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02/05/2024 | FRANCE | N°23/04166

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 02 mai 2024, 23/04166


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 02 MAI 2024

(n°215)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04166 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHG5Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2023 -Juge de l'exécution de BOBIGNY RG n° 22/01413



APPELANTE

Fonds commun de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, représenté par la société de gestion EUROTITRISATION, Société anonyme, dont le siège

est situé [Adresse 1], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 352 458 368, représentée par son Directeur général ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 02 MAI 2024

(n°215)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04166 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHG5Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2023 -Juge de l'exécution de BOBIGNY RG n° 22/01413

APPELANTE

Fonds commun de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, représenté par la société de gestion EUROTITRISATION, Société anonyme, dont le siège est situé [Adresse 1], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 352 458 368, représentée par son Directeur général actuellement en fonction, domicilié audit siège en cette qualité, venant aux droits de la SAS EOS CREDIREC RCS 488 825 217 dont le siège social est sis à [Adresse 4] suivant contrat de cession de créances du 28/12/2012 selon dispositions des articles L 214-43 à L.214-48 du Code Monétaire et Financier venant elle-même aux droits de la société CRESERFI, SA, immatriculée au RCS de Paris sous le N°B 303 477 319, représentée par Mr [K] [P] en qualité de Directeur Général Délégué, dûment habilité à l'effet des présentes suivant contrat de cession de créances signé en date du 26/09/2012.

Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Plaidant par Me Claire BOUSCATEL de l'ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R146

INTIME

Monsieur [X] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Lucille VALLET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine Lefort, conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET : - CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par ordonnance d'injonction de payer du 25 mai 2001, signifiée le 7 juin 2001, le président du tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois a enjoint à M. [X] [R] et Mme [S] [W] épouse [R] de payer à la société Créserfi la somme de 107.492,23 francs, avec intérêts au taux contractuel de 6,60% l'an à compter de la signification de l'ordonnance.

La société Créserfi a tenté de recouvrer sa créance auprès des époux [R] par diverses procédures d'exécution entre 2001 et 2003 : saisie-vente, saisies des rémunérations, saisies-attributions. Le 1er octobre 2010, une troisième saisie-attribution est diligentée par le créancier sur le compte de M. [R] à la Banque Postale et s'est révélée infructueuse.

Par acte de cession du 26 septembre 2012, la société Créserfi a cédé sa créance à la société Eos Credirec, laquelle l'a cédée à son tour le 28 décembre 2012 au fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, représenté par sa société de gestion, la SA Eurotitrisation, (ci-après le FCT Credinvest).

Suivant procès-verbal en date du 16 décembre 2021, le FCT Credinvest a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [X] [R] à la Société Générale pour avoir paiement d'une somme totale de 22.432,00 euros. La saisie, qui s'est avérée entièrement fructueuse, a été dénoncée au débiteur par acte d'huissier du 22 décembre 2021.

Par assignation du 24 janvier 2022, M. [R] a fait citer le FCT Credinvest devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de contestation de la saisie-attribution du 16 décembre 2021.

Par jugement en date du 8 février 2023, le juge de l'exécution a :

- dit nulle la saisie-attribution pratiquée à la requête de la société Eurotitrisation en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest le 16 décembre 2021 entre les mains de la Société Générale, dénoncée à M. [R] le 22 décembre 2021,

- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Eurotitrisation ès qualités au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que la société Eurotitrisation ès qualités justifiait d'un titre exécutoire à l'encontre de Mme [S] [R], mais pas à l'encontre de M. [X] [R], les cessions de créances mentionnant seulement Mme [R].

Par déclaration du 24 février 2023, le FCT Credinvest a fait appel de ce jugement.

Par conclusions n°2 du 16 mai 2023, la SA Eurotitrisation en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest demande à la cour d'appel :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

condamner M. [R] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Elle fait valoir que la créance, à l'encontre de M. et Mme [R], que lui a cédée la société Eos Credirec était identifiée, en annexe de l'acte, par le numéro MI1695788F, qui figure également sur l'offre préalable de crédit, le décompte de créance et la requête en injonction de payer, étant précisé que selon la Cour de cassation l'annexe doit permettre d'identifier la créance, sans qu'il soit nécessaire de mentionner le nom des débiteurs, de sorte que c'est à tort que le juge de l'exécution a retenu, alors que cette question n'était pas soulevée, que la cession ne portait que sur la créance détenue sur Mme [R], dont le nom était seul mentionné sur l'annexe.

Sur les moyens invoqués par l'intimé, elle explique en premier lieu que s'agissant d'une cession de créance intervenue dans le cadre d'une opération de titrisation, l'article 1690 du code civil, qui impose la notification de la cession au débiteur cédé, n'est pas applicable, puisqu'en vertu de l'article L.214-43 alinéa 9 du code monétaire et financier, la cession s'effectue par la simple remise du bordereau et devient opposable aux tiers à la date du bordereau lors de sa remise, sans autre formalité. Elle ajoute, s'agissant de la première cession de créance, qu'il est de jurisprudence constante que la signification de la cession peut intervenir concomitamment ou même postérieurement à une mesure d'exécution, sans affecter la validité de celle-ci, et ce même par conclusions, dès lors que cette régularisation intervient avant que le juge statue, ce qui a été le cas en l'espèce par ses conclusions de première instance. Elle conclut qu'elle a bien qualité à agir à l'encontre de M. [R].

En deuxième lieu, elle fait valoir qu'elle tient sa capacité d'agir de la loi, notamment les articles L.214-183 et L.214-172 du code monétaire et financier.

En troisième lieu, elle conclut à l'absence de prescription du titre exécutoire, faisant valoir que le délai décennal a commencé à courir le 19 juin 2008 et que les paiements effectués par M. [R] du 18 mai 2005 au 23 octobre 2012, qui emportent reconnaissance de la dette, ont interrompu la prescription, de sorte qu'un nouveau délai de dix ans a recommencé à courir à compter du 23 octobre 2012, jusqu'au 23 octobre 2022.

Elle conclut en quatrième lieu à la validité de la saisie-attribution, estimant d'une part que le débiteur est irrecevable à la contester, puisqu'il ne peut se plaindre d'une irrégularité de forme, sur son adresse, affectant un acte qui ne lui est pas destiné et qu'il ne justifie pas du grief que lui causerait cette erreur matérielle, la saisie-attribution lui ayant été dénoncée à la bonne adresse, d'autre part, que le montant des versements partiels est exactement mentionné dans le décompte de l'acte de saisie et en tout état de cause, seule l'absence de décompte est susceptible d'entraîner la nullité de l'acte et non pas l'erreur dans le décompte.

Par conclusions n°2 du 28 février 2024, M. [X] [R] demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit nulle la saisie-attribution pratiquée à la requête de la société Eurotitrisation en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest le 16 décembre 2021 entre les mains de la Société Générale, dénoncée le 22 décembre 2021,

- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution,

- condamné la société Eurotitrisation ès qualités au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

infirmer le jugement, et statuant à nouveau,

constater l'absence de preuves des voies d'exécution mises en oeuvre depuis le 1er octobre 2010, donc le caractère exigible de la créance alléguée,

« déclarer la saisie-attribution litigieuse comme étant prescrite »,

En conséquence,

ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 16 décembre 2021,

Sur le fond,

constater que les éléments du dossier ne permettent pas de vérifier le montant de la créance alléguée,

En conséquence,

ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 16 décembre 2021,

condamner la société Eurotitrisation ès qualités de représentante du FCT Credinvest à lui verser la somme de 111 euros correspondant aux frais prélevés par la Société Générale dans le cadre de la saisie-attribution,

En tout état de cause,

condamner en cause d'appel la société Eurotitrisation ès qualités de représentante du FCT Credinvest au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il invoque en premier lieu l'absence de qualité et d'intérêt à agir à son encontre en ce que les cessions de créance successives ne lui ont jamais été signifiées, alors que d'une part, celle du 26 septembre 2012 entre les sociétés Créserfi et Eos Credirec est bien soumise à l'article 1690 du code civil, d'autre part, l'article L.243-46 du code monétaire et financier prévoit l'information du débiteur par lettre simple. Il souligne que la société Eurotitrisation ès qualités est d'autant plus irrecevable que la saisie-attribution lui cause un grief manifeste en ce qu'elle est pratiquée plus de dix ans après celle de 2010 et porte donc sur un montant augmenté des intérêts. Il ajoute que, comme l'a relevé le juge de l'exécution, les bordereaux mentionnent expressément Mme [S] [R] et non lui-même de sorte qu'il ne peut être considéré comme débiteur de la société Eurotrisation ès qualités, d'autant plus qu'il n'a pas été informé du changement d'entité chargée du recouvrement.

En deuxième lieu, il conteste le caractère liquide et exigible de la créance, estimant qu'il est impossible de vérifier le montant de la créance, car les décomptes sont contradictoires, ce qui équivaut à une absence de décompte.

En troisième lieu, il invoque la prescription décennale du titre exécutoire émis le 21 mai 2001, soutenant que les actes d'exécution allégués ne sont pas produits ; qu'il n'est pas établi non plus qu'il aurait effectué jusqu'en 2012 des paiements interrompant la prescription ; qu'il est impossible de déterminer dans quel contexte les versements auraient été effectués, ni s'il s'agit d'une reconnaissance de dette compte tenu des mesures d'exécution effectuées ; que le dernier acte d'exécution forcé versé est une saisie-attribution du 1er octobre 2010 ; que le délai de dix ans a donc commencé à courir à cette date, de sorte que la saisie-attribution ayant été effectuée le 16 décembre 2021, il y a lieu de constater la prescription du titre exécutoire.

Sur le fond, il fait valoir que le décompte de l'acte de saisie ne correspond pas aux autres décomptes produits, ce qui ne permet pas d'établir le montant de la créance, qu'il conteste. Il sollicite enfin le remboursement des frais prélevés par sa banque pour la saisie-attribution compte tenu de l'irrégularité de celle-ci.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité à agir de la société Eurotitrisation ès qualités et la validité de la saisie-attribution

Aux termes de l'article L.214-43 alinéa 9 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur à la date du contrat de cession, applicable au litige, « l'acquisition ou la cession de créances [par titrisation] s'effectue par la seule remise d'un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret ou par tout autre mode de cession de droit français ou étranger. Elle prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs. »

Par ailleurs, selon l'ancien article D.214-102, 4° (devenu D.214-227, 4°) du même code, le bordereau doit comporter « la désignation et l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'effectuer cette désignation ou cette individualisation, par exemple par l'indication du débiteur ou du type de débiteurs, des actes ou des types d'actes dont les créances sont ou seront issues, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s'il y a lieu, de leur échéance ».

Ainsi, concernant la désignation et l'individualisation des créances cédées, le législateur a laissé le choix au cédant quant aux éléments à mentionner sur le bordereau pour les désigner et les identifier, et ce dans le but d'informer le cessionnaire. Il résulte d'ailleurs de la jurisprudence de la Cour de cassation que les procédés d'identification de la créance proposés par l'article D.214-227, 4° ne sont ni impératifs ni exhaustifs, et que l'identification de la créance peut intervenir au moyen de références chiffrées, peu important que le nom du débiteur, la nature de la créance et son montant n'y figurent pas.

En l'espèce, l'acte de cession de créances du 28 décembre 2012 entre la société Eos Credirec et le FCT Credinvest, représenté par la société Eurotitrisation, comporte une annexe listant les créances cédées. Dans cette liste, figure une créance identifiée notamment par le nom de Mme [R] [S] et un numéro de dossier MI1695788F, qui correspond au numéro de l'offre préalable de prêt personnel signée par les époux [R] et la société Créserfi, mentionné également sur le décompte de créance établi par le prêteur le 19 avril 2001 et sa requête en injonction de payer.

Il importe peu que le nom de M. [X] [R], co-emprunteur solidaire, ne figure pas dans la désignation de la créance cédée. La créance est suffisamment identifiée par le numéro du contrat et, au surplus, par le nom d'un des débiteurs solidaires. Et la créance est cédée avec toutes ses caractéristiques et accessoires, donc avec la solidarité contractuelle.

Le bordereau comportant les mentions légales suffisantes pour désigner et individualiser la créance cédée, le FCT Crédinvest est bien titulaire d'une créance à l'égard de M. [R] par l'effet de la cession de créance du 28 décembre 2012.

Par ailleurs, il résulte de l'article L.214-43 alinéa 9 précité que l'article 1690 du code civil, prévoyant la signification de la cession de créance au débiteur, n'est pas applicable en l'espèce et que la cession de créance par titrisation du 28 décembre 2012 est opposable à M. [R] dès cette date, correspondant à celle du bordereau, nonobstant l'absence de notification au débiteur cédé.

Toutefois, l'article L.214-46 (et non L.243-46) du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur à la date du contrat de cession, disposait :

« Lorsque des créances sont transférées à l'organisme, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert, dans des conditions définies par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme.

Toutefois, tout ou partie du recouvrement peut être confié à une autre entité désignée à cet effet, dès lors que le débiteur en est informé par lettre simple.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux créances qui ont la forme d'instruments financiers. »

Ainsi, à la date de la cession litigieuse du 28 décembre 2012, le recouvrement de la créance cédée à un organisme de titrisation restait assuré par le cédant ou l'entité qui était désignée pour ce faire. Ces dispositions s'expliquent notamment par le fait que le fonds commun de titrisation est dépourvu de personnalité morale. Par exception, le recouvrement pouvait être confié à une autre entité si le débiteur en était informé. Autrement dit, si la notification de la cession de créance au débiteur n'était pas nécessaire, l'information de celui-ci était néanmoins prévue dans le cas où une entité autre que le cédant était chargée du recouvrement.

L'article L.214-172 du code monétaire et financier, créé par l'ordonnance du 25 juillet 2013, a repris les dispositions de l'ancien article L.214-46.

Depuis les réformes introduites par l'ordonnance n°2017-1432 du 4 octobre 2017 puis par la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, la société de gestion du fonds commun de titrisation peut désormais et expressément assurer le recouvrement des créances cédées.

Ainsi, dans sa version issue de l'ordonnance du 4 octobre 2017, l'article L.214-172, alinéas 1 et 2, du code monétaire et financier disposait :

« Lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l'organisme, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, soit par l'acte dont résultent les créances transférées lorsque l'organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances.

Toutefois, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion ou confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet. Chaque débiteur est informé de ce changement. »

La Cour de cassation (Com., 9 septembre 2020, n°19-10.651) a jugé, s'agissant d'une cession de créance de 2009, que s'il résultait des dispositions combinées des articles L.214-46, L.214-49-4 et L.214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction alors applicable, que la société de gestion d'un fonds de titrisation n'avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avaient été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple, et si, par suite, l'action du fonds de titrisation était irrecevable à la date du dépôt de la requête en saisie des rémunérations, la disparition de cette fin de non-recevoir, en application de l'article 126 du code de procédure civile, a résulté de l'entrée en vigueur, le 3 janvier 2018 en cours d'instance, de l'ordonnance n°2017-1432 du 4 octobre 2017, modifiant l'article L.214-172 du code monétaire et financier et conférant à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées. La Cour a donc estimé justifié légalement d'écarter la fin de non-recevoir pour défaut de qualité opposée par le débiteur, et ce compte tenu de l'entrée en vigueur, en cours d'instance, de l'ordonnance du 4 octobre 2017 modifiant l'article L.214-172 et permettant à la société de gestion d'assurer le recouvrement de la créance, ce qui a régularisé la saisine du juge de l'exécution.

Toutefois, si cet arrêt, invoqué par l'appelant, tranche la question de la qualité à agir de la société de gestion d'un fonds commun de titrisation et de l'application de la loi dans le temps, il ne statue pas sur la question de l'information au débiteur, invoquée par l'intimée.

L'article L. 214-172 du même code, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 22 mai 2019, dispose désormais :

« Lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l'organisme de financement, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, soit par l'acte dont résultent les créances transférées lorsque l'organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l'organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.

La société de gestion, en tant que représentant légal de l'organisme, peut également recouvrer directement toute créance résultant d'un prêt consenti par lui ou en confier, à tout moment, tout ou partie du recouvrement par voie de convention à une autre entité désignée à cet effet.

En cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application des premier et deuxième alinéas, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire. »

En l'espèce, la saisie-attribution litigieuse datant de 2021, ce sont ces dernières dispositions, en vigueur depuis le 24 mai 2019, qui s'appliquent. Or force est de constater que l'information du débiteur est toujours prévue et est même précisée. Ainsi, dès lors que le recouvrement est assuré par la société de gestion représentant le fonds commun de titrisation, et non pas par le cédant (ou l'entité qui en était chargée avant le transfert de créance), le débiteur doit en être informé, et ce nonobstant les dispositions de l'article L.214-43 alinéa 9 précité.

Par un arrêt du 15 juin 2022 (Com., n°20-17.154), la Cour de cassation rappelle qu'il résulte de l'article L.214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1432 du 4 octobre 2017, que la société de gestion d'un fonds commun de titrisation qui assure tout ou partie du recouvrement des créances cédées à ce fonds, doit en informer chaque débiteur, cette information pouvant résulter de l'assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement. La Cour reproche ici à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable l'action de la société de gestion en retenant que les débiteurs n'avaient pas été informés, préalablement à l'assignation, de ce que celle-ci était en charge du recouvrement de la créance cédée, étant précisé qu'il s'agissait d'une assignation devant le juge de l'exécution aux fins de saisie immobilière. Si cet arrêt a été rendu sous l'empire de l'ordonnance du 4 octobre 2017, il est parfaitement transposable à l'application de l'article L.214-172 dans sa rédaction issue de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019.

Toutefois, en l'espèce, la procédure d'exécution forcée n'est pas engagée par assignation, ni par requête. Il est constant que M. [R] n'a été informé du recouvrement de la créance par la société Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Credinvest à la suite de la cession de créance, que par la dénonciation, le 22 décembre 2021, du procès-verbal de saisie-attribution. Certes, il résulte des termes de l'article L.214-172 que l'information peut être donnée par assignation, conclusions, commandement ou acte de saisie. Mais il convient de prendre en compte la spécificité de la saisie-attribution, qui a un effet attributif immédiat et suppose donc que le créancier soit muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre du débiteur au jour de la saisie. Ainsi, la régularité de la saisie-attribution s'apprécie à la date de l'acte, sans possibilité de régularisation ultérieure en application de l'article 126 du code de procédure civile. Or à la date de la saisie-attribution du 16 décembre 2021, le débiteur n'était pas informé de ce que la société Eurotitrisation, en sa qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, était chargée du recouvrement de la créance qu'il avait initialement contractée auprès de la société Créserfi. Cette absence d'information est d'autant plus dommageable que la créance, et même la cession, sont anciennes et que M. [R] n'avait pas non plus été informé de la première cession de créance par la société Créserfi à la société Eos Credirec.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient, par motifs substitués, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé nulle la saisie-attribution du 16 décembre 2021 et en a ordonné la mainlevée.

Compte tenu de la présente décision, il n'y a pas lieu de statuer sur la prescription, ni sur le montant de la créance.

Sur la demande de remboursement des frais bancaires

Le juge de l'exécution a, à juste titre, retenu qu'il n'était pas justifié de l'effectivité du prélèvement de la somme de 111 euros par la Société Générale, tiers saisi, tel qu'annoncé par la banque dans son courrier d'information du 16 décembre 2021 relatif à la saisie-attribution.

A hauteur d'appel, M. [R], qui ne produit pas davantage de pièces, notamment son relevé bancaire, ne justifie toujours pas avoir été débité de la somme de 111 euros dont il demande le remboursement.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande de remboursement des frais.

Sur les demandes accessoires

L'issue du litige commande de confirmer les condamnations accessoires de la société Eurotitrisation ès qualités, et de la condamner aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 février 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny,

Y ajoutant,

CONDAMNE le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, représenté par sa société de gestion, la SA Eurotitrisation, à payer à M. [X] [R] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, représenté par sa société de gestion, la SA Eurotitrisation, aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/04166
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.04166 ?
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