REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 02 MAI 2024
(n° 117/2024, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/13485 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECTQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 juin 2021 -Tribunal judiciaire de Paris (18ème chambre, 2ème section) RG n° 18/09261
APPELANTES
Mme [G] [O] épouse [K]
née le 27 mai 1978 à [Localité 11]
[Adresse 13]
[Localité 1] (ITALIE)
Mme [W] [O] épouse [H]
née le 06 juillet 1972 à [Localité 11]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : L0050
INTIME
M. [E] [R]
né le 12 février 1961 à [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté et assisté par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de Paris, toque : C1757
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Sandra Leroy, conseillère
Mme Marie Girousse,conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sandra Leroy, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 05 octobre 2012, Mme [W] [H] et Mme [G] [O] ont donné à bail, ci-après désigné le bail n° 1, à la société Caterer in [Localité 9] des locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée d'un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 12] à usage de laboratoire de cuisine-traiteur, pour une durée de 9 ans, à compter du 10 octobre 2012, moyennant un loyer de 30.000 € payable d'avance trimestriellement le 1er jour du trimestre.
Par avenant au bail du 05 octobre 2012, en date du 16 novembre 2012, Mme [W] [H] et Mme [G] [O] ont donné à bail à la société Caterer in [Localité 9] « le bâtiment enchassé entre les locaux loués au rez-de-chaussée du 23-25 et le [Adresse 8] afin de se déployer plus à son aise », moyennant un loyer de 1.200 € par trimestre payable d'avance, à effet au 10 octobre 2012.
Par acte sous seing privé du 17 juillet 2014, Mme [W] [H] et Mme [G] [O] ont donné à bail, ci-après désigné le bail n° 2, à la société Caterer in [Localité 9], des locaux commerciaux situés au premier étage d'un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 12], pour une durée de 10 ans à compter du 1er septembre 2014, moyennant un loyer trimestriel de 4.800 € puis 7.500 € à compter du 1er septembre 2017.
Par acte sous seing privé du 16 novembre 2016, la société Caterer in [Localité 9] a cédé son droit au bail sur les locaux du rez-de-chaussée (bail n° 1) et les locaux du 1er étage (bail n° 2) situés [Adresse 3] à [Localité 12], à l'exception du bâtiment, objet de l'avenant en date du 16 novembre 2012, à la société Big glad représentée par son président, M. [E] [R].
Selon acte sous seing privé du 22 novembre 2016, la société Caterer in [Localité 9] a consenti à la société Big glad un contrat de sous-location portant sur les locaux faisant l'objet de l'avenant du 16 novembre 2012.
Par acte du 22 novembre 2016 intitulé « garantie à première demande », M. [E] [R] s'est engagé pour le compte de la société Big glad à « payer à [W] [H] [Adresse 4] [G] [O] [Adresse 7] Italie Elisant domicile chez sa soeur [W] [H] [Adresse 4] », « ' le montant du loyer, des charges et des augmentations pouvant rester dus pendant la durée du bail ou ses prorogations ».
Par jugement du 21 mars 2018, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Big glad et désigné Maître [Z] [C] en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte extrajudiciaire du 29 mars 2018, Mme [W] [H], Mme [G] [O] et Mme [M] [O] ont fait délivrer à la société Big glad représentée par Maître [Z] [C] en qualité de mandataire judiciaire, à M. [E] [R] en qualité de mandataire social et de garant à première demande et « à la société Carterer in [Localité 9] » (sic) en qualité de caution de la société Big glad, un commandement de payer les sommes de 32.140 € au titre des loyers et des charges dus au 1er janvier 2018, 1.665 € au titre de la taxe foncière et 4.395 € au titre de la clause pénale, visant la clause résolutoire.
Maître [C], ès-qualités de mandataire judiciaire, a restitué les locaux commerciaux, le 25 juin 2018.
Par actes d'huissier des 14 et 15 juin 2018, Mme [W] [H] et Mme s [G] et [M] [O], propriétaires indivises de immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 12], ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [E] [R], la société Caterer in [Localité 9], les sociétés Gladines Batignolles, Gladines charonne et Gladines halles, ainsi que les sociétés Caisse d'épargne Ile de France, Crédit du nord et Axa Banque, pris respectivement en leur qualité d'ancien locataire et gérant, de cessionnaire du droit au bail, de sociétés dont M. [E] [R] est associé et de banques auprès desquelles des saisies conservatoires ont été pratiquées, aux fins essentielles d'obtenir la condamnation de M. [E] [R] à leur payer la somme de 78.496 € avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts aux conditions posées par l'article 1343-2 du code civil.
Par ordonnance du 08 novembre 2019, le juge de la mise en état a :
- déclaré parfait le désistement des instances et actions engagées par Mme [W] [H] et Mmes [G] et [M] [O] à l'encontre des sociétés Gladines batignolles, Gladines charonne, Gladines halles, Caisse d'épargne Ile de France, Crédit du nord et Axa banque ;
- constaté l'extinction de l'instance opposant Mme [W] [H] et Mme s [G] et [M] [O] aux sociétés Gladines batignolles, Gladines charonne, Gladines halles, Caisse d'épargne Ile de France, Crédit du nord et Axa banque et le dessaisissement partiel du tribunal ;
- condamné in solidum Mme [W] [H] et Mme s [G] et [M] [O] aux dépens liés à la mise en cause des sociétés Gladines batignolles, Gladines charonne, Gladines halles, Caisse d'épargne Ile de France, Crédit du nord et Axa banque ;
- condamné in solidum Mme [W] [H] et Mme s [G] et [M] [O] à payer la somme de 500 € à la société Gladines batignolles sur le fondement des articles 399 et 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [W] [H] et Mme s [G] et [M] [O] à payer la somme de 500 € à la société Gladines charonne sur le fondement des articles 399 et 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [W] [H] et Mme s [G] et [M] [O] à payer la somme de 500 € à la société Gladines halles sur le fondement des articles 399 et 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [W] [H] et Mme s [G] et [M] [O] à payer la somme de 1.000 € à la société Axa banque sur le fondement des articles 399 et 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [W] [H] et Mme s [G] et [M] [O] à payer la somme de 1.000 € à la société Crédit du nord sur le fondement des articles 399 et 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que l'instance se poursuit entre Mme [H] et Mme [O], d'une part, et M. [R] et la société Carterer, d'autre part.
Par acte en date du 18 février 2020, Mme [W] [H] et Mme [G] [O] ont assigné la société Caterer in [Localité 9] aux fins notamment de la condamner à leur payer solidairement avec M. [E] [R], à défaut in solidum, plus subsidiairement celle-ci seule, la somme de 55.301,30 € avec intérêt de droit et capitalisation des intérêts aux conditions posées par l'article 1343-2 du code civil et condamner également la société Caterer in [Localité 9] à payer à Mme [W] [H] et à Mme [G] [O] la somme de 10.000 € au titre des frais de remise en état des locaux.
Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 20/02140. Par ordonnance du 28 février 2020, la jonction de cette procédure a été ordonnée avec celle inscrite sous le numéro RG 18/09261.
Par jugement du 10 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré parfait le désistement d'instance et d'action de Mme [M] [O] dirigée contre M. [T] [R] et la société Caterer in [Localité 9] ;
- débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leur fin de non-recevoir et déclaré recevable M. [E] [R] en ses demandes ;
- requalifié la garantie à première demande en date du 22 novembre 2016 consenti par M. [E] [R] à Mme [W] [H] et Mme [G] [O], de contrat de cautionnement ;
- débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leur demande de condamnation de M. [T] [R] au paiement de la somme de 55.301,30 €, et de la somme de 10.000 € ;
- débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leur demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [E] [R] ;
- condamné la société Caterer in [Localité 9] à payer à Mme [W] [H] et Mme [G] [O] la somme de 46.900 € au titre de l'arriéré de loyers et de provisions sur charge arrêtés au 2ème trimestre 2018 inclus pour le bail du 05 octobre 2012 et le bail du 17 juillet 2014, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;
- dit que les intérêts échus depuis un an produiront à intérêt ;
- débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] du surplus de leurs demandes ;
- condamné Mme [W] [H] et Mme [G] [O] à payer à M. [T] [R] la somme de 3.500 € de frais irrépétibles ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- condamné la société Caterer in [Localité 9] aux dépens qui seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 13 juillet 2021, les consorts [O] ont interjeté appel partiel du jugement des chefs du débouté de leurs demandes à l'encontre de M. [E] [R], de la requalification de la garantie à première demande et de leur condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2024.
MOYENS ET PRETENTIONS
Vu les conclusions déposées le 04 avril 2022, par lesquelles Mme [W] [H] et Mme [G] [O], appelantes, demandent à la Cour de :
- déclarer irrecevable et à défaut mal fondé, Monsieur [E] [R] en sa fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée, l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- déclarer recevables et bien fondées Mme [W] [H] et Mme [G] [O] en leur appel ;
Y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu le 10 juin 2021 par la 18e chambre, 2ème section, du tribunal judiciaire de Paris en ce que celui-ci a :
* débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leur fin de non-recevoir et déclaré M. [E] [R] recevable en ses demandes ;
* requalifié la garantie à première demande en date du 22 novembre 2016 consentie par M. [E] [R] à Mme [W] [H] et Mme [G] [O], en contrat de cautionnement,
* débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leur demande de condamnation de M. [T] [R] au paiement de la somme de 55.301,30 € ;
* débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leur demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [E] [R] ;
* condamné Mme [W] [H] et Mme [G] [O] à payer à M. [T] [R] la somme de 3.500 € au titre des frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau :
- dire et juger contraire au principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » la demande formée par M. [E] [R] de voir requalifier en cautionnement la garantie à première demande du 22 novembre 2016 signée par lui ;
- déclarer en conséquence ladite demande irrecevable, en application des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile ;
- subsidiairement, dire et juger qu'en demandant la requalification en cautionnement de la garantie à première demande en date du 22 novembre 2016 signée par lui, Monsieur [R] a fait preuve de déloyauté et de mauvaise foi et déclarer en conséquence sa demande de requalification irrecevable, et à défaut mal fondée,
- en toute hypothèse dire cette demande de requalification mal fondée comme contraire au principe d'exécution de bonne foi des contrats et/ou au principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » et en débouter M. [E] [R] ;
- subsidiairement, dire que la garantie à première demande accordée par M. [E] [R] le 22 novembre 2016 constitue une garantie autonome au sens de l'article 2321 du code civil et débouter M. [E] [R] de sa demande de requalification comme étant mal fondée ;
- A titre plus subsidiaire encore, si la cour confirmait la requalification de la garantie à première demande en cautionnement, dire et juger que M. [E] [R] est tenu au paiement des charges et loyers dus par la société Big glad au titre de ce cautionnement ;
En tout état de cause,
Vu l'article 1 page 3 de l'acte de cession désignant en tant que « Bail » concerné par la cession les baux signés les 05/10/2012 et 17/7/2014, à l'exclusion du bail du 16/11/2012,
Vu l'accord des bailleresses visé à l'acte de cession et prévalant sur toute autre disposition, édictant que la cession sera réalisée après remise de la garantie à première demande régularisée à titre personnel par M. [E] [R] pour les 2 baux cédés à la société Big glad (pièce 29) ;
- dire et juger que la garantie porte sur les baux des 05 octobre 2012 et 17 juillet 2014 ;
- condamner M. [E] [R] à payer à Madame [W] [H] et à Madame [G] [O] la somme de 48.939,22 €, avec intérêts de droit à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts aux conditions posées par l'article 1343-2 du code civil ;
- condamner M. [E] [R] à payer à Madame [W] [H] et à Madame [G] [O] la somme de 4.000 € en réparation des troubles subis par elles du fait de la résistance de M. [E] [R] organisée autour de moyens artificieux ;
- condamner M. [E] [R] à payer à Madame [W] [H] et à Madame [G] [O] la somme de 5.000 € à titre de remboursement de frais irrépétibles, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [E] [R] aux dépens, y compris les frais de saisie et de commandement, dont distraction au profit de la SCP Régnier - Bequet ' Moisan, avocat.
Vu les conclusions déposées le 05 janvier 2022, par lesquelles M. [E] [R], intimé, demande à la Cour de :
- juger irrecevables les demandes en paiement des loyers et charges de Madame [W] [H] et Madame [G] [O] pour défaut d'intérêt à agir ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 10 juin 2021 dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- débouter Madame [W] [H] et Madame [G] [O] de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner solidairement Madame [W] [H] et Madame [G] [O] à payer à Monsieur [E] [R] la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Maud Egloff-Cahen, Avocat au Barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
1. Sur la demande en paiement à l'encontre de M. [E] [R]
- Sur la recevabilité de la demande en paiement formulée par Mme [W] [H] et Mme [G] [O] contre M. [E] [R] en cause d'appel
M. [E] [R] soutient que la décision de première instance étant définitive à l'encontre de la société Caterer in [Localité 9] faute d'appel à son encontre de ce chef, et les appelantes disposant d'un titre exécutoire à l'encontre de cette société, elles seraient dès lors irrecevables à agir à l'encontre de M. [E] [R] pour obtenir les mêmes cinq chefs de condamnations déjà prononcés à l'encontre de la société Caterer In [Localité 9], conformément à l'article 122 du code de procédure civile, pour défaut du droit d'agir.
Néanmoins, s'il est constant que la décision entreprise est devenue définitive à l'encontre de la société Caterer In [Localité 9] notamment du chef de sa condamnation à verser à Mme [W] [H] et Mme [G] [O] la somme de 46.900 € au titre de l'arriéré de loyers et de provisions sur charge arrêtés au 2ème trimestre 2018 inclus pour le bail du 05 octobre 2012 et le bail du 17 juillet 2014, et que les appelantes disposent dès lors d'un titre exécutoire à l'encontre de cette personne morale, il n'en demeure pas moins qu'elles justifient d'un intérêt à obtenir la condamnation de M. [E] [R] au paiement de cette même somme, sur un fondement contractuel différent, afin d'obtenir un autre titre exécutoire.
En conséquence, les demandes en paiement à l'encontre de M. [E] [R] apparaissent recevables.
- Sur la recevabilité de la demande de requalification de l'acte dénommé « garantie à première demande »
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.
L'estoppel est, quant à lui, un comportement procédural constitutif d'un changement de position qui a pour conséquence d'induire son adversaire en erreur sur ses intentions, se contredisant soi-même au détriment d'autrui, et est de nature à rendre irrecevables les demandes formées en violation de ce principe.
Aux termes du jugement querellé, le premier juge a débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leur fin de non-recevoir et a jugé recevable la demande de requalification de la garantie à première demande de M. [E] [R], après avoir considéré que le courrier en date du 07 décembre 2016, antérieur à l'introduction de la présente procédure, de Maître Maud-Elodie EGLOFP, conseil de M. [E] [R], aux termes duquel elle adresse aux demanderesses, un acte qu'elle dénomme « exemplaire original de la garantie à première demande», ne peut traduire de la part de M. [E] [R] une reconnaissance expresse de la validité de cet acte, et l'adoption de positions contraires ou incompatibles entre elles au cours de la présente procédure, dans des conditions qui auraient induit en erreur Mme [W] [H] et Mme [G] [O], alors qu'il sollicite depuis ses premières conclusions en défense notifiées le 1er octobre 2018, la requalification de la garantie à première demande, en acte de cautionnement et qu'en outre, ce courrier ne saurait constituer une renonciation expresse et non équivoque de M. [E] [R] à solliciter la requalification de cet acte en justice, l'exécution de mauvaise foi par M. [E] [R] du contrat invoquée par Mme [W] [H] et Mme [G] [O] ne pouvant en tout état de cause constituer une 'n de non-recevoir, pouvant seulement ouvrir droit à l'octroi de dommages et intérêts.
Mme [W] [H] et Mme [G] [O], lesquelles sollicitent l'infirmation du jugement attaqué de ce chef, font valoir que M. [E] [R] aurait pris une position inverse à celle mentionnée dans la lettre de son mandataire du 07 décembre 2016 en soutenant que l'acte de garantie à première demande devait être requalifié en cautionnement, de sorte que ce changement de position serait contraire au principe général de l'estoppel ainsi qu'au principe d'exécution de bonne foi des contrats ainsi qu'au principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
M. [E] [R] s'oppose à cette argumentation, estimant que la mention de la transmission « d'un exemplaire de la garantie à première demande » ne vaudrait pas reconnaissance par son mandant de la nature juridique de l'acte, le conseil précisant bien aux requérantes dans un courrier du 13 décembre 2016 ne pas être rédacteur de l'acte, mais avoir repris le modèle d'acte des requérantes qui lui avait été transmis pour être complété par l'état civil de M. [E] [R], sans qu'aucune garantie n'ait été donnée par le conseil de M. [E] [R] sur la qualification juridique de l'engagement pris, ce d'autant qu'il n'était pas mandaté pour rédiger cet acte et n'avait aucun devoir de conseil, ni d'information à l'égard des appelantes.
Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.
En effet s'il résulte des pièces versées aux débats que le conseil de M. [E] [R] a adressé aux appelantes le 13 décembre 2006 un « exemplaire de la garantie à première demande », cette pièce, antérieure à l'introduction de la présente instance, ne saurait s'analyser en une reconnaissance par M. [E] [R] de la nature juridique de l'engagement ainsi pris, ou une renonciation de sa part expresse et dénuée d'ambiguïté à solliciter la requalification de cet acte en justice, induisant ainsi l'adoption de positions contraires ou incompatibles entre elles au cours de la présente procédure, dans des conditions qui auraient induit en erreur les appelantes, alors même qu'il n'est pas contesté qu'il sollicite depuis ses premières conclusions en défense notifiées le 1er octobre 2018 la requalification de la garantie à première demande en acte de cautionnement.
De même, si Mme [W] [H] et Mme [G] [O] invoquent une mauvaise foi de M. [E] [R] dans l'exécution de l'acte, cette mauvaise-foi, à la supposer établie, ne saurait entraîner l'irrecevabilité de la demande de requalification de M. [E] [R], mais ouvrirait uniquement droit aux appelantes à indemnisation.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la demande de requalification de l'acte dénommé « garantie à première demande » en cautionnement.
- Sur la qualification de l'acte dénommé « garantie à première demande »
Aux termes de l'article 2321 du code civil, la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant les modalités convenues. Il en résulte que le garant s'oblige à payer la dette d'un tiers de manière autonome au regard du contrat de base et que son obligation a un objet distinct de celle du débiteur principal.
Aux termes du jugement querellé, le premier juge a, au vu des stipulations contractuelles, semblant certes établir une autonomie de la garantie de M. [E] [R] vis à vis du contrat de sous-location du 22 novembre 2016 par l'inopposabilité à M. [E] [R] de toute exception relative à ce contrat, mais laissant à la discrétion des créancières de la garantie la détermination de la somme garantie par référence au montant des loyers, charges et augmentations pouvant rester dus pendant le bail et ses prolongations, estimé que la garantie souscrite par M. [E] [R] ne présentait pas le caractère autonome requis par l'article 2321 du code civil et devait être requalifié en acte de cautionnement.
Mme [W] [H] et Mme [G] [O], lesquelles sollicitent l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, exposent en substance que la jurisprudence démontrerait le mal fondé de l'action en ce que des faits similaires à ceux de la présente espèce auraient déjà été jugés par les jurisprudences invoquées.
M. [E] [R] sollicite la confirmation du jugement querellé de ce chef, en excipant de l'absence de caractère autonome de la garantie à première demande par rapport à la dette de loyers et charges de la sous-location de la société Big glad dès lors qu'un renvoi est directement fait, dans l'acte, aux loyers et charges pouvant rester dus pendant la durée du bail.
C'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.
En effet, s'il résulte de l'engagement intitulé « garantie à première demande » signé le 22 novembre 2016 et liant M. [E] [R] en tant que « garant » et Mme [W] [H] et Mme [G] [O], en tant que « garanti» que : « M. [E] [R] s'engage par la présente, irrévocablement et inconditionnellement, d'ore (sic) et pour le compte de la société BIG GLAD (...) à payer à Mme [W] [H] et Mme [G] [O] () indépendamment de la validité des effets juridiques du bail, à première demande du garanti selon les modalités ci-dessous et sans faire valoir d'exception ni d'objection, résultant dudit acte ou d'une quelconque contestation y afférente, le montant du loyer, des charges et des augmentations pouvant rester dus pendant la durée du bail ou ses prorogations. », cette stipulation contractuelle instaure certes une autonomie relative de la garantie consentie par M. [E] [R] par rapport au contrat de sous-location du 22 novembre 2016, l'empêchant de pouvoir opposer toute exception relative à ce contrat, mais instaure également une dépendance de cette garantie à la dette de loyers de la société Big Glad et aux obligations de cette dernière quant au paiement des loyers et charges « pouvant rester dus pendant la durée du bail ou ses prorogations ».
Il s'infère ainsi de cette stipulation contractuelle une absence d'autonomie au sens de l'article 2321 du code civil, devant conduire à la requalification de l'acte dénommé « garantie à première demande » en acte de cautionnement consenti par M. [E] [R] à Mme [W] [H] et Mme [G] [O].
Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.
- Sur l'étendue de la garantie de M. [E] [R]
Aux termes des articles 2288 et 2296 du code civil, le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. Il doit être exprès et ne se présume point.
Il ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d'être réduit à la mesure de l'obligation garantie.
En vertu de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Aux termes du jugement attaqué, le premier juge a débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leurs demandes en paiement à l'encontre de M. [E] [R] d'une somme de 55.301,30 € outre 10.000 €, après avoir considéré qu'en apposant la mention manuscrite « Bon pour garantie à première demande loyers, charges», M. [E] [R] a expressément limité son cautionnement de la société BIG GLAD au paiement des seuls loyers et charges dus au titre du contrat de sous-location du 22 novembre 2016 et portant sur le bâtiment objet de l'avenant du 16 novembre 2012, à 1'exclusion de toute autre somme (clause pénale, réparations...).
Or, les sommes réclamées par Mme [W] [H] et Mme [G] [O] portant exclusivement sur les arriérés locatifs dus au titre des baux n° l et 2, ainsi que sur des demandes imprécises et des frais forfaitairement évalués de réfection de ces locaux commerciaux, elles n'établissent dès lors pas l'existence d'un arriéré de loyers et de charges dus au titre du « bâtiment enchassé entre les locaux loués au rez-de-chaussée du 23-25 et le [Adresse 8]», objet du contrat de sous-1ocation du 22 novembre 2016, seul couvert par le cautionnement consenti par M. [E] [R].
Mme [W] [H] et Mme [G] [O] sollicitent l'infirmation de ce chef du jugement, en faisant valoir pour l'essentiel que la garantie consentie par M. [E] [R] porterait sur les baux des 05 octobre 2012 et 17 juillet 2014 et non sur l'avenant du 16 novembre 2016, conformément à la commune intention des parties, matérialisée notamment par la page 3 alinéa 1er de l'acte de cession.
M. [E] [R] s'oppose quant à lui à cette argumentation et sollicite la confirmation du jugement de ce chef, en excipant en substance que l'acte consenti par lui constitue une caution portant sur les seuls « montant du loyer, des charges et des augmentations pouvant rester dus pendant la durée du bail » pour le compte de la société Big glad dans le cadre de la seule conclusion du contrat de sous-location partielle portant sur les locaux, objet du contrat de sous-location du 22 novembre 2016.
Il soutient subsidiairement que le décompte des loyers et charges dus serait erroné et non justifié, et qu'en tout état de cause, il ne saurait être tenu au-delà de la date de liquidation de la société Big glad, le 21 mars 2018, cette date caractérisant la date de résiliation de la relation contractuelle avec les requérantes.
Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.
En effet, l'acte de cautionnement de M. [E] [R] en date du 22 novembre 2016 est stipulé consenti pour garantir « le montant du loyer, des charges et des augmentations pouvant rester dus pendant la durée du bail ou ses prorogations ».
S'il n'est nullement précisé au sein du cautionnement quel «bail » serait visé par cette garantie, à savoir les deux baux cédés par la société Caterer in [Localité 9] à la société Big Glad le 16 novembre 2016, portant sur les locaux objet du bail du 05 octobre 2012, ou le contrat de sous-location consenti par la société Caterer In [Localité 9] à la société Big Glad le 22 novembre 2016 et portant sur les locaux objet de l'avenant du 16 novembre 2012, la cour relève cependant, à l'instar du premier juge, que le cautionnement a été consenti par M. [E] [R] le même jour que le contrat de sous-location et postérieurement à l'acte de cession, et qu'il ne vise qu'un bail et non plusieurs à l'instar de l'acte de cession, de sorte que l'engagement consenti par M. [E] [R] doit être interprété comme étant limité au montant du « loyer, des charges et des augmentations »pouvant rester dus en exécution du contrat de sous-location consenti à la société Big Glad.
Si Mme [W] [H] et Mme [G] [O] se prévalent de leur pièce 29 intitulée « accord des bailleurs à l'opération de cession des baux » aux termes duquel elles ont conditionné leur accord à la cession de bail entre les Sociétés Caterer In [Localité 9] et Big Glad à « la remise de la garantie à première demande régularisée à titre personnel par M. [E] [R] pour les deux baux cédés à la société Big Glad, sans bénéfice de discussion et de division », force est de relever que ce courrier qui n'émane que des bailleresses, daté du 22 novembre 2016, est postérieur à l'acte de cession et ne saurait dès lors fonder l'extension de la garantie de M. [E] [R] aux baux n° 1 et 2 cédés à Big Glad.
Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leurs demandes en paiement contre M. [E] [R] au titre de son engagement de caution, dès lors que les sommes réclamées ne portent nullement sur le contrat de sous-location objet de la garantie de M. [E] [R].
2. Sur la demande d'indemnisation à l'encontre de M. [E] [R]
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il établit une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leur demande d'indemnisation à l'encontre de M. [E] [R] « en réparation des troubles subis par une résistance organisée autour de moyens artificieux » après avoir considéré qu'elles ne précisaient, ni ne caractérisaient a fortiori la faute qu'aurait commise M. [E] [R] en sollicitant la requalification de la garantie à première demande en cautionnement.
Mme [W] [H] et Mme [G] [O] maintiennent en cause d'appel leur demande d'indemnisation à l'encontre de M. [E] [R], en la portant à 4.000 € en réparation des troubles qu'elles ont subis du fait d'une résistance organisée autour de moyens artificieux, en excipant pour l'essentiel de la mauvaise foi et du comportement déloyal de M. [E] [R], qui conteste ce chef de demandes, en arguant que les appelantes ne justifiaient pas de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, en tirant les conséquences juridiques de ses propres décisions, dont il résulte que l'engagement de caution de M. [E] [R] ne garantissait pas les sommes réclamées par Mme [W] [H] et Mme [G] [O], ce dont il s'infère qu'aucune faute ne saurait dès lors être caractérisée à l'encontre de l'intimé.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leurs demandes d'indemnisation.
3. Sur les demandes accessoires
Mme [W] [H] et Mme [G] [O] succombant, elles supporteront in solidum les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Maud Egloff-Cahen. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.
Il n'apparaît pas inéquitable de condamner in solidum Mme [W] [H] et Mme [G] [O] au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de les débouter de leurs demandes à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 10 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 18/09261 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Déboute Mme [W] [H] et Mme [G] [O] de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [W] [H] et Mme [G] [O] à verser à M. [E] [R] la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [W] [H] et Mme [G] [O] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Maud Egloff-Cahen ;
Dit que les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.
La greffière, La présidente,