 décembre 1989 à [Localité 4] (91)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Marie WATREMEZ-DUFOUR, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et de la formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christophe BACONNIER, Conseiller et par Laëtitia PRADIGNAC, greffière à laquelle l'arrêt a été remis par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

La société Sed enseignes (SAS) a engagé M. [B] [M] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2009 en qualité d'opérateur numérique.

Par courrier recommandé le 25 février 2020, M. [M] a été mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre notifiée le 26 février 2020, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 mars 2020.

M. [M] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 24 mars 2020.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [M] avait une ancienneté de 10 ans et 4 mois et sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 3 853 €.

La société Sed enseignes occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [M] a saisi le 11 juin 2020 le conseil de prud'hommes de Longjumeau pour contester le licenciement et former des demandes de dommages-intérêts.

Par jugement du 27 juillet 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« DIT que le licenciement de Monsieur [B] [G] [M] est requalifié en licenciement nul

CONDAMNE la SAS SED ENSEIGNES, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [B] [G] [M] les sommes suivantes :

- 994,32 euros au titre rappel de salaire pour mise à pied conservatoire

- 99,43 euros au titre des congés payés afférents

- 7 706 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 770,60 euros au titre des congés payés afférents

- 9 632,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 23 118 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE la SAS SED ENSEIGNES de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SAS SED ENSEIGNES, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels de la présente instance ainsi que ceux d'exécution forcée par toute voie légale de la présente décision. »

La société Semios (SAS), venant aux droits de la société Sed enseignes, a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 27 août 2021.

La constitution d'intimé de M. [M] a été transmise par voie électronique le 15 septembre 2021.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 novembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Semios demande à la cour de :

« DIRE ET JUGER recevable et bien fondé l'appel de la société SEMIOS (SED ENSEIGNES) ;

REFORMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Longjumeau en date du 27 juillet 2021 en ce qu'il a :

- Dit que le licenciement de Monsieur [B] [G] [M] est requalifié en licenciement nul ;

- Condamné la SAS SED ENSEIGNES, prise en la personne de son présentant légal, à verser à Monsieur [B] [G] [M] les sommes suivantes :

- 994,32 € à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée ;

- 99,43 € au titre des congés payés y afférents ;

- 7 706 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 770,60 € au titre des congés payés y afférents ;

- 9 632,50 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 23 118 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la SAS SED ENSEIGNES de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SAS SED ENSEIGNES aux entiers dépens de l'instance.

STATUER A NOUVEAU et ainsi :

DIRE ET JUGER parfaitement justifié le licenciement pour faute grave notifié à Monsieur [M] par la société SEMIOS (SED ENSEIGNES) ;

DEBOUTER Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur [M] à verser à la société SEMIOS (SED ENSEIGNES) la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER le même aux entiers dépens en ce compris ceux éventuels d'exécution. »

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [M] demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de LONGJUMEAU en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [M] nul,

Ce faisant,

CONDAMNER la société SEMIOS venant aux droits de la société SED ENSEIGNES à lui payer les sommes suivantes :

- 994,32 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

- 99,43 € au titre des congés payés y afférents

- 7.706 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 770,60 € au titre des congés payés sur préavis

- 10167,64 € à titre d'indemnité légale de licenciement

LE REFORMER sur le quantum alloué à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et, statuant à nouveau, condamner la société SEMIOS venant aux droits de la société SED ENSEIGNES à lui payer 46.236 € à ce titre ;

Subsidiairement,

JUGER le licenciement de Monsieur [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la société SEMIOS venant aux droits de la société SED ENSEIGNES à lui verser :

- 994,32 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

- 99,43 € au titre des congés payés y afférents

- 7.706 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 770,60 € au titre des congés payés sur préavis

- 10167,64 € à titre d'indemnité légale de licenciement

- 46.236 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à payer à Monsieur [M] 1200 € sur le fondement de l'article 700 CPC,

Y ajoutant,

CONDAMNER la société SEMIOS venant aux droits de la société SED ENSEIGNES à payer à Monsieur [M] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNER la société SEMIOS venant aux droits de la société SED ENSEIGNES aux entiers dépens. »

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 16 janvier 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 11 mars 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement

Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qu'incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« Le mardi 25 février 2020, vous avez été trouvé en état d'ébriété au sein de notre entreprise.

Ce n'est malheureusement pas la première fois. Le 20 février dernier, deux de vos collègues vous ont surpris en train de consommer de l'alcool vers 15h.

Nous vous rappelons qu'en application de l'article 8 du règlement intérieur de l'entreprise: « il est interdit d'introduire ou de distribuer dans les locaux de travail, des boissons alcoolisées. Il est interdit de pénétrer ou de demeurer dans l'entreprise en état d'ébriété ».

Par ailleurs, nous considérons que cet état d'ébriété entraîne l'impossibilité d'exécuter normalement votre contrat de travail.

Le 28 janvier dernier, votre supérieur hiérarchique (...), a souhaité s'entretenir avec vous afin de vous faire part des difficultés rencontrées avec vous depuis plusieurs mois. Ces difficultés sont les suivantes :

Le non-respect des horaires de travail : il vous a rappelé de respecter vos horaires de travail et vous a demandé de ne plus vous absenter de votre poste de travail sans en informer votre hiérarchie.

Pour rappel, nous avions déjà dû vous demander d'être plus vigilant dans le respect des horaires de travail dans notre courrier en date du 25 novembre 2019.

Le 21 février dernier, votre responsable hiérarchique souhaite obtenir de votre part un délai d'impression pour clôturer un dossier « Sephora ». Vous n'êtes pas à votre poste de travail. Votre responsable vous cherche et finit par vous trouver dans votre voiture. Il note que vous y étiez à 14h10 et que vous êtes revenu à votre poste de travail à 14h20.

A votre retour, plutôt que de passer le voir (son bureau est à côté du vôtre), vous lui répondez par mail à 14h30, qu'il vous est impossible de répondre car la machine n'est plus en état de fonctionner, la tête d'impression ayant été éclatée.

Le rapport incident de la machine précise l'heure de l'incident à 13h.

Il n'est pas acceptable que vous ne soyez pas à votre poste de travail malgré les remarques déjà formulées sur ce point, que vous n'ayez pas informé votre responsable plus tôt de l'incident machine et par conséquent de votre incapacité à répondre à ma demande du client.

Le manque de productivité : votre responsable hiérarchique vous demande de vous ressaisir et de produire une activité normale, particulièrement l'après-midi. Comme évoqué lors de cet entretien, il vous trouve très régulièrement sans rien faire ou sur votre téléphone portable pendant des heures.

Le 18 février dernier, il vous a observé durant 1/2 heure, vous êtes sur votre téléphone portable. Ce même après-midi, aucune production n'a été réalisée par vos soins.

Au-delà de votre obligation contractuelle d'accomplir vos missions, notre activité commerciale demande à toutes les équipes de tenir un planning de manière rigoureuse, nous ne pouvons pas accepter que par votre faute, vos collègues soient bloqués et que nous ne puissions répondre de manière satisfaisante à nos clients.

Pour rappel, là encore ce n'est pas la première fois. Un avertissement en date du 14 mars 2016 sanctionnait vos absences à votre poste de travail et votre manque de sérieux dans l'accomplissement de vos missions.

Ne plus avoir de comportement inadapté : au cours de cet entretien, votre responsable hiérarchique vous fait part jusqu'alors de ses doutes quant à votre comportement qu'il juge douteux. En effet, au-delà de votre manque de productivité, votre passivité dans l'accomplissement de vos missions, vous êtes agressif et avez du mal à vous exprimer.

Votre état d'ébriété en date du 25 février dernier, le fait que vos collègues vous surprennent en train de consommer de l'alcool et le carton retrouvé près de votre machine d'impression rempli de bouteilles d'alcool vides confirment le doute que nous avions jusqu'alors sur votre consommation d'alcool sur le lieu de travail.

Comme nous avons pu vous le dire ce mardi 25 février, votre état n'était pas compatible avec les missions confiées, vous vous mettez en danger, tout comme vous mettez en danger l'ensemble des salariés de la société.

Malgré l'interdiction, vous consommez régulièrement de l'alcool sur votre lieu de travail, vous empêchant ainsi d'exécuter normalement votre contrat de travail.

Ce 25 février, aux vues de votre état, nous vous avions demandé de prendre vos dispositions pour être ramené à votre domicile, votre état ne vous permettant pas de rentrer seul avec votre véhicule. Vous nous avez assuré que vos parents venaient vous chercher. Pourtant, nous n'avons pu que constater que vous aviez pris le volant de votre véhicule malgré notre interdiction.

Lors de notre entretien préalable en date 09 mars dernier, nous vous avons rappelé les interdictions formelles d'introduire et de consommer des boissons alcoolisées sur le lieu de travail et d'accéder à son poste de travail en état d'ivresse.

Nous ne pouvons tolérer un tel manquement à la discipline générale de l'entreprise, et que ce dernier entraîne votre impossibilité d'exécuter normalement votre contrat de travail.

Nous avons recueilli vos explications quant aux griefs qui vous sont reprochés, mais celles-ci n'ont pu modifier notre décision de prononcer à votre encontre un licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité.

(...) ».

Il ressort de la lettre de licenciement que M. [M] a été licencié pour les faits suivants :

- non-respect des horaires de travail

- manque de productivité

- consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail.

Au soutien de son appel la société Semios soutient que :

- les griefs sont établis (pièces employeur n° 10 à 15), notamment par des attestations et ils constituent une faute grave ;

- l'état de santé n'est pas du tout à l'origine du licenciement de M. [M].

En réplique, M. [M] soutient que :

- les griefs ne sont pas établis,

- il conteste le grief relatif à l'intempérance : il est abstinent depuis le 15 octobre 2019 (pièce salarié n° 6) et il conteste la valeur probante des attestations produites par la société Semios (pièces employeur n° 10, 13 à 15) ; du reste l'employeur n'avait qu'à le soumettre à un alcootest comme le prévoit le règlement intérieur,

- il conteste le grief relatif au non-respect des horaires de travail : un seul fait est établi : face à la panne de la machine sur laquelle il travaillait le 21 février 2020, il s'est absenté 10 minutes pour aller téléphoner au technicien avec son portable qui était dans sa voiture comme il l'a indiqué à son supérieur hiérarchique venu l'y chercher ; pour le reste le grief est vague,

- le grief relatif au manque de productivité est vague,

- le véritable motif (sic) de son licenciement tient à son état de santé et son supérieur hiérarchique mentionne justement son traitement médicamenteux dans son attestation (pièce employeur n° 15),

- la discrimination est flagrante (sic).

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Semios démontre que M. [M] consommait des boissons alcoolisées sur le lieu de travail comme cela ressort des attestations des salariés de l'entreprise, en particulier l'attestation circonstanciée de M. [C] (pièce salarié n° 15) qui est corroborée par les attestations de MM. [R] et [H] (pièces employeur n° 13 et 14) ; la cour retient notamment que M. [M] a été trouvé en état d'ébriété à son poste de travail le 25 février 2020, qu'il a d'ailleurs été trouvé des bouteilles d'alcool vides à son poste de travail, dans un carton situé sous sa machine, étant ajouté que M. [H] atteste aussi l'avoir vu boire dans sa voiture pendant les heures de travail.

Et c'est en vain que M. [M] soutient qu'il est abstinent depuis le 15 octobre 2019, qu'il conteste la valeur probante des attestations produites par la société Semios (pièces employeur n° 10, 13 à 15) et que l'employeur n'avait qu'à le soumettre à un alcootest comme le prévoit le règlement intérieur ; en effet, en ce qui concerne le moyen tiré de l'abstinence, la cour retient que si le praticien qui le suit pour une pathologie d'addiction à l'alcool indique dans un certificat médical non daté que « l'évolution est favorable avec une bonne abstinence à l'alcool » (pièce salarié n° 6), cette indication ne suffit pas à contredire l'attestation circonstanciée de M. [C] qui a observé qu'il était dans un état d'ébriété le 25 février 2020 et la présence de bouteilles d'alcool vides à son poste de travail ; en ce qui concerne le moyen tiré de l'appréciation des éléments de preuve, la cour retient au contraire de M. [M], que les attestations de MM. [C], [R] et [H] ont une valeur probante certaine du fait qu'il s'agit de témoins directs dont les témoignages sont factuels et précis ; en ce qui concerne le moyen tiré de l'alcootest, si le règlement intérieur prévoit dans son article 8 que la direction pourra imposer un alcootest aux salariés qui manipulent des produits dangereux ou conduisent des machines dangereuses (pièce employeur n° 9), il s'agit d'une simple faculté destinée à prévenir une menace pour les salariés affectés à ces postes de travail désignés dans une note de service ou pour leur entourage et non d'une obligation étant ajouté que cette faculté n'est de surcroît pas prévue comme un moyen d'administrer la preuve utile à une procédure de licenciement en sorte que le recours à l'alcootest n'était pas obligatoire pour l'employeur face à l'état d'ébriété manifeste de M. [M] le 25 février 2020.

Ce grief est donc établi.

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs, la cour retient que cette faute est d'une gravité telle qu'elle imposait le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis au motif d'une part que, même si la cour observe que M. [M] se faisait suivre pour traiter l'addiction à l'alcool dont il souffrait encore à la date des faits, la consommation de boissons alcoolisées au travail constitue une atteinte à la sécurité au travail qui oblige l'employeur à prendre les mesures immédiates propres à les faire cesser et au motif d'autre part qu'il ressort des attestations de M. [C] et Mme [T], directrice des relations humaines, (pièces employeur n° 15 et 10) que M. [M] avait un comportement désadapté au travail, caractérisé par le déni ou l'évitement et une absence manifeste de prise de conscience des problèmes liés à son addiction à l'alcool, ce qui ne permettait donc pas à l'employeur de prendre d'autres mesures que celle du licenciement.

Et c'est en vain que M. [M] soutient que le véritable motif (sic) de son licenciement tient à son état de santé comme cela ressort de ce que son supérieur hiérarchique mentionne justement son traitement médicamenteux dans son attestation (pièce employeur n° 15) ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif d'une part que cette attestation de M. [C] ne démontre aucunement que le véritable motif de son licenciement tient à son état de santé, et au motif d'autre part que M. [M] ne prouve pas, par ailleurs, que le véritable motif de son licenciement tient à son état de santé alors qu'il supporte la charge de la preuve de son moyen relatif au véritable motif de son licenciement.

C'est aussi en vain que M. [M] soutient que « la discrimination est flagrante » au motif que la société Semios démontre que le licenciement pour faute grave de M. [M] était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination : en l'occurrence, suivant en cela la société Semios, la cour a retenu que le licenciement pour faute grave de M. [M] est justifié du fait de ce qu'il consommait des boissons alcoolisées sur son lieu de travail jusqu'à se trouver en état d'ébriété comme cela a eu lieu le 25 février 2020.

Les demandes relatives à la discrimination et à la nullité du licenciement formées à titre principal doivent, par conséquent, être rejetées.

Il en est de même des demandes relatives au véritable motif du licenciement et au licenciement sans cause réelle et sérieuse formées à titre subsidiaire.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [M] est nul, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de M. [M] est justifié par une faute grave.

Par voie de conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a condamné la société Semios à payer à M. [M] diverses sommes relatives aux rappels de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et aux congés payés afférents, à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, à l'indemnité de licenciement, aux dommages et intérêts pour licenciement nul (qualifiés de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de façon impropre) et à l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. [M] de toutes ses demandes.

Sur les autres demandes

La cour condamne M. [M] aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société Semios les frais irrépétibles.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le licenciement pour faute grave de M. [M] est justifié ;

Déboute M. [M] de toutes ses demandes ;

Déboute la société Semios de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/07677
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.07677 ?
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