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02/05/2024 | FRANCE | N°23/16484

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 02 mai 2024, 23/16484


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° 176, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16484 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CILFX



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Octobre 2023 -Président du TJ de Bobigny - RG n° 23/00945





APPELANT



M. [V] [D]

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

ayant pour avocat plaidant Me Pierre-Henri LEBRUN, avocat au barreau de Paris, toque : A10...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 02 MAI 2024

(n° 176, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16484 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CILFX

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Octobre 2023 -Président du TJ de Bobigny - RG n° 23/00945

APPELANT

M. [V] [D]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

ayant pour avocat plaidant Me Pierre-Henri LEBRUN, avocat au barreau de Paris, toque : A105

INTIMES

M. [X] [W]

[Adresse 7]

[Localité 12]

Défaillant, procès-verbal de recherches établi le 03.11.2023 en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile

Etablissement HOPITAL [14] DE [Localité 17] GVM CARE & RESEARCH

[Adresse 2]

[Localité 10]

Défaillant, déclaration d'appel signifiée le 02 novembre 2023 à personne morale

S.A. AXA FRANCE IARD recherchée en qualité d'assureur RCP de l'HOPITAL [14] [Localité 17] GVM CARE & RESEARCH

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant Me Vincent BOIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0456

Etablissement POLYCLINIQUE D'[Localité 13]

[Adresse 5]

[Localité 10]

Défaillant, déclaration d'appel signifiée le 02 novembre 2023 à personne morale

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

[Adresse 18]

[Localité 11]

Défaillante, déclaration d'appel signifiée le 02 novembre 2023 à personne morale

MUTUELLE D'ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS (MACSF)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Défaillante, déclaration d'appel signifiée le 02 novembre 2023 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller chargé du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- PAR DÉFAUT

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] fait valoir qu'il a consulté son médecin traitant le 11 juin 2013 pour des douleurs abdominales et qu'il se serait rendu le 12 juin 2013 aux urgences de la Clinique de [15] à [Localité 19] ; le 13 juin 2013, il a été transféré au service de réanimation de l'Hôpital [14] de [Localité 17] [16] pour un pneumothorax et une occlusion intestinale.

Il expose que le 25 juin 2013, il a bénéficié d'un drainage pulmonaire puis d'une vidéo-thoracotomie gauche, une décortication et d'un drainage ; que le 28 juin 2013, une laparotomie exploratrice a été réalisée par le Docteur [D] ayant mis une évidence une appendicite aigüe suppurée avec péritonite nécessitant une chirurgie, un lavage puis un drainage effectués le jour même ; que le 8 juillet 2013 il est rentré à son domicile mais a conservé un trou au niveau du nombril avec un risque d'éventration et de sortie des intestins, ainsi qu'une gêne abdominale.

Par actes délivrés les 5, 7 et 12 juin 2023, M. [W] a fait assigner en référé la Polyclinique d'[Localité 13], l'hôpital [14] de [Localité 17] [16], la compagnie Axa France Iard, le docteur [D] et son assureur la MACSF ainsi que la CPAM du Val d'Oise afin de voir ordonner une expertise médicale, à titre principal.

Par ordonnance réputée contradictoire du 2 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

mis hors de cause la société Axa France Iard ;

ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder le Dr [M] [U] lequel s'adjoindra si nécessaire tout sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne avec pour mission de :

I. Responsabilité médicale

interroger la partie demanderesse et recueillir les observations du défendeur ;

reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure ;

établir l'état médical de la demanderesse avant les actes critiqués ;

en consigner les doléances ;

préciser les éléments d'information fournis à la partie demanderesse, préalablement à son consentement aux soins critiqués,

procéder dans le respect de l'intimité de la vie privée à l'examen clinique, de manière contradictoire, de la partie demanderesse et décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués ;

dire si les obligations d'information ont été remplies afin de permettre à la partie demanderesse de donner un consentement libre et éclairé aux soins, traitements et thérapies envisagés ;

dire si les actes et traitements effectués par les praticiens étaient pleinement justifiés et s'il a commis une erreur en dans le traitement et qu'il a exercé la surveillance suffisante ;

dire si ces actes et soins et leur suivi ont été attentifs, diligents et conformes données acquises de la science médicale ; dans la négative, analyser de façon motivée, la nature des erreurs, imprudence, manque de précautions, négligences pré, per ou post séance, maladresses ou autres défaillances relevées ;

analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre les faits dommageables, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :

* la réalité des lésions initiales ;

* la réalité de l'état séquellaire ;

* l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales et en précisant l'incidence éventuelle de l'état antérieur ;

dire si les préjudices subis sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins et lequel, et ce pour chaque praticien ou personne morale étant intervenu ;

dire si les complications survenues étaient inévitables pour n'importe quel opérateur normalement diligent ;

dire si la prise en charge de l'évolution de la pathologie initiale a été conforme aux bonnes pratiques en la matière ;

dire si le dommage survenu et ses conséquences étaient probables, attendus et redoutés chez la partie demanderesse ; évaluer le taux de risque opératoire qui était le cas échéant ; déterminer les conséquences probables de la pathologie présentée en l'absence de traitement ; dire si ces dommages sont la conséquence d'un échec des thérapeutiques mises en 'uvre,

dire quel est le rôle de l'accident médical dans la réalisation du dommage ;

décrire le mécanisme du dommage et déterminer si l'état de santé de la partie demanderesse a pu favoriser ou contribuer à sa survenue et/ou à la gravité des conséquences dommageables ; déterminer dans quelles proportions ;

distinguer expressément les soins et traitements prodigués par le personnel de l'hôpital [14] de paris [16] et la polyclinique d'[Localité 13] et les soins et traitements prodigués par le Dr [D] dans le cadre de son activité libérale ;

II. Préjudice

Même en l'absence de toute faute du défendeur et en ne retenant pas les éléments du préjudice corporel se rattachant soit aux suites normales des soins, soit à l'état antérieur, l'expert devra déterminer les différents postes du préjudice corporel à l'issu de l'examen, et, au besoin, après avoir recueilli l'avis d'un sapiteur d'une autre spécialité, analyser et effectuer un exposé précis et synthétique de :

la réalité des lésions initiales ;

la réalité de l'état séquellaire ;

l'imputabilité certaine des séquelles aux lésions initiales dans se plaint notamment la victime en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur ;

a) Consolidation

fixer la date de consolidation est en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ; préciser dans ce cas les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision ; malgré l'absence de consolidation, un premier rapport sera établi et l'expert pourra être ressaisi aux fins d'établissement d'un rapport complémentaire par le service du contrôle des expertises auquel sera transmis un certificat médical du médecin traitant attestant de la consolidation ainsi qu'un chèque d'un montant de 500 euros, sauf le cas d'une partie demanderesse bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à l'ordre de la régie d'avances et de recette du tribunal judiciaire compétent, montant de la provision complémentaire ;

b) Préjudices patrimoniaux

1. Perte de gain professionnel actuel

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ;

2. Assistance par tierce personne

Indiquer le cas échéant si l'assistance ou la présence constante ou occasionnelle d'une aide humaine (étrangère ou non à la famille) a été et/ou est nécessaire pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; décrire précisément les besoins en tierce personne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne ;

3. Frais de logement et/ou de véhicule adapté

Donner son avis sur des éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap ;

4. Dépenses de santé

Décrire les soins passés et futurs et les aides techniques rendues nécessaires ou utiles par les atteintes fonctionnelles de la victime (soins médicaux et paramédicaux, prothèses, appareillages spécifiques, etc.) en précisant la fréquence des soins et la période de renouvellement des aides techniques ;

5. Perte de gain professionnel futur

indiquer si le déficit fonctionnel permanent entraine l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'adapter celle-ci ou de changer d'activité professionnelle ;

6. Incidence professionnelle

indiquer si le déficit fonctionnel permanent entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, dévalorisation sur le marché du travail etc.) ;

dire notamment si les douleurs permanentes aux chroniques sont susceptibles de générer des arrêts de travail réguliers et répétés ;

c) Préjudice extra patrimoniaux

1. Déficit fonctionnel temporaire

indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuite ses activités personnelles habituelles ;

en cas d'incapacité partielle, préciser le taux est la durée ;

2. Souffrances endurées

décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consultation) ; les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;

3. Déficit fonctionnel permanent

indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ; évaluer l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions psychiques, sensorielles mentales ou psychiques en en chiffrant le taux ;

dire si les douleurs permanentes existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu ;

au cas où elles ne l'auraient pas été compte-tenu du barème médico-légal utiliser, majorer ledit taux en considération de l'impact de ces douleurs sur les fonctions psychologiques, sensorielle, mentales et psychiques de la victime ;

décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie de la victime ;

dans l'hypothèse d'un état antérieur préciser en quoi l'accident a une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ;

4. Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif

décrire et donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire définitif ;

évaluer distinctement le préjudice temporaire et définitif de 1 à 7 ;

5. Préjudice d'agrément

indiquer si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs ;

6. Préjudice sexuel

indiquer s'il a existé ou s'il existera un préjudice sexuel (atteinte organique ou fonctionnel, perte ou diminution de la libido, perte du plaisir, perte de fertilité ou autre troubles ') ;

7. Préjudices d'établissement

dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale ;

8. Préjudices permanents exceptionnels

dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement lié au handicap ;

9. Accord des parties

vérifier si un devis a été signé entre les parties ; apprécier le montant des honoraires réclamés par rapport à ceux usuellement pratiqués en région parisienne pour des soins analogues effectués par un praticien de même notoriété ;

10. Aggravation

dire si l'état de la demanderesse est susceptible de modification, en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative, fournir tous éléments sur les soins, traitements et thérapies qui seront nécessaires, en chiffrer le coût et les délais dans lesquels ils devront être exécutés ;

pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile.

(')

III . Les pièces

Les parties devront remettre à l'expert :

- La partie demanderesse, immédiatement toutes pièces médicales ou paramédicales utiles à l'accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, compte-rendu opératoires et d'examen, expertises,

- Les défendeurs aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation ;

A défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état.

Que toutefois il pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la partie demanderesse de ses ayants droit par tous tiers : médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire.

(')

dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Bobigny (contrôle des expertises) avant le 30 août 2024, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

dit que l'exécution de la mesure d'instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;

dit que le demandeur devra consigner au greffe de la régie du tribunal judiciaire de Bobigny, avant le 20 novembre 2023, et ce à peine de caducité la somme de 2.000 euros à titre provisionnel ;

rappelé que la présente décision est commune et opposable à la CPAM du Val d'Oise ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;

dit n'y avoir à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

laissé à la charge de chacune des parties les frais par elle engagés au titre des dépens.

Par déclaration du 9 octobre 2023, M. [D] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a enjoint aux parties de remettre à l'expert :

* les défendeurs aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 20 novembre 2023, il demande à la cour de :

le recevoir en ses écritures, le disant bien fondé ;

infirmer la décision attaquée en ce qu'elle a enjoint la partie défenderesse de produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise demandées par M. [W] : " (...) à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation. "

Statuant à nouveau :

juger qu'il pourra produire les éléments, pièces, y compris médicales, nécessaires sa défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que les règles du secret médical ne puissent lui être opposées ;

statuer ce que de droit quant aux frais et dépens.

Il soutient que conditionner la possibilité pour lui de produire les éléments et pièces de nature médicale utiles à sa défense à l'accord préalable de M. [W] porte une atteinte disproportionnée à l'égalité des armes découlant du procès équitable, et constitue, en soit, une violation des droits de la défense. Il cite des textes nationaux et européens et la jurisprudence administrative et judiciaire.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 14 décembre 2023, la société Axa France Iard demande à la cour de :

statuer ce que de droit sur la demande d'infirmation partielle de l'ordonnance de référé du 2 octobre 2023 rendue par le tribunal judiciaire de Bobigny formulée par le Dr [N] (sic) ;

statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle fait valoir qu'ayant été mise hors de cause par l'ordonnance déférée, la demande de l'appelant est sans objet à son égard.

Elle s'en rapporte à justice s'agissant de la demande d'infirmation partielle mais considère que les modalités de communication des pièces résultant de la mission ne peuvent être admises dans un procès dont l'objet est l'éventuelle responsabilité du professionnel de santé, s'agissant notamment des éléments permettant de déterminer l'état antérieur du demandeur.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

M. [D] a signifié ses conclusions à la MASCF le 29 novembre 2023, à la Polyclinique et à l'Hôpital [14] le 1er décembre 2023, à la CPAM du Val d'Oise le 4 décembre et à M. [W] le 8 décembre 2023.

La société Axa France Iard a signifié ses conclusions à la MACSF le 20 décembre 2023, à la Polyclinique et à l'hôpital [14] le 27 décembre 2023, à la CPAM du Val d'Oise le 21 décembre 2023 et à M. [W] le 26 décembre 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024.

SUR CE

La mise hors de cause de la société AXA France Iard dans l'ordonnance entreprise n'est pas critiquée par l'appelant.

Sur les conditions de remise des documents

L'article L.1110-4 du code de la santé publique dispose, notamment, que " toute personne prise en charge par un professionnel de santé (...) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel (...). Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (...) La personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende (...) ".

Aux termes de l'article R.4127-4 du même code : " le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.

Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est à dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ".

Le caractère absolu de ce secret destiné à protéger les intérêts du patient, qui souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi, peut entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'éléments indispensables pour l'exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.

En l'espèce, en soumettant la production de pièces médicales par les défendeurs, dont la responsabilité est susceptible d'être ultérieurement recherchée, à l'accord de l'autre partie au litige, et dès lors, à la volonté discrétionnaire de cette dernière alors que ces pièces sont indispensables à la réalisation de la mesure d'instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l'ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de la défense de l'appelant.

Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l'une des parties au litige peut être empêchée, par l'autre, de produire spontanément les pièces nécessaires au bout déroulement de l'expertise et à sa défense.

M. [W] n'a pas constitué avocat devant la présente cour, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer s'il entend ou non donner son accord à la transmission des pièces en cause.

Il y a lieu d'infirmer la décision de ce chef en précisant que le secret médical ne pourra plus être opposé aux parties pendant les opérations d'expertise s'agissant de la production de pièces.

Sur les autres demandes

Les dispositions au titre des dépens de l'ordonnance déférée ne sont pas critiquées.

A hauteur d'appel, chacune des parties conservera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions ayant limité la production des pièces par les défendeurs ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit que les défendeurs devront remettre à l'expert aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sans que puisse leur être opposé le secret médical ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/16484
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.16484 ?
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