La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2024 | FRANCE | N°18/12495

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 03 mai 2024, 18/12495


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 03 Mai 2024



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12495 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6V2T



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris RG n° 17-03268



APPELANTE

SASU ONLY NAILS

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparante

, non représentée, ayant pour conseil Me Holger ELLENBERGER, avocat au barreau de Paris, toque P0359



INTIME

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par M. [J] [X] en ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 03 Mai 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12495 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6V2T

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris RG n° 17-03268

APPELANTE

SASU ONLY NAILS

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparante, non représentée, ayant pour conseil Me Holger ELLENBERGER, avocat au barreau de Paris, toque P0359

INTIME

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par M. [J] [X] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M Raoul CARBONARO, président de chambre

M Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur les appels interjetés par la société Only Nails et l'Urssaf d'un jugement rendu le 28 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris (RG17-03268) dans un litige concernant l'existence d'un travail dissimulé.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que le procureur de la République de Paris a requis les policiers de la sous-direction de lutte contre l'immigration irrégulière dans le cadre de la recherche et la poursuite des infractions de travail dissimulé et d'emploi de personnes étrangères sans titre de travail.

C'est ainsi que le 23 août 2016, ils ont procédé au contrôle du salon de beauté et de soins corporels situé [Adresse 1] à [Localité 5], exploité par la SASU Only Nails (ci-après désignée 'la Société'). Ils constataient la présence de quatre personnes en situation de travail et dressaient procès-verbal de leur enquête avant de transmettre la procédure au Parquet qui décidait de convoquer la présidente, Mme [A] [W] [K] [Y] devant le tribunal correctionnel dans le cadre d'une reconnaissance préalable de culpabilité.

Dans le même temps, l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Île-de-France (ci-après désignée 'l'Urssaf' ou 'l'organisme') adressait à la Société une lettre d'observations datée du 10 octobre 2016, portant un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale pour la somme de 36 854 euros, outre les majorations de retard et à la somme de 7 641 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé pour la période vérifiée du 1 er janvier 15 au 31 juillet 2016 . Elle retenait :

- l'absence de déclaration préalable à l'embauche (DPAE) de Mme [A] [C] [P] épouse [E],

- l'absence de déclaration sociale pour Mme [D] [G].

Puis, le 10 avril 2017, l'Urssaf a établi une mise en demeure à l'encontre de la société Only Nails d'avoir à payer la somme de 48 294 euros laquelle en a accusé réception le 11 avril 2017.

 

A défaut de paiement, l'Urssaf a établi, le 23 juin 2017, à l'encontre de la Société une contrainte d'un montant principal de 44 495 euros et 3 799 euros de majorations de retard. Cette contrainte a été signifiée par acte d'huissier le 28 juin 2017 et la Société en a formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 13 juillet 2018.

Dans le même temps, par jugement du 11 décembre 2017, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Mme [A] [W] [K] [Y] du chef de travail dissimulé, l'a déclarée coupable de l'infraction d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié et, en répression, l'a condamnée à deux amendes de 400 euros.

Par jugement du 28 septembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :

- validé en son principe la contrainte émise par l'Urssaf Île-de-France le 23 juin 2017,

- validé la contrainte précitée pour les sommes suivantes :

o 7 055 euros au titre de l'année 2015,

o 998 euros au titre de l'année 2016,

o 2 013 euros au titre du travail dissimulé,

- dit que ces sommes dues emportent obligation pour la SASU Only Nails de payer les majorations de retard légalement applicables,

- dit que la créance de l'Urssaf Île-de-France est due en deniers ou quittances pour tenir compte des éventuels versements intervenus,

- dit que la SASU Only Nails devra supporter les frais de procédure (en particulier les frais de signification de la contrainte),

- débouté la SASU Only Nails de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la décision du tribunal statuant sur opposition à contrainte est exécutoire à titre provisoire,

- rappelé qu'il n'y a pas de condamnation aux dépens devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Pour juger ainsi, le tribunal a estimé que si l'Urssaf avait fait une exacte appréciation de la situation sociale de la Société et de son manque de transparence, il a considéré qu'elle avait improprement procédé à un calcul des régularisations de manière globale alors qu'elle aurait dû tenir compte du nombre de salariés travaillant effectivement dans le salon, de leur temps partiel et des périodes de basse saison. Le tribunal a estimé fondé les explications et les calculs donnés par la Société dans ses conclusions récapitulatives qu'il a adoptées.

Le jugement a été notifié aux parties le 9 octobre 2018. La Société et l'Urssaf en ont régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe respectivement le 2 et le 11 novembre 2018.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 6 octobre 2021 lors de laquelle une jonction des deux procédures d'appel a été ordonnée, et renvoyée, faute pour les parties de s'être communiqué leurs pièces à celle du 6 avril 2022, pour laquelle la Société a sollicité un renvoi, puis à celle du 27 juin 2023 et enfin à celle du 7 février 2024.

La Société, régulièrement convoquée par la messagerie sécurisée, est absente.

L'Urssaf, au visa de ses conclusions d'appelante n°2 à la lecture desquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses prétentions et moyens conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, demande à la cour de :

- déclarer son appel régulier en la forme,

- réformer en totalité le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en date du 28 septembre 2018, notamment en ce qu'il a validé la contrainte pour un montant minoré,

o 2 013 euros au titre du travail dissimulé et, statuant à nouveau:

- valider en ses principe et quantum la régularité du redressement notifié à la SAS Only Nails par lettre d'observations du 10 octobre 2016,

- valider la mise en demeure du 10 avril 2017 pour son entier montant,

- valider la contrainte émise le 23 juin 2017 pour son entier montant,

- condamner la SAS Only Nails à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 3 mai 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

Sur l'oralité des débats

Aux termes de l'article 446-1 du code de procédure civile

Les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui.

Par ailleurs, l'alinéa 1 de l'article 468 du code de procédure civile

Si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.

l'article 472 précisant que

Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.

Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée

Au regard de la combinaison de ces textes, en matière de procédure orale, les conclusions écrites d'une partie ne saisissent valablement le juge que lorsqu'elles sont réitérées verbalement à l'audience. Le dépôt ou l'envoi de conclusions ne peut pallier le défaut de comparution du demandeur en personne ou dûment représenté à l'audience que s'il a été autorisé à le faire par le magistrat.

Au cas présent, aucune demande de dispense de comparution n'a été formulée à la cour par la société Only Nails, appelante et intimée, et n'a pas plus reçu de demande de renvoi ou été informée d'une indisponibilité quelconque de son Conseil.

La Société a bien eu connaissance de la date d'audience lors de l'audience du renvoi du 27 juin 2023 puis par une convocation qui lui a adressé le même jour le greffe de la cour par la messagerie sécurisée des avocats.

Pour sa part, l'Urssaf justifie lui avoir adressé ses pièces et conclusions par courriel du 17 janvier 2024, Me [B] lui ayant répondu le même jour de la bonne réception des documents. Ce courriel portait pour objet « audience du 7 février 2024 - SAS Only Nails - recours 18-12891 et 18-12495 ».

La Société a donc eu connaissance non seulement de la date d'audience mais également des moyens et demandes que l'Urssaf formerait à l'audience.

En ne comparaissant pas en personne et en ne se faisant pas dûment représenter pour soutenir son appel, la Société laisse la cour dans l'ignorance des critiques qu'elle aurait pu former à l'encontre du jugement déféré.

L'Urssaf entend obtenir une décision au fond.

Il sera donc fait droit à sa demande et statué sur les seuls éléments produits par l'organisme, la cour s'étant assurée qu'aucun moyen d'ordre public qu'il serait tenu de relever d'office ne se révèle en la cause.

Sur la validité du redressement

Au soutien de son appel, l'Urssaf fait valoir que le jugement du tribunal correctionnel ayant relaxé la Société du chef de travail dissimulé ne s'impose pas à la cour puisque non seulement le fondement des poursuites était différent de la présente procédure mais surtout parce que la relaxe est intervenue en considération d'un travail dissimulé par absence de déclaration préalable à l'embauche (ci-après 'DPAE') alors que le redressent est fondé sur la dissimulation d'emploi salarié.

Sur le fond, l'Urssaf fait valoir que la masse salariale du salon a été reconstituée au regard des déclarations de la gérante de la Société et des personnes présentes le jour du contrôle de police. Il s'en est déduit que le salon ne pouvait fonctionner sans la présence de deux salariées. Un calcul des rémunérations qui auraient dues être versées aux salariées déduction faite des sommes déclarées à l'Urssaf a révélé un montant de cotisations éludées pour la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2016 de 48 294 euros.

L'Urssaf relève que la Société ne démontre pas l'inexactitude de ce calcul.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale

Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

Pour sa part, l'article L. 8221-1 du code du travail dispose

Sont interdits :

1° Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

2° La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ;

3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé.

l'article L. 8221-5 du même code ajoutant

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Ce faisant, il résulte des pièces produites par l'Urssaf ou de celles que lui avaient communiqué la Société, que la Société a comparu devant le tribunal correctionnel pour avoir, étant employeur de [D] [A] [G], de nationalité vietnamienne et de Mme [P] épouse [E] [A] [C], de nationalité vietnamienne, «dissimulé deux emplois en omettant intentionnellement de procéder à leurs déclarations préalables à l'embauche ». Il a prononcé une relaxe en retenant que « il résulte des pièces figurant au dossier et des déclaration préalable d'embauche présentés à la barre que les 2 salariés avaient fait l'objet de déclarations préalables d'embauche préalablement à la date des faits dont le tribunal est saisi ».

Or, au cas présent, il résulte de la lettre d'observations que le redressement s'est opéré non en raison d'une absence de DPAE mais en raison d'une minoration des rémunérations déclarées c'est-à-dire en raison d'un travail totalement ou partiellement dissimulé, ce qui, au regard des dispositions rappelées ci-avant constitue également l'infraction de travail dissimulé. Le chiffrage du redressement s'est d'ailleurs effectué en application des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui prévoit de retenir une assiette forfaitaire de cotisations et que « cette fixation forfaitaire est effectuée par tout moyen d'estimation probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions sociales ».

Enfin, la cour relève que le tribunal correctionnel ne s'est nullement prononcé sur la qualité d'employeur de Mme [A] [W] [K] [Y] à l'égard des salariées objet du contrôle ni sur la conformité des déclarations des rémunérations de son personnel à l'Urssaf.

Si les décisions définitives au pénal statuant au fond sur l'action publique ont, au civil, autorité absolue, à l'égard de tous, ce n'est qu'à l'égard de ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le faits est imputé.

Les faits soumis au tribunal correctionnel n'étant pas de même nature que ceux qui ont justifiés le redressement, la relaxe intervenue n'a pas autorité de chose jugée pour la procédure en cours. L'Urssaf est donc légitime en son action de recouvrement.

Sur le bien fondé du redressement

Au soutien de son appel, l'Urssaf fait valoir que l'enquête pénale a établi que quatre personnes travaillaient dans le salon de beauté et que l'examen des déclarations sociales faites à l'organisme avait mis en évidence que les salaires perçus par Mme [G] [D] n'avaient jamais fait l'objet de déclaration ce qui est constitutif du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié. Par ailleurs, au regard de l'amplitude horaire du salon, l'inspecteur a estimé que deux personnes était nécessaire pour le faire fonctionner et qu'en l'absence de comptabilité probante, l'inspecteur du recouvrement a procédé à la reconstitution de la masse salariale minimum nécessaire au bon fonctionnement du salon de beauté. Pour calculer les cotisations éludées, il a appliqué le SMIC et fait la différence entre les salaires déclarés et ceux qui auraient dû l'être.

Sur ce,

En application des articles L. 242-1 et L.136-2 du code de la sécurité sociale, et de l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996, les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, sont soumises à cotisations et contributions sociales. Par ailleurs, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

La détermination de l'assiette des contributions et cotisations dues aux régimes de l'assurance chômage et de garantie des salaires est constituée de l'ensemble des rémunérations entrant dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite de quatre fois le plafond du régime d'assurance vieillesse de la sécurité sociale visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, aux termes de l'article R. 242-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2009-1596 du 18 décembre 2009 applicable au litige

Lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement. Ce forfait est établi compte tenu des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve. Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant ne met pas à dispositions les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle engagé en application de l'article L. 243-7 ou lorsque leur présentation n'en permet pas l'exploitation, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement, sans les conditions prévues au présent article.

En cas de carence de l'organisme créancier, le forfait est établi par le responsable du service mentionné à l'article R. 155-1.

Lorsque l'employeur n'a pas versé dans les délais prescrits par les articles R. 243-6, R. 243-7, R. 243-9 et R. 243-22, les cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, l'organisme créancier peut fixer, à titre provisionnel, le montant desdites cotisations en fonction des versements effectués au titre des mois ou trimestres antérieurs. Cette évaluation doit être notifiée à l'employeur par une mise en demeure adressée par lettre recommandée, avec accusé de réception dans les conditions de l'article L. 244-2.'

l'article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable depuis le 11 juillet 2016 dispose pour sa part

I.-Dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle fixe forfaitairement le montant de l'assiette dans les cas suivants :

1° La comptabilité de la personne contrôlée ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations, ou le cas échéant des revenus, servant de base au calcul des cotisations dues ;

2° La personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou leur présentation n'en permet pas l'exploitation.

Cette fixation forfaitaire est effectuée par tout moyen d'estimation probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions sociales. Lorsque la personne contrôlée est un employeur, cette taxation tient compte, dans les cas mentionnés au 1°, notamment des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve.

En cas de travail dissimulé, cette fixation forfaitaire :

a) Peut être effectuée dans les conditions mentionnées à l'article L. 242-1-2 lorsque la personne contrôlée est un employeur ;

b) Peut être fixée, à défaut de preuve contraire, à hauteur pour chaque exercice contrôlé de trois fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3 en vigueur à la date à laquelle le contrôle a débuté lorsque la personne contrôlée est un travailleur indépendant.

II.-En cas de carence de l'organisme créancier, le forfait est établi par le responsable du service mentionné à l'article R. 155-1.

Par ailleurs, l'article L. 242-1-2 du code du travail précise

Pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire en termes de durée effective d'emploi et de rémunération versée, évaluées forfaitairement à 25 % du plafond annuel défini à l'article L. 241-3 du présent code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.

et l'article 9 du code de procédure civile

Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il s'induit de la combinaison de ces textes que pour procéder à l'évaluation des cotisations éludées, la durée de l'emploi à retenir est celle déterminée, notamment, d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve que l'organisme aurait recueilli (PV de police, audition de témoins...)et que le forfait est établi en tenant compte des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. Il s'en induit également que dès lors que l'agent assermenté constate que des salaires versés ne figurent pas dans la comptabilité, celle-ci ne peut plus être considérée comme probante et c'est donc à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve de l'inexactitude ou du caractère excessif de la taxation forfaitaire.

En effet, l'application d'une taxation forfaitaire renversant la charge de la preuve, il appartient à la personne ayant fait l'objet d'un redressement, de démontrer que celle-ci n'était pas appropriée et de produire tout élément permettant une taxation au réel.

Au cas présent, il ressort de la procédure pénale que lors du contrôle effectué le 23 août 2016 au sein de la société Only Nails que quatre personnes étaient en situation de travail à savoir :

o Mme [A] [W] [K] [Y], gérante de l'établissement,

o Mme [U] [A] [L], qui a été vue prodiguer des soins de manucure,

o Mme [G] [D], effectuant des soins de manucure sur une cliente,

o Mme [A] [C] [P], épouse [E].

Mme [U] [A] [L] a déclaré travailler pour le salon depuis janvier 2014 (comprendre 2015 au regard de la date d'ouverture du salon), cinq jours par semaine de 10h à 19h à mi-temps jusqu'en juin 2016 puis à plein temps pour un salaire mensuel de 1 177 euros.

Mme [G] [D] a déclaré travailler dans le salon depuis mars 2015 de 12 à 19 heures tous les jours excepté les jeudis et dimanches pour un salaire de 750 euros par mois.

Mme [A] [C] [P] a déclaré travailler dans le salon depuis le mois de janvier 2016 à hauteur de quatre heures par semaine payés 60 euros. Elle précisait également que le salon fonctionnait avec quatre personnes, précisément celles qui avaient été contrôlées avec elle par la police le 23 août 2016.

Mme [A] [W] [K] [Y] indiquait pour sa part être la gérante du salon et procéder elle-même aux embauches. Elle confirmait que le salon était ouvert du lundi au samedi, de 10 à 19 heures. Bien qu'elle affirmait employer au maximum deux personnes à temps partiel, force est de constater qu'à la fin de son audition , elle indiquant que « les salaires sont versés par virement ou par chèque pour trois des employés et en espèce pour la quatrième car elle n'a pas de compte bancaire ».

L'analyse des déclarations sociales accomplies par la Société a permis à l'Urssaf de constater que les salaires perçus par Mme [G] [D] n'avaient jamais fait l'objet de déclaration.

En l'absence de comptabilité probante, l'inspecteur du recouvrement a procédé à la reconstitution de la masse salariale minimum nécessaire au bon fonctionnement du salon de beauté et, tenant compte des déclarations des salariées, a considéré qu'au regard de l'amplitude horaire et des prestations proposées, le salon ne pouvait fonctionner qu'avec la présence de deux personnes. La Société n'a jamais apporté d'éléments en sens contraire. L'Urssaf a donc justement calculé la masse salariale en retenant neuf heures de travail par jour, six jours sur sept, par deux salariées soit 108 heures par semaine, 1 404 heures par trimestre ou 5 616 heures par an.

La Société aurait donc du déclarer, au titre des salaires, la somme de 53 970 euros pour l'année 2015 et 45 257 euros pour les six premiers mois de l'année 2016. Il n'est pas contesté que n'ont été déclarées respectivement que les sommes de13 326 euros et 13 014 euros.

En appliquant le SMIC pour la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2016, l'Urssaf a calculé un rappel de cotisations de 48 294 euros duquel ont été soustraites les sommes régulièrement déclarées, ramenant le montant dû à 30 564 euros.

Aucun élément n'est apporté par Mme [A] [W] [K] [Y] pour démontrer que l'Urssaf aurait surestimé la durée du travail dissimulé ou aurait appliqué un taux horaire erroné.

A ces sommes, ont été ajouté le montant des réductions générales de cotisations dont la Société avait bénéficier, soit 6 290 euros sur la période 2015 - juillet 2016 ainsi qu'une majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé de 7 641 euros.

La cour relève que pour minorer le montant sollicité, le tribunal a considéré que Mme [A] [W] [K] [Y] ne se versait aucun salaire, alors qu'en déclarant rejoindre son mari en Pologne par période de deux à trois mois et laisser alors le salon aux salariées, il ne pouvait considérer que la reconstitution de masse salariale ne devait se faire qu'en tenant compte de deux personnes travaillant à mi-temps, soit un temps plein. De même, l'existence d'une basse et haute saison, également retenue par le tribunal pour minorer le redressement, n'est pas démontrée à l'audience.

Dès lors, la cour juge que le redressement opéré par l'Urssaf l'a été conformément aux dispositions rappelées ci-dessus.

La cour constate que la mise en demeure émise aux fins de paiement des cotisations comporte toutes les mentions permettant à la Société de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation d'autant qu'elle renvoie à la lettre d'observations et porte sur le même montant.

De même, la contrainte comporte les mêmes indications que la mise en demeure et détaille précisément pour la période considérée, les sommes dues au titre des cotisations et des majorations de retard pour chaque poste. Elle isole également la majoration de redressement complémentaire liée à la constatation du travail dissimulé. Enfin, la contrainte a été régulièrement signifiée à la Société.

En conséquence, la contrainte sera validée pour son entier montant de 48 294 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La Société, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à l'Urssaf une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la société Only Nail recevable,

CONFIRME le jugement rendu le 28 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris (RG17-3268) en ce qu'il a :

- validé en son principe la contrainte émise par l'Urssaf Île-de-France le 23 juin 2017,

- dit que la SASU Only Nails devra supporter les frais de procédure (en particulier les frais de signification de la contrainte),

- débouté la SASU Only Nails de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

L'INFIRME pour le surplus de ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

VALIDE la contrainte émise par l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Ile-de-France le 23 juin 2017 à l'encontre de la société Only Nails au titre des cotisations éludées au cour de la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2016, étant précisé que le montant dû s'élève à la somme de 48 294 euros comprenant la somme de 44 495 euros en principal et celle de 3 799 euros au titre de la majoration ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société Only Nails à verser à l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Île-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société aux dépens.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/12495
Date de la décision : 03/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-03;18.12495 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award