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03/05/2024 | FRANCE | N°21/12071

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 03 mai 2024, 21/12071


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6



ARRET DU 3 MAI 2024



(n° /2024, 25 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12071 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6MH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 mai 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 12/16051







APPELANTE



Société SMABTP en sa qualité d'assureur dommages-ou

vrage et CNR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 12]



Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocat...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRET DU 3 MAI 2024

(n° /2024, 25 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12071 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6MH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 mai 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 12/16051

APPELANTE

Société SMABTP en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage et CNR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 12]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Benoït CHEVREL BARBIER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [U] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Ayant pour avocat plaidant Me Michel DARNET, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué à l'audience par Me Isabelle DINGLI, avocat au barreau de TOULOUSE

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS société d'assurance mutuelle à cotisations variables, entreprise régie par le code des assurances, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représenté par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Ayant pour avocat plaidant Me Michel DARNET, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué à l'audience par Me Isabelle DINGLI, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S.U. CONCEPTION STRUCTURES PINEAU prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Ayant pour avocat plaidant Me Michel DARNET, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué à l'audience par Me Isabelle DINGLI, avocat au barreau de TOULOUSE

Société GE MANAGEMENT SERVICES IRELAND LIMITED venant aux droits de la société SOPHIA GE, elle-même venant aux droits de GE REAL ESTATE France OCPI DIVERSIFIEE, d'EUROSIC [Localité 20] C1 C2 et d'IPBM, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 17]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Hervé FRASSON-GORRET, avocat au barreau de PARIS

S.A. SMA en qualité d'assureur de la société BOURDARIOS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0431

S.A.S.U. ENTREPRISE BOURDARIOS prise en la personne de son établissement secondaire domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 25]

[Localité 15]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0431

S.A.S. DUVAL DEVELOPPEMENT ATLANTIQUE anciennement dénommée CFA ATLANTIQUE et venant aux droits de la société SCCV SRPT [Adresse 23], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 21]

[Localité 7]

Représentée par Me José IBANEZ de la SELARL L.V.I AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0205, substitué à l'audience par Me Jorina SHEHU, avocat au barreau de PARIS

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me DRAGHI ALONSO, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Maud BRUNEL, avocat au barreau de PARIS

Société QBE SYNDICATE 1886 DES LLOYD'S représentée par son mandataire général en France, LLOYD'S France SAS, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 9]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me DRAGHI ALONSO, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Maud BRUNEL, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. BUREAU VERITAS CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 16]

[Localité 18]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me DRAGHI ALONSO, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Maud BRUNEL, avocat au barreau de PARIS

S.A. MMA IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me DRAGHI ALONSO, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Maud BRUNEL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laura TARDY, conseillère faisant fonction de présidente chargée du rapport, et Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Laura TARDY, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

Mme Véronique BOST, conseillère

Greffière, lors des débats : Madame Manon CARON

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Laura TARDY, conseillère faisant fonction de présidente et par Joëlle COULMANCE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société IPBM, aux droits de laquelle intervient la société Sophia GE, était propriétaire d'un ensemble immobilier comportant notamment deux bâtiments C1 et C2, à usage principal de bureaux. Cet ensemble est situé [Adresse 19] (31), dans le périmètre de la zone d'aménagement concertée dite [Adresse 24].

Elle avait acquis cet ensemble immobilier, selon acte notarié en date du 18 décembre 2006, de la société Oppenheim qui l'avait elle-même acquis auprès de la Société de Réalisation des Parcs Tertiaires du [Localité 22], devenue la société CFA Atlantique puis la société Duval Développement Atlantique, laquelle en avait assuré la maîtrise d'ouvrage.

La réception des travaux a été prononcée le 31 octobre 2002 pour le bâtiment C1 et le 17 septembre 2003 pour le bâtiment C2.

Sont notamment intervenus à l'acte de construire :

- M. [U] [Y], en qualité de maître d''uvre,

- la société Bourdarios, en charge du lot gros-'uvre,

- la société Conception Structure Pineau (la société CSP), en qualité de bureau technique structures,

- la société Veritas en qualité de contrôleur technique, aux droits de laquelle intervient la société Bureau Veritas Construction.

Pour cette opération, une police dommages-ouvrage avait été souscrite auprès de la SMABTP.

Postérieurement à son acquisition, la société IPBM a constaté divers désordres affectant notamment les planchers des deux bâtiments et a adressé trois déclarations de sinistre en date des 19 avril 2010, 7 mai 2010 et 31 janvier 2012 à la SMABTP.

Suivant actes d'huissier en date des 22, 23 et 24 octobre 2012, la société IPBM a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la SMABTP, M. [Y], la société CSP et leur assureur la Mutuelle des Architectes Français (la société MAF), la société Entreprise Bourdarios, la société Bureau Véritas et son assureur les Mutuelles du Mans Assurance (la société MMA) ainsi que la société Duval Développement Atlantique aux fins d'indemnisation des désordres dénoncés.

Suivant acte d'huissier en date du 31 octobre 2012, la société Entreprise Bourdarios a assigné en garantie la société CSP et son assureur la société MAF devant le tribunal de grande instance de Paris.

Suivant acte d'huissier du 17 décembre 2012, la société Duval Développement Atlantique a assigné en garantie la SMABTP devant le tribunal de grande instance de Paris.

Suivant actes d'huissier en date des 29 et 30 octobre 2012, la SMABTP avait assigné en garantie M. [Y] et son assureur la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société Conception Structures Pineau et son assureur la société MAF, la société Bureau Veritas, la société Covea Risk et la société QBE Insurance Limited devant le tribunal de grande instance de Toulouse.

Par ordonnance du 7 novembre 2013, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse, constatant la litispendance avec les affaires susvisées, s'est dessaisi au profit du tribunal de grande instance de Paris.

Ces affaires ont toutes été jointes au fond.

Par ordonnance du 10 septembre 2013, le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à M. [W] [D] concernant les désordres dénoncés par la société IPBM dans son assignation.

Aux termes d'un protocole signé le 17 février 2015, la SMABTP s'est engagée à indemniser la société IPBM à hauteur de 2 292 344 euros HT concernant les travaux nécessaires à la reprise des désordres, à hauteur de 142 299 euros concernant les frais de réaménagement et dans la limite de 305 000 euros concernant les frais liés à la vacance des locaux.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 février 2016, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles (ci-après les sociétés MMA) sont intervenues volontairement à l'instance aux lieu et place de la société Covea Risks.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2016, la société GE Real Estate France OPCI Diversifiée, devenue Eurosic [Localité 20] C1, C2 est intervenue volontairement à l'instance aux lieu et place de la société IPBM suite à l'acquisition des immeubles objets du litige.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2017, la société Sophia GE est intervenue volontairement à l'instance aux lieu et place de la société Eurosic [Localité 20] C1, C2.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 15 juin 2018.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2019, la société SMA SA est intervenue volontairement à l'instance aux lieu et place de la SMABTP en sa qualité d'assureur de la société Entreprise Bourdarios.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 27 août 2020, la société QBE Syndicate est intervenue volontairement à l'instance aux lieu et place de la société QBE Insurance Europe Limited et la société Bureau Veritas Construction aux lieu et place de la société Bureau Veritas.

Par jugement du 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

- dit que la matérialité du fléchissement des planchers des bâtiments Cl et C2 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 19] (31) est établie et relève de la garantie décennale ;

- dit que la matérialité des non-conformités des chapeaux des bâtiments C1 et C2 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 19] (31) n'est pas établie ;

- dit qu'en application des articles L. 121-12 du code des assurances et 1346-1 du code civil, la SMABTP est valablement subrogée dans les droits de son assuré au titre des indemnités versées en réparation des désordres affectant les planchers des bâtiments Cl et C2 ;

- dit que la responsabilité de plein droit de M. [U] [Y], de la société Bourdarios et de la société Bureau Veritas Construction est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil s'agissant des fléchissements des planchers ;

- dit que la responsabilité de plein droit de la société CFA Atlantique est engagée sur le fondement de l'article 1646-1 du code civil s'agissant des fléchissements des planchers ;

- dit que la responsabilité délictuelle de la société Conception Structure Pineau n'est pas engagée ;

- dit que la MAF doit sa garantie à M. [U] [Y] au titre des désordres à caractère décennal, dans les limites contractuelles de sa police (plafonds et franchises) à l'égard de son assuré ;

- dit que la SMA doit sa garantie à la société Bourdarios au titre des désordres à caractère décennal, dans les limites contractuelles de sa police (plafonds et franchises) à l'égard de son assurée ;

- dit que la SMABTP ne doit sa garantie à la société Bourdarios ;

- dit que les sociétés MMA doivent leur garantie à la société Bureau Veritas Construction au titre des désordres à caractère décennal, à l'exclusion des préjudices immatériels, dans les limites contractuelles de la police (plafonds et franchises) à l'égard de son assurée ;

- dit que la société QBE Syndicate ne doit pas sa garantie à la société Bureau Veritas Construction, les désordres présentant un caractère décennal ;

- dit que la SMABTP doit sa garantie à la société CFA Atlantique au titre des désordres à caractère décennal mais qu'aucune condamnation ne sera prononcée à son encontre de ce chef suite aux indemnisations déjà versées en exécution du contrat ;

- condamne in solidum M. [U] [Y], la MAF, la société Bourdarios, la SMA, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA à payer à la SMABTP 1 239 685,09 euros HT, assortie des intérêts à compter du présent jugement, au titre des travaux de nivellement du plancher indemnisés ;

- condamne in solidum M. [U] [Y], la MAF, la société Bourdarios, la SMA et la société Bureau Veritas Construction à payer à la SMABTP 305 000 euros, assortie des intérêts à compter du présent jugement, au titre des préjudices immatériels indemnisés ;

- ordonne la capitalisation des intérêts sur le montant des condamnations ci-dessus prononcées au profit de la SMABTP ;

- condamne in solidum la société CFA Atlantique, la société Bourdarios, la SMA, M. [U] [Y], la MAF et la société Bureau Veritas Construction à payer à la société Sophia GE 1 105 240,94 euros, assortie des intérêts à compter du présent jugement, à titre d'indemnisation sur ses préjudices immatériels ;

- condamne in solidum M. [U] [Y], la MAF, la société Bureau Veritas Construction, la société Bourdarios et la SMA à relever et garantir intégralement la société CFA Atlantique des condamnations prononcées à son encontre ;

- condamne in solidum la société Bourdarios et la SMA à garantir à hauteur de 85 % M. [U] [Y], la MAF, la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA des condamnations prononcées à leur encontre ;

- condamne in solidum la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA, à garantir à hauteur de 5 % M. [U] [Y], la MAF, la société Bourdarios et la SMA SA des condamnations prononcées à leur encontre au titre des travaux de nivellement du plancher ;

- condamne la société Bureau Veritas Construction à garantir à hauteur de 5 % M. [U] [Y], la MAF, la société Bourdarios et la SMA SA des condamnations prononcées à leur encontre au titre des préjudices immatériels ;

- condamne in solidum M. [U] [Y] et la MAF à garantir à hauteur de 10 % la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, la société Bourdarios et la SMA SA des condamnations prononcées à leur encontre ;

- condamne in solidum la société CFA Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, M. [U] [Y], la MAF, la société Bourdarios et la SMA SA à supporter les dépens comprenant les frais d'expertise et qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamne in solidum la société CFA Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, M. [U] [Y], la MAF, la société Bourdarios et la SMA SA à payer à la société Sophia GE 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamne in solidum la société CFA Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, M. [U] [Y], la MAF, la société Bourdarios et la SMA à payer à la SMABTP 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- dit que la charge finale des dépens et frais irrépétibles sera répartie comme suit ;

- 85 % à la charge de la société Bourdarios et de la SMA ;

- 10 % à la charge de M. [U] [Y] et la MAF ;

- 5 % à la charge de la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA ;

- ordonne l'exécution provisoire ;

- rejette le surplus des demandes.

Par déclaration en date du 28 juin 2021, la SMABTP a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d'appel de Paris la société Bureau Veritas Construction, la société Duval Développement Atlantique, la société Conception Structures Pineau, la société Entreprise Bourdarios, la société GE Management Services Ireland Limited, la société MAF, les sociétés MMA, la société QBE Syndicate, la société SMA et M. [U] [Y].

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2022, la SMABTP demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a alloué à la SMABTP une somme de 305 000 euros en remboursement des préjudices immatériels indemnisés,

- l'infirmer pour le surplus et :

- en l'état de la non-conformité réglementaire de la longueur des chapeaux, condamner in solidum la société Conception Structures Pineau et son assureur la MAF, la société Bureau Veritas Construction et ses assureurs, les sociétés MMA et la société QBE Syndicate à régler à la SMABTP, prise en qualité d'assureur dommages-ouvrage, une indemnité de 1 126 126,15 euros TTC à titre principal sur le fondement de la garantie décennale, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie contractuelle, dans tous les cas sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour la société CSP,

- subsidiairement, et dans l'hypothèse où la Cour s'estimerait insuffisamment informée, il lui appartiendra d'ordonner un complément d'expertise, le technicien désigné devant, notamment, fournir tout renseignement et élément technique sur :

- la nature de non-conformité qui affecte les aciers de chapeaux,

- la règlementation technique applicable,

- condamner in solidum M. [U] [Y], son assureur, la MAF, la société Entreprise Bourdarios à régler à la SMABTP prise en qualité d'assureur dommages ouvrage une indemnité de 1 294 695,81 euros TTC au titre des travaux de nivellement des planchers,

- prononcer ces condamnations en deniers ou quittances,

- condamner in solidum la société Entreprise Bourdarios, M. [Y] et son assureur la MAF, la société Conception Structures Pineau et son assureur la MAF, la société Bureau Veritas Construction et ses assureurs les sociétés MMA et la société QBE Syndicate à régler à la SMABTP la somme de 12 227,98 euros au titre des honoraires de l'économiste,

- fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2019 date de la notification des conclusions, pour l'ensemble des condamnations prononcées, tant par le tribunal que par la cour,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- débouter les parties de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la SMABTP,

- condamner in solidum M. [Y] et son assureur la MAF, la société Conception Structures Pineau et son assureur la MAF, la société Bureau Veritas Construction et ses assureurs les sociétés MMA et la société QBE Syndicate à régler à la SMABTP la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judicaire, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Maître Patricia Hardouin, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2022, la société GE Management Services Ireland Limited demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur l'appel de la SMABTP ;

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions concernant la société GE Management Services Ireland Limited, et en ce qu'elle lui a alloué la somme de 1 105 240,94 euros au titre des dommages immatériels, outre les intérêts à compter du jour du jugement, et en toutes ses autres dispositions la concernant, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

- débouter la SMABTP de sa demande de complément d'expertise, présentée à titre subsidiaire ;

- constater que M. [W] [D], expert, s'est prononcé dans son rapport ;

- juger qu'en tout état de cause la société GE Management Services Ireland Limited n'étant pas concernée, elle n'a pas à participer à une quelconque mesure d'instruction complémentaire ;

- constater que la société Duval Développement Atlantique, M. [Y], la société CSP, et leur assureur la MAF demandent la confirmation de la décision rendue par les premiers juges le 4 mai 2021 ;

- confirmer par voie de conséquence, leur condamnation in solidum à verser à la société GE Management Services Ireland Limited la somme de 1 105 240,94 euros, au titre des dommages immatériels, auxquels s'ajouteront les intérêts de droit à compter du jour du jugement et les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

- confirmer que les désordres affectant le fléchissement des planchers relèvent de l'article 1792 du code civil ;

- juger que la société Bureau Veritas Construction, la société Entreprise Bourdarios ainsi que la société Duval Développement Atlantique, M. [Y], le BET CSP, ne s'affranchissent pas de la présomption de responsabilité qui, par voie de conséquence, pèse sur eux ;

- confirmer la décision des premiers juges ayant condamné in solidum la société Duval Développement Atlantique, la société Entreprise Bourdarios, la SMA, M. [U] [Y], la MAF, et la société Bureau Veritas Construction à payer à la société Sophia GE, aux droits de laquelle vient la société GE Management Services Ireland Limited, la somme de 1 105 240,94 euros, outre les intérêts à compter du jour du jugement, à titre d'indemnisation sur ses préjudices immatériels ;

- débouter la société Bureau Veritas Construction et ses assureurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société GE Management Services Ireland Limited ;

- constater que la société Entreprise Bourdarios et son assureur ne contestent pas le rapport de M. [D], expert ;

- constater que la société Entreprise Bourdarios et son assureur ne contestent pas le fondement sur la base duquel les premiers juges ont statué ;

- constater que la société Entreprise Bourdarios et son assureur ne contestent pas le montant global des dommages immatériels ;

- débouter la société Entreprise Bourdarios et son assureur de toutes leurs prétentions quant à une quelconque ventilation de ladite somme à leur profit ;

- débouter la société Entreprise Bourdarios et son assureur la SMA, de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société GE Management Services Ireland Limited ;

- condamner M. [Y], la société CSP, la MAF, la société Bureau Veritas Construction, la société QBE Syndicate 1886, les sociétés MMA, la société Entreprise Bourdarios, la SMA et la société Duval Développement Atlantique, in solidum, à verser à la société GE Management Services Ireland Limited la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et ce en raison des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

- condamner les mêmes in solidum en tous les dépens de première instance et d'appel, et comprenant les frais et honoraires d'expertise, pour ceux supportés par la société Sophia GE, aux droits de laquelle vient la société GE Management Services Ireland Limited.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 24 décembre 2021, la société Entreprise Bourdarios et la SMA demandent à la cour de :

- homologuer le rapport de l'expert judiciaire, M. [D],

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Paris en ce qu'il n'a retenu qu'un seul désordre à l'origine des préjudices immatériels invoqués,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Paris en ce qu'il n'a pas fait droit aux recours présentés par la société Entreprise Bourdarios et son assureur la SMA,

Statuant à nouveau :

Sur les demandes de la société Sophia GE :

- limiter à la somme de 544 883,78 euros HT, le montant de l'indemnité mise à la charge de la société Entreprise Bourdarios au titre de l'indemnisation des préjudices immatériels subis par la société Sophia GE,

- condamner in solidum la société Bureau Veritas Construction, ses assureurs les sociétés MMA, M. [Y], son assureur la MAF, le bureau d'études CSP et son assureur la MAF à relever et garantir indemne la société Entreprise Bourdarios et son assureur la SMA de toutes condamnations prononcées à son encontre au-delà de sa part de responsabilité,

Sur les demandes de la SMABTP :

- limiter à la somme de 150 365 euros HT le montant de l'indemnité mise à la charge de la société Entreprise Bourdarios au titre des sommes versées par la SMABTP en indemnisation des préjudices immatériels subis par la société Sophia GE,

- limiter à la somme de 8 738,43 euros HT le montant de l'indemnité mise à la charge de la société Entreprise Bourdarios au titre des sommes versées par la SMABTP en règlement des frais d'investigations,

- limiter à la somme de 112 612,61 euros HT le montant de l'indemnité mise à la charge de la société Entreprise Bourdarios au titre des travaux de réparation des chapeaux pris en charge par la SMABTP,

- limiter à la somme de 1 053 732,33 euros HT le montant de l'indemnité mise à la charge de la société Entreprise Bourdarios au titre des travaux de réparation des planchers pris en charge par la SMABTP,

- condamner in solidum M. [Y], la société Conception Structures Pineau, leur compagnie d'assurance la MAF, la société Bureau Veritas Construction, et ses assureurs les sociétés MMA à relever et garantir indemne la société Entreprise Bourdarios et son assureur la SMA de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au-delà de la part de responsabilité de la société Entreprise Bourdarios,

- condamner la SMA, assureur de la société Entreprise Bourdarios, à la relever et garantir de toutes condamnations laissées à sa charge dans les limites et conditions du contrat d'assurance souscrit,

- condamner tout défaillant à la prise en charge des entiers dépens.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2021, la société Bureau Veritas Construction, la société QBE Syndicate, et les sociétés MMA demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'action subrogatoire de la SMABTP du chef des armatures de chapeaux,

- prononcer l'irrecevabilité des demandes de la SMABTP qui n'est pas valablement subrogée dans les droits et actions de la société Sophia GE, du chef des armatures de chapeaux,

- débouter la SMABTP de l'intégralité de ses demandes portant sur les armatures de chapeaux,

- débouter la société GE Management venant aux droits de la société Sophia GE de l'intégralité de ses demandes portant sur les armatures de chapeaux,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Bureau Veritas Construction sur le fondement de l'article 1792 du code civil, du chef du fléchissement de planchers,

- débouter la société GE Management venant aux droits de la société Sophia GE et la SMABTP assureur dommages-ouvrage de l'intégralité de leurs demandes,

- rejeter tout appel en garantie dirigé à l'encontre de Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA et la société QBE Syndicate,

- prononcer la mise hors de cause de la société Bureau Veritas Construction, des sociétés MMA et de la société QBE Syndicate,

A titre subsidiaire :

- débouter la société GE Management venant aux droits de la société Sophia GE et la SMABTP assureur dommages-ouvrage de leurs demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il a octroyé à la société Sophia GE / GE Management une indemnité globale de 1 105 240,94 euros au titre de son préjudice immatériel, sans distinction du préjudice relevant du fléchissement de planchers et des armatures de chapeaux,

- infirmer le jugement en ce qu'il a octroyé un montant total de 1 410 240,94 euros au titre des préjudices immatériels comme suit :

- 305 000 euros à la SMABTP,

- 1 105 240,94 euros à la société Sophia GE,

- cantonner le montant du préjudice immatériel à la somme de 1 267 941,94 euros retenue par l'expert M. [D],

- limiter la part de responsabilité de la société Bureau Veritas Construction à 5 %,

- rejeter toute demande dirigée à l'encontre de la société Bureau Veritas Construction et ses assureurs au titre du nivellement des planchers,

- cantonner le montant des sommes imputées à la société Bureau Veritas Construction à 60 354,04 euros sur le volet immatériel, soit 4,76 % du préjudice immatériel retenu par l'expert judiciaire,

- débouter la SMABTP de sa demande de remboursement des frais d'intervention de Monsieur [O] à hauteur de 12 227,98 euros,

- confirmer le jugement sur la date de départ des intérêts au taux légal fixée à compter du jugement du 4 mai 2021,

- rejeter la demande d'expertise complémentaire au titre des armatures de chapeaux,

- réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de la société GE Management venant aux droits de la société Sophia GE et la SMABTP au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que toute condamnation mise à la charge des sociétés MMA en qualité d'assureur de la société Bureau Veritas Construction interviendra dans les limites du contrat d'assurance prévoyant notamment une franchise contractuelle à revaloriser,

- juger que toute condamnation mise à la charge de la société QBE Syndicate en qualité d'assureur de la société Bureau Veritas Construction interviendra dans les limites du contrat d'assurance prévoyant notamment une franchise contractuelle à revaloriser,

- condamner in solidum Monsieur [Y] et son assureur la MAF, la société Conception Structure Pineau et son assureur la MAF, la société Entreprise Bourdarios et ses assureurs la SMA et la SMABTP, à relever et garantir indemne la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA et QBE Syndicate de toutes condamnations susceptibles d'être mise à leur charge,

- condamner in solidum Monsieur [Y] et son assureur la MAF, la société Conception Structure Pineau et son assureur la MAF, la société Entreprise Bourdarios et ses assureurs la SMA et la SMABTP au paiement d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Monsieur [Y] et son assureur la MAF, la société Conception Structure Pineau et son assureur la MAF, la société Entreprise Bourdarios et ses assureurs la SMA et la SMABTP au paiement des entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître [I] [F], de la SELARL LM Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2021, la société Duval Développement Atlantique demande à la cour de :

A titre principal :

- débouter la SMABTP de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 4 mai 2021 dans le cadre de la procédure enregistrée sous le numéro RG 12/16051 ;

A titre subsidiaire :

- condamner la SMABTP, en qualité d'assureur constructeur non-réalisateur de la société Duval Développement Atlantique (anciennement dénommée CFA Atlantique) à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

- condamner les sociétés énoncées ci-dessous et leurs assureurs à relever et garantir la société Duval Développement Atlantique de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre de leurs responsabilités contractuelles de droit commun :

- Monsieur [Y] et son assureur la MAF,

- la société Entreprise Bourdarios et son assureur la SMABTP,

- la société Conception Structure Pineau et son assureur la MAF,

- la société Bureau Veritas et son assureur la société Covea Risks,

En tout état de cause :

- condamner l'appelante ou toute partie succombante à payer à la société Duval Développement Atlantique la somme de 10 000 euros HT sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2021, M. [U] [Y], la société Conception Structures Pineau et la MAF demandent à la cour de :

- déclarer la SMABTP mal fondée en son appel,

- rejeter l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du 4 mai 2021 en toutes ses dispositions notamment en ce qui concerne la fixation du point de départ des intérêts légaux à la décision de première instance et l'absence de responsabilité de la société CSP,

Subsidiairement, en application de l'article 1240 du code civil et pour le cas où la cour déciderait une réformation,

- condamner in solidum :

- la société Entreprise Bourdarios in solidum avec son assureur la SMA,

- la société bureau Veritas Construction in solidum avec ses assureurs respectifs, les sociétés MMA, QBE Syndicate,

à relever et garantir indemne la société Conception Structure Pineau et Monsieur [Y] ainsi que la MAF de toutes condamnations susceptibles d'être mises à leur charge,

Très subsidiairement et dans le cas d'une éventuelle condamnation,

- dire que la MAF n'intervient dans la présente instance que dans les conditions et limites du contrat d'assurance tel qu'il a été souscrit rendant notamment la franchise opposable aux tiers,

- condamner la SMABTP à payer aux concluants une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 25 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur les désordres et le recours de la SMABTP

Moyens des parties :

La SMABTP, assureur dommages-ouvrage et constructeur non-réalisateur, indique que l'expert a relevé deux désordres, le fléchissement des planchers et la non-conformité des armatures de chapeaux. Elle ne conteste pas le caractère décennal du désordre de fléchissement des planchers, mais conclut à la réformation du jugement qui a considéré que la matérialité du second désordre n'était pas établie, faisant valoir que ce désordre a été constaté dès l'expertise dommages-ouvrage amiable et n'a pas été contesté par les parties ni l'expert. Elle ajoute que ce désordre devait être repris avant de traiter le désordre de fléchissement des planchers car il n'était pas conforme aux normes de construction. Elle fonde son recours à titre principal sur la subrogation légale spéciale de l'article L. 121-12 du code des assurances et précise qu'elle devait financer la reprise des armatures de chapeaux, préalable à la reprise des planchers. Elle soutient que la contestation de la société MAF est infondée et tardive. Elle sollicite donc le remboursement de la somme de 1 126 126,15 euros TTC. A titre subsidiaire, si le désordre des armatures des chapeaux n'était pas considéré comme ayant une nature décennale, elle agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l'égard des constructeurs et délictuelle à l'égard de la société CSP, sous-traitant, subrogation conventionnelle pour laquelle elle n'a pas pas à justifier qu'elle était tenue contractuellement de verser l'indemnité, rappelant que la reprise des armatures de chapeaux était un préalable nécessaire à la reprise des planchers pour mise en conformité réglementaire. Elle précise que la subrogation résulte du protocole d'accord conclu avec la société IPBM et estime justifier que les conditions en sont remplies, notamment la concomitance de la subrogation et du paiement.

La société Duval Développement Atlantique, venant aux droit du maître d'ouvrage et assurée dommages-ouvrage et constructeur non-réalisateur auprès de la SMABTP, conclut à la confirmation du jugement, en raison du caractère décennal du désordre de fléchissement des planchers. Subsidiairement, si le caractère décennal était écarté, elle demande que la responsabilité contractuelle des constructeurs soit retenue. Elle conteste toute responsabilité dans la survenance des désordres.

La société Entreprise Entreprise Bourdarios et son assureur la société MAF ne contestent pas la nature décennale du désordre de fléchissement des planchers, ni l'existence d'un désordre des armatures de chapeaux, mais seulement l'évaluation des préjudices et le partage de responsabilité retenu.

M. [Y], la société CSP et la société MAF concluent à la confirmation du jugement et soutiennent que la reprise des armatures des chapeaux n'est pas un préalable obligatoire à la reprise du désordre des planchers, l'expert ayant seulement indiqué que si les têtes de chapeaux sont reprises, elles ne peuvent l'être techniquement qu'avant la reprise du fléchissement. Ils ajoutent que le désordre des armatures de chapeaux n'est pas à l'origine de celui des planchers fléchis et n'a pas d'influence sur lui.

La société Bureau Veritas Construction et ses assureurs les sociétés QBE Syndicate et MMA sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'action subrogatoire de la SMABTP au titre du désordre des armatures de chapeaux. Elles contestent la nature décennale de ce désordre et indiquent que la SMABTP ne peut être subrogée dans les droits de son assurée pour celui-ci, faute de justifier de ce que son paiement est intervenu en vertu d'une garantie régulièrement souscrite.

La société GE Management Services Ireland Limited, venant aux droits de la société Sophia GE par fusion-absorption, elle-même venue aux droits de la société IPBM, propriétaire de l'immeuble litigieux, rappelle la conclusion d'un protocole d'accord le 17 février 2015 entre la société Sophia GE et la SMABTP qui a préfinancé les travaux réparatoires, lesquels ont été réalisés pendant le temps de l'expertise judiciaire. Elle conclut à la confirmation du jugement au titre du désordre de fléchissement des planchers et ajoute que s'il était infirmé pour le désordre des armatures de chapeaux, elle n'est pas concernée et ne forme aucune demande à ce titre.

Réponse de la cour :

Il résulte de l'expertise que l'expert a constaté un désordre de fléchissement des planchers avec des flèches de l'ordre de 40 à 50 mm excédant les flèches admissibles des normes de construction (12 à 13 mm) et celles retenues par le bureau d'études structures (17,5 mm). Il a indiqué que ce désordre était de nature à porter atteinte à la bonne tenue des ouvrages et qu'il contrariait le bon usage des lieux, affectant son exploitation courante (accessibilité PMR compromise) et la stabilité de ses équipements (cloisons, revêtements de sols et murs, menuiseries). Il a imputé ce désordre à un désétaiement prématuré des planchers (prédalles et dalle de compression) et au sous-dosage en liant des bétons mis en oeuvre, dont la résistance s'est avérée inférieure à celle déterminée par le bureau d'études CSP.

L'expert a également indiqué qu'au cours des travaux de l'expertise amiable dommages-ouvrage préalable à son intervention, une non-conformité avait également été identifiée au niveau des armatures des chapeaux, du fait d'un défaut de mise en oeuvre (enrobage supérieur aux hypothèses de calcul du bureau d'études CSP) et, sur le bâtiment C1, les chapeaux en acier haute adhérence prévus par le bureau d'études avaient été remplacés par deux treillis soudés (non respect des plans de ferraillage). En outre, les chapeaux du côté de la petite travée étaient de longueur insuffisante. Il a retenu que 'le déficit de la longueur des armatures de chapeaux n'est pas à l'origine et n'a pas d'influence sur le fléchissement des planchers' et qu'il s'agissait d'une non-conformité réglementaire 'dont la prise en compte et la réparation constituent un préalable aux travaux de reprise des fléchissements.'

1) Sur le désordre de fléchissement des planchers

L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

La cour constate qu'aucune des parties ne discute tant la matérialité que la nature décennale de ce désordre constaté par l'expert, qui porte atteinte à la solidité de l'ouvrage et à son usage.

2) Sur le déficit de longueur des armatures de chapeaux

L'expert ne les a pas constatées, mais a été rendu destinataire d'un rapport établi le 17 décembre 2010 par la société Concrète chargée par la SMABTP d'établir un diagnostic des planchers des bâtiments C1 et C2. Selon les conclusions de ce rapport, il a été repéré, pour les chapeaux mis en place en rive, une configuration en 10 par 30 cm au lieu d'un treillis ST25, et, pour le Bâtiment C2, un treillis ST10 qui n'est pas suffisant.

Ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la matérialité du désordre est établie.

Cependant, il ne résulte ni de l'expertise ni des autres pièces produites que ce désordre porte atteinte à la solidité de l'immeuble ou le rende impropre à son usage.

Par conséquent, il ne relève pas de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil.

3) Sur le recours subrogatoire de la SMABTP

L'article L. 121-12 du code des assurances dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

La SMABTP a pris en charge les travaux réparatoires des fléchissements des planchers au titre de sa garantie dommages-ouvrage. Ce désordre ayant un caractère décennal, elle a donc mis en oeuvre la garantie contractuelle et est valablement subrogée dans les droits de la société IPBM, aux droits de laquelle vient la société GE Management Services Ireland Limited, conformément à l'article L. 121-12 du code des assurances.

S'agissant du désordre des armatures de chapeaux, celui-ci n'ayant pas un caractère décennal, l'indemnisation à laquelle la SMABTP a procédé ne peut lui permettre de fonder son recours sur la subrogation légale spéciale de l'article L. 121-12 du code des assurances.

Elle indique que la réparation de ce désordre était un préalable obligatoire pour la réparation du désordre de fléchissement des planchers et qu'elle est tenue à la réparation intégrale des désordres relevant de la garantie dommages-ouvrage.

Il résulte de l'expertise que le caractère non réglementaire de la longueur des chapeaux est une affirmation de la SMABTP en cours d'expertise (cf. expertise page 17), tout comme le fait que la correction de cette non-conformité soit un préalable aux travaux de reprise. L'expert a relevé que cette affirmation n'était pas contestée, et que le bureau d'études CSP avait indiqué l'absence de risque avéré lié à cette non-conformité. Il l'a ensuite reprise dans le rapport d'expertise, cependant d'une part il n'est visé aucune disposition réglementaire définissant une longueur de chapeaux, et d'autre part il n'est nulle part dans l'expertise précisé que la reprise des chapeaux, qui n'entraîne aucun risque, est un préalable obligatoire de la reprise des planchers.

Par conséquent, l'obligation de réparation intégrale des dommages, à la charge de la SMABTP, assureur dommages-ouvrage, n'incluait pas l'obligation de reprise préalable des chapeaux.

Subsidiairement, la SMABTP fonde son recours sur la subrogation conventionnelle.

L'article 1250 1° du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable ici, dispose que la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur: cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement.

Il est constant que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur, qui n'a pas à établir que ce règlement a été fait en exécution de son obligation contractuelle de garantie (Cass., Com., 16 juin 2009, n° 07-16.840).

Selon le protocole d'accord conclu le 17 février 2015 entre les sociétés IPBM et SMABTP, la SMABTP a proposé à la société IPBM qui l'a accepté une indemnisation d'un montant de 2 292 344 euros comprenant le coût des investigations directement pris en charge par elle et les montants de :

- 1 550 000 euros HT : devis Entreprise Bourdarios/Eiffage,

- 353 653 euros HT : devis lots connexes,

outre des frais d'assurance et d'honoraires y compris de maîtrise d'oeuvre.

L'article 5 du protocole stipule que 'la SMABTP sera subrogée dans les droits et actions de la société IPBM SAS à l'égard des tiers au titre des faits, objet du présent accord, en fonction des indemnisations précitées et versées, et ce tant sur le plan légal que sur le plan conventionnel à concurrence des droits transigés par les présentes.'

Le protocole ne détaille pas les travaux visés, et les devis les identifiant ne sont pas versés aux débats. Néanmoins, l'expert a indiqué que les travaux concernant tant le nivellement des planchers que le renforcement des chapeaux avait été réalisés et préfinancés en totalité par la SMABTP.

Par conséquent, la SMABTP est subrogée dans les droits de la société IPBM au titre tant des travaux réparatoires des planchers que du renforcement des chapeaux, à concurrence pour ce deuxième désordre du montant de 1 126 126,15 euros HT.

Sur l'imputation des désordres et leur indemnisation

Moyens des parties :

La SMABTP demande la confirmation de la répartition des responsabilités retenue par l'expert. Elle indique avoir versé en tout 2 725 821,96 euros dont 2 420 821,96 euros au titre des travaux réparatoires et 305 000 euros au titre des dommages immatériels, limités par le plafond de garantie. Elle ajoute la somme de 17 725,02 euros de frais d'investigation, soit la moitié du coût de l'expertise judiciaire et de l'intervention de l'économiste. Elle sollicite que les intérêts courent de la notification de ses demandes le 12 mars 2019.

La société GE Management Services Ireland Limited conclut à la confirmation du jugement qui lui a alloué une indemnisation à hauteur de 1 105 240,94 euros au titre des dommages immatériels, et fait observer que les sociétés condamnées à lui verser cette somme ont demandé la confirmation du jugement de ce chef. Elle se prévaut des conclusions de l'expertise sur les responsabilités et leur partage.

La société Duval Développement Atlantique conclut à la confirmation du jugement et au rejet des demandes de la SMABTP. Au titre du désordre de fléchissement des planchers, elle se prévaut de l'expertise, et rappelle que l'expert n'a pas retenu sa responsabilité au titre du désordre affectant les chapeaux.

Les sociétés Entreprise Bourdarios et SMA SA ne contestent pas la responsabilité de la société Entreprise Bourdarios, mais rappellent que l'immeuble présentait deux désordres distincts, sans lien entre eux, et qu'au titre des préjudices immatériels, il convient de faire une répartition au prorata du coût des travaux, soit 52,4 % pour les planchers et 47,6 % pour les chapeaux, l'indemnisation des dommages immatériels devant tenir compte de ces deux désordres distincts.

M. [Y], la société CSP et la société MAF concluent à la confirmation du jugement.

La société Bureau Veritas Construction et ses assureurs les sociétés QBE Syndicate et MMA contestent l'imputabilité des désordres des planchers à la société Bureau Véritas Construction dès lors que l'expert n'a pas relevé d'atteinte à la solidité de l'ouvrage mais seulement une atteinte à l'habitabilité des locaux, donc une impropriété à destination, qui n'entrait pas dans sa mission de contrôleur technique. S'agissant des chapeaux, la société Bureau Veritas Construction soutient que leur sous-dimensionnement n'entraîne aucune atteinte à la solidité, à la sécurité des personnes ou à l'accessibilité des locaux aux personnes handicapées, de sorte qu'aucune demande fondée sur l'article 1792 du code civil ne peut prospérer à son égard. Sur le fondement de la responsabilité délictuelle, elle conteste tout manquement et estime qu'aucune faute de sa part n'est établie. Au titre des indemnisations, elle conteste la répartition des dommages immatériels, rappelant que l'expert a retenu deux problématiques et que sa quote-part de responsabilité applicable aux préjudices immatériels doit être scindée en deux à proportion du coût de chaque désordre. Enfin, elle conteste le montant des préjudices immatériels.

Réponse de la cour :

1) Sur le désordre du fléchissement des planchers, désordre décennal

La cour constate que, s'agissant du désordre de fléchissement des planchers, la société Entreprise Bourdarios, M. [Y] et la société Duval Développement Atlantique ne contestent pas le jugement qui leur a imputé le désordre au titre de la responsabilité décennale.

La société Duval Développement Atlantique a été condamnée au titre des dispositions de l'article1646-1 du code civil, aucune faute n'a été retenue contre elle et cela n'a pas été discuté par les parties en appel.

La société Bureau Veritas Construction avait notamment comme mission celle dite LP, portant sur la solidité des ouvrages et éléments d'équipement dissociables et indissociables. Or, contrairement à ce qu'elle soutient, l'expert a bien indiqué en page 45 que 'ces déformations - 2 à 3 fois supérieures aux norme sapplicables, sont de nature à porter atteinte à la bonne tenue des ouvrages et de plus contrarient le bon usage des lieux : exploitation courante (...) et stabilité des équipements.' La solidité de l'ouvrage étant en cause, le désordre rentrait bien dans la sphère d'intervention de la société Bureau Veritas Construction.

Ni la société Entreprise Bourdarios ni M. [Y] ne contestent la part de responsabilité mise à leur charge dans le jugement, et aucune des parties ne conteste l'absence de faute de la société Duval Développement Atlantique.

La société Bureau Veritas Construction n'a pas signalé les anomalies relatives à la bonne tenue des planchers alors qu'elle avait une mission de contrôle de la solidité de l'ouvrage. Elle a donc commis une faute qui justifie de retenir une part de responsabilité à son encontre de 5 %.

Le jugement sera donc confirmé au titre des intervenants condamnés et du partage de responsabilité.

2) Sur le désordre des armatures de chapeaux

La SMABTP demande la condamnation des sociétés CSP, Entreprise Bourdarios et Bureau Veritas Construction, ainsi que l'a retenu l'expert.

Il résulte des pièces versées aux débats que le désordre résulte d'erreurs dans les plans d'exécution, plans à la charge de la société CSP qui a donc commis un manquement contractuel. La société Bureau Veritas Construction, en charge de la solidité de l'ouvrage, a été destinataire des plans sans relever les erreurs, sans former d'observations ou de réserves. La société Entreprise Bourdarios a exécuté les plans sans relever les erreurs de dimensionnement, alors qu'elle est une professionnelle de ce domaine et que ces erreurs ne pouvaient pas lui échapper.

Leur intervention conjuguée et indissociable est à l'origine du désordre, de sorte qu'elles doivent être condamnées in solidum à indemniser la SMABTP qui a avancé le coût des travaux et est subrogée dans les droits du propriétaire de l'ouvrage.

Entre elles, la nature des fautes ainsi qu'établie ci-dessus commande de retenir le partage de responsabilité suivant :

- société CSP : 80 %

- société Entreprise Bourdarios : 10 %

- société Bureau Veritas Construction : 10 %.

3) La garantie des assureurs

Au titre du désordre des fléchissements de planchers, aucun des assureurs des intervenants mis en cause n'a dénié sa garantie.

Au titre du désordre des armatures de chapeaux, la société QBE Syndicate, assureur de responsabilité civile de la société Bureau Veritas Construction, ne dénie pas sa garantie mais rappelle sa franchise d'un montant de 150 000 euros. La MAF ne dénie pas garantir la société CSP. La société SMA SA ne dénie pas garantir la société Entreprise Bourdarios.

4) Sur l'indemnisation des préjudices

a) Sur l'indemnisation des préjudices matériels

Le tribual a alloué à la SMABTP les sommes de 1 239 685,09 euros au titre des travaux de reprise des planchers, rejetant le surplus de ses demandes à ce titre. La décision doit être confirmée s'agissant des frais d'expertise, examinés au titre des dépens, et s'agissant des frais d'intervention d'un économiste, frais non indispensables à la réparation des désordres ou à leur examen, et pris en compte le cas échéant au titre des frais irrépétibles.

La SMABTP sollicite à ce titre la somme de 1 294 695,81 euros HT correspondant au coût de travaux supplémentaires réglés au groupement d'entreprises Entreprise Bourdarios/Eiffage et dus à la nécessité, découverte pendant les travaux, de raboter de plusieurs millimètres la couche de béton pour atteindre la couche de structure permettant de recevoir les plats carbone.

L'expert a pris connaissance, pendant l'expertise, de l'existence de travaux supplémentaires et du surcoût généré, et l'a validé, ainsi qu'il résulte de sa réponse au dire de Maître [K] du 19 octobre 2017 et au dire de Maître [S] [Z] du 24 octobre 2017, fixant le coût des travaux réparatoires à 1 294 695,81 euros HT. Il apparaît donc que c'est par erreur que le montant précédent a été retenu dans les conclusions de l'expertise.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef. Statuant à nouveau, la cour condamne in solidum M. [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA à verser à la SMABTP la somme de 1 294 695,81 euros HT.

S'agissant d'une indemnisation et sur le fondement de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts courront à compter du jugement, celui-ci étant confirmé sur ce point.

Au titre des travaux de reprise des chapeaux, la SMABTP a justifié d'un montant de 1 126 126,15 euros. Aucune des parties tenues à réparation n'a contesté ce montant, par ailleurs retenue par l'expert sur pièces justificatives.

Ajoutant au jugement, la cour condamne donc in solidum la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et la société QBE Syndicate à verser à la SMABTP la somme de 1 126 126,15 euros HT, outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

b) Sur les préjudices immatériels

Les parties tenues d'indemniser ne discutent pas les montants retenus, mais leur imputation, rappelant qu'il existe deux désordres distincts.

L'expert a retenu à ce titre la somme totale de 1 267 941,94 euros.

La société GE Management Services Ireland Limited indique qu'à ce montant, il convient de rajouter celui de 142 299 euros correspondant aux frais de réaménagement des surfaces après travaux, soit une somme totale de 1 410 240,94 euros. Au titre de ce préjudice, elle a reçu la somme de 305 000 euros de la SMABTP, soit l'indemnisation maximale selon plafond de garantie, et elle demande le solde, soit 1 105 240,94 euros.

Il ressort du rapport d'expertise de la société CD Expertise que la société GE Management Services Ireland Limited (à l'époque société IPBM) a subi du fait des désordres et des travaux réparatoires à réaliser un préjudice correspondant aux pertes de loyers pendant cette période et à des honoraires de commercialisation à devoir exposer à nouveau, le locataire ayant quitté les lieux. Ce préjudice s'élève selon la société CD Expertise, confirmée par l'expert, à la somme de 1 267 941,94 euros. A cette somme s'ajoute celle de 142 299 euros HT représentant le coût du réaménagement nécessaire des immeubles après les travaux, ceux-ci, affectant les planchers, nécessitent donc que les surfaces soient nues, alors qu'elle avaient été aménagées (cloisons, menuiseries, etc). Cette somme doit donc valablement s'ajouter au préjudice de la société GE Management Services Ireland Limited, étant précisé que celui-ci a fait l'objet d'un versement par la SMABTP au titre de sa garantie des préjudices immatériels, celle-ci ayant en tout versé 305 000 euros.

Les immeubles sont affectés de deux désordres distincts, sans lien entre eux, mais pour lesquels l'expertise a conclu à une reprise du désordre des armatures de chapeaux préalablement à celui des fléchissements de chapeaux. Il s'ensuit que les préjudices immatériels subis par la société GE Management Services Ireland Limited, résultant de la durée d'immobilisation des immeubles en raison des travaux à réaliser, auraient dû être évalués selon la durée imputable à la reprise du désordre des armatures de chapeaux puis la durée imputable aux fléchissements de planchers.

Ni l'expertise, ni les pièces versées aux débats ne permettent d'évaluer les préjudices immatériels imputables à la reprise des désordres des chapeaux et ceux imputables à la reprise des planchers.

Par conséquent, le calcul des préjudices immatériels se fera au prorata du coût des travaux réparatoires de chaque désordre.

Ainsi, le coût de reprise du désordre des chapeaux est de 1 126 126,15 euros et celui des planchers est de 1 294 695,81 euros HT, soit pour les chapeaux 46,52 % du total et pour les planchers 53,48 %.

Le coût des préjudices immatériels résultant du désordre des armatures de chapeaux est donc de 656 044,09 euros et le coût des préjudices immatériels pour le désordre des planchers est de 754 196,85 euros.

La SMABTP a versé à la société GE Management Services Ireland Limited la somme de 305 000 euros, soit 141 886 euros au titre du désordre d'armatures de chapeaux et 163 114 euros au titre du désordre des planchers.

Ces sommes définissent l'assiette des condamnations des responsables et les recours en garantie.

Le jugement doit donc être infirmé au titre des indemnisations, et complété du chef du désordre des armatures de chapeaux.

Ainsi, au titre des préjudices immatériels résultant du désordre des armatures de chapeaux, la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et la société QBE Syndicate sont condamnées in solidum à verser à la SMABTP la somme de 141 886 euros HT, et à la société GE Management Services Ireland Limited la somme de 514 158,09 euros, c'est-à-dire le solde (656 044,09 - 141 886), outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

Au titre des préjudices immatériels résultant du désordre des planchers, M. [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA sont condamnées in solidum à verser à la SMABTP la somme de 163 114 euros HT, et à la société GE Management Services Ireland Limited la somme de 591 082,85 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur les appels en garantie

Moyens des parties :

M. [Y], la société CSP et la société MAF appellent en garantie la société Entreprise Bourdarios et son assureur la société SMA SA et la société Bureau Veritas Construction et ses assureurs les sociétés QBE Syndicate et MMA.

Les sociétés Entreprise Bourdarios et SMA SA appellent en garantie, par rapport aux demandes de la société GE Management Services Ireland Limited les sociétés Bureau Veritas Construction, [Y], MMA, MAF et CSP, et par rapport aux demandes de la SMABTP les sociétés [Y], CSP, MAF, Bureau Veritas Construction et MMA.

Les sociétés Bureau Veritas Construction, QBE Syndicate et MMA appellent en garantie les sociétés [Y], CSP et leur assureur la société MAF et la société Entreprise Bourdarios et ses assureurs les sociétés SMA SA et SMABTP.

La société Duval Développement Atlantique appelle en garantie M. [Y] et les sociétés MAF, Entreprise Bourdarios, SMABTP, CSP, MAF, Bureau Veritas Construction et Covea Risks (les sociétés MMA).

Réponse de la cour :

Il sera rappelé que deux désordres ont été identifiés, d'origine distincte et sans lien entre eux, pour lesquels des intervenants différents ont été condamnés. Les appels en garantie doivent donc être distingués selon les désordres.

1) Au titre des désordres affectant les planchers

La société Entreprise Bourdarios et son assureur la société SMA SA doivent garantie in solidum à M. [Y] et son assureur la société MAF et à la société Bureau Veritas Construction et ses assureurs de garantie décennale les sociétés MMA de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société Entreprise Bourdarios.

M. [Y] et son assureur la société MAF doivent garantie in solidum à la société Entreprise Bourdarios et son assureur la société SMA SA et à la société Bureau Veritas Construction et ses assureurs de garantie décennale les sociétés MMA de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à M. [Y].

La société Bureau Veritas Construction et ses assureurs de garantie décennale les sociétés MMA doivent garantie in solidum à M. [Y] et son assureur la société MAF et à la société Entreprise Bourdarios et son assureur la société SMA SA de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société Bureau Veritas Construction.

Ces condamnations à garantir concernent les préjudices matériels et immatériels, au bénéfice tant de la SMABTP que de la société GE Management Services Ireland Limited.

2) Au titre des désordres affectant les armatures de chapeaux

La société Entreprise Bourdarios et son assureur la société SMA SA doivent garantie in solidum à la société CSP et son assureur la société MAF et à la société Bureau Veritas Construction et son assureur de responsabilité civile la société QBE Syndicate de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société Entreprise Bourdarios.

La société CSP et son assureur la société MAF doivent garantie in solidum la société Entreprise Bourdarios et son assureur la société SMA SA et à la société Bureau Veritas Construction et son assureur de responsabilité civile la société QBE Syndicate de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société CSP.

La société Bureau Veritas Construction et son assureur de responsabilité civile la société QBE Syndicate doivent garantie in solidum à la société CSP et son assureur la société MAF et à la société Entreprise Bourdarios et son assureur la société SMA SA de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société Bureau Veritas Construction.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, la cour condamne in solidum la société Duval Développement Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, la société QBE Syndicate, M. [Y], la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA aux dépens et à verser la somme de 15 000 euros à la SMABTP et la somme de 15 000 euros à la société GE Management Services Ireland Limited.

En cause d'appel, la cour condamne in solidum la société Duval Développement Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, la société QBE Syndicate, M. [Y], la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA aux dépens et à verser la somme de 5 000 euros à la SMABTP et la somme de 5 000 euros à la société GE Management Services Ireland Limited. Elle rejette les autres demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

La charge finale des dépens et frais irrépétibles sera répartie comme suit :

- sociétés Entreprise Bourdarios et SMA SA : 43 %,

- M. [Y] et société MAF : 6 %,

- société CSP et société MAF : 43 %,

- société Bureau Veritas Construction, sociétés MMA et société QBE Syndicate : 8 %.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :

- dit que la matérialité des non-conformités des chapeaux des bâtiments C1 et C2 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 19] (31) n'est pas établie,

- condamné in solidum M. [U] [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA à payer à la SMABTP la somme de 1 239 685,09 euros HT,

- condamné in solidum la société CFA Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, M. [U] [Y], la société Bureau Veritas Construction, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA à supporter les dépens comprenant les frais d'expertise et qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société CFA Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, M. [U] [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA à payer à la société Sophia GE 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné in solidum la société CFA Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, M. [U] [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA à payer à la SMABTP 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- dit que la charge finale des dépens et frais irrépétible sera répartie comme suit ;

- 85 % à la charge de la société Entreprise Bourdarios et de la société SMA SA ;

- 10 % à la charge de M. [U] [Y] et la société MAF ;

- 5 % à la charge de la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA ;

- condamné in solidum M. [U] [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA et la société Bureau Veritas Construction à payer à la SMABTP 305 000 euros, assortie des intérêts à compter du présent jugement, au titre des préjudices immatériels indemnisés ;

- condamné in solidum la société CFA Atlantique, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, M. [U] [Y], la société MAF et la société Bureau Veritas Construction à payer à la société Sophia GE 1 105 240,94 euros, assortie des intérêts à compter du présent jugement, à titre d'indemnisation sur ses préjudices immatériels ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE in solidum M. [U] [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA à payer à la SMABTP la somme de un million deux cent quatre-vingt-quatorze mille six cent quatre-vingt-quinze euros et quatre-vingt un centimes (1 294 695,81 euros) HT, outre intérêts légaux à compter du jugement, au titre du désordre de fléchissement des planchers,

DIT la SMABTP subrogée dans les droits de la société GE Management Services Ireland Limited au titre du désordre des armatures de chapeaux,

CONDAMNE in solidum la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et la société QBE Syndicate à verser à la SMABTP la somme de un million cent vingt-six mille cent vingt-six euros et quinze centimes (1 126 126,15 euros) HT, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre du désordre des armatures de chapeaux ;

Au titre des préjudices immatériels résultant du désordre des armatures de chapeaux, CONDAMNE in solidum la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et la société QBE Syndicate à verser à la SMABTP la somme de cent quarante-et-un mille huit cent quatre-vingt-six euros (141 886 euros) et à la société GE Management Services Ireland Limited la somme de cinq cent quatorze mille cent cinquante-huit euros et neuf centimes (514 158,09 euros), outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

Au titre des préjudices immatériels résultant du désordre des planchers, CONDAMNE in solidum M. [U] [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA à verser à la SMABTP la somme de cent soixante-trois mille cent quatorze euros (163 114 euros) et à la société GE Management Services Ireland Limited la somme de cinq cent quatre-vingt-onze mille quatre-vingt-deux euros et quatre-vingt-cinq centimes (591 082,85 euros), outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

FIXE le partage de responsabilité, pour le désordre des armatures de chapeaux, comme suit :

- société CSP : 80 %,

- société Entreprise Bourdarios : 10 %,

- société Bureau Veritas Construction : 10 %,

Au titre des désordres affectant les planchers :

CONDAMNE la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA in solidum à garantir M. [Y], la société MAF, la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société Entreprise Bourdarios,

CONDAMNE M. [Y] et la société MAF in solidum à garantir la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à M. [Y],

CONDAMNE la société Bureau Veritas Construction et les sociétés MMA in solidum à garantir M. [Y], la société MAF, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société Bureau Veritas Construction,

Au titre des désordres affectant les armatures de chapeaux :

CONDAMNE la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA in solidum à garantir la société CSP, la société MAF, la société Bureau Veritas Construction et la société QBE Syndicate de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société Entreprise Bourdarios,

CONDAMNE la société CSP et la société MAF in solidum à garantir la société Entreprise Bourdarios, la société SMA SA, la société Bureau Veritas Construction et la société QBE Syndicate de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société CSP,

CONDAMNE la société Bureau Veritas Construction et la société QBE Syndicate in solidum à garantir la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA de toutes condamnations de ce chef, dans la limite de la part de responsabilité imputée à la société Bureau Veritas Construction,

CONDAMNE in solidum la société Duval Développement Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, la société QBE Syndicate, M. [Y], la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA aux dépens et à verser la somme de quinze mille euros (15 000 euros) à la SMABTP et la somme de quinze mille euros (15 000 euros) à la société GE Management Services Ireland Limited,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la société Duval Développement Atlantique, la société Bureau Veritas Construction, les sociétés MMA, la société QBE Syndicate, M. [Y], la société CSP, la société MAF, la société Entreprise Bourdarios et la société SMA SA aux dépens et à verser la somme de cinq mille euros (5 000 euros) à la SMABTP et la somme de cinq mille euros (5 000 euros) à la société GE Management Services Ireland Limited,

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DIT que la charge finale des dépens et frais irrépétibles sera répartie comme suit :

- sociétés Entreprise Bourdarios et SMA SA : 43 %,

- M. [Y] et société MAF : 6 %,

- société CSP et société MAF : 43 %,

- société Bureau Veritas Construction, sociétés MMA et société QBE Syndicate : 8 %,

REJETTE les autres demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La conseillère faisant fonction de présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/12071
Date de la décision : 03/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-03;21.12071 ?
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