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02/05/2024 | FRANCE | N°22/07860

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 02 mai 2024, 22/07860


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07860 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFV2Y



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2022 - tribunal de commerce de Paris - 6ème chambre - RG n° 2020031407





APPELANTE



S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET :

552 120 222

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Julien Martinet, avocat au barreau de Paris, toque : T04, avocat plaida...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07860 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFV2Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2022 - tribunal de commerce de Paris - 6ème chambre - RG n° 2020031407

APPELANTE

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 552 120 222

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Julien Martinet, avocat au barreau de Paris, toque : T04, avocat plaidant

INTIMÉE

S.A.S. GREENSHIP GAS

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 529 241 879

agissant poursuites et diligences de son président domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Benjamin Moisan de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de Paris, toque : L34

Ayant pour avocat plaidant Me Amélie Carron de la SELEURL AMCA, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de la chambre

M. Vincent BRAUD, président

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Marc BAILLY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie Thomas

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La société Greenship Gas, au capital de 55 millions d'euros, fait partie des filiales du groupe Jaccar. Elle a pour activité l'affrètement de navires gaziers pour les besoins du groupe. Entre 2012 et 2016, Greenship Gas a fait appel à un pool bancaire, dont faisait partie la Société Générale, afin de financer l'acquisition de 22 navires gaziers.

Le montage envisagé consistait, pour la majorité des financement, en la création de SNC individuelles pour l'acquisition de chaque navire (soutenue par la souscription d'un prêt), pour ensuite louer chacun des navires à Greenship Gas via des contrats de crédit-bail, s'inscrivant notamment dans le cadre du régime fiscal de faveur du « French Tax Leasing » institué par l'article 39 C du CGI, en application duquel l'amortissement d'un bien meuble corporel mis en location, tel un navire, peut être déduit du résultat imposable d'une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes. La société d'exploitation, preneur à bail, dispose alors d'une option d'achat soit du navire, soit des parts de la SNC propriétaire du navire.

Le 13 juin 2012, Greenship Gas a conclu un contrat de crédit-bail, avec option d'achat du navire ou des parts de la SNC propriétaire, avec la SNC Comino, qui a été créée par les sociétés Calif et Air Bail, filiales de la Société Générale, pour acquérir grâce au financement mis en place un navire en construction nommé « JS Greenstar » de 12.000 m3 pour le transport d'éthylène liquéfié.

En 2016, Jaccar Holdings SA a constaté une perte nette consolidée de 305,1 M€ ce qui a conduit à la survenance de nombreux cas de défaut de Jaccar Holdings ou de certaines de ses filiales ou sous-filiales, dont Greenship Gas, laquelle a alors souhaité renégocier ses accords de financement. Le 30 mars 2017, un accord intitulé « Framework Agreement » a été signé entre le groupe Jaccar et l'ensemble des banques prêteuses, résultat de la renégociation de la dette bancaire du groupe. Aux termes de cet accord, les partenaires financiers de Greenship Gas ont accepté le décalage de certains paiements, la suspension de cas de défaut, l'extension des périodes d'exercice des options d'achat de trois navires, la mise en place d'une ligne de crédit supplémentaire de 5 millions de dollars américain. En contrepartie, Greenship Gas s'engageait à une gestion prudente de sa flotte et une utilisation de ses fonds exclusivement pour ses besoins de financement. En infraction avec les accords passés, Greenship Gas a payé début 2018, la somme de 6,1 millions de dollars américain deux entités hors Groupe : Mortimer et JHW (respectivement sous-holding et sous-sous-holding de Jaccar Holdings), afin de permettre la livraison d'un autre navire de type VLEC et la poursuite de la construction d'un deuxième navire de même type. En raison de cette situation de défaut, résultant notamment de ce paiement non conforme aux accords, Greenship Gas a perdu le bénéfice des options d'achat des parts des SNC ainsi que l'avantage fiscal potentiel correspondant à chacune des opérations de « Tax Lease » arrangées par la Société Générale.

Greenship Gas a sollicité une nouvelle restructuration de sa dette afin d'éviter la cessation de paiement pour ses échéances de remboursement de fin d'année. Les prêteurs ont consenti à cette restructuration par une « consent letters » du 20 décembre 2018 en permettant entre autres à Greenship Gas d'exercer les options d'achat des parts de SNC afin qu'elle puisse vendre aux acheteurs finaux la flotte de navire de type LEG et en appréhender le plein produit des ventes. Ces « consent letters » conditionnaient l'exercice de ces options d'achats notamment au transfert des sommes présentes au crédit de tous les comptes de dépôts 'scaux des SNC au jour de la cession soient transférés (déduction faite de certaines sommes) sur leurs Excess Proceeds Accounts, dont les conditions de fonctionnement étaient prévues aux articles 5.2 et 5.3 des « Consents Letters » et 3.2 de « l'Excess Proceeds Accounts Pledge Agreement ».

Lors de cette renégociation, l'existence d'un possible litige fiscal de 1 million d'euros concernant la SNC Comino a été évoquée.

Greenship Gas a racheté 11 SNC dont la SNC Comino le 1er janvier 2019, l'économie de l'opération ayant été amputée d'1 million d'euros au titre de ce litige fiscal comme cela résulte des réponses successives apportées par la banque aux demandes successives de précisions de Greenship Gas.

Par un courrier du 1er août 2019, l'administration fiscale a informé la SNC Comino de l'abandon des rectifications. Greenship Gas a sollicité, par deux courriers des 1er octobre et 26 décembre 2019, le paiement à son profit de la somme d'un million d'euros retenue par la banque. Par courrier du 30 janvier 2020, la Société Générale a refusé d'y faire droit.

Par exploit d'huissier du 6 août 2020, la SAS Greenship Gas a fait assigner la SA Société Générale devant le tribunal de commerce de Paris afin de la voir condamner au paiement d'une somme d'1 million d'euros.

Par un jugement contradictoire du 7 avril 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la SA Société Générale à payer la somme de 1 000 000 euros à la SAS Greenship Gas, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 août 2020,

-débouté la SA Société Générale de ses demandes,

-condamné la SA Société Générale à payer à la SAS Greenship Gas 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 21 avril 2022, la Société Générale a interjeté appel de cette décision contre la SAS Greenship Gas

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024 la Société Générale fait valoir :

sur la charge de la preuve, qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de prouver son existence et à celui qui se prétend créancier de fournir tous éléments d'appréciation de l'existence et de la consistance de sa créance. Or Greenship Gas soutient que la somme litigieuse devait « logiquement » lui revenir en sa qualité de cessionnaire de la SNC Comino du fait de l'abandon par l'administration fiscale, le 1er août 2019 des propositions de rectification. Or la SNC Comino a été acquise par Greenship Gas au 1er janvier 2019, date à laquelle la somme en litige ne figurait plus dans son patrimoine et qu'elle n'a donc pas pu acquérir de droit sur cette somme que la SNC ne possédait plus. L'affirmation selon laquelle Greenship Gas n'a pas évoqué le sort de cette somme avant l'abandon des poursuites pour ne pas compromettre les négociations en cours n'établit pas la preuve des droits de Greenship Gas mais démontre sa connaissance de la situation au moment des négociations et donc préalablement à l'acte de cession du 1er janvier 2019, qu'elle a pourtant signé sans réserve. Le schéma de placement retenu par le tribunal de commerce n'est pas celui retenu par les parties, les actes préalables, concomitants et postérieurs à la cession ne venant aucunement prouver une intention conjointe dans le sens de ce schéma. La Société Générale n'aurait jamais accepté l'accord dans des termes différents de ceux qui ont été signés, étant donné qu'elle a pris intégralement à sa charge le suivi et le coût de la procédure précontentieuse face à l'administration fiscale. Greenship Gas n'apporte pas la preuve d'un droit sur le million qu'elle réclame,

sur la responsabilité contractuelle, qu'elle a respecté ses obligations contractuelles car rien dans le contrat de cession du 1er janvier 2019, ou dans les actes signés entre les parties à cette occasion, ne concerne le sort de la somme de 1 000 000 euros liée au litige avec l'administration fiscale résultant de la proposition de rectification de 2017, puisqu'à cette date du 1er janvier 2019, la SNC Comino avait déjà réduit son capital selon l'assemblée générale du 20 décembre 2018 et fait remonter ladite somme vers le groupe Société Générale. L'accord de principe du 20 décembre 2018, préalable à la cession, prévoit, à son article 3.1(b), que les « dépôts fiscaux » (Excess Tax Deposits) devant être transférés sur un compte bloqué tenu par Société Générale, sont ceux dans le patrimoine de la SNC Comino « on the Effective Date », c'est-à-dire au 1er janvier 2019 et non au 20 décembre 2018, ce que confirmera le contrat de nantissement du 1er janvier 2019. Ce même article stipule que ces dépôts fiscaux seront réduits, avant d'être transférés sur le compte bloqué, de divers montant, destinés à rembourser les crédits des banques et à couvrir des frais, mais la somme de 1 000 000 euros n'avait pas vocation à être déduite à ce stade du calcul, pour l'avoir déjà été en amont, lors de la réduction de capital du 20 décembre 2018, avant la signature de l'acte de cession et avant les déductions à opérer à partir des éléments du patrimoine de la SNC au jour de la cession. La réduction de capital de la SNC Comino à été décidée lors de l'assemblée générale du 20 décembre 2018, en amont de la cession, c'est-à-dire avant que Greenship Gas ne soit associé de la SNC. La Société Générale a donc exécuté les dispositions de l'article 3.1 de la Consent Letter et Greenship Gas a bien reçu le montant prévu au contrat et anticipé par PWC,

sur le séquestre, que le contrat est la loi des parties et le juge ne peut en interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation. Or en l'espèce, le tribunal de commerce a dénaturé le contrat en faisant comme si les parties étaient convenues de mettre sous séquestre la somme d'un million d'euros en prévoyant de la restituer à Greenship Gas pour le cas où le litige fiscal ne se réalise pas, alors que cela ne figure ni dans le contrat, ni dans aucune discussion préalable ou concomitante à sa signature. Ce faisant, le tribunal de commerce a méconnu la loi des parties par laquelle ces dernières avaient décidé d'affecter définitivement à Société Générale, et non à Greenship Gas, la charge du litige fiscal et le risque attaché, que ce dernier se réalise ou non.

Sur l'enrichissement sans cause, qu'il n'y a pas d'enrichissement sans cause. De plus, les premiers juges ont ainsi statué ultra petita puisque l'argument n'était pas soulevé par Greenship Gas, qui fondait exclusivement ses prétentions sur le terrain des responsabilités contractuelle et délictuelle, mais l'action serait en tout état de cause, tant irrecevable qu'infondée. Cette demande est irrecevable car selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur» et qu'il est de principe qu'elle ne peut être admise « pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter (') parce qu'il ne peut apporter les preuves qu'elle exige ou par suite de tout autre obstacle de droit ». Cela fait donc obstacle à ce que l'action puisse être intentée avec une action contractuelle et délictuelle comme le fait ici Greenship Gas. De même cette demande est infondée car elle suppose la démonstration d'un enrichissement injustifié et de sa corrélation avec l'appauvrissement concomitant du demandeur, ce qui fait obstacle là encore, selon la jurisprudence, à ce que l'acquéreur puisse réclamer une indemnité pour un appauvrissement du bien acquis avant qu'il en ait été propriétaire. Or en l'espèce, la somme d'un million d'euros est bien sortie du patrimoine de la SNC COMINO antérieurement à son acquisition par GREENSHIP GAS qui n'a donc subi aucun appauvrissement et qui n'a pas qualité à agir sur ce fondement. Au surplus, Greenship Gas n'as pas subi d'appauvrissement en acquérant les parts de la SNC COMINO, puisqu'elle les a payées 1.000 €, et est ainsi devenue propriétaire d'une société disposant d'un dépôt de 3.882.105,55 € et d'un navire « GREENSTAR » qu'elle revendra 25 millions d'euros (pour une dette bancaire d'environ 20 millions), alors même qu'elle avait perdu l'option d'achat de la SNC compte tenu de ses précédents manquements contractuels. La Société Générale ne s'est pas enrichie sans cause puisque c'est elle, à l'occasion de la cession, qui a porté intégralement le risque et le coût de la procédure fiscale en sortant du périmètre de l'intégration fiscale, risque qui n'était pas dénoué au jour de la cession du 1er janvier 2019 puisque l'avis d'abandon de poursuite n'interviendra qu'en août 2019, donc bien après la cession. A titre subsidiaire, l'appauvrissement dénoncé par GREENSHIP GAS procède de toutes façons des fautes de cette dernière et justifierait, en application de l'article 1303-2 alinéa 2 du code civil, de réduire à 0 le montant de l'indemnité réclamée,

à titre subsidiaire, sur la responsabilité délictuelle, qu'elle n'a commis aucune faute délictuelle En effet le risque fiscal pesait sur Société Générale car ensuite de l'exercice par GREENSHIP GAS des options d'achat des parts des SNC (dont Comino), évènement qui a fait naître le risque chez Société Générale de devoir s'acquitter d'une surcharge d'impôt d'un peu plus d'un million d'euros, outre les coûts de suivi de la procédure. La provision fiscale de 1 000 000 d'euros a été constituée dans les livres de Société Générale, qui portait le risque de la sortie de ressource au 31 décembre 2018 et que par l'assemblée générale du 20 décembre 2018, cette somme a été remontée au niveau du groupe Société Générale par le biais de la réduction de capital. De plus Greenship Gas avait connaissance de cette remontée du million d'euros, puisque tous les rapports de PWC mentionnent la remontée de cette somme, et la preuve est apportée que Greenship Gas a bien eu ces rapports. L'actionnaire de Greenship Gas en a tenu compte dans son plan GG 2.0 du 20 novembre 2018. Greenship Gas a ensuite signé l'acte de cession du 1er janvier 2019 qui mentionne que la SNC Comino objet de l'acquisition, a un capital social réduit à 6.056.378,27 €, de sorte qu'elle n'a pas été trompée sur la qualité de la société qu'elle acquérait. L'allégation d'une tromperie est d'autant plus artificielle que Greenship Gas a exposé dans ses propres écritures en première instance, qu'elle n'a pas voulu, jusqu'à ce que l'administration fiscale abandonne les poursuites, évoquer le sort de la somme de 1M€ afin « de ne pas compromettre les négociations en cours ». Greenship Gas avait donc connaissance de la somme remontée chez Société Générale au moment des négociations et donc préalablement à l'acte de cession du 1er janvier 2019. Il lui appartenait de dire, si son souhait était que la somme soit mise en séquestre afin d'être remise soit à Société Générale soit à elle en fonction de l'issue de la procédure de redressement en cours, ou d'exiger une garantie de passif et d'actif, et de le faire valoir. En ne faisant aucune réserve et en signant l'acte de cession du 1er janvier 2019 en connaissance de cause, elle a nécessairement renoncé à élever toute prétention et couvert de ce fait toute irrégularité affectant son consentement.

sur la procédure abusive, que Greenship Gas est de mauvaise foi et n'hésite pas à procéder par voie d'affirmations mensongères pour tromper le tribunal et chercher en justice un paiement que rien ne justifie. Elle a agit avec mauvaise foi et une légèreté blâmable, justifiant une condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive, de sorte qu'elle demande à la cour de :

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Société Générale à payer à la société Greenship Gas la somme de 1 000 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 6 août 2020, 15 000 euros d'article 700 et les dépens et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.

Statuant à nouveau,

-Débouter Greenship Gas de l'ensemble de ses demandes notamment formées au titre de l'article 700 du CPC fins, conclusions et appel incident.

-A titre subsidiaire, fixer le montant de l'indemnité de l'enrichissement sans cause à 0 [zéro] euro.

En tout état de cause,

-Débouter Greenship Gas de l'ensemble de ses demandes notamment formées au titre de l'article 700 du CPC fins, conclusions et appel incident

-Condamner la société Greenship Gas à payer à Société Générale la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2024, la SAS Green Gas au visa des articles s 1112, 1112-1, 1217, 1231-1, 1240, 1302, 1303 et suivants du Code civil, fait valoir :

que conformément à l'article 1104 du Code civil, « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public. ». Or selon l'article 3.1 (b) de la Consent Letter du 20 décembre 2018, qui concerne la SNC Comino, prévoit le transfert, à la date du 1er janvier 2019, sur des comptes bloqués (les « Excess ProceedsAccounts ») ouverts au nom de Greenship dans les livres de la Société Générale, d'un montant égal à l'ensemble des déficits fiscaux réinvestis par la banque depuis 2012 et portés au crédit du compte de dépôt de la SNC Comino. Cet article stipule également que certaines sommes seront déduites par la banque des déficits fiscaux transférés sur les comptes de dépôt. Ces sommes à déduire concernaient les prêts consentis par le pool bancaire, ainsi qu'un certain nombre de frais. A la date la cession des titres de la SNC Comino, soit le 1er janvier 2019, Greenship n'avait connaissance ni du montant définitif qui serait transféré en exécution de l'article susvisé, ni du détail des sommes ayant été déduites. Ce n'est que le 8 janvier 2019, à la lecture du mail adressé par la Société Générale à Greenship Gas, qu'elle a appris que la banque avait déduit la somme de 1 million d'euros au titre du contrôle fiscal sur la SNC Comino par voie de réduction de capital. Et ce n'est que plus tard, que Greenship Gas a appris que la banque avait demandé à PwC, sans l'en informer, de modifier le rapport d'audit pour y modéliser la déduction d'un million d'euros, au motif qu'elle souhaitait « garder 1MEUR sur le dépôt de la SNC [Comino] avant cession ». Or, aucune stipulation contractuelle n'autorisait la Société Générale à procéder à une telle déduction. Si les parties avaient entendu s'accorder sur la déduction d'une quelconque somme au titre du litige fiscal sur la SNC Comino, nul doute qu'elles l'auraient expressément stipulé. La Société Générale a déduit la somme d'1 million d'euros des déficits fiscaux, alors même que ces déficits fiscaux devaient revenir à Greenship dans leur intégralité. Il en résulte que la Société Générale a commis une faute contractuelle en déduisant 1 000 000 d'euros au détriment de la société Greenship. Greenship devait toucher la totalité du solde des déficits fiscaux réinvestis par la banque depuis 2012, et non pas la totalité moins un million d'euros. La Société Générale a opéré la déduction quelques jours en amont du débouclage de l'opération, à un moment où elle était seule décisionnaire et pouvait donc laisser Greenship dans l'ignorance de ses agissements. Or, seules les sommes expressément listées à l'article 3.1. (b) de la Consent Letter pouvaient être déduites par la banque. Sinon, cela signifie que la banque aurait pu retirer la totalité du solde des déficits fiscaux ' moins les sommes qui lui étaient contractuellement dues ' portés au crédit du compte de dépôt la veille du 1er janvier 2019 et soutenir ensuite qu'elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles en procédant au transfert du reliquat. En tout état de cause, la Société Générale a exécuté les termes de la Consent Letter de mauvaise foi, et donc en contrariété avec les dispositions de l'article 1104 du Code civil.

qu'il revenait à la Société Générale de négocier avec Greenship la mise en place d'une garantie d'actif et de passif ou d'un séquestre, comme il est habituel en la matière, et non pas de ponctionner un million d'euros sur le compte de dépôt de la SNC Comino puisque l'existence du risque, à le supposer avéré, ne lui donnait aucun « droit » de conserver le million litigieux. La logique voudrait alors qu'elle restitue la somme d'un million d'euros puisque le contrôle fiscal a été abandonné et que le risque a disparu, comme l'a analysé le tribunal de commerce.

que le tribunal n'a pas jugé ultra petita car il s'est prononcé sur l'intégralité des demandes qui étaient formulées par les parties dans leurs écritures ' ni plus, ni moins ' et notamment sur la demande de paiement de la somme d'1 000 000 d'euros formulée par Greenship, à laquelle il a fait droit en totalité, et en toute hypothèse, le juge a toujours la faculté de changer le fondement juridique de la demande formulée par les parties, conformément aux termes de l'article 12 du code de procédure civile. Par ailleurs, l'enrichissement sans cause est caractérisé car conformément à l'article 1303 du code civil, l'enrichissement sans cause suppose de démontrer, l'enrichissement d'une partie, l'appauvrissement de l'autre partie et le lien de causalité entre ces deux éléments. A l'inverse, le mécanisme de l'enrichissement sans cause sera écarté s'il existe une cause juridique de l'enrichissement, si l'appauvri a poursuivi un intérêt personnel ou s'il a commis une faute, ou encore si l'appauvri dispose d'une autre action qui lui est encore ouverte ou qui se heurte à un obstacle de droit. Or en l'espèce, Greenship Gas a subi un appauvrissement puisqu'elle a « acquis une société qui aurait dû être plus riche de 1 000 000 d'euros et qu'elle se trouve ainsi avoir été spoliée in fine de 1 000 000 d'euros », le manque à gagner étant une forme d'appauvrissement. La Société Générale s'est enrichie d'1 000 000 d'euros puisqu'elle a prélevé cette somme sur le patrimoine de la SNC Comino et qu'elle se l'est « attribuée indûment » selon les termes du jugement, d'autant que le risque fiscal qu'elle invoquait pour justifier ce prélèvement ne s'est pas concrétisé. Enfin l'appauvrissement de Greenship et l'enrichissement de la Société Générale sont liés, puisqu'ils représentent le double aspect d'une même opération. La défense de la Société Générale invoquant le principe de subsidiarité de l'article 1303-3 n'est pas fondée car si le tribunal a écarté les deux autres fondements proposés par Greenship et a décidé de retenir celui de l'enrichissement sans cause, c'est qu'il a considéré que l'action de Greenship ne pouvait pas être exercée sur l'un de ces deux autres fondements. Il ne s'agit donc pas d'actions que l'intimée aurait négligé d'exercer ou qui se heurteraient à un obstacle de droit. De plus les jurisprudences invoquées ne sont pas transposables en l'espèce. De plus, contrairement à ce que soutient la Société Générale, il n'y a pas de critère de la concomitance et les jurisprudences citées ne traitent pas de la question de la concomitance mais de la caractérisation de l'enrichissement. Enfin, il ne s'agit pas de déterminer si le rachat par Greenship de la SNC Comino a été une bonne ou une mauvaise opération financière globale pour le vendeur et l'acquéreur, mais de déterminer si le prélèvement par la Société Générale de la somme d'1 million d'euros au moment du rachat de la SNC Comino constitue un enrichissement sans cause. La Société Générale ne précise pas quelle faute aurait été commises par Greenship Gas qui justifieraient une telle modération et demande la suppression de l'indemnité alors que la loi ne prévoit qu'une faculté de modération.

que les articles 1112 et 1112-1 du code civil imposent une exigence de bonne foi dans le cadre précontractuel ainsi qu'une obligation d'information à la charge de celui qui détient une information déterminante du consentement de son cocontractant. La partie qui ne respecte pas cette exigence de bonne foi ou cette obligation d'information engage sa responsabilité et s'expose au paiement de dommages et intérêts. En l'espèce, les fautes de la Société Générale s'apparentent à des man'uvres délibérées visant, de mauvaise foi, à tromper Greenship au moment de l'exercice de l'option d'achat des titres de la SNC Comino en lui dissimulant certaines informations déterminantes tel que les détails du contrôle fiscal qui était en cours sur SNC Comino. Or, elle ne pouvait pas ignorer qu'il s'agissait là d'une information déterminante dont il convenait d'informer Greenship en détails, a fortiori puisque la banque avait décidé, unilatéralement et sans l'en informer, de prélever la somme d'1 000 000 d'euros sur le compte de dépôt de la SNC en invoquant l'existence de ce litige fiscal. La Société Générale était bien consciente qu'elle commettait une faute, puisqu'elle a demandé à PwC de modéliser la déduction du million dans un mail du 5 novembre 2018 dont Greenship n'était pas destinataire. S'il n'est pas contesté que la banque a mentionné l'existence d'un contrôle fiscal sur la SNC Comino auprès de Greenship, cette mention ne suffit pas pour s'accorder le droit de retenir cette somme. Au demeurant, ce mail ne comporte aucune précision sur le contenu ou le périmètre du contrôle fiscal, il a été adressé à Mme [E], qui n'était à cette époque ni dirigeante de Greenship, ni même directement impliquée dans les négociations en cours, et il avait uniquement pour but de solliciter l'aval de Greenship sur l'intervention d'un tiers dans le cadre du contrôle. De plus, la banque a procédé à la réduction de capital le 20 décembre 2018, jour de la signature de la Consent Letter et avant l'exercice par Greenship de l'option d'achat. La banque savait que Greenship ignorait à cette date l'existence de la déduction de la somme d'un million d'euros, puisque cette déduction ne figurait pas dans les termes de la Consent Letter et n'a été révélée que postérieurement au débouclage de l'opération. Or cette réduction de capital constituait une information déterminante qui aurait dû être communiquée à Greenship avant le débouclage de l'opération et non a posteriori. La Société Général a habillé juridiquement cette amputation en formalisant un avenant au contrat de dépôt conclu avec la SNC Comino, daté du 20 décembre 2018, permettant de contractualiser le retrait de la somme d'un million d'euros. Greenship n'étant pas partie à ce contrat, elle ne pouvait pas se douter que les dépôts fiscaux qui devaient lui revenir avaient été réduits à hauteur d'un million d'euros et en passant une provision comptable en date du 31 décembre 2018 d'un million d'euros, soit la veille de la cession, alors même que le risque fiscal ne pesait pas sur la banque. Au demeurant, à supposer que le risque pesait sur la banque, celui-ci aurait pu et dû être provisionné avant cette date. Enfin, la Société Générale a attendu que l'ensemble de la documentation contractuelle soit signé par les parties le 1er janvier 2019 pour révéler à Greenship le 8 janvier 2019, le montant des sommes transférées par elle sur les Excess ProceedsAccounts ; en réponses aux demandes de Greenship, l'opération de réduction de capital opérée sur la SNC Comino et dans le cadre de cet instance, l'existence de l'avenant au contrat de dépôt ainsi que la provision comptable passée au 31 décembre 2018. L'invocation par la Société Générale d'un prétendu « risque fiscal » dont elle aurait voulu se prémunir et qui aurait justifié la retenue de la somme d'un million d'euros est artificiel car à supposer même que la Société Générale ait véritablement souhaité se prémunir d'un risque fiscal avéré : il lui revenait alors de négocier avec Greenship la mise en place d'une garantie d'actif et de passif ou d'un séquestre, comme il est habituel en la matière, et non pas de ponctionner un million d'euros sur le compte de dépôt de la SNC Comino et la logique voudrait alors qu'elle restitue la somme d'un million d'euros puisque le contrôle fiscal a été abandonné et que le risque a disparu. De plus conformément aux stipulations de l'article 3.5 de l'option d'achat, tous les risques fiscaux pesant sur la SNC Comino ou sur ses actionnaires étaient supportés par Greenship et par sa maison mère. En outre la provision pour risque a été passé le 31 décembre 2018 alors que le principe de prudence comptable implique d'anticiper toute perte probable, dès que cette perte est envisagée. Or la proposition de rectification a été reçue par la banque en juillet 2017. Contrairement aux affirmations de la Société Générale, le risque fiscal n'est pas né au moment de la signature de la Consent Letter puisque la SNC avait de toute façon vocation à sortir de l'intégration fiscale, de sorte que le risque était prévisible avant le 20 décembre 2018. La banque aurait dû provisionner le risque fiscal dès la réception de la proposition de rectification en 2017. Si la banque avait véritablement craint une perte probable du fait du litige fiscal, elle aurait passé cette provision dès le 31 décembre 2017. Au demeurant, ce montant avait été évalué par la banque seule, sans aucune consultation de son cocontractant et sans même demander à PwC ou à un tiers d'apprécier le bien-fondé du montant. La proposition de rectification de juillet 2017 n'a même pas été transmise à Greenship ou à PwC. En outre Greenship n'avait pas connaissance de la retenue dans ses modalités précises. Elle n'a pas nécessairement été destinataire des rapports élaborés par PwC. De plus les documents antérieurs au 1er janvier 2019 ne constituent que des documents de travail intermédiaires, destinés à faire avancer les discussions entre les parties. A aucun moment, la banque n'informe qu'elle va procéder, par voie de réduction de capital, à la déduction de la somme d'un million d'euros. Dans un tel cas, il aurait fallu qu'elle recueille l'accord exprès de Greenship. La présence à la réunion du 6 novembre 2018, à la supposer vérifiée ne permet pas de déduire l'information et encore moins le consentement d'une partie à une stipulation aussi importante. Le document transmis par PwC du 9 novembre 2018 ne fait mention que de l'existence d'un risque fiscal, évalué par la Société Générale et n'ayant fait l'objet d'aucune appréciation de la part de PwC ou d'un tiers. Le mémorandum produit par l'actionnaire de Greenship n'avait vocation qu'à synthétiser les « propositions en cours d'élaboration par Société Générale », mais il n'est pas fait mention d'un quelconque accord de Greenship ou de sa position. De plus ce mémorandum n'est ni daté, ni signé, et ne comporte aucune indication quant à ses auteurs ou à ses destinataires, de sorte qu'il ne saurait être retenu comme élément probatoire. Enfin, l'argument selon lequel la seule mention du capital social de la SNC Comino indiqué sur le contrat de cession du 1er janvier 2019 aurait dû permettre à Greenship de deviner que la banque avait procédé à la déduction du million par voie de réduction de capital est inepte et spécieux,

que ses demandes sont légitimes et fondées et en tout état de cause, la jurisprudence indique régulièrement que l'échec de l'exercice d'une voie de droit ne saurait être considéré comme abusif, de sorte qu'elle demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 7 avril 2022 ;

En conséquence et y ajoutant :

-débouter la Société Générale de ses demandes ;

-condamner la Société Générale à verser à Greenship Gas la somme supplémentaire de 20 000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-condamner la Société Générale aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Baechlin Moisan.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.

MOTIFS

Il résulte des explications des parties et des pièces produites :

- qu'en 2012 et 2016 la société Greenship Gas, faisant partie de la holding Jaccar Holding SA, exerçant dans le transport maritime, a fait appel au financement d'un pool bancaire au rang duquel figure la Société Générale pour le financement de l'acquisition de 22 navires gaziers,

- qu'il est constant que le modèle général des relations contractuelles, formalisées initialement par plusieurs contrats du 13 juin 2012, repose en partie sur l'avantage fiscal prévu à l'article 39 C du code général des impôts permettant de déduire l'amortissement du bien meuble mis en location du résultat imposable de la société exploitante,

- que, s'agissant de l'opération litigieuse plus particulièrement, il était prévu l'acquisition du navire de transport d'éthylène liquéfié Greenstar par une société en nom collectif SNC Comino - détenue par deux filiales de la Société Générale, les sociétés Calif et Air Bail - qui donnait à bail le navire à la société Greenship Gas, laquelle disposait ensuite d'une option d'achat des parts de la SNC Comino sous certaines conditions prévues,

- que, outre les contrats d'affrètement par voie de crédit bail et d'option d'achat de la Snc Comino, était conclu, également le 13 juin 2012, un contrat de dépôt dans les livres de la Société Générale d'un compte de la Snc Comino qui devait être contractuellement abondé annuellement par la Société Générale par des sommes correspondant à une partie des avantages fiscaux réinvestis par la Société Générale, les 'Excess Tax Deposit' ou 'Dépôts d'Impôts excédentaires', les montants annuels successifs de ces dépôts sur le compte de la Snc Comino ayant été modifiés par avenant n°1 entre elle et la Société Générale du 26 juin 2013.

Il est ensuite constant que la société Greenship Gas s'est retrouvée en difficultés financières et en défaut au regard de ses obligations contractuelles (défauts de Jaccar Holding et de Greenship Gas listés en annexe 7 de l'Accord Cadre du 30 mars 2017 ).

Toutefois, un accord cadre a été conclu entre les parties le 30 mars 2017 prévoyant la renégociation des financements existants et d'éviter les conséquences des défauts constatés auxquels les banques ont accepté de renoncer.

La société Greenship Gas expose que des difficultés persistantes l'ont conduite à élaborer un business plan destiné à financer l'acquisition d'autres navires(very large ethane carrier)plus grand et à l'exploitation plus rentable, ce qui exigeait toutefois de pouvoir lever l'option d'achat des navires précédemment financés dont celui litigieux aux fins de les revendre.

La Société Générale expose que, dans cette optique, la société Greenship Gas a mandaté la société Price Waterhouse Cooper aux fins d'élaborer ce business plan et d'auditer cette piste de restructuration qui va permettre à la société Greenship Gas d'exercer son option en rachetant les parts de la Snc Comino aux fins de revendre le navire Greenstar.

Mais, avant d'examiner les modalités de cette levée d'option d'achat, il doit être précisé que la SNC Comino a fait antérieurement l'objet d'un litige fiscal tenant à l'éventuel caractère fictif de la facturation d'une 'garantie fiscale' qui lui a été faite par la Société Générale dont la déductibilité a été contestée.

La Société Générale expose que l'administration fiscale lui a notifié une amende de 39 000 euros au titre d'une qualification de subvention intragroupe le 19 juillet 2017 mais que le coût devait passer, en cas de cession de la Snc Comino, à une somme de 1 005 124 euros et qu'elle a donc provisionné cette somme dans ses livres au 31 décembre 2018.

Mais, ce risque de rehaussement fiscal ne s'est toutefois pas réalisé et a cessé avec l'avis défavorable à la qualification d'acte anormal de gestion rendu par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire le 9 avril 2019, l'abandon des poursuites étant notifié à la Snc Comino le 1er août 2019.

A la suite de l'élaboration du business plan de la société Greenship Gas, a été conclu, sous la coordination de la Société Générale, partie à l'acte en qualité 'd'investisseur fiscal, d'emprunteur principal, de banque de dépôt, de banque de couverture de dépôt, d'agent de crédit et d'agent de sûreté', notamment entre la Snc Comino et la société Greenship Gas en présence de Jaccar Holding en qualité de garant une 'consent letter' ou 'lettre d'accord' datée du 20 décembre 2018 prévoyant la levée de l'option d'achat de la Snc Comino par la société Greenship Gas, affreteur, et ce, à effet du 1er janvier 2019.

Les 'conditions supplémentaires à l'exercice de l'option d'achat de la Snc le 1er janvier 2019" stipulaient, outre la satisfaction d'obligations administratives' à son article 3.1 b) 'le transfert à la Date d'Effet au crédit des comptes bloqués (Un en EUR et un en USD) ouvert au nom de l'Affreteur dans les livres de la Société Générale (les 'Comptes de Produits Excédentaires') d'un montant (les 'Dépôts d'Impôts Excédentaires') égal au total des sommes figurant à la date d'effet au crédit de tous les Comptes de Dépôt (tel que ce terme est défini dans les Crédits-Baux GEL SOCIÉTÉ GÉNÉRALE/SCB/CEXIM), après déduction de toutes les sommes nécessaires au remboursement' (...) 'des montants différés des crédits baux et intérêts, des sommes dues au titre du crédit hypothécaire, des frais coûts et dépenses 'visés au paragraphe 8(d) de l'Annexe 1 (conditions suspensives)' en prévoyant que tous les paiements et dépenses seront effectués à la date d'effet, mandat étant donné à la banque à cet effet.

Pour l'exécution de cette lettre d'accord, par acte en date du 1er janvier 2019, les filiales de la Société Générale, Calif et Air Bail, ont cédé, pour la somme de 1 000 euros, les 100 parts qu'elles détenaient dans la Snc Comino dont l'acte indique que le capital social était de 6 056 378,27 euros.

Interrogée ultérieurement sur la somme figurant au compte bloqué de la Snc Comino, la Société Générale a répondu, par courriel du 8 janvier 2019, qu'il avait été procédé à une réduction de capital social et que : 'en ce qui concerne la ventilation des 7 012 282,85 EUR de réduction de capital, 6 012 285,85 EUR correspondaient à la différence entre les prêts Juniors et leurs dépôts fiscaux et 1 000 000 EUR servaient à couvrir le litige fiscal sur Comino', ce qui ressort, en effet, du procès-verbal de l'assemblée générale de la Snc du 20 décembre 2018 qui rappelle les apports successifs en capital intervenus annuellement dont il n'est pas contesté qu'il proviennent du réinvestissement par la Société Générale d'une part des 'Dépôts d'Impôts Excédentaires' et qui expose qu'il est procédé à une réduction de capital 'par voie de remboursement aux Associés' c'est à dire les filiales de la Société Générale Air Bail et Calif.

La Société Générale expose que la société Greenship Gas était informée de longue date, notamment par les rapports de la Price Waterhouse Cooper le mentionnant, de l'attribution de cette provision pour litige fiscal tandis que la société Greenship Gas fait valoir que cette décision résulte d'un courriel envoyé par la Société Générale à l'auditeur le 5 novembre 2018 (ainsi rédigé 'Compte tenu du contrôle fiscal actuellement en cours sur COMINO et dont l'issue est incertaine, nous souhaiterions garder 1MEUR sur le dépôt de la SNC avant cession') mais qu'elle n'a jamais fait l'objet d'un accord de sa part.

Si l'article 1103 du code civil relatif à l'enrichissement injustifié prévoit notamment que 'celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement', son article 1303-3 prévoit que 'l'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription', de sorte que ce fondement juridique étant subsidiaire et comme tel tributaire du sort d'une autre action éventuelle et les parties étant, en l'espèce, dans des liens contractuels, il y a d'abord lieu d'examiner ces liens et les conséquences de la force obligatoire des contrats.

L'article 1193 du code civil dispose que 'les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise' et son article 1217 prévoit notamment que 'la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut (...) demander réparation des conséquences de l'inexécution'.

Ainsi que le fait valoir la Société Générale elle-même et comme l'a retenu le tribunal, il n'existe aucune stipulation expresse sur l'imputation d'une provision d'un million d'euros correspondant au litige fiscal en cours au moment de la transaction.

Comme l'a exposé le tribunal, outre les articles 3 tels que rapportés ci-dessus, les articles 5.1 à 5.3 de la lettre d'accord du 20 novembre 2018 prévoient, pour l'article 5.1 que 'conformément aux stipulation de la Convention de nantissement de Comptes et de Dépôt de Produits Excédentaires, les Comptes de Produits Excédentaires sont des comptes bloqués et aucun retrait, et plus généralement aucune opération ne pourront être effectués au débit d'un Compte de Produits Excédentaires, à l'exception d'un paiement effectué conformément aux Clauses 5.2 et 5.3" au rang desquels ne figure pas la charge d'une provision pour litige fiscal comme c'est constant puisqu'il ne s'agit que de sommes dues au titre du contrat hypothécaire, des montants de paiement des différés des contrats de location-exploitation et de sommes payables aux parties financières du groupe Greenship Gas.

Il en résulte que l'appropriation de la somme d'un million d'euros par la Société Générale, au moyen de la réduction de capital de la société cédée 'par voie de remboursement aux Associés' (ses sociétés filiales Air Bail et Calif), ne procède pas d'un accord contractuel donné par la société Greenship Gas et cette dernière est bien fondée à exposer que, compte tenu de la précision de tous les contrats liant les parties qui énumèrent de manière exhaustive le détail toutes leurs obligations, c'est sans fondement contractuel que cette somme n'a pas figuré sur les comptes de la Snc Comino.

La circonstance qu'à l'instigation de la Société Générale par le courriel ci-dessus rapporté du 5 novembre 2018, Price Waterhouse Cooper ai mentionné dans ses études à compter de cette date que le 'tax deposit release' serait réduit d'un million n'a pas fait l'objet d'un consentement de la société Greenship Gas et cet accord ne résulte pas non plus du 'mémo' daté du mois de septembre 2018 attribué par la banque au dirigeant de la société holding Jaccar Holding, M. [G], qui, outre qu'il ne fait que synthétiser les opérations à venir n'est en rien explicite sur une somme d' un million d'euros relative à un litige fiscal.

C'est vainement, enfin, que la Société Générale fait valoir que la lettre d'accord du 20 décembre 2018 a seulement prévu que la société Greenship Gas bénéficierait des sommes figurant aux 'Comptes de Produits Excédentaires' comprenant les montants des 'Dépôts d'Impôts Excédentaires' 'à la date d'effet' de la levée de l'option d'achat du 1er septembre 2019 et que la réduction de capital de la Snc Comino a eu lieu antérieurement à cette date d'effet et donc sans violation des contrats puisque, tout au contraire, le montant de ces comptes de dépôt a fait l'objet de stipulations conventionnelles précises, dans le contrat de dépôt du 13 juin 2012 tel que modifié par avenant du 26 juin 2013 et que les seules modifications ensuite prévues par l'accord cadre du 30 mars 2017 et les lettres d'accord n'ont pas prévu de permettre à la Société Générale de se voir attribuer la somme d'un million d'euros à raison du litige fiscal.

Ainsi, outre que la réduction de capital bénéficiant à la Société Générale n'a pas été prévue par les contrats, elle en constitue une violation, de sorte que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Il y a lieu de condamner la Société Générale aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Greenship Gas la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la Société Générale aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Greenship Gas la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société Générale aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la Selarl Beachelin Moisan, comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/07860
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.07860 ?
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