La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2024 | FRANCE | N°21/03727

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 02 mai 2024, 21/03727


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° 183 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03727 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDS4L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 mars 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 19/03992





APPELANTE

Madame [T] [L] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3

]

Représentée par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS, toque B 0666



INTIMÉE

Association AFORP FORMATION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Véronique DAGAN, a...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 02 MAI 2024

(n° 183 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03727 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDS4L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 mars 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 19/03992

APPELANTE

Madame [T] [L] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS, toque B 0666

INTIMÉE

Association AFORP FORMATION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Véronique DAGAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1255

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie SALORD, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie SALORD, présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie SALORD, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [T] [O] a été embauchée par l'association AFORP Formation - ci-après désignée l'AFORP - suivant contrat à durée indéterminée du 12 janvier 2017, en qualité d'assistante commerciale. L'AFORP a pour activité la mise en oeuvre de formations professionnelles pour les entreprises industrielles et numériques, emploie à titre habituel plus de 10 salariés et applique la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne du 19 juillet 1954.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juillet 2018 non retirée puis par lettre remise en main propre le 10 septembre 2018, Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 18 septembre 2018.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 septembre 2018, l'AFORP a notifié à Mme [O] son licenciement pour faute simple et l'a dispensée du préavis.

Par lettre du 11 décembre 2018, Mme [O] a contesté les motifs de son licenciement. A cette fin, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 20 septembre 2019.

Par jugement contradictoire du 30 mars 2021, le conseil de prud'hommes, dans sa formation paritaire, a débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et à payer à l'AFORP la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration notifiée par le RPVA le 16 avril 2021, Mme [O] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 16 octobre 2023, Mme [O] demande à la cour de :

réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes :

- dire et juger que son licenciement pour faute simple doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 4.475,62 euros (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 10.000 euros au titre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 5.000 euros au titre des dommages-intérêts pour le préjudice moral distinct subi,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 5.000 euros au titre du licenciement brutal et vexatoire,

- ordonner l'actualisation du reçu pour solde de tout compte, de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire des mois de septembre à novembre 2018,

- assortir cette actualisation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,

- ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'AFORP aux dépens.

réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer une somme de 500 euros à l'AFORP,

en conséquence et statuant de nouveau.

- dire et juger que son licenciement pour faute simple doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 4.475,62 euros (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 10.000 euros au titre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 5.000 euros au titre des dommages-intérêts pour le préjudice moral distinct subi,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 5.000 euros au titre du licenciement brutal et vexatoire,

- ordonner l'actualisation du reçu pour solde de tout compte, de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire des mois de septembre à novembre 2018,

- assortir cette actualisation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,

ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

- condamner l'AFORP à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

- condamner l'AFORP aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 23 novembre 2023, l'AFORP demande à la cour de :

sur le licenciement :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

le confirmer en ce qu'il a dit et jugé que la procédure de licenciement n'a pas été vexatoire,

en conséquence,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [O] de l'intégralité de ses demandes de ces chefs,

sur l'exécution du contrat :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que l'employeur a exécuté loyalement le contrat,

en conséquence,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

sur la procédure de licenciement :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la procédure de licenciement ne présente aucun caractère brutal ni vexatoire,

en conséquence,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef,

sur l'article 700 du code de procédure civile :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à 500 euros le montant de la condamnation de Mme [O] de ce chef,

statuant à nouveau sur ce point, condamner Mme [O] à lui régler la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

La clôture a été prononcée le 17 janvier 2024.

MOTIFS

Sur le bien fondée du licenciement

La lettre de licenciement indique que Mme [O] est licenciée pour faute simple.

Sont relevés :

- des défaillances dans l'exécution de ses missions,

- le refus d'exécuter des tâches en dépit de relances,

- un manque de respect et une insubordination.

La salariée considère qu'elle n'a commis aucune faute. Elle indique que suite au départ de sa collègue en charge de la facturation, sa charge de travail a été accrue, qu'elle avait une formation insuffisante et que sa supérieure rejetait ses erreurs sur elle.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du même code, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

A titre liminaire, la cour constate que l'AFORP fait état dans ses écritures de la condamnation pénale définitive de Mme [O] par jugement du 12 octobre 2021 du tribunal correctionnel de Bobigny pour des faits de faux, usage de faux en écriture et tentative d'escroquerie suite à sa production dans le cadre de la procédure prud'homale de trois faux bulletins de salaire mentionnant notamment un poste et une rémunération différents de la réalité. Dans sa motivation sur le licenciement, le conseil de prud'hommes a retenu le fait que Mme [O] ait usé de faux pour le tromper, ce qui démontre 'la malhonnête persistante de la salariée et sa réelle problématique avec l'autorité et le respect des règles en général'.

Or, ces faits, survenus postérieurement à la rupture du contrat de travail, ne peuvent être pris en compte dans l'appréciation du bien fondé du licenciement.

- Sur la facturation Alstom Promo en juillet 2018

Il est reproché à la salariée d'avoir refusé de préparer le dossier en vue de la facturation de cette formation, malgré plusieurs relances de sa responsable, d'avoir fait preuve d'un manque de respect de manière répétitive en envoyant des mails aux propos déplacés à sa responsable, d'insubordination suite au refus de faire le travail demandé et d'avoir haussé le ton et tenus des propos irrespectueux.

Il résulte des courriels versés au débat que le 25 juin 2018, Mme [X] [W], responsable du back office du processus relations-clients, encadrant une équipe de quatre personnes, dont la salariée, a demandé à Mme [O] de préparer les émargements des dossiers Alstom en vue de l'arrêté des comptes au 30 juin. Le 11 juillet, elle lui a demandé de procéder à la facturation de 12 candidats, ce à quoi la salariée a répondu qu'elle n'était pas à l'aise pour facturer ce type d'action, qu'il était convenu de ne facturer que 4 dossiers par semaine et qu'elle n'avait bénéficié que de deux journées de formation sur la facturation. Sa responsable lui a demandé de répartir ces dossiers pour que la facturation soit terminée le 25 juillet et indiqué qu'elles feraient ensemble les 2 ou 3 premiers dossiers. Mme [O] lui a répondu que la facturation n'est pas son coeur de métier et que la date limite pour mener cette tâche ne respecte pas les process. Elle lui écrit 'tu es responsable et moi assistance. Nous ne sommes pas censées supporter la même charge de travail'.

Les 16 et 18 juillet, Mme [W] a demandé à Mme [O] d'imprimer les feuilles d'émargements et de préparer des chemises plastifiées. Le 18 juillet, la salariée a indiqué qu'elle bloquait sa journée du lendemain pour effectuer cette tâche, puis dans un autre mail rappelé la norme de 4 factures par semaine et affirmé qu'elle ne peut s'acquitter de cette demande au regard de ses autres tâches et que les dossiers papiers sont à la vue de tous sur son bureau, si bien que Mme [W] peut se servir. Sa supérieure lui a rappelé sa demande et Mme [O] lui a répondu qu'elle ne pouvait savoir ce qui avait été déjà facturé et que le délai pour chercher ces informations lui semblait bien court, compte tenu du barbecue de l'après-midi. Un nouveau rappel lui a été adressé le 1er août pour son retour de congés et le 24 août, la salariée ayant continué à indiquer que les dossiers étaient disponibles sur son bureau et en format numérisé et qu'elle n'avait pas pu assurer la facturation en raison des délais imposés, de ses impératifs professionnels, de son arrêt maladie et des congés.

Selon l'attestation de M. [J] [F], conseiller emploi formation, le 20 juillet 2018, la salariée n'a pas accepté les relances de sa supérieure et s'est adressée à elle de manière non respectueuse suite aux consignes répétées de façon professionnelle. Selon le courriel de Mme [G] [Z], conseillère emploi et formation, du 20 juillet 2018, la salariée qui ne voulait pas effectuer son travail a haussé le ton toute seule et a parlé à sa supérieure d'un ton peu respectueux.

En l'absence de transcription des propos qualifiés de 'non respectueux' ou 'peu respectueux', aucune appréciation ne peut être portée par la cour sur leur nature.

Concernant le contenu des mails adressés par Mme [O] à sa responsable, il se caractérise comme le relève l'employeur, par son caractère répétitif.

Lorsque Mme [O] a été sollicitée, elle devait d'abord procéder à la récupération des émargements dont le délai d'envoi ne dépendait pas de sa volonté. Il ne peut donc être retenu qu'à partir du 25 juin 2018, elle était en mesure d'effectuer la tâche demandée.

Par ailleurs, sa hiérarchie a modifié sa demande pour tenir compte de la réaction de la salariée : il ne lui a plus été demandé de facturer mais de préparer les éléments de facturation, en lui donnant un délai plus important.

Enfin, Mme [O] ne pouvait opposer son absence de pratique de la facturation. En effet, le compte rendu de son entretien individuel réalisé un mois après sa prise de fonction lui fixe comme une de ses priorités la facturation et dans la rubrique des items au titre du savoir-faire, il est indiqué 'participer à l'activité de facturation voir pallier l'absence du chargé de facturation'. Un des trois objectifs fixé pour l'année à venir est l'aide à la facturation, évalué à partir de l'édition de factures. Il est en outre établi qu'elle avait bénéficié d'une formation de deux jours. Dans sa lettre contestant son licenciement, la salariée reconnaît d'ailleurs que la facturation fait partie de son profil poste.

Force est de constater que la salariée n'a eu de cesse de contester la demande de sa hiérarchie qui, au final, était simple et non chronophage puisqu'il s'agissait de préparer 12 dossiers papier une fois les émargements réunis. Elle a ainsi fait preuve de mauvaise volonté et le grief est établi.

- Sur l'erreur dans l'intitulé d'une action de formation

Il est reproché à la salariée de ne pas avoir corrigé une erreur dans une convention portant sur l'intitulé d'une action continue, correction demandée le 16 juillet 2018 par sa supérieure, ce que conteste Mme [O].

Or, la seule copie d'une mention manuscrite 'post it déposé sur le bureau d'Assistas le 16 juillet avec la mention 'merci de refaire les docs et envoyer ce matin par mail'' et 'dossier revenu sur mon bureau le 17 juillet sans modification (pièce 24 de l'employeur) sans que puisse être identifié l'auteur de ces mentions, ni leur date, est insuffisante à établir ce grief.

- Sur l'erreur de facturation

Les pièces établissent que Mme [O] a affirmé le 5 septembre 2018 qu'elle avait procédé à la facturation du groupe 3 Alstom et posté la facture et les feuilles d'émargement. Suite à l'absence de double des documents dans le dossier et de réception de cet envoi, elle a à nouveau envoyé les factures en recommandée dans douze enveloppes pour le même destinataire en raison selon la salariée de la rupture de stock d'enveloppes à soufflet, ce qui était faux selon l'employeur. 4 dossiers sur 12 présentaient des incohérences entre le nombre d'heures facturées issues du système d'information et le nombre d'heures figurant sur les feuilles d'émargement. En charge des avoirs sur deux dossiers erronés, la salariée a indiqué s'en être occupé avant de se raviser pour un dossier, obligeant sa supérieure à procéder à des modifications. L'employeur en tire pour conséquence un manque de professionnalisme de la salariée qui génère des retards dans le traitement des dossiers et ajoute un travail de recherches supplémentaires à l'administratrice du système d'information.

Mme [O] a reconnu avoir commis des erreurs, les imputant au fait qu'elle débute dans la facturation et que l'erreur est humaine.

Comme relevé par la hiérarchie de la salariée, ces erreurs constituent un manque de rigueur et relèvent à ce titre de l'insuffisance professionnelle.

Or, résultant d'un comportement involontaire, l'insuffisance professionnelle ne revêt pas de caractère fautif, à moins qu'elle ne procède d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée qui ne sont pas démontrées en l'espèce puisque Mme [O] a voulu rectifier ses erreurs.

- Sur le comportement créant un malaise dans l'équipe commerciale et le fait que certains collaborateurs n'ont plus sollicité la salariée de peur de ses réactions disproportionnées et provocations en public

Mme [O] produit une attestation d'[H] [N]. L'employeur relève que cette attestation n'est pas signée et demande qu'elle soit écartée. Si le formulaire de l'attestation est rempli et signé, il renvoie à un PDF en pièce jointe. Or, le contenu du texte dactylographié n'est pas signé et en l'absence de lien établi entre ce texte et le formulaire de l'attestation, il n'en sera pas tenu compte en l'absence de valeur probante.

Selon le courriel du 20 juillet 2018 de Mme [G] [Z], conseillère emploi et formation, elle a constaté que la salariée changeait de ton quand elle ne souhaitait pas effectuer un travail demandé par un cadre référent. Elle n'arrive pas toujours à communiquer avec Mme [O] qui est son assistante et lui donne l'impression de prioriser son travail en fonction de son affect. Si le travail est fait, les propositions commerciales ne sont pas toujours effectuées avec rigueur et ses affaires ne sont que partiellement traitées pendant ses congés. Ce relationnel engendre un climat particulier qui ne permet pas de travailler dans la confiance et la sérénité avec la salariée. Dans son attestation du 5 juin 2020, Mme [Z] ajoute que la salariée entretenait des relations tendues avec Mme [W] et s'adressait à sa supérieure de manière peu respectueuse et souvent avec désinvolture et qu'elle avait pris du recul dans les tâches administratives qu'elle lui confiait car elle n'était pas en totale confiance sur la gestion de ses dossiers.

Selon l'attestation de M. [J] [F], la salariée a tenu à plusieurs reprises des propos irrespecteux à Mme [W] suite à des consignes de celle-ci.

Mme [Z] est la seule conseillère emploi et formation travaillant avec Mme [O] à se plaindre d'elle. La salariée produit des échanges de mail démontrant que son travail est fait et qu'elle est remerciée. Ainsi, cette attestation ne démontre pas que plusieurs collaborateurs ne voulaient plus confier de missions à la salariée.

De plus, la description de Mme [Z] met en exergue un manque de rigueur, donc une insuffisante professionnelle.

En l'absence de description de propos non respectueux qui auraient été tenus par la salariée à Mme [W], ce grief ne peut être retenu.

Mme [E] [D], conseiller emploi et formation, indique dans son attestation que les assistantes commerciales de Mme [W] refusaient de travailler et étaient méchantes envers elle, prenant du plaisir à lui faire mal alors qu'elle était respectueuse. Cette attestation, par sa généralité, ne peut être retenue dès lors qu'elle n'identifie pas de comportement précis de la salariée.

Il est établi qu'en dehors des relations interpersonnelles entre Mme [O] et Mme [W], un climat tendu existait au sein de l'équipe du back office. Ainsi, M. [S] [B], directeur relations clients, a organisé pour cette raison une réunion le 24 octobre 2017 avec cette équipe. Selon le compte rendu de cette réunion produit par la salariée, et non contesté par l'employeur, les salariées ont toutes évoquées leurs difficultés avec Mme [W]. Concernant Mme [O], elle a reproché à sa supérieure de ne pas lui avoir accordé un jour de congé pour passer son permis de conduire car elle avait une formation ce jour là. En conclusion, les salariés prenaient des engagements, dont pour la salariée, d'avoir un comportement moins véhément. Mme [W] indiquait qu'elle ne se retrouvait pas dans les propos tenus à son égard et, en pleurant, qu'elle voulait partir. Selon l'attestation de M. [B], la dégradation dans l'équipe est intervenue au cours de l'été 2017, alors que Mme [W] occupait déjà ce poste et aucun fait concret n'explique la situation.

M. [U] [P], délégué CSE et délégué syndical, indique être intervenu à plusieurs reprises au CSE pour dénoncer les conditions de travail déplorables des salariées sous la direction de Mme [W].Il résulte du compte rendu de la réunion du comité d'entreprise du 20 septembre 2018 que la direction a été interrogée, comme en décembre 2017 et en avril 2018 devant le CHSCT, sur les conditions de travail au service du back office en raison de deux démissions, un changement de service et du fait que deux salariées indiquent que les conditions de travail étaient exécrables. La direction a répondu que la situation était due à un effet de groupe et que Mme [W] bénéficiait d'un suivi par l'école de management et d'un suivi personnel et qu'elle a tendance a être aussi exigeante avec son équipe qu'avec elle-même. Elle a aussi indiqué que la personne concernée par le licenciement, à savoir Mme [O], ne fait pas son travail et n'adapte pas son discours en fonction de la personne à qui elle s'adresse.

Mme [C] [A], ayant démissionné, indique dans son attestation que Mme [W] reprochait à son équipe de ne pas aller assez vite et qu'elle a été la 'cible de ses crises'.

Selon l'attestation de Mme [R] [K], qui est arrivée dans l'équipe de Mme [W] après le départ de la salariée, elle n'a pas constaté de pression ou de harcèlement de la part de Mme [W]. Cependant, cette attestation ne porte pas sur la période où la salariée était présente.

Ces éléments établissent que, contrairement aux allégations de l'employeur, la dégradation des relations au sein du service n'est pas imputable à Mme [O]. Elle n'était pas la seule à avoir des relations tendues avec Mme [W] puisque avant son licenciement trois personnes avaient quitté le service. La direction avait conscience des difficultés de Mme [W] qui ne peuvent trouver uniquement leur origine dans le comportement des membres de son équipe.

Ainsi, compte tenu du contexte ci-dessus établi, Mme [O] ne peut être tenue responsable du malaise dans son équipe.

Dès lors, n'a été retenu que le refus de la salariée d'exécuter une tâche sur l'ensemble de celles qui lui étaient confiées, ce refus s'inscrivant dans la perspective d'une augmentation de la charge de travail suite à l'absence d'une salariée et dans le contexte d'une ambiance générale dégradée.

Par conséquent, ce seul fait fautif est insuffisant à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [O] avait une ancienneté de 20 mois au sein de l'association AFORP et son salaire de référence s'élève à 2.171 euros.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, elle est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 1 et 2 mois de salaire.

Lors du licenciement, la salariée était âgée de 25 ans. Elle ne produit aucun élément sur sa situation professionnelle après la rupture du contrat de travail.

Au vu de ces éléments, l'indemnité sera fixée à 2.200 euros.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée fait valoir en premier lieu que l'employeur a violé l'article 4 du contrat de travail en l'obligeant à réaliser des missions incompatibles avec son poste, à savoir 12 factures en une semaine. L'employeur répond que cette violation n'est pas caractérisée.

L'article 4 du contrat de travail stipule que Mme [O] est embauchée comme assistante commerciale et précise sa classification.

Il résulte de son entretien d'évaluation réalisé en 2017 que la facturation faisait partie de ses missions, ce qu'a d'ailleurs reconnu la salariée dans sa lettre contestant son licenciement. De plus, comme le relève l'employeur, suite à la réaction de la salariée, il ne lui a pas été demandé d'effectuer 12 factures en une semaine mais de réunir les feuilles d'émargement nécessaires à la facturation. Elle a été sollicitée le 25 juin 2019 puis une date limite fixée au 25 juillet 2019 lui a été donnée.

Il s'ensuit que la salariée n'a pas dû accomplir de mission incompatible avec sa fonction.

La salariée soutient en second lieu que l'employeur a violé l'article 10 du contrat de travail en ne lui permettant pas de bénéficier d'une formation suffisante. L'employeur rappelle que la salariée a suivi une formation de deux jours en comptabilité.

L'article 10 du contrat de travail ne contient aucune disposition sur la formation.

Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois.

Or, la salariée a été formée pendant deux jours à la facturation et elle n'établit pas en quoi cette formation n'aurait pas été suffisante, ni qu'elle se serait heurtée à l'absence d'aide au sein de l'association pour l'accompagner.

L'employeur a donc respecté son obligation de formation.

Il s'ensuit qu'aucune inexécution du contrat de travail n'est caractérisée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande au titre du préjudice moral distinct

Mme [O] soutient que le comportement excessif et autoritaire de Mme [W] a amené à la démission de deux salariées et qu'à compter de ces départs, sa supérieure n'a cessé de lui faire des reproches sans que ces derniers ne soient fondés, ce qui a entraîné son licenciement.

L'employeur répond que la salariée ne justifie d'aucun agissement blâmable de Mme [W].

Il a été vu que certains reproches à l'égard de la salariée, sans constituer des éléments suffisants pour caractériser une faute, étaient fondés. De plus, Mme [O] ne caractérise pas un préjudice différent de celui qui a été indemnisé dans le cadre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande au titre d'un préjudice moral distinct non démontré sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du licenciement brutal et vexatoire

La salariée fait valoir d'une part, que son licenciement est vexatoire puisque les éléments dont se prévaut l'employeur sont mensongers et portent atteinte à son honneur et ses qualités professionnelles et d'autre part, brutal puisque l'employeur s'est empressé de la licencier pour un motif impropre.

L'association AFORP répond qu'elle a respecté la procédure de licenciement et ne lui a pas donné de publicité.

Les éléments contenus dans la lettre de licenciement ne constituent pas des mensonges mais une appréciation du comportement de la salariée, différente de celle de la cour. Par ailleurs, la salariée ne justifie pas de la brutalité du licenciement, les délais de la procédure ayant été respectés.

Enfin, aucun préjudice distinct de celui pris en compte dans l'indemnisation de la rupture du contrat n'est démontré.

Cette demande sera aussi rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts.

L'association AFORP devra adresser à Mme [O] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte.

L'association AFORP qui succombe partiellement est condamnée à verser à la salariée la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel, outre les dépens de première instance et d'appel. Elle sera déboutée de ses demandes de ces chefs. En conséquence, le jugement qui a condamné la salariée aux frais irrépétibles et aux dépens sera infirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour :

- exécution déloyale du contrat de travail,

- préjudice moral distinct,

- et pour licenciement brutal et vexatoire,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [T] [O] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l'association AFORP Formation à verser à Mme [T] [O] :

- 2.200 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

ORDONNE à l'association AFORP Formation de remettre à Mme [T] [O] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle emploi, devenu France Travail, conformes à la décision,

DÉBOUTE Mme [T] [O] de sa demande d'astreinte,

CONDAMNE l'association AFORP Formation aux dépens de première instance et d'appel,

DÉBOUTE l'association AFORP Formation de sa demande au titre des frais irrépétibles.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/03727
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.03727 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award