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02/05/2024 | FRANCE | N°22/19039

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 02 mai 2024, 22/19039


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19039 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVT2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2022 - tribunal de commerce de Paris - 7ème chambre - RG n° 2022004805





APPELANTS



Monsieur [F] [W]

né le [Date naissan

ce 2] 1958 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 5]



S.A.S. MAJ SAS

[Adresse 3]

[Localité 6]

N°SIRET : 811.950.831

agissant par la personne de son représentant légal, M. [F] [W], ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19039 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVT2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2022 - tribunal de commerce de Paris - 7ème chambre - RG n° 2022004805

APPELANTS

Monsieur [F] [W]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 5]

S.A.S. MAJ SAS

[Adresse 3]

[Localité 6]

N°SIRET : 811.950.831

agissant par la personne de son représentant légal, M. [F] [W], domicilié en cette qualité audit siège

Représentés par Me Alexandre BARBELANE de la SELARL BFB Avocats, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉE

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Localité 4]

N°SIRET : 66.042.449

agissant par la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Laurent GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence CHAINTRON,conseillère,entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

MMe Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

MME Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La SAS MAJ, dont le président est M. [F] [W], a une activité de 'Café-bar- brasserie avec licence IV- restaurant-hôtel', situé [Adresse 3].

Par acte sous seing privé en date du 14 décembre 2017, la SA BNP Paribas lui a consenti un prêt professionnel d'un montant de 350 000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux de 1,60 % l'an, destiné au règlement du prix de cession du fonds de commerce précité.

Aux termes du même acte, M. [F] [W], président de la société MAJ, s'est porté caution solidaire des engagements souscrits par cette dernière au bénéfice de la société BNP Paribas, dans la limite de la somme de 402 000 euros pour une durée de 108 mois.

Par acte sous seing privé du 24 juin 2019, un avenant au contrat de prêt a été conclu aux termes duquel, M. [W] s'est de nouveau porté caution solidaire des engagements souscrits par la société MAJ au titre du prêt du 14 décembre 2017 dans la limite de la somme de 324 637 euros pour une durée de 91 mois.

Par courrier du 26 novembre 2019, plusieurs échéances étant demeurées impayées, la société BNP Paribas a vainement mis en demeure la société MAJ de lui payer les sommes dues.

Le 7 février 2020, la banque a prononcé la déchéance du terme du crédit et mis en demeure M. [W] d'exécuter son engagement de caution de la société MAJ.

Le 23 avril 2020, la société BNP Paribas a de nouveau mis en demeure la société MAJ, puis M. [W] et la société MAJ le 4 juin 2021.

Par exploits d'huissier des 20 décembre 2021 et 17 janvier 2022, la société BNP Paribas a respectivement fait assigner en paiement la société MAJ et M. [F] [W] devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 19 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné solidairement la SAS MAJ et M. [F] [W], dans la limite de 324 637 euros en ce qui concerne ce dernier, à payer à la SA BNP Paribas la somme de 271 677,36 euros avec:

- les intérêts calculés au taux de 1,60 % sur la somme de 270 184,46 euros,

- les intérêts calculés au taux légal sur la somme de 1 492,90 euros,

à compter du 7 décembre 2021, date de l'arrêté des comptes et jusqu'à parfait paiement,

- débouté la SAS MAJ de sa demande de délai de paiement,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- condamne in solidum la SAS MAJ et M. [F] [W] à supporter les entiers dépens de la présente instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 euros dont 14,94 euros de TVA,

- condamné in solidum la SAS MAJ et M. [F] [W] à payer 1 000 euros à la SA BNP Paribas en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie est de droit,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Par déclaration du 9 novembre 2022, M. [W] et la société MAJ ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2024, M. [W] et la société MAJ demandent au visa des articles L. 333-1, L. 341-4 et L. 343-5 du code de la consommation, L. 313-22 du code monétaire et financier, 2302 et 2303 du code civil et 699 et 700 du code de procédure civile, à la cour de :

- infirmer la décision du 19 octobre 2022 en ce qu'elle a les condamnés solidairement, M. [F] [W] dans la limite de 324 637 euros, à payer à la SA BNP Paribas la somme de 271 677,36 euros avec :

- les intérêts calculés au taux de 1,60 % sur la somme de 270 184,46 euros,

- les intérêts calculés au taux légal sur la somme de 1 492,90 euros, à compter du 7 décembre 2021, date de l'arrêté des comptes et jusqu'à parfait paiement,

- infirmer la décision du 19 octobre 2022 en ce qu'elle a débouté la SAS MAJ de sa demande de délai de paiement,

- infirmer la décision du 19 octobre 2022 en ce qu'elle a ordonné la capitalisation des intérêts,

- infirmer la décision du 19 octobre 2022 en ce qu'elle a les a condamnés in solidum à supporter les entiers dépens de la présente instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 euros dont 14,94 euros de TVA,

- infirmer la décision du 19 octobre 2022 en ce qu'elle les a condamnés in solidum à payer 1 000 euros à la SA BNP Paribas en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer la décision du 19 octobre 2022 en ce qu'elle a rappelé que l'exécution provisoire du jugement sans constituer de garantie est de droit,

- infirmer la décision du 19 octobre 2022 en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Et statuant à nouveau,

A titre principal pour M. [W]

- prononcer l'inopposabilité et la déchéance du cautionnement,

- débouter la société BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à son encontre,

A titre principal pour la SAS MAJ et subsidiaire pour M. [W]

- débouter la société BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à leur encontre,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts, frais et commissions,

- enjoindre à la société BNP Paribas de produire un décompte expurgé de l'ensemble des intérêts frais et commission depuis la conclusion du prêt,

En tout état de cause :

- condamner la société BNP Paribas à payer la somme de 2 000 euros à M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société BNP Paribas à payer la somme de 2 000 euros à la SAS MAJ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société BNP Paribas aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Alexandre Barbelane avocat aux contrats de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société MAJ et M. [F] [W] font valoir au soutien de leurs écritures que :

- un accord transactionnel a été conclu entre les parties, de sorte que la créance de la banque n'est pas exigible,

- l'engagement de caution de M. [W] lui est inopposable au regard de sa disproportion à ses biens et revenus,

- l'information annuelle de la caution n'a pas été effectuée et cette même caution n'a pas été informée des incidents de paiement, de sorte que la banque doit être déchue de son droit aux intérêts conventionnels.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2024, la société BNP Paribas demande, au visa des articles 1103, 1104, 1193, 1376, 2288 et suivants, 1231-6 et 1343-2 du code civil, 514 et 698 et suivants du code de procédure civile et de l'aveu judiciaire apparaissant dans le jugement du 19 octobre 2022, à la cour de :

- l'accueillir en ses conclusions et les déclarer recevables et bien fondées,

En conséquence,

- débouter la société MAJ et M. [F] [W] de l'ensemble de leur argumentation et de leurs demandes, comme étant irrecevables et subsidiairement mal fondées,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 19 octobre 2022 en l'ensemble de ses dispositions, soit en ce qu'il a :

- condamné solidairement la SAS MAJ et M. [F] [W], dans la limite de 324 637 euros en ce qui concerne ce dernier, à payer à la SA BNP Paribas la somme de 271 677,36 euros avec :

- les intérêts calculés au taux de 1,60 % sur la somme de 270 184,46 euros,

- les intérêts calculés au taux légal sur la somme de 1 492,90 euros,

à compter du 7 décembre 2021, date de l'arrêté des comptes et jusqu'a parfait paiement,

- débouté la SAS MAJ de sa demande de délai de paiement,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- condamné in solidum la SAS MAJ et M. [F] [W] à supporter les entiers dépens de la présente instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 euros dont 14,94 euros de TVA,

- condamné in solidum la SAS MAJ et M. [F] [W] à payer 1 000 euros à la SA BNP Paribas en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie est de droit,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- subsidiairement condamner M. [F] [W] à payer sur sa dette en principal des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2020 jusqu'à parfait paiement et capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1344-1 du code civil,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les appelants au paiement de la somme supplémentaire de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

La banque fait valoir, au soutien de ses écritures, que :

- les demandes des appelants sont irrecevables en ce qu'elle se heurtent à leur aveu judiciaire en première instance aux termes duquel ils ont reconnu leur dette,

- la solution transactionnelle qui avait été recherchée n'a pu aboutir et sa créance est donc parfaitement exigible,

- l'engagement de cautionnement n'est pas disproportionné aux biens et revenus de la caution tant lors de la souscription de son engagement, que lors de son appel en paiement,

- elle produit les différents courriers adressés à M. [W] pour l'informer de l'exigibilité du prêt et les mises en demeure qui lui ont été adressées.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024 et l'audience fixée au 7 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'aveu judiciaire

La société BNP Paribas soulève l'irrecevabilité des demandes de la société MAJ et de M. [F] [W] au motif qu'ils ont expressément reconnu chacun leur dette devant le tribunal de commerce de Paris lors de l'audience du 13 septembre 2022 et sollicité uniquement des délais de paiement. Elle fait valoir que la mention dans un jugement de la reconnaissance de la dette par le défendeur constitue un aveu judiciaire qui, formulé en toute connaissance de cause et en présence de son avocat, fait pleine foi contre son auteur en application de l'article 1356 du code civil et ne peut être contesté que par la voie de l'inscription de faux. Par ailleurs, l'avocat, dans une procédure orale, peut engager la partie qu'il représente par un aveu fait oralement.

M. [W] réplique que la prétendue reconnaissance de dette 'n'aurait en tout état de cause aucun impact sur la reconnaissance par la présente juridiction de l'inopposabilité de l'acte de cautionnement.'

L'article 1383-2 du code civil dispose que :

'L'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté.

Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait.

Il ne peut être divisé contre son auteur.

Il est irrévocable sauf en cas d'erreur de fait.'

S'il est de jurisprudence s'agissant d'une procédure orale, que l'avocat peut engager la partie qu'il représente par un aveu fait oralement (Civ. 1ère, 3 févr. 1993, n° 91-12.714), il a également été jugé que la seule mention figurant dans les motifs d'un jugement, selon laquelle une personne reconnaît et ne conteste plus les faits, alors qu'aucune note d'audience contenant les déclarations précises qui avaient été faites devant le bureau de jugement n'est produite, ne peut valoir aveu judiciaire (Soc. 22 mars 2011, n° 09-72.323).

En l'espèce, il est mentionné dans le jugement déféré (page 2) que :

'A l'audience du 13 septembre 2022, la société MAJ et Monsieur [W] renoncent à leur demande de débouté. Ils reconnaissent la créance détenue par BNP PARIBAS à leur égard et sollicitent des délais de paiement de 24 mois pour s'en acquitter. Après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge chargé d'instruire l'affaire a clos les débats, mis l'affaire en délibéré et dit que le jugement serait prononcé le 19 octobre 2022 par sa mise à disposition au greffe, en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile.'

La société MAJ et M. [W] étaient représentés à l'audience du 13 septembre 2022 devant le tribunal commerce de Paris par leur avocat, Me Jocelyn Ziegler.

Les écritures des parties en première instance et la note d'audience contenant les déclarations précises qui ont été faites à l'audience de plaidoirie du 13 septembre 2022 ne sont pas produites, alors que la procédure devant le tribunal de commerce est une procédure orale.

Au regard de la jurisprudence précitée, la société BNP Paribas sera déboutée de sa demande tendant à voir déclarer les appelants irrecevables en leurs demandes pour aveu judiciaire.

Sur l'exigibilité de la créance de la société BNP Paribas

La société MAJ et M. [W] soutiennent que les parties 'ont réussi à se mettre d'accord sur la conclusion d'un accord transactionnel' et que la demande en paiement de la société BNP Paribas 'est devenu sans objet'.

La société BNP Paribas objecte que l'exigibilité du prêt a été prononcée par courrier du 7 février 2020 et aucun document n'est produit pour justifier d'un prétendu accord pour une reprise du paiement des amortissements initiaux.

Un acompte de 20 000 euros a été versé et doit être déduit de la dette.

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, les appelants ne démontrent pas l'existence d'un accord conclu entre les parties.

La société BNP Paribas produit en revanche les courriers recommandés avec demande d'avis de réception adressés à la société MAJ :

- le 26 novembre 2019 la mettant en demeure de payer la somme de 13 612,16 euros au plus tard le 13 décembre 2019 et l'informant qu'à défaut, elle se verrait contrainte de prononcer l'exigibilité anticipée du crédit professionnel conformément à la clause d'exigibilité anticipée de l'acte, dont la société MAJ a accusé réception le 28 novembre 2019,

- le 7 février 2020 prononçant l'exigibilité anticipée du prêt et la mettant en demeure de payer le capital restant dû à la date de la dernière échéance réglée soit la somme de 270 453,29 euros, les intérêts au taux conventionnel sur le capital restant dû et les cotisations à l'assurance groupe échues et non réglées soit 1 741,53 euros, soit la somme totale de 272 194,82 euros.

La déchéance du terme a donc été régulièrement prononcée, de sorte que la société MAJ et M. [W] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de rejet des prétentions adverses fondée sur l'inexigibilité de la dette à raison d'un prétendu accord entre les parties dont ils ne rapportent pas la preuve.

Sur le quantum de la créance de la banque

Comme l'a relevé le tribunal, la société BNP Paribas produit :

- le contrat de prêt du 14 décembre 2017 signé par M. [W] en qualité de président de la société MAJ,

- l'avenant au contrat de prêt du 24 juin 2019 également signé par M. [W],

- les lettres de mise en demeure précitées,

- des lettres de mise en demeure adressées le 23 avril 2020 à la société MAJ, réitérées le 4 juin 2021 à la société MAJ et à M. [W],

- un décompte de créance arrêté au 7 décembre 2021 à la somme de 291 677,36 euros, se décomposant comme suit : 270 184,46 euros au titre du capital restant dû et 21 492,90 euros au titre des intérêts.

Il est constant que le 7 mars 2022, la société MAJ s'est acquittée de la somme de 20 000 euros par chèque à l'ordre de la CARPA qui vient s'imputer d'abord sur les intérêts en application des dispositions de l'article 1343-1 du code civil.

Il en résulte que la société MAJ reste redevable de la somme de 270 184,46 euros en principal et 1 492,90 euros au titre des intérêts (21 492,90 euros - 20 000 euros), le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a condamné la SAS MAJ à payer à la SA BNP Paribas la somme de 271 677,36 euros avec :

- intérêts calculés au taux de 1,60 % sur la somme de 270 184,46 euros,

- intérêts calculés au taux légal sur la somme de 1 492,90 euros,

à compter du 7 décembre 2021, date de l'arrêté des comptes et jusqu'à parfait paiement.

Sur la disproportion du cautionnement

M. [W] soutient que son engagement de cautionnement était manifestement disproportionné à ses revenus au moment de sa conclusion et qu'il reste manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine actuels, de sorte que son acte de cautionnement lui est inopposable. Il expose qu'il appartient à la banque d'établir que son patrimoine a évolué et lui permet de faire face à son obligation et relève que les statuts de sociétés familiales produits par la banque ne prévoient aucune rémunération à son profit.

La banque réplique que M. [W] ne produit aucun document ni justificatif de ses revenus et charges que ce soit lors de son engagement, de sa réitération ou aujourd'hui. Elle expose qu'elle verse aux débats une fiche de renseignements signée par M. [W] qui mentionne, selon elle, des revenus réels et non contestés. Elle communique des statuts des sociétés JVC et BBZ, dont les actionnaires sont les enfants du couple et dont M. [W] est le dirigeant, ce qui démontre qu'il dissimule ses moyens financiers réels. Elle allègue qu'à supposer que lors de l'octroi du prêt, les moyens de M. [W] n'aient pas été suffisants, il lui appartient d'établir que ses moyens actuels ne le sont pas, alors qu'elle justifie qu'il dispose d'une surface financière susceptible de garantir le cautionnement souscrit.

En application des dispositions de l'article L. 341-4, ancien, du code de la consommation devenu l'article L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions des textes précités du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus. La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus (Com., 28 fév. 2018, no 16-24.841). Cette disproportion s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement, au regard du montant de l'engagement, de l'endettement global, des biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

En l'espèce, la société BNP Paribas produit la fiche de renseignements signée par M. [W] le 23 novembre 2017 aux termes de laquelle il a déclaré :

- être locataire, le montant du loyer étant de 900 euros par mois, soit des charges annuelles totales du couple de 10 800 euros,

- vivre en union libre avec Mme [J] [T],

- avoir deux enfants à charge,

- être restaurateur et employé de la société MAJ et percevoir à ce titre la somme de 24 000 euros au titre de ses revenus annuels, sa compagne étant cuisinière et percevant la somme de 14 976 euros au titre de ses revenus annuels, soit une somme totale de 38 976 euros au titre des revenus du couple,

- détenir un patrimoine financier de 12 000 euros au titre de comptes-épargne.

Il en résulte qu'à la date du cautionnement du 14 décembre 2017, le montant total des revenus et du patrimoine financier de M. [W] était de 36 000 euros par an (24 000 euros + 12 000 euros) pour des charges annuelles de 10 800 euros, soit un actif net de 25 200 euros.

Il y a lieu de relever que si aux termes de l'avenant du 24 juin 2019, M. [W] a renouvelé son engagement de cautionnement de la société MAJ au titre du prêt du 14 décembre 2017, la limite de cet engagement ayant été ramenée à la somme de 324 637 euros, au lieu de 402 000 euros, cet avenant n'a pas emporté novation aux obligations initialement conclues entre les parties, la novation ne se présumant pas et les parties n'étant pas convenues d'une quelconque novation à l'acte sous seing privé du 24 juin 2019, au sens des dispositions des articles 1329 et suivants du code civil.

Il en résulte que la situation financière de M. [W] doit s'apprécier à la date de la souscription du premier engagement de cautionnement du 14 décembre 2017.

Or, au regard de la situation financière et de la situation familiale de M. [W] qui avait deux enfants à charge et dont la compagne percevait au titre de ses revenus annuels la somme de 14 976 euros, il y a lieu de considérer que le cautionnement souscrit par M. [W] le 14 décembre 2017 dans la limite de la somme de 402 000 euros, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

La société BNP Paribas a assigné M. [W] le 17 janvier 2022 en paiement de la somme de 291 677,36 euros, outre intérêts au taux de 1,60 % sur la somme de 270 184,46 euros à compter du 7 décembre 2021.

La capacité de la caution à faire face à son engagement au moment où elle est appelée s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments d'actif et de passif composant son patrimoine (Com., 17 oct. 2018, n° 17-21.857 ; 30 janv. 2019, n° 17-31.011).

Si la société BNP Paribas, verse au débat des extraits K bis à jour au 18 février 2024 des sociétés JVC et BBZ, ayant respectivement pour activités d'une part, notamment, l'achat et vente, importation et exportation, négociation, réparation de véhicule automobile, véhicule à moteur, motocyclette, et, d'autre part, la prise de participation ou d'intérêt dans toute entreprise, de toute nature, sous toute forme, que ce soit, créée ou à créer, l'acquisition, la gestion, la cession de tout bien et droit immobilier, de toute valeur mobilière, droits sociaux, et de tout patrimoine, ainsi que les statuts de ces deux sociétés, dans lesquelles M. [W] est président, il apparaît, en revanche, que ce dernier n'est pas associé au capital social de ces sociétés qui ne comprennent chacune que deux associés, dont la fille de M. [W].

La société BNP Paribas ne verse par ailleurs aucun document démontrant que M. [W] percevrait au titre de sa fonction de président une quelconque rémunération, alors que M. [W] indique dans ses écritures qu'il s'agit de deux sociétés familiales dans lesquelles il ne perçoit aucune rémunération.

La banque ne démontre donc pas que le patrimoine et les revenus de M. [W], au moment où celui-ci a été appelé, lui permettent de faire face à son obligation.

Il s'ensuit que la société BNP Paribas ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement conclu le 14 décembre 2017 et renouvelé le 24 juin 2019, le jugement déféré étant infirmé en conséquence.

Les développements de M. [W] sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque pour défaut d'information annuelle de la caution et défaut d'information au titre des incidents de paiement sont donc sans objet.

Sur les délais de paiement

Force est de constater que si les appelants sollicitent l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société MAJ de sa demande de délais de paiement, cette dernière ne sollicite dans le dispositif de ses écritures aucun délai de paiement, de sorte qu'elle ne peut qu'être déboutée de cette demande, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur la capitalisation des intérêts

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. La société MAJ sera donc condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société MAJ sera condamnée à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la société BNP Paribas tirée de l'aveu judiciaire;

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 octobre 2022, sauf sur les condamnations prononcées à l'encontre de M. [W] en sa qualité de caution solidaire de la société MAJ ;

Statuant à nouveau des chefs de la décision infirmée et y ajoutant,

DIT que la société BNP Paribas ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement conclu le 14 décembre 2017 et renouvelé le 24 juin 2019 par M. [F] [W] ;

DÉBOUTE la société BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. [F] [W] ;

CONDAMNE la société MAJ à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société MAJ aux dépens d'appel ;

REJETTE toute autre demande.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/19039
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.19039 ?
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