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02/05/2024 | FRANCE | N°22/16820

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 02 mai 2024, 22/16820


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 02 Mai 2024

(n° , 23 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16820 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPAE



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 21/00035





APPELANT

ETABLISSEMENT PUBLIC TERRITORIAL PARIS TERRES D'ENVOL

[Adresse 12]

[Localité 11]

représenté par Me Yvon

GOUTAL de la SELARL GAA, avocat au barreau de PARIS, toque : R116, substitué à l'audience par Me Jérémie SADOUN, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉS

Monsieur [C] [I]

[Adr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 02 Mai 2024

(n° , 23 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16820 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPAE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 21/00035

APPELANT

ETABLISSEMENT PUBLIC TERRITORIAL PARIS TERRES D'ENVOL

[Adresse 12]

[Localité 11]

représenté par Me Yvon GOUTAL de la SELARL GAA, avocat au barreau de PARIS, toque : R116, substitué à l'audience par Me Jérémie SADOUN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Monsieur [C] [I]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par Me Salah GUERROUF, avocat au barreau de PARIS, toque : D1952

Madame [S] [P] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée par Me Salah GUERROUF, avocat au barreau de PARIS, toque : D1952

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Division Missions Domaniales

[Adresse 9]

[Localité 10]

représentée par Madame [B] [V], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Valérie GEORGET, Conseillère

Madame Nathalie BRET, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [C] [I] et Madame [S] [P] épouse [I] étaient propriétaires d'un bien immobilier situé [Adresse 2]), sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19], d'une superficie de 159 m².

Il s'agit d'un bâtiment mixte de type R+1, à usage de commerce de restauration au rez-de-chaussée et de logement à l'étage.

Le bien est situé dans le périmètre du projet d'aménagement de « l'îlot des 4 routes » qui a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique (DUP), selon l'arrêté préfectoral numéro 2019-2789 du 22 octobre 2019.

Par un arrêté préfectoral numéro 2020-1351 du 25 juin 2020, les parcelles situées à l'intérieur de la DUP ont été déclarées cessibles au profit de l'Établissement Public Territorial(EPT) Paris Terres d'Envol.

Une ordonnance d'expropriation, emportant transfert de propriété, a été rendue le 15 décembre 2020 au profit de l'EPT Paris Terres d'Envol.

M. [C] [I] et Madame [S] [P] ont saisi par requête le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny le 10 mars 2021 aux fins de fixation de la valeur de leur bien.

Conformément à l'article L311-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la juridiction a été saisie par les expropriés après l'ordonnance d'expropriation.

Par ordonnance du 14 septembre 2021, le juge de l'expropriation a fixé le transport sur les lieux et l'audition des parties au 25 novembre 2021.

Par une ordonnance rendue le 7 avril 2022, le juge de l'expropriation a fixé un nouveau transport sur les lieux pour régularisation de la procédure au 11 mai 2022.

Par jugement contradictoire du 7 juillet 2022, le juge de l'expropriation a :

'annexé à la décision les procès-verbaux de transport des 25 novembre 2021 et 11 mai 2022 ;

'déclaré irrecevable les conclusions du commissaire du gouvernement datées du 7 novembre 2021 ;

'rejeté la demande d'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement datées du 25 avril 2022 ;

'fixé l'indemnité due par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol à M. [C] [I] et Madame [S] [P] au titre de la dépossession du bien immobilier situé au [Adresse 2]), sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19] à la somme de 824'170 euros en valeur occupée ;

'dit que cette indemnité de dépossession foncière se décompose de la façon suivante :

'748'330 euros au titre de l'indemnité principale ;

'75'833 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

'rejeté la demande présentée par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol relative à la prise en charge par les expropriés des frais de géomètre expert ;

'condamné l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol à payer à M. [C] [I] et Madame [S] [P] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'rejeté la demande présentée par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol aux dépens ;

'rejeté toutes les autres demandes des parties.

L'Établissement Public Territorial (EPT) Paris Terres d'Envol a interjeté appel le 5 août 2022 du jugement tendant à l'information en ce qu'il a été décidé de :

'rejeter la demande d'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement datées du 25 avril 2022 ;

'fixer l'indemnité due par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol à M. [C] [I] et Madame [S] [P] au titre de la dépossession du bien immobilier situé [Adresse 2]), sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19] à la somme de 824'170 euros en valeur occupée ;

'rejeté la demande présentée par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol relative à la prise en charge par les expropriés des frais de géomètre expert ;

'condamné l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol à payer à M. [C] [I] et Madame [S] [P] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol aux dépens ;

'rejeté toutes les autres demandes des parties.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/adressées au greffe par l'Établissement Public Territorial (EPT) Paris Terres d'Envol le 3 novembre 2022 notifiées le 7 novembre 2022 (AR intimé et AR CG le 8 novembre 2022 ) aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

'le déclarer recevable et bien-fondé en son appel ;

'faire droit à l'ensemble de ses demandes ;

'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions

du commissaire du gouvernement datées du 17 novembre 2021 ;

'infirmer le jugement dont appel en tant qu'il a :

'rejeté la demande d'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement

du 25 avril 2022 ;

'fixé l'indemnité due par l'Établissement Public Territorial à la somme de 824'170 euros;

'rejeté la demande formée par l'Établissement Public Territorial relative à la prise en charge par les expropriés, des frais de géomètre expert ;

'condamné l'Établissement Public Territorial à payer aux époux [I] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné l'Établissement Public Territorial aux dépens.

Statuant à nouveau,

'déclarer irrecevables les conclusions du commissaire du gouvernement du 25 avril 2022;

'fixer les indemnités de dépossession se rapportant au bien immobilier sis sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19], situé sur le territoire de la commune de [Localité 14], dues aux époux [I], à la somme de 256'239 euros se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 232'035 euros

'indemnité de remploi : 24'204 euros

'condamner les époux [I] à lui verser la somme de 720 euros titre des frais de géomètre expert ;

'condamner les époux [I] au versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

2/ adressées au greffe par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol le 19 avril 2023 notifiées le 25 avril 2023 (AR intimé le 27 avril 2023 et AR CG le 28 novembre 2023) aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

'le déclarer recevable et bien-fondé en son appel ;

'faire droit à l'ensemble de ses demandes ;

'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions

du commissaire du gouvernement datées du 17 novembre 2021;

'infirmer le jugement dont appel en tant qu'il a :

'rejeté la demande d'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement en date du 25 avril 2022 ;

'fixé l'indemnité due par l'Établissement Public Territorial à la somme de 824'170 euros;

'rejeté la demande formée par l'Établissement Public Territorial relative à la prise en charge par les expropriés, des frais de géomètre expert ;

'condamné l'Établissement Public Territorial à payer aux époux [I] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné l'Établissement Public Territorial aux dépens.

Statuant à nouveau,

'déclarer irrecevables les conclusions du commissaire du gouvernement du 25 avril 2022;

'fixer les indemnités de dépossession se rapportant au bien immobilier sis sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19], située sur le territoire de la commune [Localité 14], dues aux époux [I], à la somme de 256'239 euros se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 232'035 euros

'indemnité de remploi : 24'204 euros

'condamné les époux [I] à lui verser la somme de 720 euros au titre des frais de géomètre expert ;

'condamner les époux [I] au versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

3/adressées au greffe par M. [C] [I] et Madame [S] [P] le 24 mai 2023 notifiées le 30 mai 2023 (AR appelant du 2 juin 2023 et AR CG du 1er juin 2023) aux termes desquelles, ils forment appel incident de demandent à la cour de :

1° sur l'appel incident formé par M. et Madame [I]

'réformer le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny qui a fixé à la somme de 824'170 euros le montant de l'indemnité due à M. et Madame [I] au titre de la dépossession du bien immobilier situé [Adresse 2]), sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19] en valeur occupée,

Statuant à nouveau de,

-fixer à la somme globale de 1 080'524,03 euros, tous chefs de préjudices confondus le montant des indemnités auxquelles il a droit en conséquence de l'expropriation de son immeuble situé à [Localité 14] (Seine-Saint-Denis), [Adresse 2], section cadastrale Z, parcelle [Cadastre 19].

2° pour le surplus :

'confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol de sa demande de condamnation de M. et Madame [I] à lui rembourser la somme de 720 euros au titre de frais de son géomètre expert,

'condamner l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol à lui payer la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

4/Le commissaire du gouvernement n'a pas adressé ou déposé de conclusions.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol expose que :

Faits et procédure :

Il s'est engagé dans un projet de ré-aménagement de « l'îlot des 4 routes » afin notamment de :

'« proposer une offre nouvelle de logements (environ 100) dont 30 % de logements locatifs sociaux, lesquels pourront participer pour partie, à la reconstitution de l'offre sociale démolie au titre du NPRU ;

'développer de nouvelles surfaces commerciales » (Pièce n°2).

Cet îlot est délimité par les avenues [Adresse 18] et [Adresse 16] et par les rues [Adresse 17] et [Adresse 15].

Aux termes d'une délibération du 12 novembre 2018, il a sollicité du préfet de département de la Seine-Saint-Denis la mise en 'uvre d'une procédure d'expropriation en vue d'acquérir les terrains nécessaires à la réalisation de ce projet.

Par arrêté préfectoral du 13 mai 2019, le préfet du département de la Seine-Saint-Denis a répondu favorablement à cette demande et prescrit l'ouverture de l'enquête conjointe préalable à la déclaration d'utilité publique et parcellaire.

Le 22 octobre 2019, les travaux et l'acquisition des terrains indispensables à l'aménagement de cette opération étaient déclarés d'utilité publique par la préfecture du département de Seine-Saint-Denis (pièce n°3).

La parcelle cadastrée section [Cadastre 19], propriété des époux [I], n'ayant pu être acquise par la voie amiable, le président de l'Établissement Public Territorial a le 29 avril 2020 demandé au préfet du département de Seine-Saint-Denis de la déclarer cessible ; il a été fait droit à cette demande par arrêté préfectoral du 20 juin 2020 (pièce n°4).

L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 15 septembre 2020.

Discussion

1/sur les indemnités fixées par le premier juge

A sur l'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement

L'article R311-16 du code de l'expropriation fixe un délai de forclusion ; dès lors, il est interdit de renouveler la procédure accomplie hors délai en application de l'article 115 du code de procédure civile.

Aucun principe ne commande de soumettre le commissaire du gouvernement à un régime dérogatoire.

Le juge dispose dans le cas où, il ne s'estimerait pas suffisamment éclairé par les termes de comparaison produits par l'expropriant, l'exproprié, de la faculté « d'obtenir de l'autorité administrative, tous les renseignements fiscaux nécessaires à la fixation des indemnités d'expropriation conformément aux dispositions de l'article L 144 du même livre ».

En l'espèce, les conclusions du commissaire du gouvernement datées du 17 novembre 2021 ont été notifiées en méconnaissance du délai de forclusion prévu à l'article R 311-16 du code de l'expropriation, dès lors qu'elles sont parvenues à l'Établissement Public Territorial le 19 novembre suivant, soit moins de huit jours avant la tenue de la visite des lieux, le 25 novembre 2021 (pièce N°7).

L'irrecevabilité était insuceptible d'être régularisée en application de l'article 115 du code de procédure civile, et le second jeu de conclusions du commissaire du gouvernement du 23 avril 2022 devait nécessairement être écarté.

B sur l'erreur manifeste d'appréciation commise par le juge de l'expropriation quant au calcul de l'indemnité principale et de remploi

À supposer les conclusions du commissaire du gouvernement recevables, le premier juge a assurément commis une erreur d'appréciation, en ne tenant pas compte de la situation d'occupation du bien, retenant des termes de comparaison manifestement irrecevables et en appliquant à la valeur moyenne des mutations retenues un coefficient de valorisation excessif et injustifié.

1° sur le défaut d'application d'un abattement pour occupation (CG1 et CG2)

Le juge de l'expropriation a refusé d'appliquer un abattement pour occupation pour les valeurs issues des termes de comparaison n°1 et n°2.

En droit, il est acquis que l'occupation d'un immeuble justifie d'appliquer une moins-value sur l'indemnité d'expropriation, dans la mesure où le prix d'un bien occupé est inférieur à celui d'un bien libre, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Civ, 8 juin 2006, n° 05-15446).

Le juge du fond applique usuellement à l'indemnité principale un abattement de 20 à 40 %.

En l'absence de circonstances particulières, un taux de 30 à 40 % est retenu par la jurisprudence, ainsi que l'a rappelé la cour d'appel de Paris.

En l'espèce, le bien exproprié est pris à bail, dans son ensemble, par la société « la Roseraie » depuis le 1er juin 2010.

Les termes de comparaison n°1 et n°2 du commissaire du gouvernement ont été vendus libre de toute occupation.

En relevant que l'autorité expropriante ne rapporte pas la preuve « d'une moins-value » et en s'appuyant sur le raisonnement abstrait du commissaire du gouvernement, la juridiction a inversé la charge de la preuve.

2° sur l'irrecevabilité du terme de comparaison CG4 en ce qu'il porte sur une vente dont les références de publication n'ont pas été communiquées

L'autorité expropriante a obtenu du service de publicité foncière la transmission des actes afférents aux termes de comparaison évoqués par le commissaire du gouvernement, à l'exception du terme n°4, celui-ci n'ayant pas été publié au jour du jugement dont appel (pièces n°12,12 bis).

3° sur l'irrecevabilité du terme de comparaison CG5 en ce qu'il porte sur un terrain à bâtir

La vente du 23 octobre 2019 portant sur un immeuble situé [Adresse 3] a en réalité pour objet un terrain à bâtir ; le terrain objet de l'habitation est grevé d'une construction vouée à la démolition, en sorte que le prix a été fixé au regard de la valeur d'un terrain à bâtir et non d'un immeuble bâti.

4° sur l'application d'un coefficient de valorisation de plus de 56 % à la valeur moyenne dégagée à raison de la situation d'immeuble

Le premier juge a dans un premier temps dégagé une valeur moyenne de 3087 euros/m², sur la base de 6 références et a fixé l'indemnité à 5500 euros/m², sans motivation par des facteurs de plus-value inhérente à la consistance du bien, celui-ci ayant indiqué qu'il disposait d'avantages équivalents à ceux des immeubles objets des termes de comparaison retenus.

Le bon état d'entretien de l'immeuble ne pouvait à lui seul justifier l'application d'un quelconque coefficient de valorisation.

Cette estimation apparaît exclusivement justifié par « l'excellente situation géographique » du bien, mais le coefficient reste manifestement excessif.

II sur une évaluation plus réaliste des indemnités principales et de remploi

A termes de référence

En application des articles L313-6 et L213-4 a) du code de l'urbanisme, le terrain étant situé dans une zone ou s'exerce le droit de préemption urbain (pièce n° 15), il convient de retenir comme le premier juge, la délibération approuvant la dernière révision du PLU de la ville de [Localité 14] soit le 9 avril 2018.

B sur la description de la situation du bien

Le bien à évaluer consiste en un immeuble mixte, à usage d'habitation et de commerce, édifié sur une parcelle de configuration rectangulaire, cadastré section [Cadastre 19], d'une surface de 159 m², situé [Adresse 2], en zone UMtb, à proximité immédiate des routes départementales 115 et 30, dans un environnement assez bruyant.

Au cours du transport sur les lieux, il a été constaté que la partie d'immeubles à usage de logement ne jouissait pas d'un accès indépendant et que le local commercial de la société « la Roseraie », ainsi que la partie d'immeubles à usage d'habitation, présentait un état d'entretien oscillant selon les pièces entre le « correct » et le « bon » (pièce n°9).

Il ne peut être tenu compte de la « terrasse intérieure », s'agissant d'un aménagement nouveau, la consistance devant s'apprécier à la date de l'ordonnance d'expropriation.

C sur la valeur de l'immeuble

L'Établissement Public Territorial évalue le montant des indemnités de dépossession se rapportant la parcelle cadastrée section [Cadastre 19] à la somme totale de 256'239 euros, dont 232'035 euros au titre de l'indemnité principale et 24'204 euros au titre de l'indemnité de remploi.

Il a constaté l'existence d'une distorsion entre les surfaces cadastrales et surface réelle et il a donc mandaté un géomètre expert.

Les expropriés ont également mandaté une entreprise « Constatdiag », qui a été retenue par le premier juge étant plus favorable à l'exproprié, alors qu'il s'agit d'un diagnostiqueur et non d'un géomètre expert.

La surface du local commercial doit également être reconsidérée.

Il propose quatre références correspondantes à une valeur moyenne de 1875 euros/m².

Il propose cependant la somme de 232'035 euros eu égard au facteur de plus-value.

En l'espèce, les époux [I] proposent une estimation fondée sur l'application de la méthode d'évaluation dite par comparaison, sans verser la moindre mutation effective, versant uniquement des lettres d'intérêt émanant de promoteurs immobiliers et la référence afférente au bien [Adresse 7] se rapportant à une vente dont l'effectivité n'était pas démontrée en l'absence de publication.

Les expropriés proposent une seconde évaluation du bien par la méthode d'évaluation par capitalisation du revenu, qui ne peut être retenue ; en effet, le taux capitalisation dépend de nombreux facteurs et cette méthode est systématiquement écartée, lorsqu'elle ne s'appuie sur aucune précision du marché immobilier local.

En l'espèce, les expropriés ne tiennent nullement compte des charges incombant normalement aux propriétaires et locataires et le taux dégagé ne s'appuie pas sur une étude détaillée du marché immobilier local.

III sur les indemnités accessoires

L'indemnité de remploi calculé sur les modalités habituelles est de 24'204 euros.

Les époux [I] ont postérieurement à la production de l'état des surfaces établies le 31 janvier 2022 par le cabinet ALTIUS, mandaté un technicien diagnostiqueur, lequel a procédé le 9 mai 2022 à un nouveau mesurage ; par conséquent, les frais de géomètre expert d'un montant de 720 euros vainement engagés par Établissement Public Territorial seront mis à la charge des époux [I] (pièce n° 23).

Monsieur [C] [I] et Madame [S] [P] répondent que :

Rappel des faits

Ils sont propriétaires d'un immeuble consistant en un bâtiment à usage de commerce et d'habitation situé à [Adresse 2], section cadastrale Z, parcelle [Cadastre 19], d'une superficie de 159 m².

Dans un premier temps, la ville de [Localité 14] a proposé d'acquérir de gré à gré leur bien pour la somme de 800'000 euros (pièce n°3), ce qu'ils ont refusé le 10 avril 2019.

Après des discussions amiables, la ville de [Localité 14] n'a jamais présenté le projet de cession à son conseil municipal, si bien que la cession amiable projetée n'a pu se réaliser.

L'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol ne leur a fait aucune offre indemnitaire.

Ils ont donc été contraints de prendre l'initiative de saisir le 8 mars 2021 le juge de l'expropriation.

DISCUSSION

A à titre liminaire, sur l'absence de toute offre amiable de paiement d'une indemnité d'expropriation faite aux époux [I] par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol

Conformément aux dispositions de l'article L311-4 du code de l'expropriation, l'autorité expropriante notifie à l'exproprié le montant de ses offres amiables et invite celui-ci à lui faire connaître le montant sa demande ; tel n'a pas été le cas en l'espèce.

Ils ont été expropriés en vertu d'une ordonnance du 15 septembre 2020 par le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny et n'ont reçu aucune offre amiable d'indemnisation.

B sur la prétendue irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement

La notification des conclusions du 17 novembre 2021 n'a pas été réalisée dans le délai de huit jours avant la date de transport sur les lieux comme prévu par l'article R 311-16 du code de l'expropriation, de sorte qu'elles sont irrecevables.

Toutefois, le juge de l'expropriation a fixé un nouveau transport sur les lieux le 11 mai 2022 pour régularisation de la procédure et le commissaire du gouvernement a notifié de nouvelles conclusions le 25 avril 2022 en respect des dispositions de l'article R 311-16 du code de l'expropriation.

Les dispositions susvisées du code de l'expropriation ne sauraient avoir pour conséquence pratique de priver le juge et les parties de l'évaluation réalisée par le commissaire du gouvernement, alors que celui-ci, expert et partie à la procédure, bénéficie d'un accès facilité aux informations publiées au fichier immobilier et doit transmettre à la juridiction les éléments nécessaires à son information ; dans un souci de respect du principe d'égalité des armes, l'irrecevabilité attachée au non-respect des dispositions de l'article R 311-16 du code de l'expropriation ne peut avoir pour conséquence d'écarter les conclusions du commissaire du gouvernement. Elle commande nécessairement la réalisation d'un nouveau transport sur les lieux, permettant l'exercice du contradictoire dans le délai prévu par le législateur.

Si les conclusions du commissaire du gouvernement du 17 novembre 2021 sont effectivement irrecevables, celles du 25 avril 2022, régulièrement notifiées plus de huit jours avant la date du second transport sur les lieux, lui-même régulier, sont bien recevables.

En toute hypothèse, la cour est saisie, par l'effet de la dévolution de l'intégralité du litige sur la base des mémoires et pièces produites en appel comprenant celui du commissaire du gouvernement ainsi que ses pièces comprenant ses références.

C sur la date à retenir pour la fixation de l'indemnité d'expropriation revenant aux époux [I]

Comme l'indique le premier juge, il convient de retenir la date du 8 avril 2018 en application de l'article L 213-6 du code de l'urbanisme, correspondant à la dernière révision du PLU de la ville de [Localité 14].

D sur la consistance du bien de M. et Madame [I]

Aux termes de l'acte d'acquisition du 17 août 2018 (pièce n°1), le bien immobilier est décrit comme suit :

« sur la commune de [Localité 14] (Seine-Saint-Denis), [Adresse 2].

Un immeuble à usage de commerce et d'habitation construit en pierre meulière et briques, couvert en tuiles et comprenant :

'au rez-de-chaussée : un local commercial, une arrière-boutique, water-closets, couloir d'accès à la cour et escalier d'accès à l'étage

'à l'étage, palier, salle de séjour, deux chambres, cuisine, salle de bains water-closets

'cave et chaufferie sous partie de l'immeuble

'cour, jardin

'eau, gaz, électricité, chauffage central ».

Comme l'a justement relevé le premier juge :

« Il convient toutefois de préciser que l'immeuble se trouve dans une rue passante très commerçante située au c'ur de [Localité 14]. Il est desservi par :

'l'A 86

'l'A 3 située à environ 2 km ;

'l'arrêt de RER [Localité 14] (ligne B), situé à environ 1,5 km

'les bus 151 et 251, situés juste devant l'immeuble.

L'ensemble immobilier comprend :

'au rez-de-chaussée, un local commercial, à savoir un commerce de restauration de kebabs en activité, composé d'une salle de restauration, d'un espace de travail avec le comptoir étal de nourriture, d'une arrière cuisine, une terrasse intérieure et d'une cave à usage de laboratoire. L'ensemble est dans un bon état d'entretien,

'à l'étage de l'appartement de type T3, sans accès indépendant, composé d'une chambre, d'un bureau, d'un salon, salle de bains, et de sanitaires. Le logement est occupé, globalement propre, bien entretenu et en bon état.

E sur les surfaces de l'immeuble

L'attestation de superficie (pièce n°2) mentionne dans la rubrique intitulée « contenance cadastrale » une surface indicative de 159 m².

L'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol a soutenu devant le premier juge que la superficie du bien était de 122,90 m² ressortant du document intitulé « État surface habitable et utile » dressé par son géomètre expert, cabinet ALTIUS, ce qui représente une différence de 36,10 m².

Ils contestent le mesurage retenu par le premier juge.

Il ressort du mesurage qu'ils ont fait établir le 9 mai 2022 par la société CONSTATDIAG (pièce n°22) que la surface de l'immeuble est de 241,56 m².

C'est à tort que le premier juge a exclu de l'assiette de l'immeuble « les surfaces extérieures du bien correspondant à la terrasse et à l'abri » alors qu'aux termes de l'acte d'acquisition du 17 août 2018, celles-ci étaient bien comprises dans l'assiette de leur immeuble.

F sur l'appel incident formé par M. et Madame [I]

Il convient de rappeler l'article premier du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme, l'article 545 du Code civil et l'article L321-1 du code de l'expropriation.

Or, le premier juge a fixé à la somme excessivement basse et injustifiée de 743'330 euros le montant de l'indemnité principale.

a) sur l'évaluation de l'indemnité principale d'expropriation selon la méthode dite « par comparaison »

Ils versent aux débats une référence correspondant à un immeuble situé [Adresse 3] du 23 octobre 2019.

Ils invoquent également la cession n° 4 du 4 janvier 2022, 60, rue Marcelin Berthelot à [Localité 14] que les parties et le juge de l'expropriation ont visité lors du transport sur les lieux du 11 mai 2022.

Ils proposent également une estimation faite par l'agence immobilière à [Localité 11] du 4 octobre 2019 (pièce n° 18) pour la somme d'1 300'000 euros soit 8476 euros/m².

En outre, plusieurs professionnels ont proposé d'acquérir leur bien.

Concernant les références de vente communiquée par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol, il convient d'exclure les six références invoquées.

Ils sollicitent la somme d'1 080'524,03 euros tous chefs de préjudices confondus.

b) sur l'évaluation de l'indemnité principale d'expropriation sur la méthode dite de l'estimation par capitalisation du revenu

Dans cette méthode, la valeur vénale du bien est déterminée en fonction du taux de capitalisation du revenu issu de la location du bien.

Si l'on retient un taux de rentabilité moyen de 5% pour tenir compte de la nature commerciale de la location, la valeur vénale peut être évaluée à la somme de 910'000 euros.

Si l'on retient la moyenne des deux méthodes d'évaluation pour l'indemnité principale d'expropriation, on parvient à la somme de 980'021,99 euros.

G sur les indemnités accessoires

1° sur l'indemnité de remploi

Elle ressort à la somme de 100'502,04 euros.

2° sur l'indemnité de déménagement

Ils n'ont pas fait chiffrer à ce jour leur déménagement par une entreprise spécialisée et se réservent de compléter ultérieurement leur demande de ce chef par la production du devis d'une entreprise de déménagement.

H sur la demande de M. et Madame [I] en cause d'appel

Ils demandent la réformation du jugement et de fixer l'indemnité d'expropriation à la somme de 1 080'524,03 euros

I sur les frais de géomètre expert de 720 euros

Cette demande est injustifiée, les frais considérés de géomètre expert devant au contraire être supportés par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol comme l'indique à juste titre le premier juge.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017- article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l'appel étant du 5 août 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de L'EPT Paris Terres d'Envol du 3 novembre 2022 et de M. [C] [I] et de Mme [S] [P] du 24 mai 2023 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions l'EPT Paris Terres d'Envol du 19 avril 2023 de sont de pure réplique à celles de M. [C] [I] et Mme [S] [P], appelants incidents, ne formulent pas de demandes nouvelles, sont donc recevables au-delà des délais initiaux.

-Sur l'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement de première instance

L'établissement Public Paris Terres d'Envol a demandé au tribunal de déclarer irrecevables les conclusions du commissaire du gouvernement pour avoir été notifiées en méconnaissance du délai de forclusion de huit jours avant la date du transport sur les lieux, prévu à l'article R311-6 du code de l'expropriation, considérant sur le fondement l'article 104 du code de procédure civile, que s'agissant de la forclusion, l'irrecevabilité ne peut être régularisée.

Le premier juge, par une ordonnance du 14 septembre 2021, a fixé le transport sur les lieux et l'audition des parties au 25 novembre 2021; le commissaire du gouvernement a notifié des conclusions du 17 novembre 2021 à l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 novembre 2021, soit six jours avant la visite des lieux ; la notification des conclusions du commissaire du gouvernement ayant pas été réalisée dans le délai de huit jours avant la date du transport sur les lieux, comme prévu par l'article R311-16 susvisé, le premier juge a déclaré ces conclusions irrecevables ; par une ordonnance du 7 avril 2022, après consultation des parties, il a fixé un nouveau transport sur les lieux au 11 mai 2022 pour régularisation de la procédure; le commissaire du gouvernement a notifié de nouvelles conclusions du 25 avril 2022 dans le respect des dispositions de l'article R311-16 susvisé.

Le premier juge a déclaré que ces conclusions du 25 avril 2022 sont recevables en indiquant que les dispositions de l'article R311-16 susvisées qui organisent la contradiction devant le juge de l'expropriation ne sauraient avoir pour conséquence pratique de priver le juge et les parties de l'évaluation réalisée par le commissaire du gouvernement, alors que celui-ci, expert et partie à la procédure, bénéficie d'un accès facilité aux informations publiées au fichier immobilier, doit transmettre à la juridiction les éléments nécessaires à son information ; que dès lors, dans un souci de respect du principe d'égalité des armes, l'irrecevabilité attachée au non-respect des dispositions de l'article R311-16 susvisées ne peut avoir pour conséquence d'écarter les conclusions du commissaire du gouvernement, commandant nécessairement la réalisation d'un nouveau transport sur les lieux, permettant l'exercice du contradictoire dans le délai prévu par le législateur.

Il a donc déclaré recevables les conclusions du commissaire du gouvernement du 17 novembre 2021 et rejeté la demande de l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol tendant à l'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement du 25 avril 2022.

L'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol demande l'infirmation de ce chef, tandis que M. [I] et Madame [P] demandent la confirmation.

Aux termes de l'article R311-16 du code de l'expropriation à peine d'irrecevabilité, le commissaire du gouvernement notifie ses conclusions aux parties à l'instance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au moins 8 jours avant la visite des lieux.

Les parties ne contestent pas l'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement du 17 novembre 2021, puisque celle-ci ont été notifiées à l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol par lettre recommandée avec accuse réception du 19 novembre 2021, soit six jours avant la visite des lieux.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant du deuxième transport sur les lieux décidé par le juge de l'expropriation comme il l'indique pour régulariser la procédure, le premier juge a demandé préalablement l'avis de l'ensemble des parties qui ne sont pas opposées à l'organisation du second transport et n'ont pas demandé la nullité de ce second transport.

Les conclusions du commissaire du gouvernement du 25 avril 2022 ont bien été notifiées aux parties à l'instance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au moins 8 jours avant la visite des lieux, soit dans le délai légal.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement et de déclarer recevables les conclusions du commissaire du gouvernement du 25 avril 2022.

À toutes fins utiles, si la cour est saisie de l'intégralité du litige sur la base des mémoires et pièces produites en appel, contrairement à ce qu'indiquent M. [I] et Mme [P], la cour ne statue pas à partir des conclusions du commissaire du gouvernement de première instance comme l'a jugé la Cour de cassation par arrêt du 8 septembre 2018 n°17-20479, celle-ci statuant sur mémoires en application de l'article R321-8 du code de l'expropriation mais sur les conclusions du commissaire du gouvernement d'appel ; or en l'espèce, le commissaire du gouvernement n'a pas adressé ou déposé de conclusions en appel ; la cour ne statue donc que sur les mémoires de l'EPT Paris Terre d'envol et de M. et Mme [I].

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens

sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 du dit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de l'ETP Paris Terres d'Envol porte au fond sur le montant de l'indemnité de dépossession, sur le rejet de sa demande de mettre à la charge des expropriés la somme de 720 euros au titre des frais de géomètre expert.

L'appel incident de M. [I] et Madame [P] concerne le montant de l'indemnité de dépossession.

S'agissant de la date de référence, le premier juge en application des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l'urbanisme, a retenu pour fixer cette date le PLU de [Localité 14], exécutoire depuis le 9 avril 2018.

L'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol demande la confirmation.

M. [I] et Madame [P] invoquent également l'application de l'article L 213-6 du code de l'urbanisme et demandent comme l'a décidé le premier juge de retenir la date du 18 avril 2018 correspondant à la dernière révision du PLU de la ville de [Localité 14].

En application des articles L213-6 et L213-4 du code de l'urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption, il convient de confirmer le jugement qui a exactement retenu comme date de référence, celle du PLU de [Localité 14], exécutoire depuis le 9 avril 2018.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date de référence, le bien exproprié est situé en zone UMtb.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un ensemble immobilier à usage de commerce de restauration au rez-de-chaussée et de logement à l'étage, situé [Adresse 2]), sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19], d'une superficie de 159 m².

L'immeuble se trouve dans une rue passante très commerçante située au c'ur de [Localité 14] et est desservi par l'A86 et l'A3 située à environ 2 km, l'arrêt de RER [Localité 14] (ligne B), situé à environ 1,5 km et les bus 151 et 251 situés juste devant l'immeuble.

L'immeuble immobilier comprend :

'au rez-de-chaussée, un local commercial, à savoir le commerce de restauration de kebabs en activité, composé d'une salle de restauration, d'un espace de travail avec le comptoir et étal de nourriture, d'une arrière cuisine, une terrasse intérieure et d'une cave à usage de laboratoire. L'ensemble est dans un bon état d'entretien.

'À l'étage un appartement de type T3, sans accès indépendant, composé d'une chambre, d'un bureau, d'un salon, d'une salle de bains, d'une cuisine et de sanitaires. Le logement est occupé, globalement propre, bien entretenu et en bon état.

Le premier juge a retenu un bon état d'entretien et une bonne situation géographique.

L'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol indique que l'environnement est assez bruyant et qu'au cours du transport sur les lieux, il a été constaté que la partie d'immeubles à usage de logement ne jouissait pas d'un accès indépendant, et que le local commercial de la société « la Roseraie », ainsi que la partie d'immeubles à usage d'habitation, présentait un état d'entretien oscillant selon les pièces, entre le « correct » et le « bon ».

Il ajoute qu'il ne peut être tenu compte de la « terrasse intérieure » évoquée par les expropriés, puisqu'il a pu être constaté lors du transport sur les lieux du 11 mai 2022, une toiture inexistante le 5 novembre 2021, qui recouvrait désormais la terrasse.

La consistance d'un bien exproprié doit être appréciée à la date de l'ordonnance d'expropriation, soit en l'espèce le 15 décembre 2020 ; à cette date, les expropriés n'établissent pas la présence d'une terrasse intérieure ; il n'en sera donc pas tenu compte.

Mr [I] et Madame [P] soulignent que des discussions amiables ont lieu avec la mairie de [Localité 14], par courrier des 28 février 2019, 10 avril 2019, 12 juin 2019, 2 juillet 2019, 19 juillet 2019, 19 septembre 2019 et 22 octobre 2019 (pièces N° 3,4, 5,6, 7,8, 9,10 et 11) et qu'un accord était intervenu à la somme de 750'000 euros, mais que la ville de [Localité 14]

n'a jamais présenté le projet de cession à son conseil municipal ; ils soulignent que l'établissement public Paris Terres d'Envol ne leur a proposé aucune offre amiable de paiement.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès-verbal de transport.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 7 juillet 2022.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur les surfaces

Sur la surface du logement, devant le premier juge, l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol a produit un mesurage du cabinet ALTIUS pour un total de 52,50 m² en surface habitable et M. [I] et Madame [P] ont produit un mesurage par la société CONSTARDIAG pour une surface de 63,76 m² en surface dite loi Carrez.

Il a indiqué qu'aucun élément ne permettant d'expliquer les différences de surface entre les deux mesurages, et la surface du couloir du logement devant être pris en compte, et il a retenu la surface dite loi Carrez de 63,76 m², favorable à l'exproprié.

Sur la surface du commerce, il a retenu le mesurage effectué par le cabinet ALTIUS, en a exclu les surfaces extérieures du bien correspondant à la terrasse à l'abri et y a ajouté les surfaces des parties communes de 8,90 m², puisque le bien n'est pas soumis au régime de la copropriété et qu'il s'agit en réalité de parties privatives, soit une surface de 72,30 m².

1° sur la surface du logement

Le cabinet ALTIUS géomètre expert (pièce n°17) retient comme surface totale habitable du logement 52,50 m² sur le fondement de l'article R111-2 du code de la construction et l'habitation.

Le certificat de superficie CONSTADIAG expertise diagnostics immobilier (pièce n°22) retient une surface de 63,76 m² loi Carrez.

Le mesurage par un géomètre a une valeur probatoire supérieure à un mesurage effectué par un diagnostiqueur.

Il apparaît que le géomètre expert a exclu les surfaces inférieures à 1,80 m de hauteur soit 2,50 m² pour la cuisine, 1,80 m² pour le rangement ainsi que la surface des parties communes.

Il convient, de retenir, comme proposé par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol la moyenne des deux mesurages soit : 59,50+63,76=123, 26/2=61,63 m²

2° sur la surface du commerce

Pour le commerce, le cabinet ALTIUS retient une surface totale utile de 63,40 m² en mentionnant la superficie des hauteurs inférieures à 1,80 m du commerce soit 4,30 m², la superficie des parties communes de 8,90 m² et la superficie des parties communes extérieures de 74,30 m².

Le cabinet CONSTATDIAG retient une surface loi Carrez de 64,89 m², soit une surface au sol total de 94,44 m².

Pour les surfaces commerciales, le mesurage retenu n'est pas celui de la loi Carrez, car il est d'usage de retenir la surface utile en l'absence de dispositions légales.

En outre, il ressort du plan établi par le cabinet CONSTATDIAG que la partie entrée/couloir est indissociable de l'appartement, dont elle constitue le seul accès ; il est séparé du local commercial par une porte, comme constaté lors du transport sur les lieux par le premier juge et cet espace est prioritairement affecté à l'usage des locataires de l'appartement.

En conséquence, il convient de retenir le mesurage du géomètre expert ATLTIUS, qui a exactement écarté l'espace entrée/couloir qui constitue un espace commun en application de l'article R 156-1 du code de la construction et l'habitation, soit 63,40 m².

La surface totale de l'immeuble est donc de :

61,63 m² (logement)+ 63,40 m² (commerce)= 125,03 m².

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur la situation locative

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

Le bien est occupé par la société la Roseraie en vertu d'un bail locatif du 10 novembre 2010.

Le jugement qui a évalué le bien exproprié en valeur occupée sera donc confirmé.

Le premier juge n'a pas appliqué d'abattement pour occupation et la demande l'infirmation par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol sera examinée après étude des références proposées par les parties.

- Sur la méthode

Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

Le premier juge a écarté la demande de M. [I] et de Madame [P] correspondant à la moyenne de la méthode par comparaison et de la méthode par capitalisation du revenu, et a retenu la méthode par comparaison proposée par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol et par le commissaire du gouvernement.

L'Établissement Territorial Public Paris Terres d'Envol demande la confirmation du jugement sur ce point.

M. [I] et Madame [P] demandent en appel de retenir la moyenne des deux méthodes d'évaluation, à savoir celle par comparaison et celle par capitalisation du revenu.

S'agissant de la méthode par capitalisation du revenu, ils indiquent que le loyer est de 42'000 euros hors-taxes et hors charges par an, avec une taxe foncière proratisée à la somme de 3500 euros hors-taxes, en sus de la société locataire ; que s'il l'on retient un taux de rentabilité moyen de 5% pour tenir compte de la nature commerciale de la location, la valeur vénale est de :

45'500 euros hors-taxes par an X 100/5= 910'000 euros.

Cependant, la méthode par capitalisation du revenu nécessite la production d'éléments tangibles permettant de fixer avec le plus de précision possible le taux de capitalisation applicable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque les expropriés retiennent un taux de

capitalisation aléatoire et arbitraire de 5%, fondé sur des éléments non chiffrés, et sans justifier de la méthodologie appliquée ; en effet, le taux de capitalisation dépend de nombreux facteurs, tels que les conditions économiques, la situation et l'emplacement de

l'immeuble, la nature, le confort le standing de l'immeuble, son utilisation, son état d'entretien, les conditions de sa location ; il est conditionné en conséquence par une étude précise du marché immobilier local, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement écarté la méthode par capitalisation du revenu et retenu la méthode habituelle par comparaison, l'évaluation se faisant terrain intégré.

- Sur les références des parties

Le premier juge, après examen des références des parties en a retenu six, pour une moyenne de 3 087 euros/m², au regard des éléments de plus-value, le bien exproprié disposant d'une cave et d'un espace extérieur, d'une excellente situation géographique au c'ur de [Localité 14] et en bordure de l'avenue [Adresse 16], avenue très passante et commerçante, favorable à la commercialité, du bon état d'entretien du bien, il a retenu la valeur haute de la moyenne de 5429 euros/m², en retenant une valeur unitaire de 5 500 euros/m² en valeur occupée, sans appliquer d'abattement pour occupation.

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

a) Les références de l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol

Il propose quatre termes avec les références de publication :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface utile

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

T1

15 avril 2019

[Adresse 4]

676,28

1'430'000

2115

immeuble mixte en situation d'occupation

Pièce n° 19

T2

6 mars 2020

[Adresse 13]

526

900'000

1711

ensemble immobilier occupé à usage d'habitation et de commerce

pièce n° 20

T3

24 mai 2019

[Adresse 6]

249

500'000

2008

immeuble occupé à usage d'habitation et de commerce

pièce n° 21

T4

28 août 2020

[Adresse 5]

90

150'000

1666

immeuble occupé à usage d'habitation et de commerce

pièce numéro 22

moyenne

1875

T1

L'Établissement Public Paris Terre d'Envol indique que si la surface est effectivement supérieure à celle de l'immeuble exproprié, ce bien dispose d'importants facteur de plus-value :

'est composé de deux boutiques, de dix appartements, six chambres mansardées ;

'possède, en outre 13 caves.

M. [I] et Madame [P] demandent d'écarter ce terme en raison de la différence de valeur vénale des biens respectifs situés dans deux secteurs géographiques différents de la commune de [Localité 14] éloignés l'un de l'autre de 1,6 km.

Ils ne critiquent donc pas la différence de superficie.

Ce terme récent est comparable en consistance, se trouve dans la même localité que le bien exproprié, et sera donc retenu.

Il sera cependant tenu compte qu'il s'agit d'une valeur basse en raison de l'éloignement géographique, puisque le bien des expropriés se trouve au c'ur de [Localité 14] en bordure de l'avenue [Adresse 16], avenue très passante et commerçante favorable à la commercialité.

T2

L'Établissement Public Territorial Paris Terre d'Envol indique qu'il ressort de l'acte de vente que l'immeuble est constitué :

'au rez-de-chaussée, de quatre boutiques et quatre arrières boutique ;

'à l'étage, appartement de cinq pièces, cuisine et salle de bains au-dessus de la première boutique ;

d'un studio au-dessus de la deuxième boutique ;

d'une cuisine, deux pièces et un cabinet de toilettes avec WC au-dessus de la troisième boutique ;

-cuisine, une pièce, un cabinet de toilette et WC au-dessus de la quatrième boutique.

M. [I] et Madame [P] demandent d'écarter ce terme en raison de l'absence de communication de la copie de l'acte de vente du 6 mars 2020, de la moins bonne commercialité de l'immeuble considéré, et de son éloignement par rapport à leur bien (750 m).

Cependant, l'acte de vente est communiqué (pièce n°20) ; ce terme récent est comparable en consistance il se trouve dans la même localité et ne se trouve qu'à 750 m du bien exproprié.

Il sera cependant tenu compte qu'il s'agit d'une valeur basse en raison de l'éloignement géographique, puisque le bien des expropriés se trouve au c'ur de [Localité 14] en bordure de l'avenue [Adresse 16], avenue très passante et commerçante favorable à la commercialité.

T3

L'Établissement Public Paris Terre d'Envol indique que l'immeuble consiste en un bâtiment élevé sur cave comprenant :

'à rez-de-chaussée divisé en deux boutiques, cuisine, water-closets extérieurs ;

'à l'étage composé d'un appartement divisé en entrée, cuisine, séjour, deux chambres, salle de bains, water-closets ;

'un second bâtiment élevé sur terre-plein comprenant rez-de-chaussée divisé en un atelier un appartement composé d'une pièce, cuisine, salle d'eau.

M. [I] et Madame [P] demandent d'écarter ce terme en l'absence de communication de la copie d'acte de vente du 24 mai 2019, compte tenu de l'état très vétuste et d'entretien locatif défaillant de l'immeuble, ainsi que de l'éloignement géographique avec le bien exproprié, soit 2,3 km.

Cependant, l'acte de vente est communiqué en pièce n° 21 ; la photographie produite ne démontre pas un état très vétuste ; ce terme récent comparable en consistance située dans la même localité sera retenu.

Il sera cependant tenu compte qu'il s'agit d'une valeur basse en raison de l'éloignement géographique, puisque le bien des expropriés se trouve au c'ur de [Localité 14] en bordure de l'avenue [Adresse 16], avenue très passante et commerçante favorable à la commercialité

T4

L'Établissement Public Territorial Paris Terre d'Envol indique que ce bien consiste en une construction à usage d'habitation et de commerce élevé sur terre-plein, constitué :

'd'un rez-de-chaussée composé d'une boutique, salle à manger, cuisine, et un étage comprenant deux chambres ;

'd'un grenier perdu au-dessus ;

'd'un appentis à usage de débarras ;

'd'un garage, d'une cour et d'un passage.

M. [I] et Madame [P] demandent d'écarter ce terme en raison de l'absence de communication de la copie de l'acte de vente du 29 août 2020, en raison de l'état très vétuste et d'entretien et de l'éloignement géographique, soit 2,3 km.

Cependant, l'acte de vente est communiqué en pièce n° 22 ; ce terme récent est comparable en consistance se trouve dans la même localité ; il sera donc retenu.

Il sera cependant tenu compte qu'il s'agit d'une valeur très basse en raison de l'éloignement géographique, puisque le bien des expropriés se trouve au c'ur de [Localité 14] en bordure de l'avenue [Adresse 16], avenue très passante et commerçante favorable à la commercialité et qu'en outre au regard de la photographie produite le bien est vétuste, avec notamment des échafaudages.

b) Les références de M. [I] et Madame [P]

Ils indiquent que l'offre de l'Établissement Public Paris Terres d'Envol est ridiculement basse et correspond au prix d'un petit appartement à [Localité 14].

Ils proposent la référence suivante :

vente du 23 octobre 2019 : 158, avenue [Adresse 16] à [Localité 14], trois appartements de 120m², trois locaux industriels et commerciaux de 288 m², terrain de 760 m², 1'550'000 euros soit 5 032 euros/m²U.

Ils indiquent que cette référence est d'autant plus justifiée que les deux immeubles sont situés à 190 m l'un de l'autre.

Le premier juge a retenu ce terme, quand bien même les références de publication, ni l'acte de vente ne sont produits, les données communiquées étant assez précises pour apprécier la consistance des biens.

Il ajoute qu'il retient ce terme quand bien même il ressort de l'acte de vente que l'acquéreur entend démolir le bien acquis, la cession ne portant pas sur un terrain à bâtir mais bien sur un bâtiment mixte, comparable au bien à évaluer, de sorte que la comparaison est pertinente.

L'Établissement Public Paris Terres d'Envol demande d'écarter ce terme en indiquant qu'un terrain à bâtir au sens de l'article L322-3 du code de l'expropriation peut-être nu ou encombré, et que dans cette seconde hypothèse, il importe de constater que la construction grevant le terrain, est manifestement vouée à la démolition ; qu'en l'espèce, cette vente en réalité a pour objet un terrain à bâtir (pièce n°14), que la société NAFILYAN & PATNERS avait le 22 décembre 2016 sollicité la délivrance d'un permis de démolir pour le compte de la venderesse, et que l'acte de vente prenait soin de préciser que « la mutation concerne

la vente d'un immeuble qui après démolition, se trouve en nature de terrain à bâtir tel que définis par l'article 257 I 21° du code général des impôts 'que dès lors aucun des diagnostics prévus par les articles L271-4 à L 276-6 du code de la construction et l'habitation n'a été établi comme indiqué dans l'acte ; que ce terrain est grevé d'une construction vouée à la démolition, en sorte que le prix a été fixé au regard de la valeur d'un terrain à bâtir et non d'un immeuble bâti '.

Au regard de l'acte de vente, la valeur de 5.032 euros/m² est établie au regard de la valeur d'un terrain à bâtir et non d'un immeuble bâti ; ce terme non comparable sera donc écarté.

M. [I] et Madame [P] invoquent ensuite une cession du 4 janvier 2022, [Adresse 8], un immeuble comportant des commerces en rez-de-chaussée ainsi que deux appartements à usage d'habitation en étage d'une superficie de 140 m², 700'000 euros, soit 5.429 euros/m².

Le premier juge a retenu ce terme quand bien même l'acte de vente n'a pas été encore été publié à ce jour, les documents communiqués par le commissaire du gouvernement attestant de l'effectivité de la vente et les références de publication sont produites, les données communiquées étant assez précises pour apprécier la consistance des biens.

L'Établissement Public Paris Terres d'Envol demande d'écarter ce terme en indiquant qu'il porte sur une vente dont les références de publication n'ont pas été communiquées ; qu'il a obtenu du service de publicité foncière la transmission des actes afférents aux termes de comparaison évoqués par le commissaire du gouvernement, à l'exception du numéro quatre, correspondant à ce terme, et que ce dernier n'a pas été publié au jour du jugement (pièces n° 12,12 bis) et que plus d'un an après la prétendue vente, celle-ci n'a pas été publiée ce qui interroge sur son effectivité.

Mr [I] et Madame [P] ne produisent pas les références de publication permettant d'accéder à l'acte de vente et de connaître les caractéristiques de la vente ; ils ne contestent pas en outre comme indiqué par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol que cette vente n'a pas été publiée au jour du jugement.

L'effectivité de cette vente n'est donc pas établie.

En conséquence, ce terme sera écarté.

Ils invoquent ensuite une estimation faite par l'agence immobilière « du côté de chez soi » à [Localité 11] du 4 octobre 2019 (pièce n° 18) pour la somme d'1 300'000 euros soit 8.476 euros/m².

Cependant, cette estimation immobilière qui ne correspond pas à une mutation effective sera écartée.

Ils font état ensuite du fait qu'au cours des derniers mois, plusieurs professionnels de l'immobilier ont proposé d'acquérir leur bien : la société groupe promotion le 25 octobre 2021 (pièce n° 25), la société Bouygues immobilier le 12 décembre 2019 (pièce n° 26), la société l'EPT immobilier le 5 septembre 2022 (pièce n° 27), la société Marignan le 14 octobre 2022 (pièce n° 28) et la société Sully Immobilier le 2 décembre 2022 (pièce n° 29).

Outre, qu'il ne s'agit que de lettres d'intention, celles-ci ne correspondant pas à des mutations effectives seront écartées.

Les références retenues par la cour correspondent à une moyenne de :

2 115+ 1 111+ 2 008+ 1 666= 7 500 euros/4= 1 875 euros/m² en valeur occupée.

Il n'y a donc pas lieu à abattement pour occupation, puisqu'il s'agit de valeurs occupées.

Les trois premiers termes correspondent à une valeur basse et le dernier terme à une valeur très basse.

Il convient en conséquence de privilégier le terme le plus élevé de 2 115 euros/m².

Le seul élément de moins-value tient au fait que le logement ne dispose d'aucun accès indépendant depuis la rue, et que les locataires doivent donc nécessairement emprunter l'entrée du local commercial pour parvenir à leur logement.

Il convient de prendre en compte les éléments de plus-value importants suivants :

'le bien exproprié dispose d'une cave et d'un espace extérieur important compte-tenu de l'activité exercée. Si la terrasse qui n'était pas aménagée au jour de l'expropriation ne doit pas être prise en compte, le bien était cependant déjà doté d'un espace extérieur, particulièrement recherché en milieu urbain notamment s'agissant d'un immeuble mixte avec une activité de restauration ;

'le bien bénéficie d'une excellente situation géographique en raison de sa localisation au c'ur de [Localité 14] en bordure de l'avenue [Adresse 16], avenue très passante et commerçante, favorable à la commercialité, qui n'est pas contestée par l'établissement public Paris Terres d'Envol même si celui-ci considère que le premier juge en a tenu compte de façon excessive ;

'le bien exproprié est dans un très bon état d'entretien.

Ces éléments de plus-value commandent de retenir une valeur double de la valeur la plus haute soit une valeur unitaire de : 2 115 euros X 2= 4 230 euros/m².

L'indemnité principale en valeur occupée est donc de :

125,05 m² X 4 230 euros/m²= 528'961,50 euros arrondis à 528'962 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros

15% entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros

10% sur le surplus soit : (528'962 - 15 000= 513'962 euros ) x 10% = 51'396,20 euros

soit un total de 53'896,20 euros arrondis à 53'897 euros.

2° sur l'indemnité de déménagement

M. [I] et Madame [P] indiquent qu'ils n'ont pas fait chiffrer leur déménagement par une entreprise spécialisée et qu'ils se réservent de compléter ultérieurement leur demande de ce chef par la production du devis d'une entreprise aménagement.

Cependant, ils ne formulent aucune demande de ce chef dans le dispositif de leurs conclusions ; la cour n'est donc en application de l'article 954 alinéa trois du code de procédure civile saisie d'aucune demande.

3° sur les frais de géomètre

Le premier juge a débouté l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol de sa demande à ce que les frais de géomètre qu'il a exposé d'un montant de 720 euros soient mis à la charge de M. [I] et de Madame [P].

L'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol demande l'infirmation en indiquant que postérieurement à la production de l'état des surfaces établies le 31 janvier 2022 par le cabinet ALTIUS, M. [I] et Madame [P] ont mandaté un technicien diagnostiqueur

qui a procédé le 9 mai 2022 à un nouveau mesurage ; que par conséquent, les frais de géomètre expert d'un montant de 720 euros vainement engagés seront mis à la charge des époux [I].

Cependant, le premier juge a exactement dit que s'agissant d'une procédure d'expropriation, il n'y a pas lieu faire peser sur les expropriés des frais de géomètre assumés par l'autorité expropriante ; ce d'autant qu'en l'espèce, les expropriés ont eux-mêmes fait établir un mesurage du bien exproprié.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

L'indemnité totale de dépossession due par l'Établissement Public Territorial Paris Terre d'Envol à M. [I] et Madame [P] en valeur occupée est donc de :

528'962 euros (indemnité principale)+ 53'897 euros (indemnité de remploi)=

582'859 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné l'établissement public Paris Terres d'Envol à payer à M. [I] et Madame [P] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter M. [I] et Madame [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de les condamner sur ce fondement à verser la somme de 2 000 euros à l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

M.[I] et Madame [P] perdant le procès seront condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris sur l'indemnité principale et l'indemnité de remploi ;

Fixe l'indemnité due par l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol à M. [C] [I] et Madame [S] [P] au titre de la dépossession du bien immobilier situé [Adresse 2]), sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19] à la somme de 582 859 euros se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 528'962 euros ;

'indemnité de remploi : 53'897 euros ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute M. [I] et Madame [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [I] et Madame [P] à verser la somme de 2 000 euros à l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol ;

Condamne M. [C] [I] et Madame [S] [P] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/16820
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.16820 ?
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