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02/05/2024 | FRANCE | N°19/09487

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 02 mai 2024, 19/09487


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° 168 , 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09487 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUHV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 septembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 16/00079



APPELANTE

UNEDIC Délégation AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST

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[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350



INTIMÉS

Monsieur [S] [C]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 02 MAI 2024

(n° 168 , 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09487 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUHV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 septembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 16/00079

APPELANTE

UNEDIC Délégation AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350

INTIMÉS

Monsieur [S] [C]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Nathalie BECQUET, avocat au barreau de l'ESSONNE

SCP [E] [O] prise en la personne de Me [O] [E] ès-qualité de mandataire ad hoc de la SARL ESSONNE DEMENAGEMENTS

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre TONOUKOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie SALORD, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie SALORD, présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie SALORD, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [S] [C] a été embauché par la société Trans Sphère, suivant contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2007, en qualité de chauffeur-VL-déménageur.

Il affirme qu'à compter du mois de juin 2009, l'activité de cette société a été reprise par la société à responsabilité limitée Essonne Déménagements et que son contrat de travail a été transféré à cette société.

La société Essonne Déménagements avait une activité de transport public routier de marchandises. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale du transport et des métiers auxiliaires.

Le 1er février 2016, le tribunal de commerce d'Évry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Essonne Déménagements et désigné comme administrateur Maître [F] [N] et comme mandataire judiciaire la SCP [E] [O], prise en la personne de Maître [E] [O].

Par courrier du 3 novembre 2016, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 14 novembre 2016.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 novembre 2016, la société Essonne Déménagements a notifié à M. [C] son licenciement pour faute grave.

Contestant la mesure de licenciement et sollicitant diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 26 décembre 2016.

Par décision du 24 juillet 2017, le tribunal de commerce d'Évry a prononcé la liquidation judiciaire de la société et désigné la SCP [E] [O], en la personne de Me [O], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 4 septembre 2019, le conseil de prud'hommes, dans sa formation paritaire, a :

- dit que la rupture du contrat de travail de M. [C] est illicite.

- fixé la créance de M. [C] à inscrire au passif de la liquidation de la SARL Essonne Déménagement, représentée par Me [O] agissant en qualité de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes:

3.320,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

332,03 euros au titre des congés payés afférents,

3.447,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

9.961,14 euros au titre de l'indemnité pour licenciement illicite,

685,12 euros au titre de rappel du maintien de salaire,

68,51 euros au titre des congés payés afférents,

4.980,57 euros au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

- déclaré les sommes ci-dessus opposables à l'AGS dans les limites de sa garantie légale,

- rappelé l'exécution provisoire de droit en application de l'article R1454-28 du code du travail.

- prononcé l'exécution provisoire conformément à l'application de l'article 515 du code de procédure civile, nonobstant toutes voies de recours,

- dit que les sommes visées par l'article 515 du code de procédure civile, hors salaires et accessoires de salaire, seront à placer sous séquestre à la caisse des dépôts et consignations dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement, si la partie défenderesse fait appel de la décision,

- ordonné à Me [O], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Essonne Déménagement, de délivrer à M. [C] un certificat de travail, les bulletins de salaire et une attestation Pôle Emploi conforme au présent jugement,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,

- ordonné l'emploi des dépens en frais de liquidation.

Par déclaration notifiée par le RPVA le 27 septembre 2019, l'Unedic Délégation AGS CGEA de l'Ile de France (ci-après désignée l'AGS) a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 11 juin 2020, l'AGS demande à la cour de:

- infirmer le jugement,

- constater que le conseil de prud'hommes a statué ultra petita,

- dire nul le jugement rendu,

- dire irrecevable M. [C] en ses demandes de condamnation,

- dire que toute demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Essonne Déménagement constitue une demande nouvelle irrecevable,

- dire inopposables à l'AGS les éventuelles créances de M. [C] en indemnités de rupture,

subsidiairement

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes,

très subsidiairement

dire que M. [C] pourrait au plus prétendre à:

une indemnité de licenciement pour 2.012,90 euros,

une indemnité de congés payés pour 613,16 euros,

très subsidiairement, sur la garantie,

- dire que l'AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et suivants et L 3253-17 du code du travail,

- limiter l'éventuelle exécution provisoire, à supposer qu'intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail,

- rappeler que la somme éventuellement due au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'une éventuelle astreinte, qu'elle soit ou non liquidée n'entrent pas dans le champ de la garantie de l'AGS,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 23 décembre 2019, Me [O], es-qualités de mandataire judiciaire de la société Essonne Déménagements, demande à la cour de:

infirmer le jugement, notamment en ce qu'il a jugé que le licenciement était nul,

et statuant à nouveau,

à titre liminaire,

juger irrecevables:

- toute demande de condamnation au paiement d'une somme d'argent dirigée contre la liquidation judiciaire de la société Essonne Déménagements,

- toute demande de condamnation aux intérêts légaux ou conventionnels,

- toute demande de condamnation sous astreinte,

- juger ce que de droit sur la nullité du jugement,

sur la rupture,

à titre principal,

dire et juger le licenciement pour faute grave bien fondé et débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail,

à titre subsidiaire,

- réduire le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 9.961,14 euros,

- dire ce que de droit sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents,

- fixer le montant de l'indemnité de licenciement légale à la somme de 2.012,90 euros,

sur la reprise d'ancienneté

débouter M. [C] de sa demande,

sur le maintien de salaire

juger ce que de droit,

sur le rappel de congés payés

juger ce que de droit,

sur les heures supplémentaires

débouter M. [C],

sur les indemnités journalières de casse-croute, de déménageurs et d'indemnité journalière sans route

débouter M. [C],

sur la demande de dommages et intérêts au titre de la visite médicale d'embauche et de suivi médical

débouter M. [C],

sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

débouter Monsieur [C],

sur le compte personnel de formation

débouter Monsieur [C],

sur les frais irrépétibles

débouter M. [C].

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 12 février 2020, M. [C] demande à la cour de :

- débouter l'AGS de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

dit et jugé que son licenciement était illicite,

et condamné la société Essonne Déménagement et fixé au passif de la liquidation judiciaire de ladite société, au profit de M. [C], les créances suivantes:

3.320,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

332,03 euros au titre des congés payés afférents,

3.447,99 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

685,13 euros au titre du rappel de maintien de salaire (arrêt maladie),

68,51 euros au titre des congés payés afférents,

statuer à nouveau et condamner la société Essonne Déménagements et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Essonne Déménagements à son profit les créances suivantes:

5.976,68 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

29.883 euros au titre de l'indemnité pour licenciement illicite,

25.773,19 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires,

2.577,32 euros au titre des congés payés afférents,

3.660,22 euros au titre des indemnités de casse-croûte et de déménageurs et indemnités journalières sans route,

5.000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de protection de la santé des salariés,

9.961,14 euros au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

1.000 euros au titre de dommages et intérêts pour défaut d'alimentation du compte personnel de formation,

1.000 euros au titre de dommages et intérêts pour remise tardive du solde de tout compte,

dire que l'AGS sera tenue de garantir cette créance dans les limites du plafond légal à défaut pour la société Essonne Déménagements de pouvoir y faire droit,

déclarer le jugement à intervenir opposable à l'AGS,

condamner la société Essonne Déménagements à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonner la remise d'un certificat de travail, bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi conformes.

Par jugement du 30 janvier 2023, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Essonne Déménagements pour insuffisance d'actifs et désigné comme liquidateur la société MJC2A prise en la personne de Maître [E] [O].

Le conseiller de la mise en état a ordonné le 8 mars 2023 la révocation de l'ordonnance de clôture pour que soit désigné un administrateur ad'hoc pour représenter la société dans cette procédure et lui signifier la déclaration d'appel et les conclusions avant le 3 juillet 2023, sous peine de radiation.

Suivant ordonnance du 20 juillet 2023, la société MJC2A, prise en la personne de Maître [E] [O], a été désignée par le tribunal de commerce d'Evry comme mandataire ad'hoc de la société Essonne Déménagements dans cette procédure. Par message envoyé par RPVA le 24 août 2023, l'avocat de l'ancien liquidateur, désigné mandataire ad'hoc, a indiqué qu'il intervenait désormais pour Maître [O] en sa qualité d'administrateur ad'hoc. En l'absence de nouvelles conclusions, il est donc réputé reprendre en cette qualité les conclusions du 23 décembre 2019.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

La clôture a été prononcée le 17 janvier 2024.

MOTIFS :

Sur la demande de nullité du jugement

L'AGS soutient que M. [C] est lié par ses demandes formulées dans l'acte de saisine du conseil de prud'hommes, qu'il ne pouvait les modifier, si bien que les irrecevabilités qui entacheraient les demandes figurant dans la requête les rendent irrecevables, sans que le salarié ne puisse les couvrir ultérieurement. Elle estime que, bien qu'il n'ait pas été saisi de cette demande, le conseil de prud'hommes a statué ultra-petita, en fixant au passif de la liquidation judiciaire de la société Essonne Déménagements les créances de M. [C] et que compte tenu de la substitution d'une demande irrecevable à une demande recevable, le jugement est nul.

Elle soutient en outre que les demandes initiales devaient être modifiées à son égard, compte tenu de sa qualité de tiers intervenante, dans les formes de la saisine initiale.

M. [C] fait valoir que l'AGS n'a pas soulevé l'irrecevabilité de ses demandes en première instance et ne peut la soulever pour la première fois en cause d'appel. Il affirme qu'il pouvait modifier ses demandes en cours de procédure, au vu de la survenance d'éléments nouveaux, qu'aucun texte n'impose le dépôt d'une requête actualisée dans le cadre de la mise en cause d'un tiers en intervention forcée et ne prévoit la nullité du jugement dans les hypothèses visées par l'AGS.

Le mandataire ad'hoc s'en rapporte.

Il résulte des conclusions de l'AGS que, dans ses conclusions récapitulatives en vue de l'audience du 29 mars 2019, M. [C] sollicitait 'de condamner la société Essonne Déménagements et fixer au passif de la liquidation judiciaire de cette société à son profit' diverses créances.

Il s'ensuit que le conseil de prud'hommes n'a pas statué ultra petita en fixant au passif de la société en liquidation diverses sommes au profit du salarié puisque cette demande figurait dans le dispositif des écritures de M. [C].

L'AGS sera donc déboutée de sa demande de nullité du jugement.

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la modification de la demande initiale de M. [C] pouvait être soulevé par l'AGS en première instance puisqu'elle indique dans ses conclusions que M. [C] avait modifié ses demandes à son égard par rapport à celles contenues dans sa requête introductive.

Or, au vu du jugement déféré, l'AGS n'a pas soulevé cette irrecevabilité en première instance.

Il s'ensuit que cette demande nouvelle est irrecevable en cause d'appel.

Sur l'inopposabilité à l'AGS des créances liées à la rupture du contrat de travail

L'AGS soutient que les créances liées à la rupture du contrat de travail lui sont inopposables, ainsi qu'à la procédure collective, car le licenciement pour faute grave de M. [C] n'a pas été validé par l'administrateur désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.

L'administrateur ad hoc n'a pas conclu sur ce point. M. [C] fait valoir que la preuve n'est pas rapportée que l'administrateur n'a pas participé à la procédure de licenciement et que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation sont garanties par l'AGS.

Le licenciement disciplinaire, qui n'est pas un acte de gestion courante, prononcé sans l'assistance de l'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion est inopposable à la procédure collective, sauf s'il est ratifié par l'administrateur ou le liquidateur.

Par jugement du tribunal de commerce d'Evry du 1er février 2016 prononçant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Essonne Déménagements, Me [F] [N] a été désignée comme administrateur avec pour mission d'assister l'entreprise pour tous actes concernant sa gestion. Par jugement du 24 juillet 2017 prononçant la conversation du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, le tribunal a mis fin à la mission de l'administrateur. Ainsi, le licenciement du 18 novembre 2016 a eu lieu pendant la période d'observation.

Or, la lettre de licenciement a été signée par le seul gérant de la société Essonne Déménagements.

Me [F] [N] n'est pas intervenue dans le cadre de la procédure prud'homale puisqu'il avait été mis fin à sa mission.

Il n'est ni allégué, ni justifié par le mandataire ad'hoc que l'administrateur a ratifié même implicitement le licenciement disciplinaire de M. [C]. Il s'ensuit que le licenciement a été prononcé sans l'assistance de l'administrateur.

La cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande dans le dispositif des écritures des parties visant à déclarer le licenciement inopposable à la procédure collective.

Il sera fait droit à la demande de l'AGS qui n'a pas, en raison de l'absence de ratification du licenciement par l'administrateur, à garantir les créances nées du licenciement et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre de la reprise d'ancienneté

M. [C] demande que son ancienneté soit fixée à sa date d'entrée au sein de la société Trans Sphère, soit à compter du 1er octobre 2007. Selon lui, l'activité de cette société a été reprise par la société Essonne Déménagements à compter du 1er juin 2009, si bien que son contrat de travail a été transféré. Il relève que son premier employeur exerçait la même activité que la société Essonne Déménagements et que son siège social était à la même adresse.

L'administrateur ad'hoc demande de rejeter cette demande en l'absence de justificatif.

L'AGS soutient que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un transfert d'activité, ni d'une reprise d'ancienneté par la société Essonne Déménagements.

Il résulte de l'extrait du site 'société.com' produit par M. [C] que la société Trans Sphère a été placée en liquidation judiciaire le 6 juin 2011 et clôturée pour insuffisance d'actif le 30 mai 2013. La société Essonne Déménagements a été inscrite au registre du commerce et des sociétés le 4 juin 1992.

M. [C] ne verse au débat aucun élément justifiant d'un transfert d'activité de la société Trans Sphère à la société Essonne Déménagements.

Aucun contrat de travail entre M. [C] et la société Essonne Déménagements n'est produit.

Dans ses différents courriers à l'Urssaf et à la caisse nationale d'assurance vieillesse, M. [C] a toujours affirmé qu'il travaillait depuis 2009 pour la société Essonne Déménagements. Dans sa lettre à la société Essonne Déménagements en date du 19 mai 2016, le salarié a contesté la date d'embauche mentionnée dans ses bulletins de salaire, à savoir le 22 juillet 2010, qui ne correspondait pas aux bulletins de salaire en sa possession et indiqué qu'il avait été embauché par son employeur en 2007. L'employeur a contesté dans sa réponse du 23 mai 2016 la date d'embauche en 2007, indiquant que le salarié ne pouvait détenir des bulletins de salaire de cette année, 'car je pense qu'ils sont à l'entête d'une autre entreprise et notamment la société Trans-Sphère. Mais il s'agit de deux entreprises distinctes qui n'ont rien en commun, la dernière n'ayant d'ailleurs plus aucune existence'.

M. [C] produit :

- un bulletin de salaire de la société Trans Sphère du mois de mai 2009,

- des bulletins de salaire de la société Essonne Déménagements du mois de juin et juillet 2009, dont le siège social était à la même adresse que la société Trans Sphère, qui reprennent l'ancienneté figurant sur le bulletin de paye de la société Trans Sphère au mois de mai 2009 avec une erreur d'un mois,

- les bulletins de paye de la société Essonne Déménagements à compter de 2013 qui mentionnent une date d'entrée dans la société au 22 juillet 2010.

Il s'abstient de produire les bulletins de paye entre le mois d'août 2009 et le mois de juin 2010 qu'il a pourtant envoyé à la caisse nationale d'assurance vieillesse, selon son courrier du 7 novembre 2016 (pièce 36 du salarié).

Dès lors, faute pour le salarié de démontrer avoir été employé par la société Essonne Déménagements entre le mois d'août 2009 et le mois de juin 2010, seuls les mois de juin et juillet 2009 seront pris en compte pour son ancienneté qui sera fixée à 6 ans et 6 mois.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 18 novembre 2016 vise:

- un abandon de poste du 14 au 28 octobre 2016,

- un abandon de poste le 31 octobre 2016,

- la dégradation d'un bien lors d'un déménagement le 17 octobre 2016,

- une précipitation sur les déménagements,

- et des pratiques tendant à mettre la pression et déstabiliser un autre salarié fragile.

Les trois derniers griefs ne sont justifiés par aucune pièce.

Concernant les abandons de poste, l'AGS fait valoir que le comportement de M. [C] justifiait un licenciement pour faute grave.

Le mandataire ad'hoc ajoute que le fait que M. [C] ait pris ses congés en dépit du refus express de l'employeur démontre qu'il n'entendait plus s'inscrire dans le lien de subordination et rendait le maintien des relations de travail impossible et que si la première absence a été sanctionnée par un avertissement, le salarié a persisté dans son comportement fautif.

M. [C] soutient que comme l'employeur avait déjà sanctionné le fait qu'il avait pris ses congés qui lui avaient été refusés, il ne pouvait invoquer ce fait pour le licencier.

M. [C] reconnaît avoir été absent sans l'autorisation de son employeur du 24 au 28 octobre et le 31 octobre 2016 pour s'occuper de son fils né en 2004.

Si la lettre de licenciement fait état d'une absence du 14 octobre au 28 octobre, aucune pièce ne démontre une absence du salarié avant le 24 octobre. En effet, la lettre de licenciement mentionne une dégradation lors d'un déménagement le 27 octobre, celle du 29 octobre 2016 sanctionne une absence non autorisée à compter du 24 octobre et le bulletin de salaire du mois d'octobre 2016 impute 42 heures sur le salaire de M. [C] à titre 'd'heures d'absence non rémunérées'.

La convention homologuée par le jugement de divorce du 15 mars 2016 prévoit que le droit de visite et d'hébergement de M. [C] sur son fils, né en 2004, s'effectuera pendant la totalité des petites vacances.

Il résulte de la lettre intitulée 'attestation' de Mme [G] [R], demeurant à [Localité 7], qu'elle a déposé son fils chez son père le 19 octobre et que son fils ayant oublié sa pièce d'identité, il n'a pu prendre le train le 30 octobre 2016, si bien que son père l'a ramené en voiture ce jour là.

M. [C] justifie avoir sollicité des congés du 24 au 28 octobre 2016 le 27 septembre 2016.

Par lettre du 29 septembre, cette demande a refusée par son employeur en raison d'une intense activité sur la période. Il a été proposé au salarié de prendre des vacances entre le 31 octobre et le 5 novembre.

Par lettre du 18 octobre, le salarié a répondu à son employeur qu'il devait l'informer un mois à l'avance du refus de congé et qu'il prendrait bien ses congés à la période prévue.

Par lettre du 19 octobre 2016, l'employeur a rappelé à M. [C] que l'entreprise avait été placée en redressement judiciaire et qu'il comptait sur sa présence le 24 octobre en raison de deux chantiers importants. Par lettre du 21 octobre, le salarié lui a répondu qu'il avait compris l'importance de la semaine de travail mais ne pouvait être présent car il avait la garde de son fils.

Par lettre du 29 octobre, l'employeur a adressé un avertissement au salarié. Il a regretté qu'il n'ait pas sollicité ses congés dès la rentrée scolaire, ce qui lui aurait permis d'aménager la date des déménagements. Il a écrit espérer que le salarié avait commis cette faute inexcusable en pensant être dans son bon droit du fait d'une mauvaise interprétation des textes.

En dépit ce cet avertissement, M. [C] n'est pas revenu travailler le 31 octobre du fait de la nécessité de raccompagner son fils à Bézier.

Dans ce contexte particulier, cette nouvelle absence sans autorisation de l'employeur ne constitue pas une faute grave mais une cause réelle et sérieuse de licenciement.

M. [C] a été en arrêt de travail suite à un accident du travail du 25 avril 2016 au 6 juin 2016. Il fait valoir qu'en l'absence de visite médicale de reprise, son contrat de travail était suspendu, si bien que son licenciement était illicite.

L'AGS et le mandataire ad'hoc ne développent pas de moyens sur ce point.

L'article R.4624-22 du code du travail, dans sa version applicable en l'espèce, dispose que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, ce qui est le cas en l'espèce.

Il n'est ni justifié, ni allégué par l'AGS et le mandataire ad'hoc que M. [C] a bénéficié d'une visite de reprise, si bien que le contrat de travail était suspendu lors du licenciement.

Aux termes de l'article L1226-9 du code de travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

La faute grave n'étant pas caractérisée, le licenciement est nul en vertu de l'article L. 1226-13 du code du travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement

La faute grave n'étant pas justifiée, le salarié a droit à une indemnité de préavis équivalente à deux mois de salaire, soit 3.320,38 euros, outre 332,03 euros au titre des congés payés.

L'indemnité légale de licenciement sera fixée à 2.697,80 euros au regard de l'ancienneté de six ans et six mois, telle que fixée dans les développements ci-dessus.

Afin d'indemniser la rupture illicite, M. [C] a droit à une indemnité au moins égale à six mois de salaire. Il lui sera alloué à ce titre la somme de 10.000 euros.

Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation l'indemnité de préavis et les congés payés afférent. Il sera réformé sur le montant de l'indemnité légale et de l'indemnité pour licenciement nul.

Sur la demande de maintien de salaire

Le salarié demande 685,13 euros, outre les congés payés, à titre de rappel de salaire correspondant au maintien de salaire que devait lui assurer l'employeur pendant son arrêt maladie pour accident de travail du 25 avril au 6 juin 2016.

L'AGS demande de rejeter la demande en l'absence de décompte des indemnités journalières perçues et le mandataire ad'hoc s'en rapporte.

L'article 17 bis 2c de la convention collective prévoit que le salarié ayant une ancienneté de plus de 5 ans bénéficie en cas d'accident de travail d'un maintien de salaire du 1er au 60 ème jour à hauteur de 100%.

Le salarié produit une attestation de paiement des indemnités journalières du 25 avril 2016 au 6 juin 2016, soit 38 jours, à hauteur de 1.348,10 euros (pièce 43 de M. [C]).

L'AGS et le mandataire ad'hoc ne contestent pas le calcul du montant du maintien de salaire.

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation 685,12 euros au titre du maintien de salaire et 68,51 euros au titre des congés payés afférents, précision apportée que les sommes sont exprimées en brut.

Sur la demande compensatrice de congés payés

M. [C] indique qu'il n'a pris aucun jour de congé entre 2015 et 2017 et a donc acquis un droit à congé de 45 jours, soit 3.447,99 euros.

L'AGS relève que le dernier bulletin de salaire d'octobre 2016 ne mentionne que 11,08 jours de congés non pris et que M. [C] pourrait se voir allouer une somme de 613,16 euros. L'administrateur ad'hoc s'en rapporte.

En vertu de l'article L. 3141-3 du code de travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif.

Le contrat de travail a pris fin le 18 novembre 2016 et M. [C] ne peut solliciter des congés payés au-delà de cette date.

Les bulletins de paye de 2015 ne mentionnent aucun congé pris et ceux de 2016 font état de 8,32 jours pris.

Il s'ensuit que le salarié a acquis 30 jours de congés payés en 2015 et 15 jours en 2016, en tenant compte de la période d'arrêt maladie et de la rupture du contrat.

Il sera donc fait droit à sa demande et le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la somme de 3.447,99 euros au passif de la liquidation , précision apportée que la somme est exprimée en brut.

Sur les heures supplémentaires

M. [C] indique qu'il effectuait 3 heures supplémentaires par jour et demande à ce titre 25.773,19 euros.

L'AGS fait valoir qu'il ne rapporte aucun début de preuve au soutien de sa demande et ne précise pas sur quelle période elle porte. Le mandataire ad'hoc relève que le salarié n'étaye par aucune pièce sa demande.

De manière générale, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Force est de constater que le salarié, qui ne précise même pas dans ses écritures la période au cours de laquelle les heures supplémentaires alléguées auraient été accomplies, ni les jours au cours desquels il a travaillé, ne produit aucun décompte, ni aucune autre pièce faisant état d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur de répondre. La seule lettre de l'inspection du travail indiquant au salarié la législation applicable aux heures supplémentaires et les obligations de l'employeur en la matière est insuffisante.

M. [C] n'indique pas le nombre d'heures supplémentaires qu'il aurait accomplies.

Il se déduit de ce qui précède que M. [C] ne présente pas, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre aux autres parties d'y répondre utilement.

Dès lors, le salarié sera débouté de cette demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les indemnités de casse-croute, de déménageurs et l'indemnité journalière sans route

M. [C] soutient qu'à compter du mois de février 2016, il n'a plus touché l'indemnité de casse croûte de 2,58 euros, l'indemnité journalière sans route de 15,20 euros et l'indemnité de déménageur de 15,50 euros. Il sollicite à ce titre la somme de 3.660,22 euros.

L'AGS et l'administrateur ad'hoc font valoir que ces indemnités ont été versées sous une autre dénomination.

Les indemnités journalières sans route et de déménageurs ne sont pas prévues par la convention collective.

Il ressort des fiches de paie qu'à compter de février 2016, le salarié s'il n'a plus perçu d'indemnité de casse croute, d'indemnité journalière sans route et d'indemnité de déménageur mais a néanmoins percu une indemnité dénommée 'forfait mensuel VL'. Il en résulte qu'il a bien continué à percevoir les indemnités en litige mais sous une autre dénomination et ne conteste pas le montant de chaque indemnité mensuelle au regard des sommes qui lui étaient dues en raison de son activité.

Il sera donc débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

Sur l'absence de visite médicale d'embauche et de suivi du salarié

M. [C] indique qu'il devait faire l'objet d'une visite médicale annuelle compte tenu de sa profession mais qu'il n'a passé la visite médicale d'embauche qu'au mois d'octobre 2015 alors qu'il souffre de problèmes dorsaux.

L'AGS et le mandataire ad'hoc font valoir que le salarié ne justifie pas d'un préjudice.

L'accord du 3 novembre 2010 relatif à la prévention et à la réduction de la pénibilité visé par le salarié, qui s'applique aux entreprises de transport de déménagement, n'a pas été étendu et il n'est pas justifié qu'il s'appliquait à l'employeur.

Au surplus, aux termes de l'article 1 de l'avenant n° 1 du 10 juillet 2012 à l'accord du 3 novembre 2010 relatif à la pénibilité, annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950:

« Les parties signataires incitent l'employeur à tenter, pour le personnel de déménagement dont l'emploi comporte une fonction de manutention, de port de charges lourdes et/ ou de gestes répétitifs, inhérents aux activités de déménagement, de garde-meubles et activités connexes visés à l'article 1er du présent accord, de réduire à 1 an l'espacement entre deux visites médicales auprès de la médecine du travail, en attendant l'aboutissement des démarches entreprises par les partenaires sociaux pour que les personnels susvisés puissent bénéficier d'une visite annuelle. »

Cette disposition n'impose qu'une obligation de moyens à l'employeur.

Selon l'article R. 4624-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la conclusion du contrat de travail : 'Le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail'.

Or, il n'est pas justifié que le salarié a bénéficié d'un examen médical d'embauche dans ce délai.

En deuxième lieu, l'article R. 4624-16 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2008-244 du 7 mars 2008 applicable à la date de conclusion du contrat de travail, dispose : 'Le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé. Le premier de ces examens a lieu dans les vingt-quatre mois qui suivent l'examen d'embauche'.

Il n'est pas justifié que M. [C] a bénéficié de ces visites de suivi.

Il se déduit de ce qui précède que l'employeur a manqué à ses obligations réglementaires de sécurité consistant à organiser au profit du salarié dans le délai applicable à l'époque une visite médicale d'embauche et des visites médicales de suivi.

Si M. [C] ne justifie pas de problèmes dorsaux, compte tenu des spécificités de son métier de déménageur, son préjudice sera réparé à hauteur de 200 euros et fixé au passif de la liquidation.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur le travail dissimulé

M. [C] affirme que son employeur n'a pas fait les déclarations qui s'imposaient et sollicite une indemnité de six mois de salaire.

L'AGS et le mandataire ad'hoc indiquent que l'élément intentionnel de l'employeur n'est pas caractérisé.

Selon l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 (dissimulation d'activité) ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche,

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie,

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il mentionne sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En vertu de l'article R243-14 du code de la sécurité sociale, en vigueur jusqu'au 24 novembre 2016, l'employeur était tenu d'adresser, au plus tard le 31 janvier de chaque année, à l'organisme ou aux organismes chargés du recouvrement des cotisations dont relèvent leurs établissements, une déclaration faisant ressortir, pour chacun des salariés ou assimilés occupé dans l'entreprise ou l'établissement, le montant total des rémunérations payées au cours de l'année précédente en indiquant, le cas échéant, le plafond annuel ou le plafond réduit appliqué à chacun des salariés.

Par lettre du 2 décembre 2016, la caisse d'assurance vieillesse n'a pas fait droit à la demande de régularisation de M. [C] portant sur ses trimestres travaillés pour les années 2007 à 2016. Ainsi, ses relevés de carrière édités par la caisse d'assurance vieillesse au 31 mars 2018 et au 8 janvier 2019 ne prennent en compte aucune activité professionnelle entre 2008 et 2016.

Suite à une réclamation du salarié, l'employeur lui a répondu par lettre du 23 mai 2016 qu'il avait procédé à la déclaration unique d'embauche après de l'Urssaf, qui est en charge de la transmission des données à la CNAV, qu'il lui laisse le soin de saisir la juridiction de son choix et qu'il serait à même de lui remettre les documents justificatifs.

La demande du salarié auprès de l'Ursaff pour savoir quand son embauche avait été déclarée n'a pas abouti en raison de l'absence de données nominatives dans les fichiers de l'organisme.

L'inspection du travail a indiqué à M. [C] qu'il figurait sur la déclaration annuelle des données sociales de son employeur en 2015.

Il en résulte qu'à tout le moins, la société Essonne Déménagements n'a pas déclaré à la caisse nationale d'assurance vieillesse l'activité salariée de M. [C], ce qui constitue du travail dissimulé au sens de l'article L. 8221-5-3° du code du travail en raison de la caractérisation de l'élément intentionnel. En effet, M. [C] avait demandé des explications à son employeur et sa situation n'a pas été régularisée.

L'article L. 8223-1 du code du travail, relatif aux droits des salariés en cas de recours par l'employeur au travail dissimulé, dispose qu' 'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire'.

Cette indemnité s'élève à (1.660,19 x 6=) 9.961,14 euros et le jugement du conseil de prud'hommes sera réformé en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation une indemnité différente.

Sur la demande au titre du compte personnel de formation

M. [C] indique que les heures de formation professionnelle auxquelles il pouvait prétendre ne figurent pas sur son compte personnel de formation et demande une indemnité de 1.000 euros à ce titre.

L'AGS et le mandataire ad'hoc soutiennent que le salarié ne produit aucun élément au soutien de sa demande.

Le dispositif du compte personnel de formation est entré en vigueur le 1er janvier 2015. Selon l'article R. 6323-1 du code du travail dans sa version en vigueur à cette date, ' en vue d'assurer l'alimentation des comptes personnels de formation des salariés mentionnés aux I et III, les entreprises concernées informent l'organisme paritaire collecteur agréé dont elles relèvent, avant le 1er mars de chaque année, de la durée de travail à temps plein applicable à ces salariés'.

Le salarié produit un document intitulé 'mes droits CPF 2017" avec une recherche pour tous les employeurs qui fait apparaître un décompte à compter du 4 avril 2017 pour un total de 14 heures, représentant les heures déclarées en 2017. De plus, le décompte ne fait pas apparaître de droits débités.

Il s'ensuit que pour 2015 et 2016, l'employeur n'a pas procédé à l'information prescrite par le règlement.

Le préjudice du salarié résultant de l'absence de droits à formation pour cette période du fait de la violation par l'employeur de son obligation sera évalué à 100 euros et le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande. Cette créance sera fixée au passif de la liquidation.

Sur la remise des documents de fin de contrat

M. [C] soutient que son employeur lui a adressé tardivement ses documents de fin contrat, suite à l'intervention de l'inspection du travail, ce qui lui a causé des difficultés financières.

L'AGS affirme que le salarié n'apporte pas la preuve de ce préjudice. Le mandataire ad'hoc n'a pas conclu sur cette demande.

L'article R. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la rupture, dispose : 'L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi'.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 novembre 2016, M. [C] a sollicité les attestations de son employeur pour bénéficier de ses indemnités au titre du chômage.

Par lettre du 13 décembre 2016, l'Inspectrice du travail a indiqué à M. [C] qu'elle avait adressé à son employeur une lettre relative aux difficultés qu'il rencontrait pour se voir remettre les documents de fin de contrat de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 décembre 2016, M. [C] a demandé à son employeur son reçu pour solde de tout compte en indiquant qu'il avait reçu la veille sa fiche de paye de novembre, son attestation assedic et son certificat de travail. Il produit la lettre de son employeur du 12 décembre comprenant le bulletin de salaire du mois de novembre, l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte accompagnant le chèque d'un montant de 1.270,22 euros est daté du 16 décembre 2016, l'employeur ayant indiqué au salarié dans sa lettre du 12 décembre 2016 que l'expert comptable procédait au calcul de la prime d'ancienneté.

Ainsi, en communiquant tardivement ces documents, l'employeur a violé son obligation réglementaire.

Le salarié produit une attestation de Mme [K] [X] qui indique lui avoir prêté 1.000 euros le 14 décembre 2016 pour subvenir à ses besoins et payer son loyer.

Le préjudice du salarié lié au retard de l'employeur sera évalué à 400 euros et le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande. Cette créance sera fixée au passif de la liquidation.

Sur les demandes accessoires

Par courrier du 15 novembre 2023, le directeur régional de la Délégation Unedic AGS a informé le premier président de la cour d'appel de Paris qu'à compter du 1er janvier 2024, la structure mettant en oeuvre le régime de garantie des salaires ne sera plus la Délégation Unedic AGS mais l'AGS et que ce transfert était sans effet sur le maillage territorial des CGEA. Par suite l'Unedic Délégation CGEA de l'Île de France sera désignée dans le dispositif du présent arrêt sous la dénomination 'AGS CGEA d'Île de France'.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS uniquement en ce qui concerne les créances liées à l'exécution du contrat de travail, laquelle sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [C] dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.

Il sera ordonné au mandataire ad'hoc de remettre à M. [C] un certificat de travail, un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi conforme à cette décision.

La décision étant rendue en dernier ressort et le pourvoi éventuel n'ayant pas d'effet suspensif, les demandes de l'AGS au titre de l'exécution provisoire sont sans objet.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et ordonné l'emploi des dépens en frais de liquidation.

L'équité commande de rejeter la demande de M. [C] au titre des frais irrépétibles.

Les dépens d'appel sont fixés au passif de la société liquidée.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DÉBOUTE l'AGS CGEA d'Île de France de sa demande tendant à déclarer nul le jugement du conseil de prud'hommes,

DÉCLARE irrecevable comme nouvelle la demande de l'AGS CGEA d'Île de France tendant à voir déclarer irrecevable la demande de M. [C] en fixation de ses créances au passif de la société Essonne Déménagements,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a:

- déclaré nul le licenciement,

- fixé au passif de la liquidation de la société Essonne Déménagements les créances de M. [S] [C] aux sommes suivantes :

*3.320,38 euros brut à titre d'indemnité de préavis,

*332,03 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 685,12 euros brut au titre du maintien de salaire,

* 68,51 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 3.447,99 euros brut au titre des congés payés,

- débouté M. [S] [C] de sa demande au titre des heures supplémentaires, des indemnités de casse-croute, de déménageurs et journalière sans route,

- rejeté les demandes au frais des frais irrépétibles et fixé les dépens au passif de la société liquidée,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que l'AGS CGEA de l'Île de France n'a pas à garantir les créances nées du licenciement,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société Essonne Déménagements les créances de M. [S] [C] aux sommes suivantes:

- 2.697,80 euros brut au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 200 euros à titre de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

- 400 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- 9.961,14 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de droit à la formation en 2015 et 2016,

DIT que l'AGS CGEA de l'Île de France devra garantir les créances issues du contrat de travail dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, soit :

- 685,12 euros brut au titre du maintien de salaire,

- 68,51 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 3.447,99 euros brut au titre des congés payés,

- 200 euros à titre de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

- 9.961,14 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de droit à la formation en 2015 et 2016,

ORDONNE à la société MJC2A, prise en la personne de M. [E] [O], mandataire ad'hoc, de remettre à M. [C] un certificat de travail, un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi conforme à cette décision,

CONSTATE que les demandes de AGS CGEA d'Île de France au titre de l'exécution provisoire sont sans objet,

DÉBOUTE M. [S] [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

FIXE au passif de la société Essonne Déménagements les dépens de la procédure d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/09487
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;19.09487 ?
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