Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 5
ORDONNANCE DU 30 AVRIL 2024
(n° /2024)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01986 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI2J3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Avril 2023 du TJ de PARIS - RG n° 21/12963
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
S.C.I. DE L AVIATION PIONNIERE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
Et assistée de Me Annie DE SAINT RAT, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : E0919
à
DÉFENDEUR
Madame [K] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Camille RENARD collaboratrice de Me Jérôme ROCHELET de la SELARL LIGNER & ROCHELET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0711
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 19 Mars 2024 :
Par jugement du 27 février 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Poitiers a autorisé la vente amiable d'une propriété appartenant à Mme [E] pour un montant ne pouvant pas être inférieur à 600.000 euros, a taxé les frais de poursuite à 5.495,12 euros, rappelé que les frais taxés doivent être versés directement par l'acquéreur en sus du prix de vente à l'exclusion de tous autres frais ou émoluments et que le juge ne pourra constater la vente que si elle est conforme aux conditions fixées par le jugement.
Par acte authentique du 7 mai 2018, Mme [E] a vendu à la Sci de l'aviation Pionnière ladite propriété moyennant un prix de 852.000 euros dont 10.000 euros de biens mobiliers.
Par jugement du 26 juin 2018, le juge de l'exécution a constaté la vente amiable du bien, ordonné la radiation des inscriptions d'hypothèque et de privilège, rappelé que l'article R 322-24 alinéa 2 du code de procédure civile d'exécution dispose que les frais sont versés directement par l'acquéreur en sus du prix de vente.
Par ordonnance du 7 mai 2019, le juge de l'exécution a homologué le projet de distribution du prix de l'immeuble, en date du 4 juillet 2018, élaboré et notifié par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou.
Par ordonnance du 25 juin 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, saisi d'une demande de provision, a renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige.
Par jugement réputé contradictoire du 21 avril 2023, le tribunal judiciaire de Paris a notamment condamné la Sci de l'aviation Pionnière à verser à Mme [E] la somme de 24.377,81 euros, dit que cette somme portera intérêt au taux légal en vigueur à compter de la signification du jugement à la Sci de l'aviation Pionnière, condamné cette dernière aux dépens et à verser à Mme [K] [E] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Sci de l'aviation Pionnière a interjeté appel du jugement le 20 juillet 2023.
Par acte délivré le 29 janvier 2024, la Sci de l'aviation Pionnière, se prévalant de l'article 514-3 du code de procédure civile, a fait assigner Mme [K] [E] devant le premier président de la cour d'appel de Paris afin d'arrêter l'exécution provisoire attachée au jugement du 21 avril 2023 et, à titre subsidiaire, autoriser la Sci de l'aviation Pionnière à consigner le montant des condamnations prononcées, dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur l'appel de la décision susvisée, dire que la consignation entre les mains du séquestre désigné vaudra pleine et entière exécution du jugement et en tout état de cause, condamner Mme [E] aux entiers dépens de l'instance, et à verser à la Sci de l'aviation Pionnière la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 19 mars 2024, la Sci de l'aviation Pionnière a maintenu ses demandes telles que formulées dans son assignation. Elle fait valoir qu'il existe un moyen sérieux de réformation dès lors qu'aux termes du jugement d'orientation du 27 février 2018, les frais de poursuite à la charge de l'acquéreur ont été taxés à la somme de 5495,12 euros, qu'il est rappelé que l'acquéreur doit verser directement les frais taxés à l'exclusion de tous autres frais et émoluments, que par jugement du 26 juin 2018, Mme [K] [E] a été condamnée aux dépens réglementairement tarifés excédant les frais taxés, et qu'en conséquence, Mme [K] [E] ne peut se prévaloir de la mention figurant page 4 de l'acte de vente pour justifier sa demande. Elle soutient que mettre à sa charge la somme de 24.377,81 euros revient à changer le prix de la vente convenu. Elle ajoute que la somme de 24.377,81 euros a été payée par la caisse des dépôts et consignations qui peut, seule, être condamnée à rembourser cette somme si elle l'a réglée par erreur aux avocats poursuivant la vente aux enchères.
S'agissant des conséquences manifestement excessives, elle fait valoir que Mme [K] [E] l'a volontairement assignée à son ancienne adresse, agissant ainsi de mauvaise foi, afin de la priver d'un débat contradictoire, qu'il existe un risque de non restitution des sommes en cas d'infirmation de la décision, Mme [K] [E] étant sans revenu, indiquant être joueuse de poker professionnelle, et la vente de l'immeuble ayant été autorisée judiciairement dans le cadre d'une procédure de saisie poursuivie par les créanciers de Mme [K] [E].
Mme [K] [E], développant oralement ses écritures déposées à l'audience, conclut au rejet de la demande de la Sci de l'aviation Pionnière et à sa condamnation à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle fait valoir que la Sci de l'aviation Pionnière ne justifie pas d'un moyen sérieux de réformation, que l'acte de vente prévoit expressément que les frais et émoluments de l'avocat poursuivant sont à la charge exclusive de l'acquéreur, en sus des frais taxés tels que mentionné à l'article " Frais de poursuite ", que les parties sont libres d'insérer des clauses supplémentaires dans l'acte de vente dès lors qu'il respecte les conditions particulières de vente et que l'obligation contractuelle qui pèse sur la Sci de l'aviation Pionnière est conforme à l'article 1593 du code civil selon lequel les frais d'actes et autres accessoires à la vente sont à la charge de l'acheteur.
Elle ajoute que la Sci de l'aviation Pionnière ne se fonde sur aucune pièce pour établir qu'il existe un risque de non restitution de la somme en cas d'infirmation de la décision.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit que :
"En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance."
Ces conséquences manifestement excessives s'apprécient par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d'infirmation de la décision assortie de l'exécution provisoire.
Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d'infirmation.
Le moyen sérieux d'annulation ou de réformation, au sens du texte précité, est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu'il appartienne au premier président de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l'examen, au fond, de la cour d'appel.
Pour condamner la Sci de l'aviation Pionnière à verser à Mme [K] [E] la somme de 24.377,81 euros, le premier juge a retenu qu'aux termes de l'acte de vente du 7 mai 2018 qui stipule page 4 au paragraphe intitulé "charges et conditions liées au calcul de l'impôt" que "les frais taxés fixés par le jugement ainsi que les frais et émoluments de l'avocat poursuivant sont à la charge exclusive de l'acquéreur qui s'y oblige", la Sci de l'aviation Pionnière s'était engagée à régler les frais et émoluments de l'avocat poursuivant et que Mme [K] [E] justifiait de ces émoluments par un document listant les paiements effectués par la caisse des dépôts et consignations.
Mais, l'article L322-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'acte notarié de vente n'est établi que sur consignation du prix et des frais de la vente auprès de la Caisse des dépôts et consignations et justification du paiement des frais taxés et l'article R322-24 alinéa 2 précise que les frais taxés sont versés directement par l'acquéreur en sus du prix de vente.
Or, d'une part, il ressort du jugement du 27 février 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Poitiers que le juge a taxé les frais de poursuite à 5.495,12 euros et dit que les frais taxés doivent être versés directement par l'acquéreur en sus du prix de vente (art. R322-24 al 2 du code des procédures civiles d'exécution) et à l'exclusion de tous autres frais ou émoluments. Il est précisé dans la motivation que contrairement à la clause 14 du cahier des conditions de la vente, l'acquéreur n'est pas redevable des émoluments prévus à l'article 37b du décret du 2 avril 1960, que "ces émoluments proportionnels au prix réel (et non minimum) de vente est inconnu au jour du jugement d'orientation et sont donc non susceptibles de taxation."
D'autre part, l'acte de vente mentionne page 5 au paragraphe "frais de poursuite" que "les frais de poursuite taxés à la somme de 7.270,27 euros et dont le paiement incombe à l'acquéreur ont été également versés par lui en sus du prix de vente conformément aux dispositions de l'article R322-24 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution entre les mains du notaire soussigné'"
En outre, il ressort du décompte adressé par le notaire à la Sci de l'aviation Pionnière le 1er juillet 2019, soit postérieurement à la vente, que les émoluments de l'acte s'élèvent à 7340,69 euros.
Enfin, par jugement rendu le 26 juin 2018, le tribunal de grande instance de Poitiers qui a constaté la vente amiable de l'immeuble Ingrandes saisi au préjudice de Mme [K] [E] a condamné cette dernière aux dépens réglementaires tarifés excédant les frais taxés.
Ainsi, la Sci de l'aviation Pionnière justifie qu'il existe un moyen sérieux de réformation dès lors que le juge ne pouvait se fonder sur le seul paragraphe intitulé "charges et conditions liées au calcul de l'impôt" page 4 de l'acte, contraire au paragraphe intitulé "frais de poursuite" page 5 et aux jugements des 27 février 2018 et 26 juin 2018.
Par ailleurs, la Sci de l'aviation Pionnière établit qu'il existe un risque de non restitution des sommes dues en cas d'infirmation de la décision au regard de la situation précaire de Mme [K] [E]. Il ressort en effet du jugement du 27 février 2018 que Mme [K] [E] indiquait être en situation de surendettement et que pour apurer ses dettes, la vente amiable de l'un de ses biens a dû être ordonnée. Dans ces conditions, la circonstance que Mme [K] [E] soit propriétaire, comme en atteste l'avis de taxe foncière qu'elle produit, de trois biens immobiliers à [Localité 5], ne saurait suffire à établir qu'elle dispose d'une trésorerie disponible suffisante pour restituer la somme due en cas d'infirmation du jugement.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande de la Sci de l'aviation Pionnière et d'arrêter l'exécution provisoire attachée au jugement du 21 avril 2023.
Mme [K] [E], succombant à l'instance, est condamnée aux dépens et à verser à la Sci de l'aviation Pionnière la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Prononçons l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision rendue le 21 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Paris,
Condamnons Mme [K] [E] à verser à la Sci de l'aviation Pionnière la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons Mme [K] [E] aux dépens.
ORDONNANCE rendue par Mme Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère