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02/05/2024 | FRANCE | N°21/05214

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 02 mai 2024, 21/05214


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° /2024, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05214 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2RN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 19/00770





APPELANTE



Madame [H] [N] épouse [P]

[Adresse 2]

[L

ocalité 4]

Représentée par Me Kevin MENTION, avocat au barreau de PARIS, toque : D1248





INTIMEE



SAS BIO-VSM LAB représenté aux présentes par ses représentants légaux en exercic...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° /2024, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05214 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2RN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 19/00770

APPELANTE

Madame [H] [N] épouse [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Kevin MENTION, avocat au barreau de PARIS, toque : D1248

INTIMEE

SAS BIO-VSM LAB représenté aux présentes par ses représentants légaux en exercice, domiciliés en ladite qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe PETTITI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1264

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Bio-VSM Lab exploite des laboratoires de biologie médicale.

La société Bio-VSM Lab a engagé Mme [H] [P] suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 février 2005, en qualité de technicienne préleveuse.

Les relations contractuelles entre les parties ont été soumises à la convention collective des laboratoires d'analyses médicales extrahospitaliers.

Dans le dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [H] [P] s'établissait à la somme de 3 009,33 euros.

Le 26 septembre 2016, Mme [H] [P] a été victime d'un accident de travail.

A l'issue de la visite médicale de reprise en date du 1er février 2018,le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de de technicienne de laboratoire, un reclassement étant possible, sous certaines conditions.

Par courrier du 10 mars 2018, la société Bio-VSM Lab a proposé à Mme [P] deux postes de reclassement, qu'elle a refusé.

Mme [H] [P] a fait l'objet, après convocation du 15 mars 2018 et entretien préalable fixé au 26 mars suivant, d'un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 29 mars 2018.

À la date de fin de contrat, la société Bio-VSM Lab occupait à titre habituel plus de onze salariés.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux, le 11 février 2019 aux fins, notamment, de voir son employeur condamné à lui payer une somme d'argent sur le fondement de l'article L1226-15 du code du travail, outre diverses autres sommes. Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG : F 19/103.

Par décision en date du 19 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Meaux a prononcé la caducité de l'affaire, décision notifiée le 27 septembre 2019.

La salariée a formé une demande de rétractation de la déclaration de caducité, reçue par le conseil des prud'hommes de Meaux, le 7 octobre 2019. Cette demande a été enregistrée sous le n° RG : F 19/770.

Par ailleurs, par requête en date du 22 mars 2019, Mme [H] [P] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nice des mêmes demandes. Cette juridiction étant territorialement incompétente, l'affaire a été radiée à la demande de la salariée.

Par jugement en date du 12 avril 2021 pris dans le dossier portant le N° RG F19/770 , le conseil de prud'hommes de Meaux a 'déclaré la demande de Mme [H] [P] prescrite et donc irrecevable' , et laissé les dépens à la charge de la salariée.

Par ordonnnance en date du 27 mai 2021, rendue dans le dossier portant le n° RG F19/103, le CPH de Meaux a ordonné la rétractation de la déclaration de caducité prononcée le 19 septembre 2019. L'affaire a été renvoyée à la séance du bureau de conciliation et d'orientation du 17 juin 2021, les demandes intiales de la salariée étant rappelées.

Par déclaration au greffe en date du 12 juin 2021, Mme [H] [P] a régulièrement interjeté appel du jugement du 12 avril 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 octobre 2023, Mme [H] [P] demande à la Cour de :

infirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de Meaux en date du 12 avril 2021 en ce qu'il a :

-déclaré la demande de Mme [H] [N] épouse [P] prescrite et donc irrecevable ;

-débouté Madame [H] [N] épouse [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1226-15 du code du travail ;

-débouté Mme [H] [N] épouse [P] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-12 du code du travail ,

-refusé d'acter que les autres créances avaient été versées en cours de procédure ,

-laissé les dépens à la charge de Mme [H] [N] épouse [P] et l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

- juger les demandes liées à la rupture du contrat de travail de Mme [H] [P] recevables sur le fondement de l'article L. 1471-1 du code du travail,

- condamner la société Bio-VSM Lab à verser à Mme [H] [P] les sommes suivantes :

* 45 139,95 euros net à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail,

* 3 009,33 euros sur le fondement de l'article L. 1226-12 du code du travail,

- prendre acte du règlement des rappels de salaire au titre de solde de tout compte à savoir :

* 808,33 euros net à titre de rappel de salaire sur l'indemnité légale de licenciement doublée,

* 1 120,34 euros brut à titre de rappel de salaire sur l'indemnité compensatrice de préavis,

- prendre acte du jugement du conseil de prud'hommes de Meaux du 11 avril 2022 prononçant son dessaisissement au profit de la cour d'appel saisit sur appel d'un jugement du 12 avril 2021 concernant les mêmes parties et les mêmes demandes,

- condamner la société Bio-VSM Lab à verser à Mme [H] [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts légaux,

- débouter la société Bio-VSM Lab de l'ensemble de ses moyens et demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 novembre 2023, la société Bio-VSM Lab demande à la Cour de :

Vu l'article L. 1471-1 2ème alinéa,

-confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux du 12 avril 2021, en ce qu'il a déclaré la demande de Madame [P] de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1226-15 du Code du travail prescrite et donc irrecevable, ainsi que la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1226-12 du Code du travail,

Vu l'article R 1452-2 du Code du travail et 70 du Code de procédure civile,

-constater que la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1226-12 du Code du travail n'a pas été formée lors de la saisine du Conseil de Prud'hommes, et en conséquence confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande irrecevable.

Subsidiairement,

- dire et juger que l'employeur a rempli ses obligations de reclassement,

-débouter Mme [H] [P] de sa demande de dommages et intérêts,

- constater que l'employeur a respecté son obligation de notifier les motifs pour lesquels le reclassement n'était pas possible,

En conséquence,

- débouter Mme [H] [P] de sa demande de dommages et intérêts,

Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour estimerait que l'employeur n'aurait pas respecté ses obligations au titre de l'article 1226-15 du code du travail,

- en application de l'article 1235-3-1 du code du travail, limiter la condamnation de la société au paiement de la somme de 18.055,98 euros brut à titre de dommages et intérêts,

En toutes hypothèses,

- débouter Mme [H] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [H] [P] aux entiers dépens.

Par jugement en date du 11 avril 2022, statuant dans l'affaire enregistrée sous le n° RG: F19/103, le CPH de Meaux s'est dessaisi au profit de la cour d'appel de Paris, au motif que celle-ci était déja saisie de l'appel du jugement en date du 12 avril 2021 intervenu entre les mêmes parties et concernant les mêmes demandes.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la prescription

La société soutient que le jugement déféré qui a considéré que ' la saisine du 7 octobre 2019 effectuée plus d'un an après la notification du 29 mars 2018 doit être considérée comme prescrite » et qui a en conséquence ' déclaré la demande de Mme [P] Prescrite et irrecevable ', doit être confirmé, étant précisé que ce sont bien toutes les demandes de l'intéressée qui ont été déclarées irrecevables.

La société explique qu'elle faisait valoir que la demande de dommages et intérêts, fondée sur l'article 1226-15 du code du travail était prescrite en application de l'article L. 1471-1 du Code du travail et donc irrecevable. Elle soulevait également l'irrecevabilité, mais sur le fondement des articles R. 1452-2 du code du travail et 70 du code de procédure civile.

La société soutient qu'après la caducité intervenue le 19 septembre 2019, la salariée a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes, cette saisine faisant l'objet d'une nouvelle convocation à l'audience de conciliation sous le n° RG F 19/770, qu'il s'agit là d'une nouvelle procédure laquelle, intervenue plus d'un an après le licenciement, est prescrite.

Elle indique que, pour le surplus des demandes, elle a procédé au réglement des sommes dues.

La salariée soutient que ses demandes n'encourent pas la prescription, dans la mesure ou, d'une part, elle n'a pas saisi de CPH de Meaux d'une nouvelle demande, son courrier en date du 27 septembre 2019 reçue par la juridiction le 7 octobre 2019 étant une demande de rétractation de l'ordonnance de caducité et ou, d'autre part, aucune prescription n'est encourue lorsqu'une demande en justice est formulée, même devant une juridiction incompétente, l'article R 1452-1 du code du travail, lequel mentionne que« la saisine du conseil de prud'hommes, même incompétent, interrompt la prescription », allant d'ailleurs dans ce sens.

Il résulte des pièces de la procédure que suite à la requête de Mme [P] en date du 11 février 2019, enregistrée sous le N° RG F 19/ 103, les parties ont été convoquées devant le bureau de conciliation et d'orientation pour le 6 juin 2019, que le conseil de la salariée a sollicité le renvoi de l'affaire à une date ultérieure, le conseil de la société ne s'y opposant pas et que l'affaire a été renvoyée à l'audience du 19 septembre 2019. A cette date, la salariée et son conseil n'ayant pas comparu, le conseil de prud'hommes de Meaux a prononcé la caducité de l'affaire.

La salariée justifie qu'elle a sollicité dans le délai de 15 jours la rétractation de l'ordonnnance prononçant la caducité.

La lecture du jugement dont appel permet de comprendre que le conseil des prud'hommes de Meaux, après avoir admis que la salariée a bien demandé la rétractation de l'ordonnnance de caducité dans le délai légal, a constaté que le greffe de la juridiction prud'homale n'avait pas convoqué les parties à une audience contradictoire afin qu'il soit statué sur la demande, si bien qu'aucune décision de rétractation n'était intervenue et a décidé que 'la saisine du 11 février 2019 déclarée caduque n'avait pu interrompre le cours de la prescription (...). la prescription n'ayant jamais été interrompue, la saisine du 7 octobre 2019, effectuée plus d'un an après la notification du 29 mars 2018 doit être considérée comme caduque' .

En statuant ainsi, le conseil des prud'hommes qui a considéré la demande de rétractation de l'ordonnance de caducité comme étant une nouvelle requête (et a d'ailleurs a enrôlé l'affaire sous un nouveau n° RG) a fait une lecture erronée de la demande. De plus, le conseil des prud'hommes de Meaux, constatant l'absence de réponse à la demande de rétractation, aurait dû se prononcer sur cette demande avant toute décision.

Il est d'ailleurs relevé que, dans le dossier initial n° RG F19/103, le conseil des prud'hommes de Meaux a finalement rendu une ordonnance de rétractation de caducité le 27 mai 2021 et a poursuivi la procédure en renvoyant l'affaire à une séance du bureau de conciliation et d'orientation, pour rendre le jugement du 11 avril 2022 par lequel il s'est dessaisi au profit de la cour.

Le conseil des prud'hommes de Meaux s'étant abstenu de statuer en temps utiles sur la demande de rétractation de la décision de caducité avant de rendre sa décision au fond, n'était pas fondé à déclarer les demandes de la salariée prescrites et en conséquence irrecevables.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2- Sur l'obligation de reclassement

Aux termes de l'article L 1226-10 du code du travail dans sa version applicable au litige ' Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.'

Aux termes de l'article L 1226-12 du code du travail ' Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.'

La preuve du respect de l'obligation de reclassement du salarié inapte pèse sur l'employeur et les propositions de reclassement par l'employeur doivent être loyales et sérieuses. Il appartient à l'employeur de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié au termes d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise ou d'entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

La salariée conteste le sérieux et la loyauté des recherches de reclassement entreprises par son employeur. Mme [P] fait valoir que les deux propositions de reclassement lui ont été faites et ont été présentées à la représentation du personnel avant le retour de l'avis écrit du médecin du travail sur ces propositions, la société conditionnant la consultation du médecin à son accord exprès. Elle souligne que le médecin du travail doit être interrogé lorsque le salarié émet des doutes légitimes quant à la compatibilité du poste offert. Elle souligne encore que le poste de coursier a finalement été déclaré incompatible avec son état de santé postérieurement à la proposition « officielle » qui lui avait été faite.

Mme [P] soutient que la chronologie des faits démontre l'absence de loyauté dans les recherches de reclassement, 10 jours s'étant écoulés entre le retour du médecin du travail et sa convocation à un entretien préalable. Mme [P] conteste la compatibilité des offres de reclassement qui lui ont été adressées avec son état de santé, soulignant, par ailleurs,que le poste de coursier entraînait une réduction drastique de son salaire et que pour l'autre offre, le lieu de travail n'était pas précisé.

Enfin, la salariée souligne que la société ne précise pas les recherches entreprises pour la maintenir dans son emploi.

La société indique qu'elle a respecté la procédure, qu'elle n'a proposé à la salariée des postes qu'après l'avis du médecin du travail et qu'elle a bien consulté le CSE après ces préconisations.

Un examen de pré-reprise a eu lieu le 2 janvier 2018. Une étude de poste et des conditions de travail a été réalisée par le médecin du travail le 15 janvier 2018, sur le site de [Localité 5]. A cette même date, un échange a eu lieu entre le médecin du travail et l'employeur.

Le 1 février 2018, Mme [H] [P] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude à son poste de travail en un seul examen, en application de l'article R 4624-42 du code du travail.

Le médecin du travail a indiqué : 'Mme [P] est inapte à son poste de technicienne de laboratoire précédemment occupé et à d'autres postes sur le site de [Localité 5]. (...) Mme [P] peut faire une formation ou peut occuper un poste type administratif, sous réserve de ne pas utiliser en continu la main droite (travail à son rythme avec pause dès que besoin), sans aucune manutention de charges ni gestes de préhension en force ou répétées de la main droite, sans gestes techniques, sans risque de traumatisme sur la main droite'.

La société justifie qu'elle a demandé au docteur [O] des précisions sur les modalités de reclassement de Mme [P], en particulier en ce qui concerne l'usage d'un ordinateur et si son reclassement en qualité de technicienne sur le plateau technique, sur un automate robotisé, ailleurs qu'à [Localité 5], pourrait être envisagé. Le médecin du travail a répondu par mail du 5 mars 2018. Elle a précisé que si Mme [P] était intéressé par le poste sur automate, le médecin du travail compétent pour le site devrait donné son avis.

Le CSE a été consulté sur les deux offres de reclassement le 9 mars 2018 et ces deux propositions ont été faites à Mme [P] par courrier en date du 10 mars 2018.

La société justifie en conséquence qu'elle a respecté la procédure formelle en dehors de toute précipitation.

Concernant l'offre de reclassement la société a proposé à Mme [P] un poste de coursier lequel a été déclaré incompatible avec l'état de santé de la salariée, le 12 mars 2018 par le médecin du travail, soit postérieurement à la proposition. Cette offre ne peut en conséquence être retenue comme étant sérieuse.

La société a également proposé à sa salariée un poste de technicienne en immuno biochimie. Sans que la salariée ne manifeste réellement son accord, une visite a été organisée par l'employeur, lequel a suivi les recommandations du docteur [O], à laquelle la salarié ne s'est pas présentée. Ce qui peut être compris comme le refus de cette offre.

Cependant, la cour constate d'une part que le docteur [O] avait émis des doutes sur la compatibilité de ce poste avec l'état de santé de Mme [P] et d'autre part, que la fiche de poste mentionne, au titre des risques professionnels, notamment, la manutention manuelle et/ou mécanique de charges de moins de 5 kilos et de charges comprises entre 5 et 15 kilos, le mouvement répétitif et le risque de chute, l'ensemble de ses éléments étant incompatibles avec l'état de santé de la salariée.

Dès lors, les offres présentées n'ont pas été loyales.

Par ailleurs, la société ne justife aucunement avoir tenté d'adapter un poste administratif de type secrétariat, partant du postulat que l'usage d'un ordinateur à ce poste serait forcément soutenu/continu et en conséquence incompatible avec l'état de santé de la salariée.

Il s'en déduit que la société a manqué a son obligation de reclassement et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

3-Sur la demande d'indemnité fondée sur l'article L 1226-15 du code du travail.

Aux termes de l'article L1226-15 du code du travail, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L.1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L.1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14.

La société n'ayant pas satisfait à son obligation de reclassement à l'égard de Mme [P] et en l'absence de demande ou proposition de réintégration, il sera fait application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [P], de son âge (36 ans), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et explications fournies, il y a lieu de lui allouer, une somme de 25000 euros.

La décision des premiers juges sera infirmée de ce chef.

4-Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L 1226-12 du code du travail.

Aux termes de l'article L 1226-12 alinéa 1 du code du travail ' Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.'

En cas de non respect de notification au salarié des motifs s'opposant à son reclassement, celui-ci peut prétendre à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire en application de l'article L 1235-2 dernier alinéa du code du travail.

La société soutient que cette demande doit être déclarée irrecevable, dès lors qu'elle n'a pas été formée lors de la saisine du Conseil de Prud'hommes et que la saisine ne mentionnait pas de chef de demande en application de l'article R. 1452-2 du code du travail. Elle fait valoir que le principe de l'unicité de l'instance n'étant plus applicable en matière prud'homale, il appartenait à la salariée, soit de former cette demande dès l'introduction de sa première demande devant le conseil de prud'hommes, soit de saisir de nouveau le conseil de prud'hommes au titre de sa nouvelle réclamation.

La société indique que la demande liée à l'absence d'information préalable sur l'impossibilité de reclassement n'a pas de lien suffisant avec la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au sens de l'article 70 du code de procédure civile.

Elle soutient que la salariée a été informée des motifs qui s 'opposent à son reclassement.

La société estime que la demande est également irrecevable au titre de la prescription et des dispositions de l'article L. 1471-1 2 ème alinéa.

Mme [P] soutient que sa demande est recevable en application des articles 70 et 566 du code de procédure civile.

La salariée soutient que l'information prévue à l'article L 1226-12 al 1 ne lui a pas été donnée avant l'engagement de la procédure de licenciement. Elle soutient que sa demande est recevable en application des articles 70 et 566 du code de procédure civile.

Il a été développé plus haut que les demandes de Mme [P] n'étaient pas prescrites sur le fondement de l'article L 1471-1-2ème.

Par ailleurs, la demande fondée sur l'article 1226-12 du code du travail présentée en cours de procédure devant le conseil de prud'hommes initialement saisi d'une contestation relative au respect de l'obligation de reclassement suite à la déclaration d'inaptitude se rattache à cette dernière par un lien suffisant.

La demande est ainsi recevable.

Au fond, la société ne justifie effectivement pas avoir formellement notifié à la salariée son impossibilité de reclassement après son courrier du 10 mars 2018 qui lui expose l'état de la procédure et lui fait part de deux offres de reclassement, soulignant qu'à défaut d'acceptation, la procédure de licenciement serait engagée.

Une somme de 1500 euros sera allouée de ce chef à la salariée.

5-Sur la demande de prendre acte du réglement des rappels de salaires au titre du solde de tout compte

La salariée demande que la cour prenne acte du paiement par la société à son profit de la somme de 808,33 euros net correspondant à un rappel de salaire au titre de l'indemnité de licenciement doublée et de celle de 1120,34 euros de rappel de salaire au titre de l'indemnité de préavis et congés payés y afférents.

La société rappelle qu'elle a effectivement réglé l'ensemble des sommes sollicitées et ne formule aucune demande de ce chef.

Aucune demande de condamnation, d'infirmation ou de confirmation de la décision déférée n'étant soumise à son appréciation, la cour n'a pas, comme le conseil de prud'hommes avant elle, à 'prendre acte ' de ces paiements.

Le jugement sera confirmé.

6- sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation. Il sera ajouté au jugement déféré de ce chef.

7-Sur les intérêts et leur capitalisation

La cour rappelle qu'en application de l'article L1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

La capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

8-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la SAS BIO-VSM LAB de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, la SAS BIO-VSM LAB est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de Mme [H] [P] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SAS BIO-VSM LAB est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux en date du 11 avril 2022 se dessaisissant du dossier enregistré sous le N° RG : F 19/103,

DIT l'action de Mme [H] [P] non prescrite et ses demandes recevables,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SAS BIO-VSM LAB de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [H] [P],

CONDAMNE la SAS BIO-VSM LAB à payer à Mme [H] [P] les sommes suivantes :

- 25000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L.1226-12 du code du travail,

DIT que ces sommes porteront intérêts aux taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil

ORDONNE d'office à la SAS BIO-VSM LAB le remboursement à Pôle Emploi , devenu France Travail, des indemnités de chômage versées à Mme [H] [P] dans la limite de trois mois d'indemnisation,

DIT que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

CONDAMNE la SAS BIO-VSM LAB à payer à Mme [H] [P] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,en première instance et en cause d'appel,

DÉBOUTE la SAS BIO-VSM LAB de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE la SAS BIO-VSM LAB aux dépens de première instance et d'appel;

REJETTE toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05214
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.05214 ?
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