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07/05/2024 | FRANCE | N°21/07361

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 07 mai 2024, 21/07361


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 07 MAI 2024



(n° 2024/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07361 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHEQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/05250





APPELANTE



ASSOCIATION DE PROTECTION SOCIALE

DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, représenté en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 394 164 966

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme POUGET, avocat au ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 07 MAI 2024

(n° 2024/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07361 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHEQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/05250

APPELANTE

ASSOCIATION DE PROTECTION SOCIALE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, représenté en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 394 164 966

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme POUGET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0381

INTIMÉE

Madame [S] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Bénédicte PUYBASSET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0459

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 27 mars 2024 et prorogé au 24 avril 2024, puis au 7 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Madame Laëtitia PRADIGNAC, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Selon contrat de travail à durée indéterminée, Mme [D] a été engagée en qualité de responsable de projet digital le 1er décembre 2014 par l'association PRO BTP.

Par lettre du 9 mars 2017 adressée à son employeur, Mme [D] a indiqué être contrainte à la démission.

Elle a saisi le 6 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Paris de différentes demandes tendant à voir juger que la rupture de son contrat de travail constitue une prise d'acte de la rupture ayant les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et à voir condamner l'association PRO BTP à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaire pour discrimination salariale, de rappel d'heures supplémentaires et d'indemnités de rupture.

Par jugement du 9 juillet 2021, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes, en sa formation présidée par le juge départiteur, a rendu la décision suivante :

« CONDAMNE l'association PRO BTP à payer à Madame [S] [D] les sommes suivantes :

- 11 922,40 € à titre de rappel de salaire pour la période courant décembre 2014 à mars 2017 outre 1 192,24 au titre des congés payés y afférents

- 3 086,86 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 23 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

RAPPELLE que les condamnations de nature contractuelle et/ou conventionnelle produisent intérêts à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire à compter de la présente décision ;

ORDONNE la remise à Madame [S] [D] de bulletins de paie ainsi que d'une attestation POLE EMPLOI conformes à la présente décision ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;

DEBOUTE Madame [S] [D] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE l'association PRO BTP aux entiers dépens de l'instance.»

L'association PRO BTP a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 9 août 2021.

La constitution d'intimée de Mme [D] a été transmise par voie électronique le 3 septembre 2021.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, l'association PRO BTP demande à la cour de :

«- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Madame [D] de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

' Jugé que l'association de PROTECTION SOCIAL DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS n'avait pas respecté l'égalité de traitement vis-à-vis de Madame [D], et

' Condamné l'association de PROTECTION SOCIAL DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS à payer à Madame [D] :

. 11.922,40 € bruts à titre de rappel de salaire pour la période allant de décembre 2014 à mars 2017 et 1.192,24 € bruts à titre de congés payés afférents,

. 23.000,00 € bruts à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

. 3.086,86 € nets à titre d'indemnité de licenciement,

. 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

En conséquence

- Juger que l'association de PROTECTION SOCIAL DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS a respecté l'égalité de traitement vis-à-vis de Madame [D],

- Débouter Madame [D] de l'ensemble de ses demandes, et

- Condamner Madame [D] au paiement de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Madame [D] aux dépens.»

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [D] demande à la cour de:

« - CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Madame [D] de sa demande de payement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents

EN CONSEQUENCE

- DIRE et JUGER l'Association PRO BTP mal fondée en son appel et la DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- DIRE ET JUGER que la rupture du contrat constitue une prise d'acte et qu'elle rendra les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a CONDAMNE l'association PRO BTP à verser à Madame [D] :

. la somme de 3.086,86 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

. la somme de 23.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. la somme de 11.922,40 € brute à titre de rappel de salaire, en réparation de la discrimination salariale subie ;

. la somme de 1.192,24 € brute à titre de congés payés afférents,

. la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

. la remise de bulletins de paye et d'une attestation ASSEDICS conforme

Y AJOUTANT:

- CONDAMNER l'association PRO BTP à verser à Madame [D] la somme de 6.872,16 € brute à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période du 1er décembre 2014 au 30 janvier 2017 et la somme de 687,22 € brute à titre de congés payés afférents.

- CONDAMNER en conséquence l'association PRO BTP à verser à Madame [D] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qui s'ajoutera à celle déjà allouée à ce titre en première instance

- CONDAMNER l'Association PRO BTP aux entiers dépens de première instance et d'appel.»

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaire en réparation d'une discrimination salariale

Il résulte des conclusions de Mme [D] que sous couvert de discrimination salariale, celle-ci, qui ne vise pas de texte relatif à la discrimination ni le régime probatoire applicable à cette matière, se réfère en réalité au principe d'égalité de traitement entre salariés qu'elle vise d'ailleurs expressément ainsi qu'à son régime probatoire, étant ajouté que Mme [D] a abandonné en appel sa demande initiale à ce que la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul.

La Cour de cassation juge qu'en application du principe d'égalité de traitement, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables.

S'il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l'espèce, aux termes de l'article 1 de son contrat de travail, Mme [D] a été engagée le 1er décembre 2014 en qualité de « responsable de projet digital - statut agent de maîtrise, classe 5 - niveau B ». L'article 4 de ce contrat précise qu'elle percevra « une rémunération mensuelle de 2 874,15 euros » et que « Cette rémunération correspond au coefficient 270 de la catégorie Agent de maîtrise ».

Mme [D] expose qu'elle percevait un salaire moindre que celui de deux collègues, M. [M] et Mme [C].

Au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme [D] était toujours classée au coefficient 270 et percevait un salaire brut mensuel de 2 881,44 euros.

Il ressort des pièces communiquées que M. [M] a été engagé en mai 2015 pour exercer la même fonction de responsable de projet digital, statut agent de maîtrise, classe 5 niveau B. Néanmoins, M. [M] a bénéficié à son embauche du coefficient 310, lequel correspond à une rémunération conventionnelle minimale de 3 299,95 euros.

Mme [C] a quant à elle été engagée courant 2016, également sur un poste de responsable de projet digital, statut agent de maîtrise, avec le coefficient 308. Elle a ensuite bénéficié du coefficient 310 à une date non précisée par les parties mais antérieure à la rupture du contrat de travail de Mme [D].

Il résulte de ce qui précède des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération de Mme [D] par rapport à M. [M] et Mme [C]. Il incombe donc à l'association PRO BTP de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

L'association PRO BTP invoque la différence d'expérience professionnelle des trois salariés avant leur embauche. Toutefois, si Mme [C] avait effectivement une expérience de plus de 15 ans quand elle a été engagée par l'appelante, alors que l'expérience de Mme [D] était de 4 ans, celle de M. [M] n'était que de 6 ans à son embauche par l'association PRO BTP, ce qui n'est pas significativement différent de Mme [D]. En outre, il est de jurisprudence constante que l'expérience professionnelle acquise auprès d'un précédent employeur ne peut justifier une différence de salaire qu'au moment de l'embauche et pour autant qu'elle est en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées. La circonstance que Mme [D] n'ait eu qu'employeur avant son embauche tandis que M. [M] en ait eu quatre différents en 6 ans, ce qui dénote une très forte instabilité de celui-ci dans ses emplois précédents, ne suffit pas à démontrer, au regard des éléments produits, une qualité d'expérience moins bonne de l'intimée par rapport à M. [M].

Il en résulte que l'association PRO BTP n'établit pas que l'expérience de M. [M] justifiait qu'il soit engagé au coefficient 310 alors que Mme [D] ne l'avait été qu'au coefficient 270 pour occuper un poste identique. Une inégalité de traitement entre ces deux salariés, quant à leur coefficient d'embauche, est donc établie.

Pour justifier que cette disparité de traitement ait perduré après l'embauche, l'association PRO BTP fait valoir que Mme [D] a suivi des formations spécifiques, durant la période d'exécution du contrat de travail, dont M. [M] n'a pas eu besoin. Toutefois, dès lors qu'en suivant ces formations Mme [D] a acquis les connaissances en communication qui, selon l'appelante, lui manquaient, de telle sorte qu'elle disposait ensuite des mêmes connaissances que M. [M], ces formations ne constituent pas des éléments objectifs justifiant la poursuite de l'inégalité de traitement après leur suivi par Mme [D].

L'association PRO BTP produit des attestations de salariés et d'un intervenant extérieur dont certaines font état de difficultés de Mme [D] dans le cadre de travaux. Cependant, le contenu de ces attestations est surtout centré sur Mme [D] et ne permet pas d'en tirer des conclusions comparatives sur l'exercice respectif par l'intimée et M. [M] de leurs fonctions. Par exemple, M. [P] critique les compétences professionnelles de Mme [D] mais n'évoque pas M. [M] dans son attestation (pièce n°26 de l'employeur). Ces attestations n'établissent pas que M. [M] avait une meilleure exécution de ses fonctions que Mme [D].

S'agissant des évaluations par la hiérarchie, seul l'entretien annuel 2016 de M. [M] est produit. Or, la lecture comparative de cet entretien annuel avec celui de Mme [D] pour la même année ne permet pas d'en déduire un exercice par M. [M] de ses fonctions justifiant objectivement l'inégalité de rémunération avec elle durant toute la durée de la relation contractuelle. Dans chacun des deux entretiens figurent des appréciations positives de leur hiérarchie et d'autres nuancées voire négatives. Par exemple, en ce qui concerne le partage de l'information, M. [M] reçoit le symbole « moins » avec le commentaire qu'il « est nécessaire de mettre en place une formalisation écrite afin notamment d'assurer une continuité de service ».

Il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats que l'association PRO BTP ne rapporte pas la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant la différence de traitement, quant au coefficient et à la rémunération correspondante, entre M. [M] et Mme [D] au détriment de celle-ci.

Une inégalité salariale étant établie entre ces salariés dans une situation identique, Mme [D] est fondée à solliciter une demande de rappel de salaire à ce titre.

Sur la base des éléments produits, la différence de rémunération entre Mme [D] et M. [M] était de 425,80 euros par mois.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association PRO BTP à payer à Mme [D] les sommes de 11 922,40 euros à titre de rappel de salaire pour la totalité de la durée de la relation contractuelle et de 1 192,24 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les heures supplémentaires

Il est de jurisprudence constante qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [D], qui indique le nombre d'heures supplémentaires accomplies selon elle chaque mois, produit des relevés de pointage ainsi que des échanges de courriels et attestations faisant état d'erreurs dans lesdits relevés.

Ces éléments sont suffisamment précis afin de permettre à l'association PRO BTP, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'occurrence, l'association PRO BTP, qui fait valoir que le temps de travail de la salariée était organisé dans le cadre d'un « horaire individualisé », ne verse pas aux débats d'autre élément utile que ceux communiqués par Mme [D].

En considération de toutes les pièces produites, il est retenu l'existence d'heures supplémentaires dont l'importance est évaluée, pour l'ensemble de la durée de la relation contractuelle, à la somme totale de 500 euros outre la somme de 50 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé sur ce chef

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Il est de jurisprudence constante que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail et produit les effets soit d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En outre, si un salarié ne peut invoquer des faits qui n'ont été connus par lui que postérieurement à la prise d'acte, il peut, au soutien de celle-ci, invoquer des manquements de l'employeur qui ne figuraient pas dans sa lettre valant prise d'acte de la rupture dès lors qu'ils sont antérieurs ou contemporains à cette dernière.

Enfin, les manquements imputés par le salarié à l'employeur doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, il ressort de la lecture de la lettre de prise d'acte du 9 mars 2017 que Mme [D] y formule des reproches à l'association PRO BTP, dont principalement « une différence de traitement avérée au sein du pôle projets auquel j'appartiens » qu'elle qualifie ensuite de « discrimination salariale », et elle précise « je n'ai d'autre issue que de quitter mon poste mais estime que cette rupture vous est imputable ». Cette lettre de démission doit donc être requalifiée en lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Le grief formulé dans cette lettre par Mme [D] relativement à une inégalité salariale a été jugé fondé. Il convient de constater que cette inégalité a perduré depuis l'embauche jusqu'à la prise d'acte de la salariée.

Par conséquent, il est constaté l'existence d'un manquement suffisamment grave qui empêchait la poursuite du contrat de travail, de sorte que la prise d'acte de la rupture de Mme [D] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé sur ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

a) Compte tenu des éléments versés aux débats, le salaire mensuel moyen de Mme [D] qui est retenu s'élève à 3 779,86 euros en y incluant les rappels de salaire.

Le fondement et le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement ne sont pas détaillés par Mme [D]. Toutefois, l'association PRO BTP ne conteste pas le montant demandé de cette indemnité dès lors que la démission est requalifiée en prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'association PRO BTP à payer à Mme [D] la somme de 3 086,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

b) La rupture du contrat de travail étant intervenue le 9 mars 2017, son indemnisation n'est pas soumise au barème issu de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017. Ce sont les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à cette ordonnance, qui sont applicables, et dont il résulte que le salarié dont le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse peut prétendre à une indemnité qui ne doit pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Par conséquent, en considération des circonstances de la rupture ainsi que de la situation particulière de Mme [D] tenant notamment à son âge, son état de santé, sa situation familiale et à sa capacité à retrouver un emploi, il convient, par confirmation du jugement, de condamner l'association PRO BTP à lui payer la somme de 23 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

c) Enfin, en application de l'article L.1235-4 du contrat de travail, il convient d'ordonner le remboursement par l'association PRO BTP à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [D] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur la délivrance de documents

Mme [D] sollicite la remise de bulletins de paie et d'une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir.

Il est fait droit à ces demandes.

Sur les autres demandes

L'association PRO BTP succombant, elle est condamnée aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il paraît équitable de condamner l'association PRO BTP à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Lacour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne l'association PRO BTP à payer à Mme [D] les sommes de :

- 500 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires;

- 50 euros à titre de congés payés sur le rappel d'heures supplémentaires.

Ordonne le remboursement par l'association PRO BTP à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [D] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Ordonne à l'association PRO BTP de remettre à Mme [D] des bulletins de paie et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision.

Condamne l'association PRO BTP à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre.

Condamne l'association PRO BTP aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/07361
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.07361 ?
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