La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2024 | FRANCE | N°21/08093

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 30 avril 2024, 21/08093


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 30 AVRIL 2024





(n° 2024/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08093 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENJ3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/04594



APPELANTE



Madame [G] [K]

[Adresse 2]

[Locali

té 4]

Représentée par Me Stéphanie LAMY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372



INTIMEE



S.C.P. VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 30 AVRIL 2024

(n° 2024/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08093 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENJ3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/04594

APPELANTE

Madame [G] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie LAMY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

INTIMEE

S.C.P. VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2001, Mme [G] [K] a été engagée en qualité de docteur vétérinaire par la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X], celle-ci employant habituellement moins de 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés.

Mme [K] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur suivant courrier recommandé du 30 septembre 2019 et a saisi la juridiction prud'homale le 4 décembre 2019 aux fins qu'il soit statué sur les effets de la prise d'acte.

Par jugement du 28 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- dit que l'action de Mme [K] est irrecevable,

- débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [K] à payer à la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] les sommes suivantes :

- 12 610,12 euros à titre de dommages-intérêts en raison du non-respect du préavis de trois mois,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] du surplus de ses demandes,

- condamné Mme [K] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 30 septembre 2021, Mme [K] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 28 septembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 janvier 2024, Mme [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement et, statuant à nouveau,

- la déclarer recevable en son action,

- dire que la prise d'acte est justifiée et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] à lui payer les sommes suivantes :

- 63 053,10 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 12 610,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 260,06 euros au titre des congés payés afférents,

- 23 119,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 344,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 493,80 euros au titre des heures supplémentaires effectuées en septembre 2019 outre 49,38 euros au titre des congés payés afférents,

- 234,30 euros au titre de la prime de remplacement due pour la période du 4 au 20 septembre 2019,

- 26,37 euros au titre du remboursement des frais d'inscription et de participation à la formation JAZ,

- 1 110,36 euros au titre des frais de mutuelle non remboursés,

- dire que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter de la prise d'acte,

- ordonner la remise de bulletins de salaire pour les mois d'avril et juin 2019, janvier, juillet et décembre 2018, mai, juin et septembre 2017, mars et mai 2015, janvier, mars à juillet, octobre à décembre 2014, juin et décembre 2013, octobre 2012, avril 2010, octobre 2009, juillet 2007, décembre 2005 et avril 2004,

en tout état de cause,

- débouter la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] de toute demande, fin ou conclusions plus amples, contraires ou reconventionnelles,

- condamner la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 décembre 2023, la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Mme [K] et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- dire que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer en tous les cas le jugement en ce qu'il a condamné Mme [K] à lui payer les sommes de 12 610,62 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison du non-respect du préavis de trois mois et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en réparation du préjudice moral et du remboursement des produits vétérinaires non payés et, statuant à nouveau,

- condamner Mme [K] à lui payer les sommes suivantes :

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi en raison de la brusque rupture du contrat de travail,

- 1 087 euros à titre de remboursement des produits vétérinaires non payés,

- condamner en tous les cas Mme [K] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'instruction a été clôturée le 23 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 février 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

L'appelante fait valoir que compte tenu de la nature du litige, il n'existait pas d'obligation préalable de saisine d'une instance ordinale, de sorte que son action sera déclarée recevable.

La société intimée réplique qu'au mépris de ses obligations déontologiques, le contrat de travail rappelant clairement que les parties font application des prescriptions du code de déontologie vétérinaire, l'appelante n'a ni cherché à concilier avec elle, ni sollicité de médiation ordinale, son action prud'homale devant être déclarée irrecevable.

Aux termes de l'article R 242-39 (confraternité) du code de déontologie vétérinaire, les vétérinaires doivent entretenir entre eux et avec les membres des autres professions de santé des rapports de confraternité. Lorsqu'un vétérinaire intervient après un confrère, il doit s'abstenir de tout dénigrement. Les vétérinaires se doivent mutuellement assistance, conseil et service. Si un désaccord professionnel survient entre des confrères, ceux-ci doivent d'abord chercher une conciliation. En cas d'échec de la conciliation, ils sollicitent une médiation ordinale auprès du président du conseil régional de l'ordre.

Selon l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

Outre le fait que les dispositions précitées de l'article R 242-39 du code de déontologie vétérinaire concernent les rapports de confraternité entre vétérinaires et ne sont applicables qu'en cas de désaccord professionnel survenant entre des confrères, et non en matière de litige dans le cadre d'une relation contractuelle de travail (ce qu'a confirmé le président du conseil régional de l'ordre des vétérinaires d'Ile de France suivant courriel du 20 mars 2023 en indiquant que l'ordre considère que l'article R 242-39 ne s'applique pas dans le cas de désaccords prud'homaux), la cour rappelle en toute hypothèse qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1411-1 du code du travail qu'en raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue ou renvoie à une procédure de conciliation ou de médiation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend.

Dès lors, il convient de déclarer recevables les différentes formées par la salariée, et ce par infirmation du jugement.

Sur la prise d'acte

L'appelante fait valoir que sa prise d'acte est justifiée et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu de la dégradation de ses conditions de travail et de sa charge excessive de travail, du non-paiement des heures supplémentaires, du refus de prise en charge des frais de formation, du refus de prise en charge des frais de mutuelle et du défaut de versement des cotisations retraite.

La société intimée réplique que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission, les griefs lui étant imputés étant infondés et, en tout état de cause, insuffisamment graves pour justifier une prise d'acte aux torts de l'employeur.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, les faits invoqués par le salarié devant être établis et constituer des manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

La fourniture du travail et le paiement de la rémunération convenue constituent des obligations essentielles de l'employeur, dont la violation justifie une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur.

Sur les conditions de travail et la charge de travail

S'agissant de la période antérieure au mois de septembre 2019, si l'appelante affirme qu'elle a dû faire face à une dégradation de ses conditions de travail ainsi qu'à une surcharge de travail compte tenu du départ progressif des autres vétérinaires salariés en raison de conditions de travail insatisfaisantes, outre le fait qu'elle ne justifie pas, mises à part ses propres affirmations de principe, des motifs pour lesquels les autres vétérinaires ont effectivement pris la décision de démissionner, il sera également relevé, d'une part, que le fonctionnement de la clinique vétérinaire a été modifié en 2017 (3 vétérinaires, dont l'appelante, à temps partiel et 1 vétérinaire à temps complet, puis passage à 2 vétérinaires, dont l'appelante, à temps complet et 1 vétérinaire à temps partiel) et, d'autre part, que suite au départ du docteur [H] (contrat de travail à temps partiel) le 27 juin 2018, ledit départ a été compensé par l'embauche du docteur [C] (également à temps partiel) dès le 1er août 2018, de sorte que 3 vétérinaires dont 2 à temps complet ont effectivement continué à travailler au sein de la structure.

Par ailleurs, si le docteur [C] a ensuite démissionné (en indiquant expressément dans sa lettre de démission du 25 juin 2019 qu'elle avait trouvé un poste à temps plein) et quitté la clinique vétérinaire le 23 août 2019, il sera observé que l'appelante était alors en congés (du 21 août au 2 septembre inclus), l'employeur faisant en outre justement valoir que le mois d'août correspond à une période d'activité réduite en région parisienne.

La cour relève également qu'une annonce d'offre d'emploi a été publiée dès le 28 juin 2019 (pour un courrier de démission du 25 juin 2019) sur le site de la Dépêche Vétérinaire, puis sur le site VétoJob le 18 juillet 2019, l'absence de candidature correspondant aux critères de recrutement de la clinique vétérinaire ne pouvant être imputée à l'employeur et s'analyser comme un manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles à l'égard de l'appelante.

Il résulte de ces éléments que l'existence de conditions de travail dégradées ainsi que d'une surcharge de travail au titre de la période antérieure à septembre 2019 ne sont pas caractérisées, étant de surcroît observé que l'appelante s'abstient de formuler une éventuelle demande de rappel de rémunération pour heures supplémentaires au titre de cette même période.

Concernant le mois de septembre 2019, au cours duquel le docteur [X] (également gérant de la société intimée) a été absent pour raison médicale du 4 au 21 septembre, il apparaît que le grief allégué se rapporte en réalité à la question de l'accomplissement et du paiement des heures supplémentaires afférentes au mois de septembre 2019 qui sera examinée ci-dessous.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, au vu des pièces communiquées par la salariée et notamment de ses horaires contractuels de travail, des heures d'ouverture du cabinet vétérinaire, du décompte précis et détaillé de ses jours et de son temps de travail, du récapitulatif des heures supplémentaires réclamées au titre de la période litigieuse, des extraits du logiciel de rendez-vous et de l'agenda du cabinet, il apparaît que intéressée présente à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle indique avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur se limitant en réponse à contester les demandes formées par la salariée et à critiquer les pièces produites par cette dernière en affirmant notamment, de manière inopérante, que le fonctionnement de la clinique avait été organisé pour tenir compte de l'absence pour motif médical du docteur [X], qu'il avait été proposé à l'appelante de fermer la clinique les samedis après-midi ainsi que d'adresser les clients, en cas de surcharge, vers le cabinet de confrères ou vers les urgences vétérinaires, que l'appelante était tenue d'une obligation de loyauté et de confraternité et qu'il avait toujours fait preuve de souplesse à l'égard de sa salariée alors qu'elle était souvent en retard et multipliait les pauses, la cour relève que la société intimée ne fournit pas d'éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par sa salariée, les seuls éléments produits en réplique (en ce compris le calcul inopérant basé sur le seul livre récapitulatif des recettes de la clinique ainsi que les factures émises par l'appelante) étant manifestement insuffisants de ce chef et n'étant pas de nature à remettre en cause, dans leur principe, les éléments circonstanciés et concordants produits par l'appelante.

Il sera de surcroît rappelé qu'un salarié peut en toute hypothèse prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, la cour retient la réalisation d'heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées à la salariée et lui accorde, après déduction de la somme de 608,76 euros déjà réglée par l'employeur, la somme de 493,80 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 49,38 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur les frais de formation

Si l'appelante soutient que la société intimée a manqué à ses obligations en matière de formation en refusant de prendre en charge les frais qu'elle avait avancés au titre de la formation JAZ suivie en mai 2019, outre que l'intéressée ne justifie avoir adressé à son employeur les justificatifs y afférents que le 20 juillet 2019, il apparaît également que la société intimée établit que l'organisme devant prendre en charge le paiement des fais de formations litigieux (OPCA PEPSS ACTALIANS) lui a, dans un premier temps, indiqué qu'il ne pouvait procéder au remboursement sollicité en l'absence d'une attestation de présence établie à l'en-tête de l'organisme de formation « ZOOPSY », ce dont l'appelante a été régulièrement informée par l'intimée ainsi que cela résulte des courriers échangés versés aux débats. Il ressort par ailleurs des éléments justificatifs produits par les parties que l'employeur démontre avoir lui-même contacté le prestataire de formation à partir du site ZOOPSY le 13 décembre 2019 aux fins d'obtenir l'attestation de présence litigieuse, avant de finalement pouvoir adresser à l'appelante, le 25 mars 2020, un chèque d'un montant de 1 342,13 euros à titre de remboursement des frais de formation.

Il résulte de ces éléments permettant de retenir l'existence de difficultés de remboursement n'étant pas imputables à la société intimée, qu'aucun manquement de celle-ci à son obligation de formation ne peut être retenu en l'espèce.

Toutefois, au vu des justificatifs de frais produits par l'appelante pour un montant total de 1 368,50 euros, compte tenu du règlement précité de l'employeur à hauteur de 1 342,13 euros, la cour accorde à l'appelante une somme de 26,37 euros à titre de rappel de remboursement de frais de formation.

Sur les frais de mutuelle

En application des dispositions des articles L 911-7 et D 911-2 du code de la sécurité sociale, s'il apparaît que l'appelante n'a pas souhaité bénéficier de la couverture collective en matière de remboursement complémentaire de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident mise en place dans l'entreprise, la cour relève cependant que la société intimée a effectivement pris en charge le remboursement des frais de la mutuelle souscrite à titre individuel par l'appelante au titre des années 2016, 2017 et 2018, ainsi que cela résulte notamment du courrier de réponse à la prise d'acte rédigé par l'employeur le 11 octobre 2019 aux termes duquel ce dernier confirme : « Néanmoins et alors que je n'y suis pas légalement obligé, je vous ai remboursé chaque année vos frais de mutuelle dont le tarif est trois fois plus élevé que celui de la mutuelle d'entreprise. Ainsi la cotisation 2018 vous a été remboursée par virement à hauteur de 1 085,40 euros le 3 janvier 2019 ».

Au vu de ces éléments, s'agissant d'une décision unilatérale de l'employeur de procéder au remboursement des frais de mutuelle de sa salariée au titre de l'année écoulée, le remboursement des cotisations payées au titre de l'année 2018 n'étant ainsi intervenu que le 3 janvier 2019, il s'en déduit que l'appelante ne pouvait aucunement invoquer, à la date de son courrier de prise d'acte intervenu dès le 30 septembre 2019, l'existence d'un manquement de l'employeur au titre du remboursement des frais de mutuelle afférents à l'année 2019.

La société intimée s'étant cependant abstenue de procéder au remboursement litigieux dans le cadre du solde de tout compte, l'appelante étant en droit d'obtenir le remboursement de ses frais de mutuelle 2019 prorata temporis, soit à hauteur de 9 mois, il convient de lui accorder à ce titre une somme de 832,77 euros.

Sur les cotisations retraite

Si l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige et que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit, il sera cependant rappelé que ne peuvent être pris en considération pour justifier la rupture les griefs, même antérieurs à la prise d'acte, mais qui n'ont été connus du salarié que postérieurement à la prise d'acte.

En l'espèce, la cour relève que le grief relatif à un défaut de reversement par l'employeur des cotisations retraite complémentaire AGIRC-ARRCO a été mentionné pour la première fois dans les conclusions d'appelante du 31 août 2023, la salariée indiquant elle-même avoir constaté l'existence d'une difficulté de ce chef en août 2023, de sorte qu'il sera retenu qu'elle n'en a eu connaissance que postérieurement à la prise d'acte intervenue le 30 septembre 2019.

Il sera en toute hypothèse observé que l'employeur établit avoir respecté ses obligations à cet égard ainsi que cela résulte du courrier et de l'attestation de paiement établis par MALAKOFF HUMANIS le 6 septembre 2023, l'attestation précitée faisant état du fait que la société intimée a réglé la totalité des cotisations et contributions dues pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Sur les effets de la prise d'acte

Au vu de l'ensemble des développements précédents, au regard des seuls manquements retenus par la cour effectivement imputables à l'employeur dans le cadre de l'exécution du contrat de travail et compte tenu par ailleurs du montant limité des seules sommes accordées dans le cadre du présent litige, l'appelante ne justifiant ainsi pas de l'existence de manquements graves de l'employeur à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour retient que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, qui apparaît de surcroît pour le moins prématurée, doit en conséquence produire les effets d'une démission, de sorte que l'appelante sera déboutée de ses différentes demandes afférentes à la rupture du contrat de travail.

La prise d'acte de la rupture du contrat qui n'est pas justifiée produisant les effets d'une démission, il en résulte que le salarié doit alors à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L. 1237-1 du code du travail, et ce peu important que l'employeur ait subi ou non un préjudice.

Dès lors, compte tenu d'un préavis d'une durée de 3 mois, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la salariée à payer à l'employeur une somme de 12 610,12 euros à titre d'indemnité correspondant au préavis de démission non exécuté.

Enfin, en application des dispositions de l'article L.1237-2 du code du travail, si la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative du salarié ouvre droit, lorsqu'elle est abusive, à des dommages-intérêts pour l'employeur, la cour relève cependant, au vu des seuls éléments produits par la société intimée et mises à part ses propres affirmations de principe, que celle-ci ne justifie ni d'un abus de la salariée dans la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail caractérisée par une faute de cette dernière, ni du principe et du quantum du préjudice moral allégué, de sorte que la demande de dommages-intérêts formée de ce chef sera rejetée.

Sur la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés

En application des dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail, l'employeur, débiteur de l'obligation du paiement de l'intégralité de l'indemnité due au titre des droits à congés payés, établissant avoir exécuté son obligation en produisant les éléments de nature à justifier du règlement de l'intégralité des jours de congés payés acquis non pris par la salariée (9 jours), il convient de débouter l'appelante de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la prime conventionnelle de remplacement

En application de l'annexe II (Salaires minima conventionnels) à la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés, il est prévu qu'une prime de remplacement est versée pendant le remplacement de l'employeur pour toute absence d'au moins 15 jours calendaires consécutifs, s'il n'a pas délégué la gestion à une personne de l'entreprise désignée par lui, cette prime s'ajoutant à la rémunération et étant calculée sur la base de 10 % du salaire de l'intéressé pendant la durée de ce remplacement.

En l'espèce, si la société intimée conteste le bien-fondé de cette demande en indiquant que l'appelante n'a assumé aucune tâche de gestion de la clinique durant l'absence du docteur [X], la cour ne peut cependant que relever que la salariée a été la seule vétérinaire en charge de la clinique vétérinaire pendant la durée d'absence supérieure à 15 jours calendaires du docteur [X], ce dernier ne justifiant en outre pas qu'il aurait délégué la gestion à une autre personne de l'entreprise désignée par lui.

Dès lors, la salariée justifiant qu'elle était effectivement en droit de bénéficier de la prime conventionnelle de remplacement, il convient de lui accorder à ce titre une somme de 234,30 euros.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement des produits vétérinaires commandés non payés

Si la société intimée affirme que l'appelante a pris plusieurs produits vétérinaires à la clinique avant son départ, le coût total de ces produits qu'elle avait elle-même commandés représentant 1 087 euros, il apparaît cependant que les premiers juges ont justement retenu que l'employeur ne justifiait pas de la réalité de ses allégations au regard des seuls éléments versés aux débats, étant de surcroît observé que le seul fait que certains bons de commande, établis antérieurement à la rupture du contrat de travail et alors que l'appelante travaillait toujours au sein de la clinique, portent les initiales « og », ne permet aucunement de démontrer que les produits vétérinaires litigieux n'auraient pas été utilisés au sein de la clinique, ni qu'ils auraient été frauduleusement emportés par l'appelante lors de son départ.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

Étant relevé que l'employeur ne justifie pas avoir remis à sa salariée l'intégralité des bulletins de paie afférents à la période d'exécution du contrat de travail, et ce conformément aux dispositions de l'article L. 3243-2 du code du travail, il convient de lui ordonner de remettre à l'appelante les bulletins de paie relatifs aux mois d'avril et juin 2019, janvier, juillet et décembre 2018, mai, juin et septembre 2017, mars et mai 2015, janvier, mars à juillet, octobre à décembre 2014, juin et décembre 2013, octobre 2012, avril 2010, octobre 2009, juillet 2007, décembre 2005 et avril 2004.

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent en l'espèce intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

L'employeur, qui succombe partiellement, supportera les dépens de première instance, et ce par infirmation du jugement, ainsi que ceux d'appel.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'employeur et il sera accordé à la salariée, sur ce même fondement, une somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné Mme [K] à payer à la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] la somme de 12 610,12 euros à titre d'indemnité correspondant au préavis de démission non exécuté et en ce qu'il a débouté la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] de sa demande de remboursement des produits vétérinaires commandés non payés ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE recevables les différentes formées par Mme [K] ;

DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission ;

CONDAMNE la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

- 493,80 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 49,38 euros au titre des congés payés y afférents,

- 26,37 euros à titre de rappel de remboursement de frais de formation,

- 832,77 euros à titre de remboursement de frais de mutuelle 2019,

- 234,30 euros à titre de rappel de prime conventionnelle de remplacement ;

RAPPELLE que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

ORDONNE à la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] de remettre à Mme [K] les bulletins de paie relatifs aux mois d'avril et juin 2019, janvier, juillet et décembre 2018, mai, juin et septembre 2017, mars et mai 2015, janvier, mars à juillet, octobre à décembre 2014, juin et décembre 2013, octobre 2012, avril 2010, octobre 2009, juillet 2007, décembre 2005 et avril 2004 ;

CONDAMNE la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel ;

DÉBOUTE Mme [K] du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] du surplus de ses demandes reconventionnelles ;

CONDAMNE la société SCP VETERINAIRE DOCTEUR [W] [X] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/08093
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;21.08093 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award