REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRET DU 02 MAI 2024
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03207 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEE5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2023 -Juge de l'exécution de PARIS RG n° 22/81775
APPELANTS
Monsieur [K] [P]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Nicolas CROQUELOIS de la SELEURL CROQUELOIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0109
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/007800 du 14/04/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
UDAF DE [Localité 3], domicilié [Adresse 2], pris en sa qualité de tuteur de Monsieur[K] [P],
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Nicolas CROQUELOIS de la SELEURL CROQUELOIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0109
INTIMEE
S.A. RÉGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] (RIVP)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Pierre GENON CATALOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0096
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant procès-verbal en date du 30 juin 2022, la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] (ci-après la RIVP) a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains du Crédit Coopératif à l'encontre de M. [K] [P], sous tutelle de l'Udaf de [Localité 3], pour avoir paiement d'une somme totale de 17.620,93 euros, en vertu d'un jugement du tribunal d'instance de Paris en date du 24 septembre 2019. La saisie, qui s'est avérée fructueuse à hauteur de 9.299,87 euros, a été dénoncée à l'Udaf de [Localité 3] ès qualités par acte d'huissier du 7 juillet 2022.
Par assignation du 12 septembre 2022, M. [P], sous tutelle de l'Udaf de [Localité 3], a fait citer la RIVP devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de mainlevée de la saisie-attribution.
Par jugement en date du 24 janvier 2023, le juge de l'exécution a :
- déclaré recevables le mail du 12 janvier 2023 et le décompte de l'huissier adressé au conseil de la RIVP,
- déclaré recevables les mails transmis par le conseil de M. [P] par mail du 12 janvier 2023,
- déclaré irrecevable le mail de l'huissier instrumentaire du 12 janvier 2023,
- déclaré irrecevables les demandes de mainlevée totale et partielle de la saisie-attribution,
- déclaré recevable la demande de délai de paiement,
- autorisé M. [P], sous tutelle de l'Udaf de [Localité 3], à s'acquitter de sa dette par 23 mensualités de 100 euros et une 24ème mensualité du solde, sauf meilleur accord entre les parties, payables le 15 de chaque mois, à compter du 15 du mois suivant la notification de la présente décision par le greffe,
- dit qu'à défaut de paiement d'une mensualité à son échéance, la totalité de la dette deviendra exigible,
- rejeté la demande de la RIVP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande de M. [P], sous tutelle de l'Udaf de [Localité 3], formée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
- condamné M. [P], sous tutelle de l'Udaf de [Localité 3], aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge a retenu que quand bien même le dépôt de la demande d'aide juridictionnelle repousse le délai prévu à l'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution et quand bien même le conseil de M. [P] a informé l'huissier instrumentaire de la contestation à venir dès le 3 août 2022, soit avant l'émission du certificat de non-contestation du 12 août 2022, la RIVP justifiait du paiement des sommes saisies intervenu après la signification du certificat de non-contestation le 16 août 2022 et de la mainlevée-quittance le 18 août, de sorte que la saisie-attribution n'étant plus en cours et ayant épuisé ses effets, les contestations dirigées à son encontre étaient irrecevables et la demande de mainlevée totale était sans objet. Il a jugé en revanche recevable la demande de délais de paiement puisque la saisie-attribution n'avait pas été totalement fructueuse.
Par déclaration du 8 février 2023, M. [P], sous tutelle de l'Udaf de [Localité 3], a fait appel partiel de ce jugement.
Par conclusions du 9 mai 2023, l'Udaf de [Localité 3], en sa qualité de tuteur de M. [P], et M. [P] demandent à la cour d'appel de :
infirmer le jugement entrepris,
déclarer M. [P], représenté par l'Udaf de [Localité 3], recevable,
débouter la RIVP de toutes ses demandes, fins et conclusions,
déclarer insaisissables les sommes détenues par M. [P] composées de l'allocation adulte handicapé,
ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, opérée le 30 juin 2022, entre les mains du Crédit Coopératif,
condamner la RIVP à restituer le montant des sommes saisies, soit la somme de 17.620,93 euros,
A titre subsidiaire,
ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pour un montant de 1.479 euros opérée le 30 juin 2022 entre les mains du Crédit Coopératif,
accorder les plus larges délais de paiement à M. [P] représenté par l'Udaf de [Localité 3] pour s'acquitter de la somme n'ayant pas été matériellement saisie,
condamner la RIVP à payer à Me Croquelois la somme de 2.500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ils font valoir que le juge de l'exécution a omis de statuer sur la recevabilité de la contestation au regard des délais d'attribution de l'aide juridictionnelle et que la contestation de la saisie-attribution n'est pas tardive puisque la demande d'aide juridictionnelle a été faite le 8 juillet 2022, soit avant l'expiration du délai de contestation expirant le 8 août 2022, que l'aide juridictionnelle a été accordée le 2 août 2022 et le conseil de M. [P] a été informé de sa désignation le 8 août 2022, que la SCP Parket-Perrot-Taupin n'a été désignée que le 19 août 2022, que la contestation pouvait donc être introduite dans le délai d'un mois suivant cette désignation, soit jusqu'au 20 septembre 2022, que l'assignation du 12 septembre 2022 a donc été délivrée dans les délais prévus par les articles R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution et 43 du décret du 28 décembre 2020, de sorte que la contestation est recevable. Ils ajoutent avoir dénoncé la contestation à l'huissier instrumentaire le 13 septembre 2022 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et en avoir informé le tiers saisi le même jour.
Sur le fond, ils soutiennent que le juge de l'exécution n'a pas répondu au moyen soulevé tiré de l'insaisissabilité des sommes saisies, ce qui constitue un défaut de motivation du jugement ; qu'en vertu de l'article L.821-5 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, l'allocation adulte handicapé est insaisissable ; que les sommes saisies sur le compte bancaire de M. [P] sont issues de l'allocation adulte handicapé qu'il perçoit en plus du complément de ressources AAH comme seuls revenus. Ils ajoutent que le juge de l'exécution n'a pas répondu non plus au moyen relatif au bien fondé du quantum saisi ; que conformément au jugement du tribunal d'instance de Paris du 24 septembre 2019 qui a constaté la résiliation du bail à sa date, il ne peut être réclamé à M. [P] aucune indemnité d'occupation antérieure au 24 septembre 2019, étant précisé qu'il a été condamné au paiement de la somme de 1.866,67 euros au titre de l'arriéré de loyers, de sorte qu'une somme totale de 1.479 euros a été indûment saisie au titre d'indemnités d'occupation de janvier à août 2019 et d'une sommation interpellative antérieure.
Ils réitèrent leur demande de délais de paiement compte tenu de la situation financière de M. [P].
Par conclusions du 9 juin 2023, la RIVP demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
subsidiairement, dire et juger M. [P] et l'Udaf de [Localité 3] mal fondés en leur appel,
la dire et juger bien fondée en son appel incident,
Statuant à nouveau,
débouter M. [P], sous tutelle de l'Udaf de [Localité 3], de sa demande de délais de paiement,
subsidiairement, l'autoriser à s'acquitter de sa dette par 23 mensualités de 362 euros, le solde à la 24ème échéance,
condamner M. [P], sous tutelle de l'Udaf de [Localité 3], au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Sur l'irrecevabilité de la contestation de la saisie-attribution, elle fait valoir qu'en application de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020, la désignation d'un seul auxiliaire de justice est suffisante pour faire courir le nouveau délai de recours, que Me Croquelois, avocat, ayant été désigné le 2 août 2022, l'assignation aurait dû être délivrée avant le 2 septembre 2022, et ce d'autant plus que la désignation de la SCP Parker-Perrot-Taupin, commissaire de justice, est également intervenue le 2 août 2022 et non le 19 août. Elle estime que c'est également à bon droit que le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la demande de mainlevée au motif qu'elle est sans objet du fait du paiement par le Crédit Coopératif.
Subsidiairement, elle explique que le juge de l'exécution n'avait pas à répondre aux autres moyens des parties dès lors que les demandes étaient irrecevables ; que l'Udaf de [Localité 3] n'a pas produit l'ensemble de relevés de compte prouvant l'origine des fonds, puisqu'il n'était produit en première instance que ceux du 1er décembre 2021 au 15 novembre 2022, présentant un solde déjà créditeur de 8.162,08 euros ; que les relevés produits en appel montrent que M. [P] a perçu également un remboursement d'hébergement de la CPAM, de sorte que ses ressources ne sont pas constituées exclusivement de l'allocation adulte handicapé ; que ni le remboursement de la CPAM ni le complément de la CAF ne sont insaisissables ; que lorsqu'elle entre sur un compte bancaire, l'allocation adulte handicapé devient fongible et l'épargne n'est pas insaisissable ; qu'en cas de sommes insaisissables, le titulaire du compte doit en demander la mise à disposition immédiate auprès de sa banque. Elle ajoute qu'elle n'a pu récupérer le logement que le 8 mars 2022, de sorte que M. [P] est redevable de la somme de 14.743,10 euros ; que sa contestation est inopérante dès lors que la saisie a été fructueuse pour un montant inférieur à la dette, même déduction faite des indemnités d'occupation de janvier à août 2019.
Sur la demande de délais, elle estime que l'Udaf n'est pas transparente sur les ressources de M. [P], qui bénéficie manifestement d'un complément de 179,31 euros de la CAF et des sommes importantes de la CPAM, de sorte que si des délais étaient accordés, ils devraient en tenir compte.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la contestation
Aux termes de l'article R.211-11 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie-attribution sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie du débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'article 43 du décret du 28 décembre 2020, portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dispose que lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :
1°) De la notification de la décision d'admission provisoire ;
2°) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
3°) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;
4°) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
En l'espèce, il est constant que la saisie-attribution litigieuse a été dénoncée le 7 juillet 2022 à l'Udaf de [Localité 3] en sa qualité de tuteur de M. [P] et que celle-ci a formé une demande d'aide juridictionnelle le 8 juillet 2022, soit dans le délai d'un mois prévu à l'article R.211-11 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution.
M. [P] a obtenu l'aide juridictionnelle par décision du 2 août 2022 qui lui a désigné un avocat, Me Croquelois, et qui a dit que le bénéficiaire sera assisté d'un commissaire de justice désigné par le président de la chambre départementale des commissaires de justice de [Localité 3]. Les appelants justifient de ce que la SCP Parker Perrot Taupin, commissaire de justice, n'a été désignée que le 19 août 2022 au titre de l'aide juridictionnelle.
La RIVP soutient en vain que la désignation d'un seul auxiliaire de justice est suffisante pour que le délai de recours recommence à courir, de sorte que la désignation de Me Croquelois le 2 août 2022 aurait fait courir le nouveau délai d'un mois. Si les termes de l'article 43, 4° du décret du 28 décembre 2020 visent littéralement « un auxiliaire de justice », il faut néanmoins entendre « un auxiliaire de justice permettant au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle d'exercer l'action en justice ou le recours ». Or, en la matière, le juge de l'exécution ne peut être saisi que par assignation, de sorte que le recours à un commissaire de justice est nécessaire. Dès lors, c'est la désignation, le 19 août 2022, du commissaire de justice, auxiliaire de justice permettant l'exercice de l'action, qui, plus tardive que la décision accordant l'aide juridictionnelle du 2 août, doit être considérée comme étant le point de départ du nouveau délai d'action.
C'est également à tort que la RIVP soutient que la SCP Parker Perrot Taupin a également été désignée le 2 août 2022 et non le 19 août 2022. La RIVP produit certes une décision du bureau d'aide juridictionnelle, datée du 2 août 2022, accordant l'aide juridictionnelle totale à M. [P] et disant qu'il sera assisté de Me Croquelois et de la SCP Parker Perrot Taupin, commissaire de justice. Toutefois, les appelants produisent deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle, également datées du 2 août 2022, accordant l'aide juridictionnelle totale à M. [P] et disant que le bénéficiaire sera assisté de Me Croquelois, mais l'une disant qu'il sera assisté d'un commissaire de justice désigné par le président de la chambre départementale des commissaires de justice de [Localité 3], et l'autre disant qu'il sera assisté de la SCP Parker Perrot Taupin, commissaire de justice. Ils produisent en outre un courrier du bureau d'aide juridictionnelle daté du 19 août 2022 informant Me Croquelois de ce que la SCP Parker Perrot Taupin, commissaire de justice, a été désignée dans le cadre de l'aide juridictionnelle accordée à l'Udaf 75, représentant M. [P]. Ainsi, il apparaît que le bureau d'aide juridictionnelle a manifestement complété sa décision du 2 août 2022, sans changer la date, mais il est bien justifié d'une désignation ultérieure du commissaire de justice.
Dès lors, c'est bien à compter du 19 août 2022 que le délai d'un mois pour contester la saisie-attribution a recommencé à courir. L'assignation devant le juge de l'exécution ayant été délivrée le 12 septembre 2022, l'action en contestation de la saisie-attribution a bien été formée dans le délai d'un mois.
En outre, les appelants justifient avoir informé le commissaire de justice instrumentaire de la contestation le 13 septembre 2022, date d'envoi de la lettre recommandée, soit dans le délai prévu par l'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la contestation de M. [P] est parfaitement recevable, peu important que le commissaire de justice instrumentaire ait signifié au tiers saisi le certificat de non-contestation le 16 août 2022 et que ce dernier ait procédé au paiement. Juger l'inverse reviendrait à priver la loi sur l'aide juridictionnelle de toute effectivité et à priver M. [P], sous tutelle de l'Udaf, de son droit d'accès au juge.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de mainlevée totale et partielle de la saisie-attribution et la contestation de M. [P], représenté par son tuteur, l'Udaf de [Localité 3], sera déclarée recevable.
Sur le caractère insaisissable des sommes saisies et la demande de mainlevée
A titre liminaire, il sera précisé qu'il ne peut être fait grief au juge de l'exécution de ne pas avoir répondu aux moyens au fond dès lors qu'il a déclaré les demandes irrecevables.
Aux termes de l'article L.112-2, 1° du code des procédures civiles d'exécution, ne peuvent être saisis les biens que la loi déclare insaisissables.
Selon l'article L.821-5 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, l'allocation adulte handicapé est insaisissable, sauf pour le paiement des frais d'entretien de la personne handicapée et pour le recouvrement des créances alimentaires. Le complément de ressources AAH, versé également par la caisse d'allocations familiales, n'est pas non plus saisissable.
L'article L.112-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que lorsque les sommes insaisissables versées sur un compte proviennent de créances à échéance périodique, l'insaisissabilité porte sur toutes les sommes insaisissables comprises dans le solde créditeur du compte, y compris lorsque l'allocation insaisissable a été épargnée, et ce contrairement à ce que soutient la RIVP.
Il appartient au débiteur d'apporter la preuve que son compte n'était, au jour de la saisie-attribution du 30 juin 2022, alimenté que par des sommes insaisissables.
Il résulte d'un courrier du bureau des aides sociales à l'autonomie du Département de [Localité 3] en date du 21 octobre 2016, produit par l'Udaf de [Localité 3], que M. [P] réside dans un foyer d'accueil médicalisé en Belgique depuis le 1er novembre 2016 et qu'à cet égard, ne sont laissés à sa disposition que 10% de ses ressources, lesquelles étaient constituées de l'allocation adulte handicapé (807 euros par mois) et du complément de ressources AAH (179 euros par mois). Selon l'attestation de la Caisse d'allocations familiales (CAF) de [Localité 3] du 13 juillet 2022, M. [P] perçoit désormais une allocation adulte handicapé de 919 euros et un complément de ressources AAH de 179 euros. Ses frais d'hébergement au foyer sont désormais de 643 euros par mois.
A la date de la saisie-attribution, le solde du compte bancaire de M. [P] était créditeur de 9.299,87 euros, mais il résulte des relevés produits par l'Udaf que le compte n'est alimenté que par les prestations de la CAF (AAH et complément AAH), ainsi que des remboursements importants (plus de 2.000 euros par mois) de la CPAM (Caisse primaire d'assurance maladie). Ces remboursements correspondent à des dépenses mensuelles, du même montant environ, versées au foyer d'accueil médicalisé en plus des frais d'hébergement.
Or les remboursements de frais de santé de la CPAM sont également insaisissables en application de l'article L.160-12 du code de la sécurité sociale, contrairement à ce soutient la RIVP.
Il en résulte que le compte bancaire de M. [P] n'est alimenté que par des sommes insaisissables. Certes, il présentait déjà un solde créditeur de 4.031,04 euros au 31 décembre 2018. Toutefois, les relevés bancaires sont produits sur trois ans et demi et M. [P] percevait déjà l'allocation adulte handicapé à taux plein et le complément AAH en 2016, voire même vraisemblablement avant, puisqu'il était sous curatelle renforcée depuis 2010, étant précisé que ces prestations ne sont versées qu'aux personnes ayant un taux d'incapacité d'au moins 80% et n'ayant pas d'autres revenus. En outre, il résulte du jugement du juge des tutelles du 6 juillet 2018 transformant la curatelle renforcée en tutelle que l'altération des facultés mentales de M. [P] est telle que son droit de vote a été supprimé. Enfin, il vit en foyer d'accueil médicalisé depuis novembre 2016. Dans ces conditions, il n'est pas réaliste de prétendre que l'intéressé percevrait d'autres revenus que ses prestations insaisissables. Ainsi, il est suffisamment établi que les fonds saisis par la RIVP ne comprennent que des sommes insaisissables, même si elles ont été épargnées au fil du temps.
Par conséquent, il convient d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, pratiquée sur des sommes insaisissables.
Le paiement ayant déjà été effectué par le tiers saisi au profit du créancier saisissant, il y a lieu d'ordonner à la RIVP de restituer à l'Udaf de [Localité 3] ès qualités les sommes effectivement saisies, soit 9.299,87 euros.
Dans la mesure où il est fait droit à la demande de mainlevée totale, il n'y a pas lieu de statuer sur la contestation relative au montant de la créance, formée à l'appui d'une demande de mainlevée partielle subsidiaire, ni sur la demande de délais de paiement formulée subsidiairement.
Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions déférées à la cour.
Sur les demandes accessoires
Au vu de la présente décision, il convient de condamner la RIVP aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande également de condamner la RIVP à payer au conseil de M. [P] la somme de 2.500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement rendu le 24 janvier 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions déférées à la cour,
Statuant à nouveau,
DECLARE recevable l'action en contestation de la saisie-attribution intentée par M. [K] [P], représenté par son tuteur, l'Udaf de [Localité 3],
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 30 juin 2022 par la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3], entre les mains du Crédit Coopératif,
ORDONNE en conséquence à la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] de restituer à l'Udaf de [Localité 3], en qualité de tuteur de M. [K] [P], les sommes effectivement saisies et payées par le tiers saisi, soit 9.299,87 euros,
CONDAMNE la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] à payer à Me Nicolas Croquelois, avocat, la somme de 2.500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
CONDAMNE la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président,