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02/05/2024 | FRANCE | N°21/06925

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 02 mai 2024, 21/06925


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° /2024, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06925 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEELC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° F 20/00053





APPELANTE



Madame [Y] [K]

[Adresse 2]

[Loc

alité 3]/ France

Représentée par Me Manga SOUMARE, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU





INTIMEE



FONDATION ELLEN POIDATZ

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Manga SOU...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° /2024, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06925 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEELC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° F 20/00053

APPELANTE

Madame [Y] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]/ France

Représentée par Me Manga SOUMARE, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

INTIMEE

FONDATION ELLEN POIDATZ

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Manga SOUMARE, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre rédactrice

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La Fondation Ellen Poidatz gère vingt-neuf établissements sanitaires (rééducation, soins de suites et de réadaptations), médicaux sociaux et dédiés à la petite enfance, en Ile de France.

Elle vient aux droits de l'association [R] [H] qui a initialement engagé Mme [Y] [K] par un contrat de travail à durée déterminée, à temps partiel, du 31 août 2016 au 8 septembre 2006, en qualité d'aide médico-psychologique en remplacement d'une salariée absente pour congé maternité.

Par un avenant, en date du 11 septembre 2006, le terme du contrat, initialement fixé au 8 septembre 2006, a été prolongé jusqu'au 7 novembre 2006.

Un nouveau contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel a été signé entre les parties pour la période du 7 novembre 2006 au 1er février 2007 inclus afin remplacer une salariée employée en qualité d'apprentie monitrice éducatrice.

Par un avenant en date du 12 janvier 2007, le contrat a été prolongé jusqu'au 16 février 2007.

Un nouveau contrat de travail à durée déterminée a été conclu le 7 mars 2007, pour une période allant du 7 mars 2007 au 20 mars 2007.

Le 20 mars 2007, la relation contractuelle s'est poursuivie à durée indéterminée, Mme [K] ayant été engagée à temps plein en qualité d'aide médico-psychologique.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

Mme [K] a saisi une première fois le conseil de prud'hommes de Fontainebleau par requête du 13 juin 2016, aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Elle a été déboutée de l'ensemble de ses demandes par jugement du 17 septembre 2019.

Elle a interjeté appel le 18 octobre 2019 et une ordonnance constatant la caducité de la déclaration d'appel a été rendue le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris en l'absence de conclusions d'appelant communiquées dans le délai de trois mois visé à l'article 908 du code de procédure civile.

Par courrier en date du 11 mai 2017, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction fixé au 2 juin 2017.

Par courrier en date du 12 juin 2017, il lui a été notifié un avertissement.

Par courrier en date du 17 octobre 2017, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction, fixé au 17 novembre 2017.

Par courrier en date du 27 novembre 2017, il lui a été notifié une mise à pied disciplinaire de trois jours.

Par courrier recommandé en date du 3 juillet 2019, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 11 juillet 2019, avec mise à pied à titre conservatoire.

Mme [K] a été licenciée pour faute grave par courrier en date du 18 juillet 2019.

Par acte du 2 juin 2020, Mme [K] a assigné la Fondation Ellen Poidatz devant le conseil de prud'hommes de Fontainebleau aux fins de voir, notamment, annuler la mise à pied conservatoire, dire que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ainsi condamner en tout état de cause l'employeur à lui verser divers indemnités et dommages-intérêts.

Par jugement du 29 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Fontainebleau a:

- dit que Mme [Y] [K] a commis des fautes, des imprudences et des négligences qui caractérisent la faute grave,

- débouté Mme [Y] [K] de sa demande d'annulation de la mise à pied à titre conservatoire,

- dit que le régime d'équivalence des chambres de veille mis en place au sein de la société Fondation Ellen Poidatz Sis est en conformité avec les dispositions conventionnelles,

- débouté Mme [Y] [K] de sa demande que le régime d'équivalence n'est pas applicable au poste de " chambre de veille ",

- débouté Mme [Y] [K] de sa demande de la somme de 30 000 euros au titre de rappel de salaire du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019 pour unicité d'instance,

- débouté Mme [Y] [K] de sa demande de la somme de 5 000 euros au titre des heures supplémentaires majorées à 25% pour unicité d'instance,

- débouté Mme [Y] [K] de sa demande subsidiaire de la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de temps de travail quotidien pour unicité d'instance,

- débouté Mme [Y] [K] de sa demande subsidiaire de la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de temps de travail hebdomadaire pour unicité d'instance,

- dit que ses demandes subsidiaires au titre de non-respect des pauses quotidiennes et au titre de rappel de salaire hors " chambre de veille " ne sont pas fondées,

- débouté Mme [Y] [K] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [Y] [K] à verser à la société Fondation Ellen Poidatz Sis la somme de 700 euros (sept cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge respective des parties,

- dit que l'exécution provisoire est sans objet.

Par déclaration du 23 juillet 2021, Mme [K] a interjeté appel de cette décision, intimant la Fondation Ellen Poidatz.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 mai 2022, Mme [K] demande à la cour de :

Vu le jugement en date du 29 juin 2021,

Vu les articles du code du travail,

Vu les articles L. 1411-1et suivants, R 1452-1 et suivants, L. 1471-1,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu les articles 4, 480 et 1351 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu la convention collective nationale applicable,

Vu les pièces,

A titre principal :

- déclarer, Mme [K] recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer, le jugement du conseil de prud'hommes de Fontainebleau en date du 29 juin 2021, dont appel, en toutes ses dispositions,

- annuler la mise à pied à titre conservatoire,

- juger le licenciement de Mme [K] comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- requalifier le temps d'équivalence appliqué au poste de travail de 'veilleuse de nuit' en 'chambre de veille' de Mme [K] en temps de travail effectif,

- condamner, la Fondation Ellen Poidatz à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

* 19 615,31 euros au titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 996,64 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 3 566,42 euros au titre d'indemnité conventionnelle de préavis,

* 356,64 euros au titre d'indemnité des congés payés sur préavis,

* 1 783,21 euros au titre de l'indemnité compensatoire de congés payés

* 30 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la requalification des heures d'équivalence en temps travail effectif du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019,

A titre subsidiaire, et si la cour estimait le licenciement justifié et le régime d'équivalence applicable au poste de travail de Mme [K] :

- condamner, la Fondation Ellen Poidatz à verser à Mme [K] les montants suivants :

* 2 008,12 euros au titre des heures supplémentaires majorées à 25% du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019,

* 3 036,29 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par l'employeur du repos compensateur de 7% du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019,

* 504,44 euros au titre de congés payés afférents,

* 10 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par l'employeur des pauses quotidiennes du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par l'employeur des interventions hors " chambre de veille ",

A titre infiniment subsidiaire :

- condamner, la Fondation Ellen Poidatz à verser à Mme [K] la somme de 20 000 euros à titre des heures effectuées et non rémunérées du 20 mars 2007 au 18 juillet 2016,

En toutes hypothèse :

- condamner, la Fondation Ellen Poidatz à verser à Mme [K] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral,

- la condamner à la somme de 3 000 euros en application de la combinaison des 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 n° 91-647 du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens,

- dire, que les condamnations porteront intérêts au taux légal avec anatocisme en application de l'article 1343-2 du code civil,

- ordonner, l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 décembre 2021, la Fondation Ellen Poidatz demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Fontainebleau le 29 juin 2021 en toutes ses dispositions,

A titre principal:

- déclarer les demandes suivantes de Mme [K] irrecevables, comme se heurtant au principe d'unicité d'instance et à l'autorité de chose jugée, à savoir :

* dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail quotidien : 20 000 euros,

* dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale du temps de travail hebdomadaire : 5 000 euros,

* dommages et intérêts pour violation du repos compensateur : 5 000 euros,

* rappel de salaire hors " chambre de veille " du 23/06/2013 au 21/09/2015 : 4 192,07 euros,

* rappel de salaire au titre des heures majorées du 23/06/2013 au 21/09/2015 : 1 048 euros,

A titre subsidiaire :

- déclarer les demandes de Mme [K] de rappel de salaire irrecevables, car entachées de prescription, à savoir :

* rappel de salaire hors " chambre de veille " du 23/06/2013 au 21/09/2015 : 4 192,07 euros,

* rappel de salaire au titre des heures majorées du 23/06/2013 au 21/09/2015 : 1.048 euros,

En tout état de cause :

- débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [K] à verser à la Fondation Ellen Poidatz la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes de dommages et intérêts et de rappels de salaires présentées par Mme [K].

L'employeur soutient que le jugement prononcé le 17 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Fontainebleau a débouté Mme [K] de ses semandes et que les demandes à nouveau formées dans le cadre de la présente procédure sont irrecevables et par ailleurs pour certaines prescrites.

Mme [K] conclut au contraire à la recevabilité des demandes formées à compter du 18 juillet 2016.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que la chose jugée.

Aux termes de l'article 480 du même code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

L'examen du jugement prononcé entre les parties le 17 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Fontainebleau montre que Mme [K] avait sollicité, en plus de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, le paiement des sommes suivantes:

4192, 07 euros à titre de rappel de salaires;

1048 euros à titre d'heures majorées;

524, 01 euros à titre de congés payés sur rappel de salaires et heures majorées;

5000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos compensateur;

30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail;

10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail.

L'examen de la motivation de cette décision montre que le conseil de prud'hommes relève notamment que « Mme [K] sollicite à titre de rappel de salaire d'heures majorées pour la période comprise entre le 23 juin et 21 septembre 2015"; 'qu'elle a du 23 juin 2013 au 21 septembre 2015 accompli 48 heures en moyenne au titre de la demande de dommages et intérêts' pour non respect du repos compensateur. Le conseil relève encore au titre de la demande de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale de travail quotidien que le planning de Mme [K] prévoyait du 23 juin 2013 au 21 septembre 2015 un temps de présence dépassant la durée légale de 2h30 chaque lundi et de 30 minutes chaque mercredi.

Le dispositif de ce jugement se présente comme suit :'déboute Mme [K] de l'intégralité 'de ses demandes'.

Il résulte de l'examen des motifs du jugement prononcé le 17 septembre 2019 que le conseil de prud'hommes a spécifiquement examiné les demandes de rappel de salaires et de dommages et intérêts formée par Mme [K] pour la période antérieure au 22 septembre 2015.

Mme [K] ayant été déboutée de sa demande de résiliation, le contrat s'est poursuivi jusqu'à la notification du licenciement intervenu le 18 juillet 2019. Elle est donc recevable à former des demandes en lien avec l'exécution de son contrat pour la période du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019, étant rappelé que selon l'article L.3245-1 du code du travail la demande peut porter lorsque le contrat de travail est rompu sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Dès lors, l'autorité de la chose jugée du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Fontainebleau ne s'étend pas aux demandes formées pour les périodes postérieures à celles examinées. Seule la demande présentée à titre infiniment subsidiaire de rappel de salaire pour les heures effectuées du 20 mars 2007 au 18 juillet 2016 est atteinte par la prescription.

Les autres demandes ne sont pas prescrites en application des dispositions rappelées ci-dessus.

Ces demandes formées par Mme [K] dans le cadre de la présente procédure doivent donc être déclarées recevables.

Sur le licenciement

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave

Il doit être rappelé que la Fondation supporte exclusivement la charge - dans les termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige - de prouver avec certitude, la réalité comme l'imputabilité des faits prétendument constitutifs d'une faute grave et qu'ils sont de nature de ceux faisant immédiatement obstacle la poursuite d'exécution du contrat de travail, et si un doute demeure il doit profiter au salarié.

La lettre de licenciement pour faute grave du 18 juillet 2019 qui fixe les limites du litige reproche plusieurs griefs à la salariée qui seront examinés successivement.

En premier lieu la lettre de licenciement reproche en ces termes le comportement agressif de la salariée envers ses collègues et la non exécution de ses tâches: 'Le 28 juin 2019, nous vous avons reçue en entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire en présence de M. [G] [J], délégué syndical CFDT qui vous accompagnait et de Mme [X], directrice des établissements de la Fondation Poidatz et moi même. A l'issue de cet entretien préalable, M. [G] [J] délégué syndical nous a sollicités afin qu'une rencontre soit organisée avec vos collègues sur votre lieu de travail (Internat de [Localité 5]) afin de normaliser les relations d'équipe en raison des faits qui motivaient notre entretien du 28 juin 2019 et avant que nous prenions notre décision.

Pour rappel, les faits reprochés sont les suivants: Vos collègues ont témoigné le 27/05/2029 à l'issue d'une nuit particulièrement conflictuelle de votre comportement agressif à leur égard sur votre lieu de travail, du délaissement dans lequel vous pouviez les laisser volontairement même en cas de difficulté majeure avec un enfant et de votre refus d'exécuter de bonne foi certaines des tâches afférentes à votre fonction (change des enfants souillés..).

Cette médiation a donc eu lieu le 1er juillet 2019 et a été menée par M. [A] [L], directeur adjoint de la Sitelle, en présence de M. [J], délégué syndical.

Elle n'a cependant pas pu produire les effets d'apaisement escomptés au regard de votre comportement.

Des faits fautifs ultérieurs à l'entretien préalable du 28 juin 2019 s'étant déroulés, nous avons été contraints de vous convoquer à un second entretien préalable en vue de recueillir vos observations sur le comportement que vous avez adopté.

L'entretien était prévu le 11 juillet 2019 mais vous ne vous y êtes pas présentée et n'en avez pas demandé le report'.

A l'appui de ce premier grief, l'employeur se réfère aux éléments suivants:

- le courrier et l'attestation établis par Mme [O], surveillante de nuit à l'internat, laquelle relate avoir rencontré des difficultés avec Mme [K] dans le cadre de la transmission des informations et pour l'accomplissement du travail de nuit. Elle indique ainsi que Mme [K] l'interpellait à plusieurs reprises dans la nuit, puis cessait de le faire, et notait dans le cahier de transmissions des faits sur les enfants qui ne s'étaient pas passés ou pouvaient laisser un enfant qui peut être un danger pour lui même sans surveillance pendant 20 minutes;

- le courrier et l'attestation établis par Mme [T], monitrice éducatrice, laquelle fait état de ce que Mme [K] ne se lève pas quand elle entend du bruit dans les couloirs, la sollicite alors qu'elle est déjà occupée avec d'autres enfants, ferme sa porte à clef, agit parfois brutalement avec les enfants, laisse ses collègues faire le change des enfants (notamment le jeudi 9 mai 2019), va contre son autorité sur les enfants, lui a fait comprendre que ce n'était pas à elle d'intervenir entre 21h 30 et 6 h30, quitte son travail à 7h 30 au lieu de 8 heures contrairement aux indications du planning;

- une fiche incident établie par Mme [I], coordinatrice de l'internat ainsi que son attestation par lesquelles elle indique que Mme [K] a refusé d'aider une éducatrice spécialisée le 17 mai 2019 entre 7h 30 et 8 heures en 'élevant la voix';

- l'attestation de Mme [F], aide éducatrice;

- la fiche de poste de la salariée;

- une fiche descriptive de l'organisation de la veille de nuit qui précise que de 21h 30 à 6 h 30, la veilleuse de nuit se met à disposition de la surveillante de nuit qui 'évalue et sollicite la nécessité d'un deuxième professionnel'.

En défense, et s'agissant des faits antérieurs au 28 juin 2019, Mme [K] conteste les allégations de la directrice de la Fondation qui ne correspondent pas selon elle au contenu du compte-rendu dressé par M. [J], délégué syndical. En effet aux termes de celui-ci, M. [J] relate que Mme [K] a décrit ses activités ainsi que l'ordre qu'elle aurait reçu de la précédente direction, rappelé à l'équipe par le le chef de service, de rester dans sa chambre de veille, 'le surveillant de nuit devant faire la surveillance'. Toutefois elle a indiqué lors cet entretien que c'était impossible car il y avait trop de travail avec les enfants et a réfuté l'accusation d'avoir refusé d'aider ses collègues. A ce titre, elle souligne que l'employeur fait un amalgame entre son statut de personnel éducatif psychologique et celui de surveillance de nuit alors que M. [J] a du préciser que la salariée est autorisée par ce statut à être dans sa chambre et à intervenir en cas de nécessité.

Mme [K] produit également les cahiers de nuit pour les années 2016 à 2018 qui retracent les événements notés durant les nuits ainsi que le récit de son activité fait par M. [J] présent dans la nuit du 17 au 18 septembre 2018.

Il s'évince des pièces versées que Mme [K] a été recrutée en tant qu'aide médico-psychologique. La fiche de poste communiquée par l'employeur mentionne l'intitulé de poste de veilleuse de nuit, laquelle a notamment pour activités principales d'assurer ' une veille active' en dehors de la période dite de nuit (21 h 20 à 6h30) et durant la période de nuit (entre 21 h 30 et 6 h 30) 'séjourne dans la chambre de veille et intervient auprès des enfants en cas de besoin'.

Dans ces conditions, eu égard à la répartition des tâches entre les différents intervenants durant la nuit telle qu'elle ressort de la fiche intitulée ' organisation de la veille de nuit' et des compte-rendus établis en 2016 relatifs au dispositif provisoire de surveillance de nuit et les temps de nuit à l'internat, Mme [K] n'avait pas de par sa fiche de poste à intervenir pour la période entre 21 h 30 et 6 h 30 sauf en cas de besoin. Les éléments communiqués sur ce point par l'employeur ne sont pas suffisamment précis, datés et circonstanciés pour établir de façon claire les responsabilités respectives des intervenants. Il n'est pas démontré dans ces conditions que Mme [K] n'aurait pas effectué les transmissions à ses collègues, refusé d'accomplir son travail la nuit sur cette tranche horaire à la demande de ses collègues en cas de nécessité ou aurait eu un comportement reprochable vis à vis de ses collègues quand bien même elle aurait fait l'objet antérieurement de sanctions disciplinaires.

Seul est établi que Mme [K] a refusé d'aider une éducatrice le 17 mai 2019 à la demande de la coordinatrice de l'internat. Toutefois aux termes de son contrat de travail, les horaires de la salariée s'étendaient le jeudi de 20 h à 8 h le lendemain et non à 11 heures, heure jusqu'à laquelle elle devait effectuer une veille selon les termes de l'attestation de Mme [Z] en dehors de tout cadre contractuel démontré.

Au vu de ces éléments, le grief n'est pas établi.

En second lieu, la lettre de licenciement reproche en ces termes des faits d'insubordination commis par l'appelante et le mauvais traitement d'un pensionnaire: ' juste avant la médiation du 1er juillet 2019, vous avez insulté Mme [F] la traitant d'hypocrite devant M. [J], délégué syndical, puis vous avez agressé verbalement Mme [O], lui ordonnant une façon de travailler contraire à ses fonctions ce jour-là. Vous n'êtes en outre pas la supérieure hiérarchique de Mme [O], de sorte que vos propos étaient totalement déplacés, en plus d'être proférés sur un ton menaçant et humiliant devant des tiers.A l'issue de ce temps d'échange du 1er juillet 2019, vous avez proféré des menaces à l'encontre de Mme [O] et lui avez interdit de s'adresser au délégué syndical, pourtant présent à ce moment là.

Ce comportement humiliant envers votre collègue de travail s'est déroulé devant M. [L], directeur adjoint, et devant M. [J], délégué syndical CFDT.

De plus, durant la soirée du 1er juillet 2019, déjà évoquée ou j'étais d'astreinte, vous avez téléphoné sur le numéro réservé afin de faire part de difficultés avec le jeune [W] [S], qui aurait été très agité et incontrôlable suivant vos dires. Nous vous rappelons qu'un intervenant éducatif renfort, exclusivement dédié à la prise en charge de [W], était présent durant toute cette soirée. Vous m'avez enjoint 'd'enfermer [W] dans sa chambre', ce à quoi je vous ai donné un ordre direct vous interdisant l'enfermement de cet enfant. Malgré cet ordre direct, vous avez réiétéré vos propos à plusieurs reprises. Il apparaît que vous avez alors maintenu la poignée de la porte de chambre de [W] [S] pour le maintenir enfermé et refusé qu'une collègue intervienne.

Je vous ai demandé de me passer l'intervenant éducatif dédié à [W], ce qui n'a été possible qu'après plusieurs demandes répétées. J'ai pu à cette occasion constater l'absence de bruit ou de cris qui auraient corroborés les difficultés que vous évoquiez lors de cet appel. Durant cette même soirée, vos collègues ont ou attester de votre comportement provocateur et donc maltraitant avec cet enfant, [W] [S], qui au regard de sa pathologie n'est pas en capacité de supporter vos provocations sans troubles du comportement.

Vous vous êtes en effet présentée plusieurs fois dans la chambre de [W], déclenchant systématiquement des crises, alors que les équipes éducatives parviennent à le calmer en votre absence.

Vous avez eu une attitude volontairement provocatrice à l'encontre de [W] et ce à plusieurs reprises durant la soirée du 01/07/2019.

Cette provocation a été répétée plusieurs fois durant la soirée et ce malgré la réaction provoquée chez l'enfant dont vous avez été directement témoin.

Vous auriez également invité l'un de vos collègues, récemment arrivé, à procéder de manière physiquement violente avec ce même enfant.

Ces faits sont constitutifs d'une insubordination caractérisée et répétée inadmissible, en plus d'un mauvais traitement de l'un de nos pensionnaires malgré mes directives contraires, ce qui nuit à la bonne prise en charge des enfants, à la sérennité des équipes et à l'image de notre établissement.

Pour cette raison, M. [L], directeur adjoint et moi même vous avons signifié votre mise à pied le 3 juillet 2019 à 20 h 00 au moment de votre prise de service à [Localité 5]. Vous avez refusé de prendre ce courrier et de le signer. Vous avez également refusé, malgré un ordre direct que j'avais formulé, de remettre les clés de l'internat. Vous vous êtes ainsi livrée à nouveau à des faits d'insubordination'.

A l'appui de ce grief, l'employeur se réfère à nouveau à l'attestation de Mme [F] qui relate que le 1er juillet 2019 Mme [K] aurait maintenu fermée la porte de la chambre de l'enfant [W], alors en pleine crise, en laissant seul le surveillant de nuit, lui aurait refusé l'accès à la chambre et aurait débarqué à nouveau dans la chambre de l'enfant en indiquant ' qu'il faut qu'elle plaque [W] au sol et qu'on se mette sur lui pour qu'il ne se relève pas' avant de quitter les lieux puis d'y revenir provoquant une nouvelle crise de l'enfant.

Enfin, il produit la letttre adressée en recommandée portant notification de la mise à pied suite au refus de la salariée d'en prendre possession et lui rappelant qu'il est toujours en attente de la remise des clefs de l'internat qu'elle a refusé de restituer le même jour malgré l'ordre donné.

S'agissant des faits postérieurs au 28 juin 2019, Mme [K] conteste les allégations de ses anciennes collègues. Elle se réfère à l'attestation sur l'honneur de M. [J], lequel indique que Mme [K] a reproché le 1er juillet 2019 à Mesdames [O] et [F] de déguiser leur véritable caractère, qualifiant cette attitude d'hypocrite. Contrairement aux termes de la lettre de licenciement, il témoigne de ce qu'il n'a pas assisté directement à la scène décrite et n'a pas entendu de menaces proférées par Mme [K] envers Mme [O].

Ce témoignage est de nature à instiller un doute quant à l'existence des griefs formulés par l'employeur dans les termes de la lettre de licenciement qui doit profiter à la salariée. Il confirme cependant que celle-ci a pu reprocher tant à Mme [F] qu'à Mme [O] leur attitude hypocrite.

S'agissant de son comportement vis à vis de l'enfant [W], Mme [K] produit les attestations de deux anciennes collègues (Mesdames [M] et [D]), lesquelles relatent que pour des raisons de sécurité elles fermaient la porte en cas de grosse crise d'un pensionnaire (afin de le protéger et de protéger les autres pensionnaires) et que l'enfant [W] n'était pas dans le groupe de Mme [K] qui était affectée à un autre bâtiment. M. [J] indique que Mme [K] ne travaillait pas dans l'unité qui accueillait l'enfant [W]. Il précise que lors de la soirée où il était présent, l'enfant été accompagné par une personne qui n'appartenait pas à l'effectif de l'établissement et par la surveillante de nuit de l'unité.

Toutefois, il ressort des cahiers de liaison que l'enfant [W] a pu figurer dans ceux placés dans l'unité sous la surveillance de Mme [K]. Les éléments apportés par la salariée ne sont pas par ailleurs de nature à contredire le témoignage circonstancié de l'aide éducatrice présente qui corrobore les termes de la lettre de licenciement et les faits relatés par la directrice de l'établissement quant au comportement de la salariée sans qu'une confusion ait pu ainsi être faite par deux personnes sur la présence de Mme [K]. Il sera relevé à l'analyse des pièces que Mme [K] a reçu un ordre direct de ne pas procéder à l'enfermement de cet enfant, peu importe que les consignes antérieures aient pu préconiser le contraire, ordre qu'elle n'a pas suivi.

Par ailleurs, alors que l'employeur lui réclamait les clés de l'internat à la date de sa mise à pied, Mme [K] a refusé de s'exécuter obligeant l'employeur à lui réclamer par courrier recommandé.

Le grief d'insubordination est établi.

En troisième lieu, la lettre de licenciement reproche en ces termes l'attitude de la salariée:

'Vous avez eu devant M. [L] un comportement très agressif et violent, me menaçant par ces mots ' Vous n'êtes là que depuis 6 mois et moi depuis 15 ans, c'est vous qui allez être virée'. Puis ' vous paierez ce que vous faites' représailles de toutes sorte. Vous avez prétendu un arrêt de travail que vous n'avez pas été en capacité de fournir malgré notre demande.

Vous n'avez pas non plus été en mesure de nous expliquer votre présence sur votre lieu de travail dans le cadre de cet arrêt. Cette mise à pied à titre conservatoire vous a été confirmée par courrier adressé par recommandé avec accusé de réception et vous convoquant également à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement dès le 04 juillet 2019.

L'arrêt de travail que vous avez déposé le même jour était daté du 04/07/2019 attestant du fait que vous avez menti à votre employeur sur votre situation de travail le 03/07/2019 au soir.

Vous vous êtes ostensiblement livrée à une exécution déloyale de votre contrat de travail en présentant une version différente des pièces que vous nous avez communiquées et en remettant en cause l'autorité légitime de vos supérieurs hiérarchiques'.

A l'appui de ce grief, l'employeur ne produit pas d'élément.

Le grief n'est pas établi.

Du tout, il ressort que Mme [K] n'a pas respecté les ordres donnés par la directrice de l'internat du moins à deux reprises, ce qui caractérise une insubordination portant atteinte à l'autorité hiérarchique de l'employeur. Eu égard aux sanctions disciplinaires déjà prononcées, les griefs retenus sont d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible le maintien de Mme [K] dans l'entreprise et justifient son licenciement sans préavis ni indemnité.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de ses demandes au titre du licenciement et de la mise à pied à titre conservatoire.

Sur la demande au titre de l'indemnité 'compensatoire' de congés payés

Mme [K] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 1783, 21 euros à ce titre sans développer plus avant sa demande.

Toutefois, il est justifié par la production du relevé de solde de tout compte que la salariée a perçu à la date de la rupture la somme de 2878, 78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la requalification des heures d'équivalence en temps de travail effectif au titre du régime d'équivalence

Mme [K] soutient que l'employeur lui a appliqué un régime d'équivalence entre 21 h 30 à 6 h 30 payées à hauteur de 3 heures correspondant à la 'veille' alors qu'elle devait intervenir la nuit à de nombreuses reprises et accomplir ainsi des prestations de travail durant cette période, ce qui doit aboutir à une rémunération de la durée du travail effectif.

Elle réclame à ce titre 30. 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la requalification des heures d'équivalence en temps de travail effectif du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019.

La Fondation conclut au débouté.

Aux termes de l'article L.3121-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, une durée de travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction, soit par décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en conseil d'Etat. Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou conventions ou accords collectifs de travail.

Aux termes de l'article R. 314-201 du code de l'action sociale et des familles, les dispositions du présent paragraphe sont applicables :

1° Aux établissements gérés par des personnes privées à but non lucratif comportant un hébergement qui sont mentionnés aux 1°, 2°, 4°, 6°, 7° et 8° du I de l'article L. 312-1 ;

2° Aux emplois à temps plein de personnels éducatifs, d'infirmiers ou d'aides-soignants ou de personnels de même niveau de qualification appelés à les remplacer dont les titulaires assurent en chambre de veille au sein de l'établissement la responsabilité d'une surveillance nocturne.

Aux termes de l'article R. 314-202, pour le calcul de la durée légale du travail dans les établissements et pour les emplois mentionnés à l'article R. 314-201, chacune des périodes de surveillance nocturne en chambre de veille est décomptée comme trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures et comme une demi-heure pour chaque heure au-delà de neuf heures.

Selon l'article R.314-203 du même code, ' la période de présence en chambre de veille s'étend du coucher au lever des personnes accueillies tels qu'ils sont fixés par le tableau de service sans que sa durée puisse excéder 12 heures.

Aux termes de l'article 11 de l'annexe III de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, dans le cas où le personnel éducatif en internat est appelé à assumer en chambre de « veille » la responsabilité de surveillance nocturne, ce service s'étend, du coucher au lever des pensionnaires, sans que sa durée puisse excéder 12 heures.

Ce service fait l'objet d'une compensation dans les conditions suivantes :

- les 9 premières heures sont assimilées à trois heures de travail éducatif ;

- entre 9 et 12 heures chaque heure est assimilée à une demi-heure de travail éducatif.

Il en résulte que le régime d'équivalence institué par ces textes concerne, sans distinction, tous les membres du personnel éducatif dès lors qu'ils assurent en chambre de veille au sein de l'établissement la responsabilité d'une surveillance nocturne.

En l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées que l'établissement auprès duquel Mme [K] était affectée fait partie de ceux visés par ces dispositions. Par ailleurs, il résulte du contrat de travail du 20 mars 2007 mention expresse de l'application du régime d'équivalence. Mme [K] est bien concernée en tant que personnel éducatif alors qu'elle assurait une surveillance nocturne en chambre de veille de 21 h 30 à 6 h 30 au sein de l'établissement. Elle ne fournit par ailleurs aucun détail des heures de travail qu'elle aurait accomplies sur la période non prescrite et qui aurait pu dépasser les trois heures de travail effectif retenu par application du régime d'équivalence.

La durée légale du travail devait donc être calculée en prenant en compte chaque période de surveillance nocturne décompté comme trois heures de travail effectif pour les 9 premières heures et comme une demi-heure pour chaque heure au-delà de 9 h.

L'employeur est donc fondé à appliquer le régime d'heure d'équivalence.

Mme [K] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les demandes subsidiaires

Sur la demande au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur de 7 %

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, dès lors que le litige vient à porter sur l'existence ou le nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires qu'elle considère lui rester dues, la salariée indique qu'elle travaillait la semaine 1 36 heures et la semaine 2 40 heures, soit 38 heures en moyenne par mois, de sorte qu'elle doit bénéficier d'une heure supplémentaire majorée à 25% du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019, soit pour 42 semaines d'ouverture sur 3 années 126 heures au taux de 12, 75 euros majoré de 25 %

Mme [K] soutient que durant les périodes de veille comprises entre 21 h 30 et 6 h 30 elle a effectué de nombreuses interventions. Elle produit les cahiers de liaison qui retracent de 2016 à 2018 les événements de ses nuits de veille ainsi que l'attestation de M. [J], délégué syndical, dont il ressort que Mme [K] était dans la nuit du 17 au 18 septembre 2018 sollicitée à de nombreuses reprises par les enfants sans qu'elle ne soit trouvée en situation de repos dans sa chambre de veille.

Il s'en suit que la salariée étaye sa demande par des éléments précis et détaillés permettant à l'employeur d'y répondre.

Pendant les périodes de veille, la salariée démontre également avoir du effectuer une certain nombre de tâches et intervenir en cas de difficulté avec les pensionnaires.

Elle ne peut donc être considérée comme étant en repos durant sa période de veille.

L'employeur ne fournit aucune indication, renvoyant la charge de la preuve de ses interventions durant la période de veille à la salariée, interventions pourtant consignées dans les cahiers qui ne sont démentis par aucun autre document hors les allégations générales d'une ancienne collègue.

Les attestations d'autres salariés qu'il produit sur le fait que Mme [K] fermait la porte de sa chambre de veille et ne répondait pas aux sollicitations de ses collègues et n'était pas en quelque sorte à disposition de l'employeur pendant cette période de nuit ne valent que pour les attestants et sont contredites par les indications sur la fiche de poste et les directives mêmes données par l'employeur.

De même il doit prouver que la salariée a pu prendre ses pauses et il ne le fait pas plus.

En application de l'article R. 314-203-1 du code de l'action sociale et des familles, le recours au régime d'équivalence prévu à l'article R 314-202 ne peut avoir pour effet de porter :

1° A plus de quarante-huit heures la durée hebdomadaire moyenne de travail des salariés, décomptée heure pour heure, sur une période quelconque de quatre mois consécutifs;

2° A plus de douze heures la durée de travail des travailleurs de nuit, décomptée heure pour heure, sur une période quelconque de vingt-quatre heures; ces salariés bénéficient de périodes de repos d'une durée au moins équivalente au nombre d'heures qui sont effectuées au-delà de la huitième heure ... » .

« Pour l'appréciation de la qualité de travailleur de nuit selon les dispositions de l'article L. 3122-5 du code du travail, le temps de travail des salariés soumis au régime d'équivalence de l'article R. 314-202 est décompté heure pour heure» (article R 314-203-1 précité, dernier alinéa).

En l'espèce, les périodes de veille courraient usuellement de 21 h 30 à 6 h 30; elles comprenaient donc neuf heures de nuit de 21h 00 à 6h00. Elles étaient précédées d' une période de travail durant la période de nuit de 21h 00 à 21 h 30 ainsi que d'heures de travail selon les jours, hors période de nuit, de 19 h 30 ou 20 h 30 à 21 heures et suivies d'heures après 6 heures, outre deux heures de 10 h 30 à 12 h 30 le lundi. Il en découle que Mme [K] a travaillé certaines semaines après prise en compte de la durée d'équivalence au delà de la durée hebdomadaire prévue.

En conséquence, considérant la carence de l'employeur à justifier des horaires réalisés par la salariée, au vu des éléments produits, la cour estime par une appréciation souveraine que la salariée a accompli des heures supplémentaires pour un montant qu'elle fixe à la somme de 2008 euros, outre les congés payés afférents de 200,80 euros.

S'agissant de la demande au titre du repos compensateur, Mme [K] indique qu'elle n'a pas été rémunérée des repos compensateurs et ce dès la première heure de travail effectif de nuit pour une durée égale à 7 % par heure de travail dans la limite de 9 heures par nuit.

L'employeur oppose que le repos compensateur au regard du régime d'équivalence applicable n'est dû que sur les trois heures d'équivalence et que Mme [K], qui a bénéficié d'un temps de travail effectif très inférieur à sa rémunération, a été remplie de ses droits.

Toutefois, les explications données par l'employeur sont difficilement exploitables dès lors qu'il ne résulte pas des pièces produites que Mme [K] ait été remplie de ses droits au titre des repos compensateurs pour le travail de nuit. Il ressort au contraire de la transaction conclue avec une autre salariée ayant les mêmes fonctions que l'employeur reconnaissait à la date du 18 juillet 2016 que ' bien que relevant du statut de travailleur de nuit, elle ne bénéficiait pas de la réglementation relative au travail de nuit, notamment de la durée maximale du temps de présence et du repos compensateur de 7% par heure réalisée sur la plage horaire nocturne comprise entre 22 heures et 07h00 de surveillance médicale périodique en application de l'accord de branche 2002-01 du 17 avril 2002" et s'engageait à lui verser une somme en réparation du préjudice subi.

Il ressort des écritures que l'employeur a également proposé à ce titre une transaction à Mme [K] qu'elle aurait refusée jugeant la somme proposée insuffisante.

Dès lors, alors que le contrat de travail de Mme [K] s'est poursuivie à compter du 18 juillet 2016 dans les mêmes conditions et sans démonstration qu'elle ait été remplie de ses droits au titre du repos compensateur, il sera fait droit à sa demande de dommages et intérêts et ce dans les termes du dispositif. Toutefois la somme est attribuée à titre de dommages et intérêts et non de salaire et ne peut entrainer des congés payés.

Par infirmation du jugement, il sera fait droit à la demande.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du non-respect des pauses quotidiennes

Conformément à l'article L. 3121-16 du code du travail « Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives ».

L'article R. 314-203-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit également que «aucun salarié auquel est appliqué le régime d'équivalence prévu par l'article R 314-202 ne peut accomplir un temps de travail, décompté heure pour heure, excédant six heures consécutives, sans bénéficier d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes ».

Mme [K] se prévaut de l'article 20. 6 de la convention collective qui stipule que le temps de pause doit être rémunéré si le salarié ne peut s'éloigner de son poste de travail durant la pause, ce qui était le cas lors de ses postes de veille.

La preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur.

Pendant les périodes de veille, la salariée démontre avoir du effectuer un certain nombre de tâches consignées dans les cahiers produits et intervenir en cas de difficulté avec les pensionnaires et même au delà de 21 h 30.

L'employeur ne justifie pas de l'organisation du temps de travail et que la salariée a pu prendre ses pauses.

Il résulte des dispositions précitées qu'après six heures de travail effectif, le salarié doit bénéficier d'une pause d'au moins 20 minutes. Or, les permanences nocturnes constituant du temps de travail au sens de l'évaluation de la durée du temps de travail, peu important qu'il englobe des périodes d'inaction prises en compte au titre du système d'équivalence, le salarié qui les assure peut demander le respect d'un temps de pause de 20 minutes par 6 heures de surveillance nocturne.

L'organisation du travail mise en place en l'espèce a causé un préjudice à Mme [K], confrontée à des sujétions et propre à ouvrir droit à une réparation qu'il convient d'apprécier à la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non respect des pauses quotidiennes.

Sur les dommages et intérêts au titre des interventions hors la ' chambre de veille'.

Mme [K] sollicite tout à la fois dans le cadre du dispositif des dommages et intérêts pour ses interventions hors la chambre de veille et dans le corps de ses écritures un rappel de salaire à ce titre. Toutefois, alors qu'il a été retenu que le régime d'équivalence est applicable, les 9 heures de présence en régime d'équivalence sont rémunérées comme trois heures de travail effectif, les six heures restantes devant être qualifiées d'heures d'équivalence non rémunérées.

Mme [K] ne détaille nullement dans ses écritures ni sa demande en paiement de rappel de salaire sur la période courant du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019 ni les heures d'intervention, ce d'autant que le conseil de prud'hommes l'avait précédemment déboutée pour la période antérieure d'une demande de rappel de salaire. Elle ne communique pas plus d'élément sur le fondement juridique qu'elle souhaite mettre en avant au soutien de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Dans ces conditions, elle doit être déboutée de sa demande

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral

Il résulte des pièces versées aux débats par la salariée que la mise en oeuvre par l'employeur du régime d'équivalence a conduit à la mise en place d'une organisation de nature à nuire à la santé de la salariée et pouvant mener à un épuisement professionnel.

Il convient en conséquence d'allouer à Mme [K] au titre du préjudice moral en découlant la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

Il sera rappelé que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée.

Partie perdante, la Fondation sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Mme [K] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 2 ° du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DÉCLARE recevables les demandes formées par Mme [Y] [K] à l'exception de la demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées et non rémunérées du 20 mars 2007 au 18 juillet 2016;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [Y] [K] de ses demandes au titre de l'annulation de la mise à pied conservatoire, de ses demandes au titre du licenciement et de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés;

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la Fondation Ellen Poidatz à verser à Mme [Y] [K] les sommes suivantes:

2008 euros au titre des heures supplémentaires du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019;

200,80 euros au titre des congés payés afférents;

3036, 29 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du repos compensateur;

5000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du temps de pause du 18 juillet 2016 au 18 juillet 2019;

3000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral;

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce;

ORDONNE la capitalisation des intérêts;

CONDAMNE la Fondation Ellen Poitdatz à verser à Mme [K] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 2 ° du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991;

CONDAMNE la Fondation Ellen Poidatz Partie aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/06925
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.06925 ?
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