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02/05/2024 | FRANCE | N°21/09639

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 02 mai 2024, 21/09639


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° 2024/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09639 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWKF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE - RG n° 19/00139





APPELANTE



S.A.S. PACK SECURITE

[Adresse 2]>
[Localité 3]

Représentée par Me Julie SCAVAZZA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1982, ayant pour avocat plaidant Me Jean-Yves JOURDAIN, avocat au barreau d'AUXERRE





INTIME


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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° 2024/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09639 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWKF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE - RG n° 19/00139

APPELANTE

S.A.S. PACK SECURITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julie SCAVAZZA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1982, ayant pour avocat plaidant Me Jean-Yves JOURDAIN, avocat au barreau d'AUXERRE

INTIME

Monsieur [K] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-baptiste GAVIGNET, avocat au barreau de DIJON, toque : 53

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre et de la formation

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Catherine BRUNET, Présidente de chambre, de chambre et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 9 octobre 2015, la société Pack Sécurité (ci-après la société) a embauché M. [K] [E] du 1er au 31 octobre 2015 en qualité d'agent cynophile, niveau 3, échelon 2, coefficient 140 moyennant une rémunération de 10,05 euros par heure, pour une durée du travail de 36 heures par mois.

Les parties ont ensuite conclu d'autres contrats à durée déterminée :

contrat à temps partiel du 20 novembre 2015 pour la période du 21 au 27 novembre 2015, avec une durée du travail de 38,5 heures par mois ;

contrat à temps partiel du 1er décembre 2015 pour la période du 1er au 31 décembre 2015, avec une durée du travail de 119 heures par mois ;

contrat à temps partiel du 12 novembre 2016 pour la période du 12 au 30 novembre 2016, avec une durée du travail de 113 heures par mois ;

avenant de renouvellement du 1er décembre 2016 pour la période du 1er au 31 décembre 2016, avec la même durée du travail ;

contrat à temps partiel en date du 10 février 2017 pour la période du 10 au 28 février 2017 en qualité d'agent conducteur canin, avec une durée du travail de 22 heures par mois ;

contrat à temps complet en date du 3 mars 2017 pour la période du 3 mars au 30 septembre 2017 en qualité d'agent de sécurité, niveau 3, échelon 1, coefficient 130 ;

contrat à temps partiel en date du 1er octobre 2017 pour la période du 1er octobre 2017 au 31 décembre suivant en qualité d'agent cynophile, niveau 3, échelon 2, coefficient 140, avec une durée du travail de 24 heures par mois.

Il est constant qu'une relation de travail a existé entre les parties jusqu'au 30 juin 2019.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auxerre le 29 octobre 2019.

Par jugement du 28 octobre 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes d'Auxerre a :

- dit que « la demande de requalification des CDD à temps partiel en CDD à temps complet » pour les périodes du 1er octobre au 31 octobre 2015, du 21 au 27 novembre 2015, du 1er au 31 décembre 2015, en février et mars 2016, du 12 au 30 novembre 2016, en janvier 2017 et du 10 au 28 février 2017 n'était pas fondée et l'a rejetée ;

- dit que la période d'activité du 1er mars 2017 au 30 juin 2019, justifiée par les bulletins de salaire produits, et en l'absence de contrat de travail écrit, doit être requalifiée en contrat de travail à durée déterminée à temps complet ;

- condamné la société à payer à M. [E] les sommes suivantes :

* 23 278,64 euros au titre de rappel de salaire ;

* 2 327,56 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire ;

- dit que cette condamnation était prononcée en « brut » et qu'il appartiendrait à l'employeur d'en déduire les charges sociales ;

- dit qu'il devrait justifier de ce calcul en cas d'exécution forcée éventuelle ;

- débouté M. [E] du surplus de ses demandes ;

- condamné la société à payer à M. [E] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société à remettre à M. [E] les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour à compter du quinzième jour suivant la mise à disposition du présent jugement ;

- dit que la liquidation de l'astreinte ainsi jugée n'incomberait pas au conseil de prud'hommes.

Par déclaration du 24 novembre 2021, la société a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 août 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel comme en ses conclusions ;

- débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions, et notamment de son appel incident ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [E] les sommes suivantes :

* 23 278,64 euros bruts au titre de rappels de salaire et 2 327,56 euros bruts au titre des congés payés afférents par suite de la requalification de sa période d'activité du 1er mars 2017 au 30 juin 2019 à temps plein ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et à remettre à M. [E] les bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour à compter du quinzième jour suivant la mise à disposition du jugement ;

et statuant à nouveau,

- débouter M. [E] de sa demande de requalification de ses emplois à temps partiel en temps plein du 1er mars 2017 au 30 juin 2019 ;

- débouter M. [E] de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- débouter M. [E] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter M. [E] de ses demandes de primes et d'indemnités, quels qu'en soient les motifs ou moyens ;

- débouter M. [E] de sa demande de rectification de ses bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour ;

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [E] à lui restituer toute somme qu'il aura perçue à titre d'exécution provisoire dans le cadre du rappel de salaire obtenu en première instance ;

- condamner M. [E] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [E] aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [E] demande à la cour de :

lui donner acte de ce qu'il interjette appel incident du jugement en ce qu'il a :

- dit que « la demande de requalification des CDD à temps partiel en CDD à temps complet » pour les périodes du 1er au 31 octobre 2015, du 21 au 27 novembre 2015, du 1er au 31 décembre 2015, en février et mars 2016, en janvier 2017 et du 10 au 28 février 2017 n'était pas fondée et l'a rejetée ;

- condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

* 23 278,64 euros au titre de rappels de salaire ;

* 2 327,56 euros au titre des congés payés sur rappels de salaire ;

- l'a débouté du surplus de ses demandes ;

infirmer le jugement dans la limite des chefs de jugement critiqués par lui ;

et statuant à nouveau,

- juger qu'il convient de requalifier l'ensemble de la période de travail en contrats de travail à temps complet ;

- constater au surplus que la relation contractuelle du 1er octobre 2017 au 30 juin 2019 n'est couverte par aucun écrit et s'analyse donc en un contrat à temps complet ;

- condamner, en conséquence, la société à lui verser les sommes suivantes :

* à titre principal, 27 049,24 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 12 novembre 2016 au 30 juin 2019, outre 2 704,92 euros au titre des congés payés afférents ;

* à titre subsidiaire, 23 278,64 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mars 2017 au 30 juin 2019, outre 2 327,86 euros au titre des congés payés afférents ;

- constater que la société ne lui a pas versé l'intégralité de la prime de précarité due au vu de la requalification des contrats à temps partiel en contrats à temps complet ;

- condamner, par conséquent, la société à lui verser :

* à titre principal, 3 650,81 euros bruts à titre de rappel de prime de précarité pour la période du 12 novembre 2016 au 30 juin 2019 ;

* à titre subsidiaire, 3 036,55 euros bruts à titre de rappel de prime de précarité pour la période du 1er mars 2017 au 30 juin 2019 ;

- juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner, par conséquent, la société à lui verser les sommes suivantes :

* 3 130,46 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 313,04 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 1 010,88 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 5 478,30 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail, des temps de pause et de repos obligatoires ;

- condamner la société à lui remettre des bulletins de paie rectifiés ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard sur un délai de quinze jours à compter de la mise à disposition du jugement ;

- condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux dépens ;

- rappeler que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts à compter de la notification par le conseil de prud'hommes à l'employeur des demandes du salarié et en préciser la date ;

- débouter la société de l'intégralité de ses demandes à son encontre.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2023.

MOTIVATION

Sur la requalification des contrats à durée déterminée à temps partiel en contrats à durée déterminée à temps plein

M. [E] soutient, au regard des exigences de l'article L. 3123-6 du code du travail, qu'il n'effectuait jamais le même nombre d'heures par mois et que la société modifiait unilatéralement la durée de travail convenue dans les contrats à durée déterminée écrits de sorte que la condition relative à la durée du travail n'était pas remplie. Il soutient également que ses horaires de travail ne figuraient pas dans les contrats à durée déterminée écrits et qu'il ne pouvait pas prévoir son rythme de travail en raison notamment de fréquents changements de plannings sans respect du délai de prévenance. Aussi fait-il valoir que ces contrats sont présumés être à temps complet et que la société est défaillante à renverser cette présomption.

Ce à quoi la société réplique que le conseil de prud'hommes a mélangé la double demande de M. [E] consistant à obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de ses contrats à temps partiel en temps plein. La société fait valoir que la preuve de la durée et de la répartition des horaires de travail de M. [E] est rapportée par la production des plannings, des courriels entre les parties formalisant leur accord sur ces plannings et des bulletins de paie. Elle fait également valoir que M. [E] n'a pas donné suite à la sommation de communiquer ses avis d'imposition sur les revenus de 2016 à 2019 alors que ces avis auraient permis d'apprécier la réalité de son travail à temps partiel dans la société et que M. [E], qui avait d'autres activités telles que l'élevage canin, n'était pas à sa disposition permanente.

Aux termes de l'article L. 3123-6 du code du travail applicable dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3121-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.

L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Lorsque, malgré l'existence d'un contrat écrit, l'horaire de travail du salarié varie d'un mois à l'autre en dehors des prévisions de son contrat de travail qui ne comporte pas de répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et que l'intéressé, mis dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler chaque mois, se trouve dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, le contrat à temps partiel peut être requalifié en contrat à temps complet.

En l'espèce, sont concernés par la demande de requalification les contrats à durée déterminée à temps partiel qui sont listés dans l'exposé du litige mais également le ou les contrat(s) passés pour les mois de février, mars et avril 2016 et janvier 2017 pour lesquels M. [E] verse aux débats des bulletins de salaire à en-tête de la société Pack Sécurité mentionnant des durées de travail respectivement de 9, 12, 13 et 11 heures.

D'une part, chaque écrit mentionne certes la durée du travail convenue par les parties mais il ressort des plannings versés aux débats par M. [E] qu'il pouvait exister jusqu'à cinq ou six versions d'un planning mensuel.

D'autre part, aucun des écrits ne mentionne la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois alors que M. [E] n'était pas employé par une association ou une entreprise d'aide à domicile et qu'il n'est pas justifié d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44 du code du travail.

Enfin, pour les mois de février, mars, avril 2016, et janvier 2017, aucun écrit n'est produit.

Partant, les contrats à durée déterminée sont présumés être à temps complet et il appartient à la société de renverser cette présomption, en prouvant la durée hebdomadaire ou mensuelle convenue et que M. [E] n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Or, la société, qui ne conteste pas qu'elle était amenée à modifier plusieurs fois par mois le planning de M. [E], ne démontre pas que chaque modification a été notifiée au salarié dans le respect du délai de prévenance.

L'employeur produit un seul courriel se rapportant aux périodes considérées - à savoir un courriel du 28 septembre 2017 ' qui est insuffisant à établir que M. [E] avait systématiquement connaissance de son rythme mensuel de travail et qu'il n'avait pas besoin de se tenir constamment à la disposition de son employeur. Les bulletins de paie sont enfin inopérants pour renverser la présomption.

La circonstance que M. [E] n'a pas produit ses avis d'imposition sur les revenus de 2016 à 2019 ou qu'il a pu exercer une ou plusieurs autres activités salariées ou pas est sans incidence sur la présomption.

Par conséquent, la société est défaillante à renverser la présomption selon laquelle les contrats de travail à durée déterminée sont à temps plein. La demande de requalification sera accueillie et les contrats relatifs aux périodes suivantes requalifiés en contrats à temps plein :

du 1er au 31 octobre 2015 ; du 21 au 27 novembre 2015 ; du 1er au 31 décembre 2015 ; février, mars et avril 2016 ; du 12 au 30 novembre 2016 ; du 1er au 31 décembre 2016 ; janvier 2017 ; du 10 au 28 février 2017 ; du 1er octobre au 31 décembre 2017.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ces titres.

Sur la qualification de la relation de travail après l'arrivée du terme du dernier contrat à durée déterminée le 31 décembre 2017

M. [E] soutient que la relation contractuelle du 1er octobre 2017 au 30 juin 2019 n'est couverte par aucun écrit et que le contrat est à temps complet. Il soutient également qu'en l'absence d'écrit, la relation de travail qui s'est poursuivie s'analyse en un contrat de travail à durée indéterminée.

Ce à quoi la société réplique que la décision des premiers juges accordant à M. [E] un rappel de salaire sur la base d'un temps plein de mars 2017 à mai 2019 doit être réformée et qu'il n'y a pas lieu de requalifier les contrats en contrat à durée indéterminée et à temps complet.

Suivant l'article L. 1243-11 du code du travail, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.

Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.

La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.

En l'espèce, il ressort des pièces versées au débats que le dernier contrat à durée déterminée est arrivé à son terme le 31 décembre 2017 et que la relation contractuelle s'est poursuivie entre les parties ainsi qu'en attestent les bulletins de salaire relatifs à la période allant de janvier 2018 à juin 2019. Dans ces conditions, la relation de travail s'analyse à compter du 1er janvier 2018 en un contrat à durée indéterminée.

En l'absence d'écrit mentionnant notamment la durée du travail et la répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, la présomption relative au temps plein s'applique. Or, l'employeur est défaillant à la renverser. En effet, les quelques courriels échangés avec M. [E] au cours de cette période sur ses disponibilités sont insuffisants à établir la durée du travail convenue et sa répartition pour qu'il ait connaissance de son rythme de travail dans le respect du délai de prévenance et ne soit pas dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de la société. Les bulletins de paie sont, là encore, inopérants.

Dès lors, la société étant défaillante à renverser la présomption de temps plein, la relation de travail entre M. [E] et la société à compter du 1er janvier 2018 s'analyse en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur le rappel de salaire et les congés payés afférents à raison de la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats à temps plein et de la qualification du contrat à durée indéterminée en contrat à temps plein.

M. [E] fait valoir qu'il demande ce rappel de salaire dans la limite de la prescription triennale à compter de la saisine du conseil de prud'hommes le 29 octobre 2019 soit en remontant jusqu'au mois de novembre 2016. Il y inclut certains mois compris dans le contrat à durée déterminée à temps plein en date du 3 mars 2017 lorsque la durée de travail mentionnée sur ses bulletins de paie n'était pas de 151,67 heures.

La société n'a pas présenté d'observations sur les calculs effectués par M. [E] tant au titre du quantum réclamé à titre principal qu'au titre de celui réclamé à titre subsidiaire.

Eu égard aux développements qui précèdent et à la présomption de temps plein qui n'a pas été renversée par l'employeur, M. [E] peut prétendre au paiement de rappels de salaire correspondant à la différence entre ce qu'il aurait dû percevoir au titre de ce temps plein et ce qu'il a effectivement perçu.

Sur la base des heures et du taux horaire mentionnés dans le décompte établi par M. [E] et non discuté par l'employeur, la société sera condamnée à payer à M. [E] la somme de 27 049,24 euros à titre de rappel de salaire et la somme de 2 704,92 euros au titre des congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum du rappel de salaire et des congés payés afférents.

Corollairement, la demande de restitution des sommes déjà versées à M. [E] au titre de l'exécution provisoire du jugement est sans objet.

Sur le rappel d'indemnité de précarité

M. [E] soutient qu'à l'issue de la relation de travail que l'employeur considère comme étant à durée déterminée, la société ne lui a versé qu'une partie de la prime de précarité. Il fait valoir que, eu égard à la requalification en temps plein sur l'ensemble de la période de travail, il aurait dû percevoir davantage au vu d'une rémunération globale de 49 568,79 euros.

Ce à quoi la société réplique que M. [E] a été rempli de ses droits et qu'il n'y a pas lieu de lui verser une prime de précarité.

Aux termes de l'article L. 1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.

Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.

Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

En l'espèce, la cour a jugé que la relation de travail s'était poursuivie par un contrat de travail à durée indéterminée à l'issue du terme du dernier contrat à durée déterminée (31 décembre 2017).

M. [E] est fondé à obtenir une indemnité de précarité pour les périodes suivantes : 12-30 novembre 2016; 1er - 31 décembre 2016; 10 - 28 février 2017 et 3 mars - 30 septembre 2017, soit la somme de 1 394,29 euros dont il faut soustraire la somme de 1 306,06 euros d'ores et déjà versée au salarié à ce titre. Par conséquent, la société sera condamnée à payer à M. [E] la somme de 88,23 euros.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur les dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail, des temps de pause et de repos obligatoires

M. [E] soutient que ses plannings révèlent de graves manquements de l'employeur à ses obligations relatives aux durées maximales de travail, aux temps de pause et de repos obligatoires. Il fait valoir qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il s'est acquitté de ses obligations et que le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve. M. [E] fait encore valoir que les violations des durées maximales de travail qu'il cite ont nécessairement causé un préjudice à sa santé et à sa sécurité.

Ce à quoi la société réplique que M. [E] ne rapporte pas la preuve du temps de travail excessif qu'il allègue de sorte qu'il n'y a pas lieu de la condamner au titre de la violation alléguée de la durée maximale de travail.

L'article L. 3131-1 du code du travail prévoit que tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.

L'article L. 3121-16 du code du travail précise que, dès que le temps de travail atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives.

La preuve du respect de ces dispositions incombe à l'employeur.

Or, en l'espèce, la société ne verse pas d'éléments de nature à établir qu'elle a rempli ses obligations découlant des deux articles précités et, le cas échéant, qu'il existait un accord collectif ou un surcroît exceptionnel d'activité permettant de déroger à la durée minimale de repos quotidien.

La carence de l'employeur à démontrer qu'il a rempli ses obligations constitue un manquement qui a nécessairement causé un préjudice à M. [E]. La société sera donc condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

* sur le licenciement

M. [E] fait valoir que la société a mis fin le 30 juin 2019 à la relation de travail devenue à durée indéterminée sans diligenter une procédure de licenciement de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il fait encore valoir que la société ne produit aucun contrat de travail à durée déterminée dont le terme aurait été fixé au 30 juin 2019.

Ce à quoi la société réplique qu'aucun contrat ne peut être requalifié en contrat à durée indéterminée de sorte que la rupture de la relation de travail ne s'analyse pas en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L. 1232-6 du contrat de travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception qui comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

En l'espèce, la cour a d'ores et déjà jugé qu'à la date du 30 juin 2019, les parties étaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée. Or, la société, qui ne conteste pas avoir pris l'initiative de la rupture du contrat de travail le 30 juin 2019, ne justifie pas avoir notifié à M. [E] une lettre de licenciement indiquant les motifs de la rupture du contrat de travail. Par conséquent, le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les conséquences du licenciement

* sur l'indemnité compensatrice de préavis 

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et de l'article 9 de l'annexe IV de la convention collective, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [E] correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée de deux mois, soit une indemnité égale à 3 130,46 euros, outre 313,04 au titre des congés payés afférents ' sommes que la société sera condamnée à lui verser. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité légale de licenciement

En application des articles L. 1234-9, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, M. [E] est fondé à obtenir la somme de 945,60 euros à titre d'indemnité légale de licenciement sur la base d'une ancienneté de deux ans et cinq mois et d'un salaire moyen à temps plein de 1 565,23 euros. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l'espèce entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 55 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à M. [E], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 5 000 euros, suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

La société devra remettre à M. [E] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir la présente injonction d'une astreinte.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

La société sera également condamnée à payer à M. [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant confirmée sur les frais irrépétibles.

Enfin, la société sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

Infirme le jugement sauf sur le rappel d'indemnité de précarité et les frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie les contrats à durée déterminée à temps partiel en contrats à durée déterminée à temps plein concernant les périodes suivantes : du 1er au 31 octobre 2015 ; du 21 au 27 novembre 2015 ; du 1er au 31 décembre 2015 ; février, mars et avril 2016 ; du 12 au 30 novembre 2016 ; du 1er au 31 décembre 2016 ; janvier 2017 ; du 10 au 28 février 2017 ; du 1er octobre au 31 décembre 2017 ;

Condamne la société Pack Sécurité à payer à M. [K] [E] les sommes suivantes :

* 27 049,24 euros à titre de rappel de salaire ;

* 2 704,92 euros au titre des congés payés afférents ;

* 88,23 euros au titre du rappel de prime de précarité;

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail, des temps de pause et de repos obligatoires ;

Dit que le licenciement intervenu le 30 juin 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Pack Sécurité à payer à M. [K] [E] les sommes suivantes :

* 3 130,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 313,04 au titre des congés payés afférents ;

* 945,60 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la société Pack Sécurité de remettre à M. [K] [E] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

Ordonne à la société Pack Sécurité de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Condamne la société Pack Sécurité à payer à M. [K] [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la demande de restitution des sommes déjà versées à M. [K] [E] est sans objet ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Pack Sécurité aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09639
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.09639 ?
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