La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2024 | FRANCE | N°20/07052

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 02 mai 2024, 20/07052


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° 2024/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07052 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRGD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06089





APPELANTE



Madame [E] [U]

[Adresse 3]

[Adress

e 3]

Représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185





INTIMEES



SCP BTSG prise en la personne de Me Antoine BARTI, mandataire ad hoc de la S.A.R.L. E...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° 2024/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07052 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRGD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06089

APPELANTE

Madame [E] [U]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

INTIMEES

SCP BTSG prise en la personne de Me Antoine BARTI, mandataire ad hoc de la S.A.R.L. EL SABOR CUBANO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N'ayant pas constitué avocat

AGS CGEA D'[Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Figen HOKE, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Joanna FABBY Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société El sabor cubano (SARL) qui exploitait un restaurant cubain, a employé Mme [I] [P], née en 1965, à compter du 2 janvier 2016 en qualité de responsable de salle par un contrat à durée déterminée de 6 mois et à temps partiel de 76 heures par mois qui s'est poursuivi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel jusqu'au 31 mars 2017.

Les locaux dans lesquels le restaurant était exploité jusqu'alors par la société El sabor cubano, ont été sous-loués à la société Akwaba à compter du 1er avril 2017 et malgré l'annonce du transfert de son contrat de travail, Mme [P] n'a pas pu poursuivre son activité professionnelle avec la société Akwaba.

La société El sabor cubano a établi des documents de fin de contrat à la date du 31 mars 2017 qui mentionnent la période d'emploi du 1er mars 2016 au 31 mars 2027 ; l'attestation Pôle emploi mentionne comme motif de la rupture du contrat de travail « licenciement suite à la fermeture définitive de l'établissement ».

Mme [P] a saisi le 3 août 2008 le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société El sabor cubano pour former les demandes suivantes :

« - requalifier le contrat prétendument à temps partiel en contrat à durée indéterminée en temps complet.

- Dire et juger le licenciement de Madame [P] intervenu le 31 mars 2017 sans lettre de licenciement et donc sans motif dépourvu de cause réelle et sérieuse

- rappel de salaires du 01/07/2016 au 31/03/2017 sauf à déduire la somme nette de 3 800 € perçue au cours de la période : 35 073 €

- indemnité compensatrice de congés payés : 3 507,30 €

- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (L.8223-1 CT) : 23 382 €

- indemnité compensatrice de préavis : 3 897 €

- indemnité compensatrice de congés payés : 389,70 €

- indemnité de licenciement : 1 069,09 €

- indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à la date du 30 juin 2016 : 2 697,92 €

- indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 3 897 €

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000 €

- article 700 du Code de Procédure Civile : 2 000€

- ordonner à la société de régulariser les cotisations sociales auprès des organismes sociaux de décembre 2015 à avril 2017 inclus sous astreinte de 50 € par jour à compter de la notification du jugement

- ordonner à la SARL El sabor cubano de remettre à Madame [P] un certificat de travail conforme mentionnant comme date d'entrée le 18 décembre 2015 et comme date de sortie le 30 avril 2017, une attestation destinée au Pôle Emploi conforme mentionnant les mêmes dates d'entrée et de sortie et un salaire brut de 3 897 € par mois ainsi que la remise des bulletins de salaires de décembre 2015 à avril 2017 conformes sous astreinte de 50 € par jour à compter de la notification du jugement

- dire que le Conseil se réservera le droit de liquider les astreintes

- exécution provisoire article 515 C.P.C.

- dépens entiers lesquels comprendront l'intégralité des frais d'exécution ou de signification que pourrait avoir engagé Madame [P]

- intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes

- capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du Code Civil

- débouter la société de l'intégralité de ses demandes reconventionnelle. »

Par jugement du 14 septembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé des moyens, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« REQUALIFIE le contrat à durée déterminée de Madame [I] [P] en contrat à durée indéterminée à temps partiel

CONDAMNE la SARL EL SABOR CUBANO à payer à Madame [I] [P] les sommes suivantes :

- 996,53 euros à titre d'indemnité pour l'absence sur le contrat de travail à durée déterminée initial de la mention quant à la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

DEBOUTE Madame [I] [P] du surplus de sa demande

DEBOUTE la SARL EL SABOR CUBANO de ses demandes reconventionnelles et la condamne aux dépens. »

Mme [P] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 19 octobre 2020.

La constitution d'intimée de la société El sabor cubano a été transmise par voie électronique le 13 janvier 2021.

Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société El sabor cubano par jugement du 1er octobre 2021 et désigné la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société El sabor cubano.

Mme [P] a fait délivrer une assignation en intervention forcée pour l'audience du 12 décembre 2022 à l'encontre de la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société El sabor cubano par acte régulièrement délivré le 8 septembre 2022.

Mme [P] a fait délivrer une assignation en intervention forcée pour l'audience du 12 décembre 2022 à l'encontre de l'Unedic délégation AGS, CGEA d'[Localité 4] par acte régulièrement délivré le 8 septembre 2022.

Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif des opérations de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société El sabor cubano par jugement du 5 octobre 2022 et désigné la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano avec mission de poursuivre les instances en cours.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 6 décembre 2022.

Lors de l'audience du 12 décembre 2022, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 4 mars 2024 à charge pour Mme [P] de régulariser la procédure à l'encontre du mandataire ad hoc de la société El sabor cubano.

Mme [P] a fait délivrer une assignation en intervention forcée pour l'audience du 4 mars 2024 à l'encontre de la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano par acte régulièrement délivré le 26 octobre 2023.

Mme [P] a fait délivrer une assignation en intervention forcée pour l'audience du 4 mars 2024 à l'encontre de l'Unedic délégation AGS, CGEA d'[Localité 4] par acte régulièrement délivré le 15 novembre 2023

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 mars 2024.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 31 décembre 2020, Mme [P] demande à la cour de :

« Dire et juger Mme [P] bien fondée en son appel.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de requalification du contrat de travail, prétendument à temps partiel, en contrat à durée indéterminée en temps complet, de sa demande tendant à voir dire et juger son licenciement, intervenu le 31 mars 2017 sans lettre de licenciement et donc sans motif, dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de rappel de salaire du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017, de congés payés afférents au rappel de salaire, d'indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié sur le fondement de l'article L 8223-1 du Code du Travail, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents au préavis, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à la date du 30 juin 2016, d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Infirmer encore le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [P] de ses demandes de régularisation des cotisations sociales auprès des organismes sociaux de décembre 2015 à avril 2017 inclus, de remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée au Pôle Emploi et des bulletins de salaire de décembre 2015 à avril 2017 conformes, d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes et de capitalisation des intérêts.

Et, statuant à nouveau,

Requalifier le contrat prétendument à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Dire et juger le licenciement de Mme [P], intervenu le 31 mars 2017 sans lettre de licenciement et donc sans motif, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamner la société EL SABOR CUBANO à payer à Mme [P] les sommes suivantes :

- 35.073,00 € à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017 sauf à déduire la somme nette de 3.800 € perçue par Mme [P] à titre de salaire au cours de cette période

- 3.507,30 € au titre des congés payés incidents

- 23.382,00 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L.8223-1 du Code du travail

- 3.897,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 389,70 € au titre des congés payés incidents

- 1.069,09 € à titre d'indemnité de licenciement

- 2.697,92 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à la date du 30 juin 2016

- 3.897,00 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

- 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2.500,00 € en application de l'article 700 du CPC, en cause d'appel

Ordonner à la société EL SABOR CUBANO de régulariser les cotisations sociales auprès des organismes sociaux de décembre 2015 à avril 2017 inclus, sous astreinte de 50 € par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Ordonner à la société EL SABOR CUBANO de remettre à Mme [P] un certificat de travail conforme mentionnant comme date d'entrée le 18 décembre 2015 et comme date de sortie le 30 avril 2017, une attestation destinée au Pôle Emploi conforme mentionnant les mêmes dates d'entrée et de sortie et un salaire brut de 3.897 € brut par mois, ainsi que la remise des bulletins de salaire de salaire de décembre 2015 à avril 2017 conformes, sous astreinte de 50 € par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Dire que la Cour se réservera le droit de liquider les astreintes.

Condamner la société EL SABOR CUBANO aux entiers dépens, lesquels comprendront, outre le droit de plaidoirie, l'intégralité des frais de signification et d'exécution de l'arrêt que pourraient avoir à engager Mme [P].

Dire que les intérêts courront à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes.

Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil. »

MOTIFS

Selon le dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement.

La SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano et l'AGS qui n'ont pas conclu sont réputées s'approprier les motifs du jugement.

Sur le transfert du contrat de travail

Le conseil de prud'hommes a retenu que le contrat de travail de Mme [P] avait été transféré de la société El sabor cubano à la société Akwaba sur le fondement de 'article L.1224-1 du code du travail pour les motifs de fait suivants : « Attendu que la société AKWABA conserve une activité de Café, Bar, Restaurant, activité qui était incontestablement celle de la SARL EL SABOR CUBANO.

Attendu que la société AKWABA a écrit à la Madame [P] en date du 04 Avril 2017,afin de l'informer du transfert de son contrat de travail et que ce dernier se poursuivait aux mêmes conditions ;

En l'espèce, il n'est pas contestable ici que Madame [P] n'était pas sans ignorer que son contrat de travail avait été transféré, car informée par courrier, mais surtout s'étant déplacée le 5 avril 2017 sur son lieu de travail ;. »

Mme [P] soutient que son contrat de travail n'a pas été transféré de la société El sabor cubano à la société Akwaba fait que la sous-location n'est pas un des contrats qui entraînent le transfert légal du contrat de travail de 'article L.1224-1 du code du travail et fait qu'il n'est pas justifié de l'existence d'un transfert, à effet du 1er avril 2017, d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

L'article L.1224-1 du code du travail dispose : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

L'article L. 1224-1 s'applique à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Selon une jurisprudence constante « constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ».

Il ressort de la définition jurisprudentielle que l'entité économique doit comprendre plusieurs éléments :

- des moyens corporels ;

- des éléments incorporels ;

- du personnel propre ;

De plus, selon cette définition jurisprudentielle, l'ensemble de ces moyens humains ou matériels doit être organisé.

Un objectif propre doit en outre être poursuivi.

Lorsqu'une entité économique autonome a été reconnue, il faut en outre que cette entité économique soit transférée à un repreneur qui doit poursuivre la même activité pour que le transfert légal et de plein droit de 'article L.1224-1 du code du travail survienne.

A l'examen des pièces produites et des moyens, la cour retient que Mme [P] est bien fondée à contester le transfert de son contrat de travail au motif qu'aucun des éléments produits ou invoqués de façon péremptoire dans le jugement ne permet de retenir 'existence d'un transfert, à effet du 1er avril 2017, d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise mais aussi l'existence d'une entité économique, à savoir d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. En effet le contrat desous-location consenti à la société Akwaba n'emporte notamment pas en lui-même le transfert des éléments incorporels relatifs au bail des locaux et à la clientèle et aucun des éléments produits ou retenus dans les motifs du jugement ne permet de caractériser les éléments corporels et incorporels, le personnel propre, l'organisation de l'ensemble de ces éléments composant l'entité économique prétendument transférée et son objectif.

La cour retient donc que le contrat de travail de Mme [P] n'a pas été transféré à la société Akwaba sur le fondement de l'article L.1224-1 du code du travailcontrairement à ce que les premiers juges ont retenu.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a retenu que le contrat de travail de Mme [P] a été transféré à la société Akwaba sur le fondement de 'article L.1224-1 du code du travail, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit le contrat de travail de Mme [P] n'a pas été transféré à la société Akwaba.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein

Le conseil de prud'hommes n'a pas retenu que le contrat de travail de Mme [P] était à temps plein pour les motifs de fait suivants : « En l'espèce, le contrat à durée déterminée versé à la barre, ne précise pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; la rémunération quant à elle est indiquée à raison de 735 € mensuels ;

Attendu que Madame [P] a saisi le Conseil de céans au motif qu'elle travaillait à temps plein et non à temps partiel, et qu'ainsi elle devait recevoir un salaire de 3 000 € en qualité de responsable de salle du restaurant EL SABOR CUBANO ;

Pour autant le Conseil s'interroge sur le fait que Madame [P] ait attendu plus d'une année après son engagement auprès de la société défenderesse, pour réclamer un rappel de salaire sur la base de 3 000 € et revendiquer sa qualité de responsable de salle du restaurant EL SABOR CUBANO ;

A la question du Conseil, à propos des fiches de paies établies pour un temps partiel à raison d'un salaire brut de 735 € et surtout sur la réalité du paiement des 3 000 €, Madame [P] répond qu'elle était payée en partie en espèces ; pour autant. le Conseil lui demande d'éventuels reçus, ou à tout le moins ses déclarations d'impôts pouvant alléguer ses dires : la réponse sera négative ;

En l'espèce, les fiches de paie versées au débat du mois de mars 2016 au mois de décembre 2016 sont établies pour un salaire brut de 735 € hormis celles du mois de janvier à mars 2017 comportant des heures supplémentaires, mais toutes avec une qualité professionnelle de responsable de salle ;

Attendu que Madame [P] ne démontre pas au Conseil pas des éléments probants, qu'elle effectuait au sein du restaurant EL SABOR CUBANO un travail à temps complet ; »

Mme [P] soutient que :

- elle a été engagée le 18 décembre 2015 en dehors de tout contrat écrit pour travailler sur la base d'un temps complet au sein de la société El sabor cubano en qualité de responsable de salle moyennant un salaire net de 3 000 €,

- aucun contrat de travail à temps partiel n'a jamais été régularisé par les parties en sorte que le contrat est présumé à temps complet,

- pour renverser cette présomption, l'employeur doit démontrer la durée exacte du travail convenue, le fait que le salarié pouvait prévoir à quel rythme il doit travailler, et qu'il ne devait pas se tenir constamment à sa disposition,

- force est de constater en l'espèce que la société El sabor cubano ne combat pas la présomption de temps plein attachée à son contrat, aucune pièce n'étant versée relativement à la durée du travail et à ses horaires de travail,

- de surcroît elle établit que les horaires d'ouverture étaient du lundi au samedi de 12 heures à 2 heures du matin et le dimanche de 12 heures à minuit (pièce commune n° 3) et elle produit cinq attestations de clients et de commerçants voisins qui mentionnent qu'elle était toujours présente quand ils venaient (pièce commune n° 5 à 7 et 26 et 27).

La cour rappelle qu'en l'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel, le contrat est présumé conclu pour un temps plein.

Il s'agit d'une présomption simple. C'est à l'employeur et non au salarié qu'il incombe d'apporter la preuve contraire et d'établir l'existence d'un contrat de travail à temps partiel.

L'employeur qui conteste la présomption d'un emploi à temps plein doit rapporter la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition.

La cour constate que le contrat à durée déterminée que Mme [P] produit n'est pas signé ni par l'employeur ni par Mme [P], que ce contrat à durée déterminée est à temps partiel, qu'il s'est poursuivi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée sans qu'un avenant soit signé pour fixer les droits des parties relativement au temps partiel.

A l'examen des pièces produites et des motifs retenus par les premiers juges, la cour retient que Mme [P] est bien fondée à demander la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein au motif d'une part qu'en l'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel, le contrat est présumé conclu pour un temps plein, et au motif d'autre part qu'aucun élément produit ne permet de renverser cette présomption dès lors qu'aucune preuve n'est versée pour prouver la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et que Mme [P] n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas tenue de se tenir constamment à la disposition de la société El sabor cubano étant précisé que les bulletins de paie sont insuffisants, à eux seuls, pour établir l'existence d'un contrat de travail à temps partiel.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a que le contrat de travail de Mme [P] était à temps partiel, et statuant à nouveau de ce chef, la cour rle contrat de travail à temps partiel de Mme [P] en contrat de travail à temps plein.

Sur les rappels de salaire

Le conseil de prud'hommes a rejeté les demandes de rappel de salaire par voie de conséquence après avoir retenu que le contrat de travail de Mme [P] était à temps partiel.

Mme [P] demande par infirmation du jugement les sommes de 35 073 € à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017 et de 3 507,30 € au titre des congés payés afférents sauf à déduire la somme nette de 3 800 € au titre des salaires perçus pendant cette période.

Mme [P] soutient que :

- il était convenu qu'elle serait rémunérée 3 000 € nets sur la base d'un temps complet, ce qui représente un salaire brut de 3 897 €,

- à compter du mois de mars 2016, l'employeur a fait établir par son comptable des bulletins de salaire mentionnant un salaire de base de 735 € pour 76 heures (pièces n° 3 à 14),

- tout en déclarant un salaire de base de 735 € pour 76 heures travaillées, l'employeur lui a versé jusqu'en juin 2016 inclus, un salaire net de 3 000 €, conforme aux engagements pris,

- à compter de juillet 2016, l'employeur ne lui a plus versé de salaires, tout en lui délivrant des bulletins de paie ne correspondant à aucune réalité et faisant état d'un règlement du salaire « par chèque »,

- ses réclamations sont restées infructueuses et sans réponse de surcroît (pièces salarié n° 15 et 16),

- aucun élément de preuve ne prouve qu'elle a été payée.

A l'examen des pièces produites et des motifs retenus par les premiers juges, la cour retient que Mme [P] est bien fondée à demander, après déduction du salaire brut correspondant aux salaires net de 3 800 € perçus pendant la période, les sommes de 30 136,80 € à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017 et de 3 013,68 € au titre des congés payés afférents au motif d'une part que la cour a retenu que son contrat de travail devait être requalifié en contrat de travail à temps plein et au motif d'autre part qu'aucun des éléments produits ou retenus par les premiers juges ne permet d'établir que Mme [P] a effectivement été payée ne serait-ce que pour les sommes indiquées dans les bulletins de salaire délivrés à compter du 1er juillet 2016.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a ébouté Mme [P] de ses demandes relatives au rappel de salaire et aux congés payés afférents, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [P] au passif de la société El sabor cubano sommes de 30 136,80 € à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017 et de 3 013,68 € au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

À l'appui de sa demande relative à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimuléformulée à hauteur de 23 382 €, Mme [P] soutient que :

- aucun bulletin de salaire ne lui a été remis pour les mois de janvier et février 2016 ;

- la société El sabor cubano ne justifie pas avoir effectué la déclaration préalable à l'embauche,

- la société El sabor cubano a dissimulé la réalité des heures effectivement réalisées puisque les bulletins de salaire mentionnent une fausse durée du travail de 76 heures,

- l'intention de dissimuler l'activité est établie.

Il résulte des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche, à la délivrance d'un bulletin de paie ou en mentionnant sur celui-ci un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

A l'examen des pièces produites et des motifs retenus par les premiers juges, la cour retient que Mme [P] est mal fondée à demander l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au motif que le caractère intentionnel du travail dissimulé n'est pas établi.

La demande d'indemnité pour travail dissimulé est donc rejetée.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande relative à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur la régularisation des cotisations sociales auprès des organismes sociaux

Mme [P] demande la régularisation des cotisations sociales auprès des organismes sociaux de décembre 2015 à avril 2017 inclus, sous astreinte de 50 € par jour.

A l'examen des pièces produites, la cour retient que Mme [P] est mal fondée dans sa demande de régularisation des cotisations sociales au motif d'une part que les sommes de 30 136,80 € dues à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017 et de 3 013,68 € au titre des congés payés afférents sont fixées dans leur montant brut, incluant les cotisations sociales en sorte que la demande de régularisation fait double emploi à leur égard et au motif d'autre part que pour la période antérieure, aucun élément produit ne permet de retenir que la société El sabor cubano s'est soustrait à ses obligations ; en effet, pour ce qui est de la période antérieure au 1er juillet 2016, Mme [P] ne prouve ni qu'elle a perçu plus que les sommes indiquées sur les bulletins de salaire ni que les cotisations dues pour la période antérieure n'ont pas été payées en sorte que la régularisation demandée pour la période antérieure au 1er juillet 2016 n'est pas fondée.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de régularisation des cotisations.

Sur le licenciement

Le conseil de prud'hommes a rejeté les demandes relatives à la rupture du contrat de travail par voie de conséquence après avoir retenu le transfert du contrat de travail de Mme [P] à la société Akwaba.

La cour constate que la société El sabor cubano a établi des documents de fin de contrat à la date du 31 mars 2017 qui mentionnent la période d'emploi du 1er mars 2016 au 31 mars 2021 (pièce salarié n° 18 à 20) et que l'attestation Pôle emploi mentionne comme motif de la rupture du contrat de travail « licenciement suite à la fermeture définitive de l'établissement ».

Mme [P] soutient que son licenciement par la société El sabor cubano le 31 mars 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif notamment que la procédure de licenciement n'a pas été mise en en 'uvre et qu'aucune lettre de licenciement ne lui a donc été notifiée.

La cour rappelle qu'un employeur doit, pour licencier hors période d'essai, observer la procédure légale de licenciement et doit notamment notifier sa décision de licenciement ; à défaut de notification du licenciement dans une lettre énonçant les motifs du licenciement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A l'examen des pièces produites et des motifs retenus par le conseil de prud'hommes, la cour retient que Mme [P] est bien fondée à soutenir que la rupture du contrat de travail le 31 mars 2017 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que la société El sabor cubano qui a mis fin à son contrat de travail à cette date comme cela ressort de la délivrance des documents de fin de contrat précités, ne lui a pas notifié son licenciement dans une lettre énonçant les motifs du licenciement.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [P] relatives à la rupture du contrat de travail, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de Mme [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [P] demande la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [P] n'avait pas au moins deux ans d'ancienneté ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié égale au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [P], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [P] doit être évaluée à la somme de 2 500 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [P] au passif de la société El sabor cubano à la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Mme [P] demande la somme de 3 897 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

En application de articles L. 1234-1 et L. 1234-2 du code du travail, le salarié a droit à un délai-congé dont la durée varie en fonction de l'ancienneté ; avec une ancienneté comprise entre 6 mois et 2 ans, la durée du préavis est fixée à un mois ; l'indemnité légale de préavis doit donc être fixée à la somme de 3 897 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [P] au passif de la société El sabor cubano à la somme de 3 897 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

Mme [P] demande la somme de 389,70 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; la société El sabor cubano s'oppose à cette demande.

Par application de l'article L. 3141-22 du code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 3 897 €, l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [P] ; en conséquence, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis due à Mme [P] est fixée à la somme de 389,70 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [P] au passif de la société El sabor cubano à la somme de 389,70 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur l'indemnité de licenciement

Mme [P] demande la somme de 1 069,09 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Le salaire de référence de Mme [P] calculé sur la base d'un temps plein s'élève à 3 897 € par mois.

Mme [P] avait une ancienneté de plus d'un an à la date du licenciement le 30 mars 2017 (ancienneté de 1 an et 2 mois 2 janvier 2016, 30 mars 2017) comme cela ressort du contrat de travail qui mentionne le 2 janvier 2016 ; la cour retient que Mme [P] ne prouve pas qu'elle a commencé à travailler plus tôt faute de produire des éléments de preuve contraires aux bulletins de salaire ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits et une indemnité légale de licenciement doit lui être attribuée ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée, par année de service dans l'entreprise, sur la base d'1/5 de mois ; les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l'indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence ; pour le calcul du montant de l'indemnité, l'ancienneté prise en considération s'apprécie à la date de fin du préavis ; l'indemnité légale de licenciement doit donc être fixée à la somme de 974,25 € calculée selon la formule suivante : [(1 + 3/12)] x 1/5] x 3 897 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande formée au titre de l'indemnité de licenciement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [P] au passif de la société El sabor cubano à la somme de 974,25 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Mme [P] demande la somme de 2 697,92 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période de décembre 2015 au 1er juillet 2016.

A l'examen des pièces produites et des motifs retenus par les premiers juges, la cour retient que Mme [P] est partiellement bien fondée dans sa demande au motif qu'aucun élément produit ne permet de retenir que Mme [P] a été remplie de ses droits à congés payés pour la période antérieure au 1er juillet 2016 dont la cour retient qu'elle a commencé le 2 janvier 2016 comme cela ressort du contrat de travail produit et non en décembre 2015 dès lors que Mme [P] ne prouve pas qu'elle a commencé à travailler en décembre 2015.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période antérieure au 1er juillet 2016 et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [P] au passif de la société El sabor cubano à la somme de la somme de 2 312,38 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 2 janvier 2016 au 1er juillet 2016, le surplus de la demande étant rejetée fait que Mme [P] ne prouve pas qu'elle a commencé à travailler en décembre 2015.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la procédure

Mme [P] demande une indemnité de 3 897 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure.

La violation des exigences de la procédure de licenciement est sanctionnée par le code du travail et justifie l'allocation de dommages et intérêts en application des articles L. 1235-2 et L.1235-5 du code du travail dans leur rédaction applicable à la date des faits.

Il a été précédemment dit que le licenciement de Mme [P] a été prononcé sans observation de la procédure requise et sans cause réelle et sérieuse.

La violation de procédure concerne notamment l'assistance de la salariée par un conseiller lors de l'entretien préalable au licenciement ; il y a donc lieu à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits dont il ressort que le salarié peut prétendre à l'indemnité pour licenciement irrégulier fixé à un mois de salaire maximum, quels que soient l'ancienneté du salarié et l'effectif de l'entreprise ; en outre la rupture étant dépourvue de cause réelle et sérieuse, il peut cumuler l'indemnité ci-dessus et des dommages et intérêts dont le montant est fixé par le juge en fonction du préjudice subi résultant pour le salarié de la perte de son emploi, conformément aux articles L. 1235-5 et L. 1235-4 du code du travail, c'est-à-dire sans référence au minimum légal des six derniers mois de salaires.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par Mme [P] du chef du non-respect de la procédure de licenciement doit être évaluée à la somme de 1 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [P] au passif de la société El sabor cubano à la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure.

Sur la délivrance de documents

Mme [P] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu'ils ne sont pas conformes en ce qu'ils mentionnent la date de sortie du 30 mars 2017 au lieu de mentionner celle du 30 avril 2017 ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par Mme [P].

Il n'est en revanche pas fait droit à la demande de fixation du point de départ du contrat de travail au 15 décembre 2015 au lieu du 2 janvier 2016 au motif que Mme [P] ne rapporte pas la preuve que le contrat de travail a commencé le 15 décembre 2015.

Rien ne permet de présumer que la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n'y a donc pas lieu d'ordonner une astreinte.

Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, et statuant à nouveau, la cour ordonne à la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano de remettre à Mme [P] le certificat de travail, les bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision.

Sur les autres demandes

La cour dit que les intérêts moratoires sont dus pour les rappels de salaire et les créances salariales à compter de la date de réception par la société El sabor cubano de la convocation devant le bureau de conciliation, au 1er octobre 2021, date du jugement plaçant la société El sabor cubano en liquidation judiciaire ; en effet les intérêts moratoires ont été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective en application des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière.

La cour rejette en revanche la demande d'intérêts moratoires en ce qui concerne les dommages et intérêts en raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

La cour condamne la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de Mme [P] les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande relative à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de sa demande de régularisation des cotisations.

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le contrat de travail de Mme [P] n'a pas été transféré à la société Akwaba.

Requalifie le contrat de travail à temps partiel de Mme [P] en contrat de travail à temps plein.

Dit que le licenciement de Mme [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Fixe les créances de Mme [P] sur le passif de la société El sabor cubano, représentée par la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano aux sommes de :

- 30 136,80 € à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2019 au 31 mars 2017,

- 3 013,68 € au titre des congés payés afférents,

- 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 897 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 389,70 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis,

- 974,25 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2 312,38 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période antérieure au 1er juillet 2016,

- 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure.

Dit que les intérêts moratoires sont dus pour les rappels de salaire et les créances salariales à compter de la date de réception par la société El sabor cubano de la convocation devant le bureau de conciliation, au 1er octobre 2021.

Ordonne la capitalisation des intérêts et dit qu'elle s'opérera par année entière.

Rejette la demande d'intérêts moratoires en ce qui concerne les dommages et intérêts.

Ordonne à la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano de remettre à Mme [P] le certificat de travail, les bulletins de salaire, et l'attestation destinée à Pôle Emploi, rectifiés conformément à la présente décision.

Déboute Mme [P] de sa demande d'astreinte.

Déclare le présent arrêt commun à l'AGS.

Dit que les sommes allouées à Mme [P] seront garanties par l'AGS dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture, à l'exclusion de l'indemnité allouée par les premiers juges au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [P] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La cour condamne la SCP BTSG prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société El sabor cubano aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/07052
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;20.07052 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award