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30/04/2024 | FRANCE | N°21/06516

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 30 avril 2024, 21/06516


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 30 AVRIL 2024



(n° 2024/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06516 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECTI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/07086



APPELANTE



Madame [S] [H] [T] épouse [G]

[Adresse 6

]

[Localité 5] / FRANCE

Représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222



INTIMEE



Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 1...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 30 AVRIL 2024

(n° 2024/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06516 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECTI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/07086

APPELANTE

Madame [S] [H] [T] épouse [G]

[Adresse 6]

[Localité 5] / FRANCE

Représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

INTIMEE

Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 1] représenté par son syndic, la SASU SJLB (Cabinet BRIDOU)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-alix CHANUT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1387

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [S] [H] [T] épouse [G] a été embauchée par la COMPAGNIE D'ASSURANCE LE NORD le 1er mars 1975 à un poste de gardienne pour l'immeuble du [Adresse 1], dans le [Localité 2].

Suite à la constitution d'une copropriété dans l'immeuble, son contrat a été transféré à la copropriété, et géré par des syndics successifs.

Le 24 juin 2014, Madame [S] [H] [T] épouse [G] a été victime d'un accident de travail suite à une manipulation des containers de déchets ménagers. A la suite de celui-ci, elle a été arrêtée et eu égard aux prorogations d'arrêt de travail intervenues, elle n'a jamais repris ses fonctions.

Par courrier du 18 décembre 2015, elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement le 30 décembre 2015.

Son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié par courrier daté du 4 janvier 2016, et présenté le 6 janvier 2016.

C'est dans ces circonstances que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 17 juin 2016 afin de voir juger son licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et de solliciter une indemnisation en raison du harcèlement moral subi.

Parallèlement, Madame [G] a engagé une procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur concernant l'accident du travail dont elle avait été victime.

Par jugement du TASS de Paris en date du 12 décembre 2017, confirmé par la cour d'appel de Paris le 14 février 2020, elle a été déboutée de ses demandes à cet égard, la cour considérant que la raison de la chute de la salariée n'était pas établie.

Par ailleurs, par jugement du 2 février 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et mis les dépens à sa charge.

Madame [S] [H] [T] épouse [G] a régulièrement interjeté appel de ce jugement du conseil de prud'hommes par déclaration du 16 juillet 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 2 janvier 2024, Madame [H] [T] épouse [G] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

Statuant de nouveau,

- Condamner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] à lui verser les sommes suivantes :

- 36.338 € (12 mois) à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- 36.338 € (12 mois) à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur, et exécution déloyale du contrat de travail,

- Prononcer à titre principal la nullité du licenciement sur le fondement des articles L. 1226-13 et L. 1152-3 du code du travail,

- Prononcer à titre subsidiaire l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

En conséquence,

- Condamner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] à lui verser les sommes suivantes :

- à titre principal : 109.013 € (36 mois) à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- à titre subsidiaire : 109.013 € (36 mois) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre infiniment subsidiaire : 109.013 € (36 mois) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- Débouter le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] de l'ensemble de ses demandes,

- Prononcer l'application aux condamnations prononcées des intérêts au taux légal, et anatocisme conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- Condamner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] à lui verser 5.000 € au titre des frais de procédure, et aux entiers dépens.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 4 janvier 2024, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [S] [H] [T] épouse [G] de ses demandes

Y ajoutant,

- La condamner à lui verser 3.000€ au titre des frais de procédure,

- La condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Aux termes de l'article L. 1152-4 du même code, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable au litige, il appartient au salarié d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.

En l'espèce, Madame [G] invoque les éléments suivants à l'appui de ses allégations de harcèlement moral :

Elle invoque une dégradation de ses conditions de travail à partir de 2008 du fait de la pression de certains copropriétaires. Elle produit à ce titre :

- La dénonciation opérée auprès du syndic et dans le cadre d'une main courante en 2008 du comportement d'une copropriétaire Madame [I] qui l'aurait agressée verbalement car elle passait l'aspirateur trop tôt dans les parties communes,

- Une plainte contre Madame [I] déposée le 31 mars 2011 évoquant un harcèlement et des menaces de mort de sa part,

- Deux déclarations de main courante déposées le 17 décembre 2011 et 3 mars 2012 contre Madame [X] au motif que celle-ci l'accuse de faits imaginaires, a porté plainte contre elle, et que ces calomnies affectent sa vie privée,

- Une pétition d'une quinzaine de copropriétaires du 8 juin 2012 à l'attention du conseil syndical, faisant état de leur opposition aux faits de dénigrement et diffamation subis par la gardienne du fait de certains copropriétaires depuis deux ans,

- Un affichage anonyme en 2014 indiquant que la gardienne ne devrait pas se plaindre au vu de son salaire,

- Un courrier adressé au syndic le 20 février 2014 faisant état d'un harcèlement de la part d'une minorité de copropriétaires qui souhaitent obtenir son départ à moindre coût.

Elle fait également état de pressions subies pendant son arrêt de travail de la part de plusieurs copropriétaires, dont elle a fait état auprès du syndic par courrier de son conseil du 30 juin 2015.

Elle expose que le syndic au lieu de la soutenir :

- L'a convoquée à un entretien et lui a adressé à la suite de celui-ci un courrier le 30 décembre 2010 faisant état de divers griefs à son encontre. Elle contestait ces reproches par courrier en réponse du 8 janvier 2011, et produit un document signé de d'une quinzaine de copropriétaires venant à son soutien et contestant les griefs qui lui sont reprochés ;

- L'a convoquée à un entretien et lui a adressé à la suite de celui-ci un courrier le 29 février 2012 faisant état de divers rappels et points de vigilance concernant l'exécution de ses missions. Elle contestait ce qu'elle considérait comme des reproches non justifiés par courrier en réponse du 5 avril 2012 ;

- Lui a demandé de confirmer avoir procédé au nettoyage du pallier du 8ème étage par courrier du 12 mars 2012, ce à quoi elle a répondu qu'elle l'avait lavé plusieurs fois mais que la saleté était incrustée dans le marbre.

Elle fait valoir que ces évènements ont dégradé son état de santé et produit à l'appui de ses dires un certificat du Docteur [Z], psychiatre, du 10 septembre 2015, faisant état d'un état dépressif majeur sévère ayant nécessité une hospitalisation, et d'une détresse justifiant une prise en charge en urgence de sa procédure de relogement dans de bonnes conditions.

Ces éléments, pris ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

En réponse, l'employeur fait état des arguments suivants :

-Madame [G] ayant exercé comme gardienne pendant plus de quarante ans, il est inévitable qu'elle ait pu subir certaines incivilités de la part de certains copropriétaires ou résidents ;

- Les éléments qui ont été portés à la connaissance du syndicat des copropriétaires sont des évènements isolés, en 2008, 2012 et 2015 ;

- Il a toujours manifesté le plus grand intérêt face aux situations décrites et est intervenu auprès des auteurs d'incivilités pour faire cesser ces agissements ;

- Les courriers de rappel de ses obligations professionnelles relevaient de l'exercice normal de son pouvoir de direction.

Au vu des pièces, les courriers de rappel de ses obligations professionnelles adressés à Madame [G] les 30 décembre 2010, 29 février 2012 et 12 mars 2012 demeuraient en effet dans le cadre de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur, et concernaient le bon exercice de ses fonctions.

S'agissant des incidents ou du harcèlement dont Madame [G] fait état dans le cadre de la procédure, l'employeur en a été informé par celle-ci en 2008 par courrier de l'intéressée, en 2012 par une pétition de certains copropriétaires, et par courrier du conseil de la salariée du 30 juin 2015.

S'agissant de l'incident de 2008, intervenu dans un contexte de plainte d'une copropriétaire relativement au bruit de l'aspirateur de la gardienne, il peut être considéré comme un évènement isolé qui ne nécessitait pas l'intervention du syndicat des copropriétaires. Il en est cependant autrement des évènements dénoncés en 2012 et 2015.

Pour les évènements de 2012, pas moins d'une quinzaine de copropriétaires ont alerté le conseil syndical de faits récurrents de dénigrement et diffamation subis par la gardienne de par certains copropriétaires, sur une durée de deux ans. Une telle alerte était suffisamment sérieuse pour nécessiter de la part du syndicat des copropriétaires des investigations afin d'apprécier la réalité des faits dénoncés, et d'éventuelles mesures pour y mettre fin. Or, l'employeur ne justifie d'aucune investigation ou intervention, ni d'aucun autre élément qui viendraient contredire ces faits laissant présumer un harcèlement.

Pour les évènements de 2015, l'employeur justifie en revanche qu'après avoir été alerté par le conseil de la salariée, il est intervenu auprès du conseil syndical afin que celui-ci intervienne à son tour auprès des copropriétaires concernés, ainsi qu'en atteste son courrier du 29 juillet 2015.

Il ressort de ces éléments que l'employeur ne prouve pas que les faits dénoncés en 2012 ne sont pas constitutifs d'un harcèlement de certains copropriétaires, en réponse auquel il n'aurait pas apporté les mesures de prévention et de protection adaptées, laissant subsister une situation susceptible d'altérer l'état de santé de la salariée.

Les faits de harcèlement moral étant établis, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, et statuant de nouveau, de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 4.000 € en réparation de son préjudice.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité et de l'exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L 4121-2, il met en 'uvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés.

Selon l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. L'employeur qui manque à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail engage sa responsabilité contractuelle.

En l'espèce, la salariée expose que l'employeur n'a pas respecté son obligation de prévention, dans la mesure où il avait identifié dans le document unique d'évaluation des risques de 2013 l'exposition de la salariée à des risques psycho-sociaux, du fait de contacts fréquents avec le public, qu'il soit constitué de locataires ou de personnes extérieures, et de conditions de travail isolées, mais qu'il n'a proposé aucun moyen de prévention contre ce type de risque.

Elle ajoute qu'alors qu'elle a dénoncé des faits de harcèlement dont elle était victime, l'employeur n'a pas mené d'enquête et n'est pas intervenu.

S'agissant du DUER, la cour relève que l'employeur cite dans le document des éléments généraux sur les risques encourus par les gardiens d'immeuble, et que c'est uniquement à ce titre qu'il fait état des risques psycho-sociaux. Dans l'examen particulier de la situation de Madame [G], de tels risques ne sont pas identifiés. Au surplus, si des mesures de prévention ne sont pas mentionnées s'agissant des risques psycho-sociaux, c'est in concreto qu'il convient d'apprécier si l'employeur a ou non mis en place des mesures face aux risques auxquels Madame [G] a pu être exposée.

Ainsi que précédemment examiné, suite à une pétition de copropriétaires en 2012 dénonçant des faits de dénigrements dont serait victime la salariée, l'employeur n'a pas pris de mesures de nature à prévenir la survenance de tels faits ou à les faire cesser le cas échéant.

Ce faisant, il a manqué à son obligation de sécurité, ce qui a causé à la salariée un préjudice qui nécessite réparation.

Il n'est en revanche pas démontré une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

En considération de ces éléments, il convient de condamner le syndicat des copropriétaires à verser à Madame [G] la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice.

Sur le licenciement

Sur la nullité alléguée du licenciement

- Sur le moyen tenant à un licenciement pendant la période de protection de l'article L.1226-9 du code du travail

En application de l'article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

En l'espèce, Madame [G] fait valoir que son dernier arrêt de travail a pris fin le 31 décembre 2015, et qu'elle n'a jamais bénéficié d'une visite de reprise après la fin de celui-ci, de sorte que son contrat de travail était encore suspendu lorsqu'elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 18 décembre 2015 et licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier daté du 4 janvier 2016 présenté le 6 janvier 2016. Elle fait valoir que la visite du 3 novembre 2014 était une visite de pré-reprise.

L'employeur objecte qu'une visite de reprise a bien eu lieu le 3 novembre 2014, à l'issue de laquelle le médecin du travail a déclaré la salariée inapte, et que c'est en considération de cet avis d'inaptitude et de l'impossibilité de la reclasser au sein de la copropriété qu'elle a été licenciée.

La cour relève que l'avis du médecin du travail du 3 novembre 2014 vise l'article R4624-31 du code du travail, qui concerne la visite de reprise et non de pré-reprise, et déclare la salariée inapte définitive à ce poste et à tout poste comportant des travaux d'entretien, après étude du poste.

A cet égard, cette visite est conforme aux objectifs fixés par l'article R4624-32 du code du travail relativement à l'examen de reprise.

Il convient par ailleurs de rappeler qu'une prolongation d'arrêt de travail postérieure à la visite médicale de reprise ne remet pas en cause la qualification de visite de reprise. Or, tel est le cas en l'espèce.

Dès lors, à l'issue de l'arrêt de travail de la salariée consécutif à son accident de travail, le 31 décembre 2015, la visite de reprise avait déjà eu lieu et son contrat a cessé d'être suspendu. Lorsque le licenciement lui a été notifié le 6 janvier 2016, elle ne bénéficiait donc plus de la protection de l'article L. 1226-9 du code du travail. En conséquence, la nullité du licenciement ne peut être encourue sur ce fondement.

- Sur le moyen tenant au harcèlement moral

La salariée sollicite également la nullité du licenciement sur le fondement de l'article L. 1152-3 du code du travail, aux termes duquel toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Lorsqu'un licenciement est prononcé en raison de l'inaptitude du salarié, ce licenciement est nul si l'inaptitude trouve sa cause dans le harcèlement moral exercé à son encontre.

Toutefois, en l'espèce, il est avéré et non contestable que l'origine de l'inaptitude trouve sa cause dans l'accident de travail de la salariée, à savoir sa chute suite à manipulation de containers de déchets de la copropriété, survenue le 27 juin 2014. Il n'existe aucun lien de causalité avec le harcèlement moral retenu.

La nullité du licenciement ne peut donc pas être encourue sur ce fondement.

Sur l'absence de cause réelle et sérieuse alléguée du licenciement

- Sur le moyen tenant au non-respect de l'obligation de reclassement

En vertu de l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

En vertu de l'article L1226-2-1 du même code, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

En l'espèce, la salariée fait valoir que l'employeur n'aurait pas respecté son obligation de reclassement en n'examinant pas les possibilités de reclassement, notamment telles qu'envisagées par le médecin du travail.

Elle ajoute qu'il n'a pas respecté l'obligation d'information préalable au licenciement concernant la prétendue impossibilité de reclassement et les motifs qui s'y opposeraient.

Il ressort toutefois de l'examen des pièces que :

- L'employeur a informé la salariée par courrier du 17 décembre 2015 que compte tenu de la taille de la copropriété et de l'unique poste de gardienne que comprenait celle-ci, du caractère polyvalent de ses fonctions avec notamment des tâches de manutention, et au regard des préconisations du médecin du travail, il n'existait pas de possibilité de reclassement ;

- L'employeur a échangé avec la médecine du travail sur la possibilité de trouver à la salariée un poste majoritairement assis au sein de la résidence, mais a répondu point par point pour exposer les raisons pour lesquelles cela n'était pas possible au regard de la configuration de celle-ci et du nombre d'heures de travail de Madame [G] (tâches de surveillance, de contrôle, distribution du courrier, administrative, permanence de jour).

Les recherches de reclassement ont donc été sérieuses, sont étayées, et l'impossibilité de reclassement a été communiquée à la salariée avant son licenciement.

La salariée ne démontre donc pas l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour ce motif.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes relatives au licenciement nul et subsidiairement au licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et statuant de nouveau, de condamner l'employeur aux dépens tant de la première instance que de l'appel, ainsi qu'à verser à Madame [G] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur sera débouté de sa demande au titre des frais de procédure.

Sur les intérêts

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2016, date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du même code et de faire application de celles de l'article 1343-2 s'agissant de la capitalisation des intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Madame [G] de sa demande au titre du harcèlement moral, au titre des frais de procédure, et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] à verser à Madame [G] les sommes suivantes :

- 4.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- 2.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur,

- 2.500 € au titre des frais de procédure,

Condamne le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] aux dépens tant de la première instance que de la procédure d'appel,

Déboute le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] de sa demande au titre des frais de procédure,

Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2016, date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation,

Dit qu'il y a lieu de faire application de l'article 1343-2 du code civil s'agissant de la capitalisation des intérêts.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/06516
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;21.06516 ?
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