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26/04/2024 | FRANCE | N°22/04526

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 26 avril 2024, 22/04526


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 26 Avril 2024



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/04526 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSWQ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Février 2022 par le Pole social du TJ d'EVRY RG n° 19/01101





APPELANTE

CPAM 28 - EURE ET LOIRE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

dispens

e de comparution



INTIMEE

Société [3]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Michel PRADEL, avocat au barreau d'ANGERS substitué par

Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 26 Avril 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/04526 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSWQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Février 2022 par le Pole social du TJ d'EVRY RG n° 19/01101

APPELANTE

CPAM 28 - EURE ET LOIRE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

dispense de comparution

INTIMEE

Société [3]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Michel PRADEL, avocat au barreau d'ANGERS substitué par

Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carinne TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carinne TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carinne TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de

l'Eure-et-Loire d'un jugement rendu le 22 février 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry (RG 19-1101) dans un litige l'opposant à la société [3].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Madame [V] [T] était salariée de la société [3] (désignée ci-après 'la Société') depuis le 14 avril 2005 en qualité d'assistante de fabrication lorsque, le 20 mai 2015, elle a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loire (ci-après désigné 'la Caisse') une déclaration de maladie professionnelle visant un « remaniement dégénératif acromio-claviculaire marqué ainsi qu'une tendinopathie sous acromiale et distale du versant antérieur du tendon supra épineux à l'épaule gauche » à laquelle elle joignait un certificat médical initial établi le

10 avril 2015 par le docteur [G] [N] mentionnant « MP 57 rupture de la coiffe des rotateurs épaule droite opérée ; tendinopathie de l'épaule gauche avec acromio claviculaire ».

La maladie déclarée a fait l'objet d'une prise en charge au titre du tableau 57 des maladies professionnelles « Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante gauche objectivée par IRM du 10/04/2015 » par une décision de la Caisse du 10 avril 2015.

L'état de santé de Mme [T] a été déclaré consolidé par le médecin conseil de la Caisse au 29 octobre 2018 et, au regard de la subsistance de séquelles indemnisables à cette date consistant en une « limitation de tous les mouvements avec douleurs persistantes de l'épaule gauche », la Caisse lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle de

15 %.

La Société a reçu notification de cette décision le 17 janvier 2019 dont elle a contesté le bien fondé devant la commission médicale de recours amiable et, faute de décision explicite, a formé un recours contentieux devant le pôle social du tribunal de grande instance de Créteil, lequel, par jugement du 5 janvier 2021, a :

- déclaré le recours de la société S.A.S [3] recevable,

- ordonné une expertise médicale sur pièces de la personne de

Mme [V] [T],

qu'il a confié au docteur [M] [D] avec pour mission de :

o prendre connaissance du dossier médical de Mme [V] [T]

o proposer, à la date de la consolidation, le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [V] [T] imputable à l'affection de l'épaule gauche du 10 avril 2015, selon le barème indicatif d'invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles, annexé au livre IV du code de la sécurité sociale, et en fonction de la méthode d'appréciation qui lui paraît la plus fiable,

o dire si les séquelles de l'affection lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle actuelle de Mme [V] [T] ou un changement d'emploi,

o le cas échéant, dire, au regard de ses aptitudes, si Madame [V] [T] a la possibilité de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé,

o dire si Mme [V] [T] souffrait d'une infirmité antérieure

o le cas échéant, dire si l'affection a été sans influence sur l'état antérieur, si les conséquences de l'affection sont plus graves du fait de l'état antérieur et si l'affection a aggravé l'état antérieur

- rappelé que l'expert devra pour proposer le taux d'incapacité permanente, préciser et tenir compte de la nature de l'infirmité de Mme [T] (à savoir l'atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l'altération des organes ou des fonctions du corps humain), son état général (excluant les infirmités antérieures), son âge (au regard des conséquences que l'âge peut avoir sur la réadaptation et le reclassement professionnel)

ses facultés physiques et mentales (à savoir les possibilités de la victime et l'incidence que les séquelles constatées peuvent avoir sur elle),

- dit que l'expert devra se faire communiquer le rapport d'évaluation des séquelles par la Caisse et pourra se faire communiquer tous documents nécessaires à sa mission, même détenus par des tiers, pourra s'adjoindre un sapiteur, devra, avant le dépôt de son rapport, donner connaissance de ses premières conclusions aux médecins assistant ou représentant les parties, pour leur permettre de formuler leurs observations, et devra déposer son rapport dans les quatre mois de sa saisine au greffe de ce tribunal,

- réservé les dépens,

- sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Par ordonnance du 5 mai 2021, le président de la formation de jugement a procédé au remplacement de l'expert, régulièrement empêché, et a désigné, avec la même mission, le docteur [H] [O].

L'expert a réalisé sa mission le 15 juillet 2021 et déposé son rapport au greffe du tribunal le 20 juillet suivant.

Par jugement du 22 février 2022, le tribunal a :

- entériné le rapport d'expertise du docteur [H] [O],

- déclaré le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [V] [T] pour sa maladie professionnelle de l'épaule droite du 10 avril 2015 à 8 % à compter du 10 décembre 2018 avec toutes les conséquences de droit,

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure-et-Loire aux dépens,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires.

Le jugement a été notifié aux parties le 11 mars 2022 et la Caisse en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 8 avril 2022.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 24 janvier 2024 pour laquelle la Caisse a entendu bénéficier d'une dispense de comparution.

La Caisse, au visa de ses observations écrites, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry le 22 février 2022,

- constater que le médecin-conseil a justement évalué le taux d'incapacité permanente partielle médical à 15 %,

- fixer le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur à 15 %.

La Société, se rapportant à ses conclusions, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- fixer le taux d'IPP à 8 % et, en conséquence,

- dire et juger que d'après les éléments du dossier, le taux d'IPP opposable à la société [3] doit être fixé à 8 %.

A titre subsidiaire, la Société demande au tribunal de :

- ordonner une expertise médicale sur pièces,

- désigner tel expert, avec pour mission de fixer le taux d'IPP opposable à la société, indépendamment de tout état antérieur,

- lui donner acte qu'elle accepte de consigner, telle somme qui sera fixée par la cour, à titre d'avance sur les frais d'expertise et qu'elle s'engage à prendre à sa charge l'ensemble des frais d'expertise, quelle que soit l'issue du litige.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 24 janvier 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 26 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour constate au préalable que, tout en sollicitant la confirmation du jugement entrepris qui a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, la Société plaide pour un taux de 8 %. C'est donc au regard de cette dernière demande que la cour analysera les moyens et arguments de l'employeur.

Au soutien de son recours, la Caisse fait valoir que les barèmes des incapacités ont un caractère indicatif et qu'ils prennent en compte les éléments médicaux et socio professionnels constatés à la date de la consolidation. En outre, le taux d'incapacité, objet de la contestation, doit être évalué au regard des séquelles existantes à la date de consolidation de la maladie professionnelle fixée par le médecin-conseil de sorte que les situations postérieures à cette date ou non encore consolidées ne peuvent pas être prises en considération. Au cas de Mme [T], elle relève que la fixation à 15 % du taux d'incapacité permanente a été déterminée conformément aux constatations du médecin-conseil après examen de l'assurée. La Caisse fait grief au tribunal de ne pas avoir tiré toutes les conséquences de l'avis rendu par le médecin expert puisqu'il n'a procédé qu'à un 'copier-coller' du jugement rendu pour l'épaule droite. Or, si pour l'épaule droite, le taux de 8 % est retenu pour indemniser la seule limitation articulaire, pour l'épaule gauche, doit s'ajouter, en plus de la limitation articulaire, une gêne douloureuse permanente, parfaitement retranscrite dans le rapport d'incapacité permanente partielle. Les séquelles consistent donc en une limitation légère de cinq mouvements sur six et une limitation totale d'un mouvement (rotation externe = 0°) avec des douleurs permanentes. Le barème prévoit, au chapitre 1.1.2, un taux de 8 à 10 % en cas de limitation légère de tous les mouvements d'une épaule non dominante auquel doit s'ajouter un taux de 5 % pour la périarthrite douloureuse. Il existe en outre une atteinte synergique controlatérale pour laquelle le taux doit être majoré (paragraphe II 3 C du chapitre préliminaire du barème) de sorte que le taux de 15 % était parfaitement justifié. Enfin, elle souligne que Mme [T] exerçait la profession d'assistante de fabrication et était âgée de 56 ans à la date de consolidation.

La Société rétorque que la Caisse ne produit aucun nouvel élément médical de nature à contester la position retenue par le médecin expert du tribunal qui a fixé à 8 % le taux d'IPP. Elle conteste l'argument de la Caisse selon lequel le tribunal aurait fait un copier-coller des séquelles de l'épaule droite, rappelant que l'avis de l'expert désigné reste consultatif et que la juridiction n'a simplement pas suivi sa position en ce qui concerne l'épaule gauche. En tout état de cause , elle relève que le barème permet une majoration du taux en cas de douleur ressentie mais uniquement si les crises sont intenses ou évoluent sur un mode permanent, ce qui n'est pas le cas. La majoration de 5 % n'est donc pas justifiée.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale

Une indemnité en capital est attribuée à la victime d'un accident du travail atteinte d'une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé.

Son montant est fonction du taux d'incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret dont les montants sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25. Il est révisé lorsque le taux d'incapacité de la victime augmente tout en restant inférieur à un pourcentage déterminé.

Cette indemnité est versée lorsque la décision est devenue définitive.

Elle est incessible et insaisissable.

l'article L. 434-2 du même code prévoyant

Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Pour sa part, l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale prévoit

Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

La décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse à la victime ou à ses ayants droit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le double de cette décision est envoyé à la caisse régionale et à l'employeur au service duquel est survenu l'accident.

La notification adressée à la victime ou à ses ayants droit invite ceux-ci à faire connaître à la caisse, dans un délai de dix jours, à l'aide d'un formulaire annexé à la notification, s'ils demandent l'envoi, soit à eux-mêmes, soit au médecin que désignent à cet effet la victime ou ses ayants droit, d'une copie du rapport médical prévu au cinquième alinéa de l'article R. 434-31.

La caisse procède à cet envoi dès réception de la demande, en indiquant que la victime, ses ayants droit ou le médecin désigné à cet effet peuvent, dans un délai de quinzaine suivant la réception du rapport, prendre connaissance au service du contrôle médical de la caisse des autres pièces médicales.

Il sera rappelé par ailleurs que les séquelles d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas toujours en rapport avec l'importance des lésions initiales. De même, les lésions qui demeurent au moment de la date de consolidation (laquelle ne correspond ni à la guérison ni à la reprise de l'activité professionnelle) sont proposées à partir du barème moyen indicatif, éventuellement modifiée par des estimations en plus ou en moins en fonction de l'examen médical pratiqué par le médecin.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente, d'une part, en matière d'accidents du travail et d'autre part, en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail'.

Les annexes I et II au Code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème, il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation.

Le barème indicatif d'invalidité relatif aux accidents de travail, prévoit que, pour l'estimation médicale de l'incapacité, il doit être fait la part de ce qui revient à l'état antérieur et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables.

En l'espèce, le certificat médical initial établi le 10 avril 2015 par le

docteur [G] [N] mentionnait « MP 57 rupture de la coiffe des rotateurs épaule droite opérée ; tendinopathie de l'épaule gauche avec acromio claviculaire ».

Aux termes du rapport d'évaluation établi par le médecin-conseil de la Caisse,

Mme [T] présentait, à la date de consolidation du 29 octobre 2018 : « une limitation de tous les mouvements et des douleurs persistantes permanentes ».

La cour constate qu'il ne s'élève aucune contestation sur le diagnostic de la pathologie dont souffre Mme [T] mais les parties s'opposent sur le degré d'évaluation fonctionnelle des séquelles.

Elles se référent néanmoins au même chapitre d'évaluation du barème indicatif d'invalidité des accident du travail, lequel prévoit en son chapitre 1.1.2 intitulé « Atteinte des fonctions articulaires », l'évaluation du blocage et de la limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu'en soit la cause.

S'agissant de la mobilité de l'épaule, le barème indique que « normalement », la mobilité de l'épaule est de :

- 170° pour l'élévation latérale,

- 20° pour l'adduction,

- 180° pour l'antépulsion,

- 40° pour la rétropulsion,

- 80° pour la rotation interne,

- 60° pour la rotation externe.

Il rappelle également que la main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et que la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne.

Il prévoit enfin que les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxiliaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.

Il ressort du rapport d'évaluation du médecin conseil les données chiffrées suivantes :

Mobilité

Droite

passive (en degré°)

Gauche

passive (en degré°)

Antépulsion

130

110

Rétropulsion

-

-

Abduction

110

105

Adduction

30

15

Rotation externe

15

0

Rotation interne

T12

L4

Mensurations du bras en cm

Le médecin estimait alors qu'en présence d'une limitation de tous les mouvements, il convenait d'attribuer à Mme [T] une incapacité permanente partielle de 10 % auxquels devait s'ajouter un taux de 5 % pour les douleurs persistantes permanentes.

L'Expert désigné par le tribunal, le docteur [O], constatait que Mme [T] souffrait d'une tendinopathie de l'épaule gauche avec des remaniements dégénératifs acromio-claviculaires opérés et qu'il demeurait une limitation de l'amplitude des mouvements surtout à l'élévation antérieure du bras. Elle rappelle que l'épaule gauche a été opérée le 26 mai 2016 et qu'un traitement antalgique, antre-inflammatoire et des infiltrations ont été réalisées au-delà de l'intervention, sans résultat avéré. En l'absence d'amélioration, la kinésithérapie a été interrompue et Mme [T] bénéficie d'un traitement simplement d'antalgiques. Elle se plaint d'une douleur réputée permanente ou quasi de l'épaule gauche et une limitation des mouvements.

A l'analyse de l'examen clinique réalisé par le médecin-conseil, l'expert constatait que l'abduction était limitée à 105° et l'antépulsion à 110°, que la rotation externe était nulle, ce qu'elle qualifiait comme «une situation significativement invalidante », la rotation interne permettant d'atteindre L4.

En adduction comme en rétropulsion la raideur était modérée. L'expert constatait qu'il n'était pas établie l'existence d'une infirmité antérieure.

L'expert concluait ainsi « nous sommes en face d'une limitation modéré des mouvements de l'épaule gauche en situation post-opératoire au décours d'une prise en charge médicale et chirurgicale. A la consolidation au 29 octobre 2018, c'est un taux de 10 % qui peut être retenu pour la gêne douloureuse de cette épaule gauche ».

Pour contester le taux de 15 % retenu par la Caisse et celui de 10 % retenu par le tribunal, la Société produit la note de son médecin consultant le docteur [W] qui conclut que «le taux de 8% doit être retenu pour une gêne fonctionnelle modérée du membre non dominant en l'absence d'éléments probants à l'examen clinique ». Pour parvenir à cette conclusion, le médecin relève que :

- il persiste une gêne fonctionnelle modérée à la suite d'une atteinte de la coiffe de l'épaule gauche non dominante qui a fait l'objet d'une intervention chirurgicale le 26 mai 2016 et, dont l'exhaustivité du compte-rendu opératoire n'est par rapportée dans le rapport du médecin-conseil,

- la gêne fonctionnelle observée est liée à une limitation d'amplitude modérée du mouvement d'abduction et une limitation des rotations alors qu'il n'y a aucune notion d'une capsulite et que les autres mouvements s'effectuent tous dans un angle favorable,

- le testing musculaire de l'épaule gauche n'a pas été réalisé.

Le médecin exclut par ailleurs la majoration de 5 % pour les douleurs au motif qu' « il est noté dans le rapport traitement à la demande. Il n'y a pas de prescription d'antalgiques de palier 2 ou 3, ni même de prise en charge par un centre antidouleur. Il s'agit de prescription ponctuelle. Le taux de 5 % a été fixé de manière arbitraire, et ne peut pas être retenu ».

Ce faisant, ce barème, dans son chapitre 1. 1 .2 propose, en cas de blocage ou de limitation de l'épaule, les taux suivants :

DOMINANT

NON DOMINANT

Blocage de l'épaule, omoplate bloquée

55

45

Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile

40

30

Limitation moyenne de tous les mouvements

20

15

Limitation légère de tous les mouvements

10 à 15

8 à 10

Par ailleurs, au chapitre 8.1.3 du barème indicatif d'invalidité maladie professionnelle il est prévu que la douleur ressentie peut justifier en soi une indemnisation lorsque les crises sont intenses ou évoluent sur un mode permanent.

Or, la cour constate que le docteur [W] conteste le taux de 10 % sur l'unique motif que le rapport du médecin-conseil serait incomplet mais sans aucunement porter d'appréciation critique motivée sur les éléments obtenus ou constatés et leur interprétation. Au demeurant, il sera noté que ce dernier a respecté les consignes du barème et a complété toutes les mesures utiles pour permettre l'évaluation du taux.

Au regard des mesures prises, et rappelées ci-avant, c'est sans raison que le docteur [W] estime que la limitation des mouvements est légère alors qu'elle atteint 5° pour l'adduction, 70° pour l'antépulsion et 15° pour la rétropulsion, et que la limitation de la rotation externe est de 100 % interne, ce qui revient à une limitation de cinq mouvements sur six, parfois dans des proportions importantes et une limitation totale d'un mouvement.

De surcroît, alors que ce médecin exclut toute majoration pour les douleurs, la cour note pourtant qu'elle ne remet pas en cause leur existence sur un mode permanent. Et contrairement à ce qu'elle indique, cette douleur existe bien puisque l'expert note, sans être contredit, « en l'absence d'amélioration, la kinésithérapie a été interrompue et

Mme [T] bénéficie d'un traitement simplement d'antalgiques. Elle se plaint d'une douleur réputée permanente ou quasi de l'épaule gauche ». Force est donc de constater que l'existence de douleurs, sur un mode permanent, c'est-à-dire pas uniquement en cas de sollicitation de l'épaule, permet une indemnisation sur le fondement du chapitre 8.1.3 du barème.

Pour sa part, si l'expert a analysé les impotences et limitations de l'épaule et qu'il a considéré qu'un taux de 10 % indemnisait ces séquelles, il ne ressort pas de son analyse qu'il a envisagé la douleur autrement que lors des mouvements, alors que la douleur est permanente et justifie ainsi une majoration du taux.

La cour constate enfin que ni la bilatéralité de la pathologie, ni l'incidence professionnelle ne sont évoqués par le docteur [W] et l'expert, alors qu'elles font partie des éléments à prendre en compte dans la fixation du taux d'incapacité permanente partielle.

Au regard de ces observations et du barème rappelé ci-avant, la cour juge que c'est à juste titre que la Caisse, retenant l'existence d'une « limitation de tous les mouvements avec douleurs persistantes de l'épaule gauche », a fixé le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [T] à 15 %, la cour constatant qu'il ne s'est révélé en la cause aucun différend d'ordre médical qu'il conviendrait de résoudre par une nouvelle expertise.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les dépens

La Société qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir recevable,

INFIRME le jugement rendu le 22 février 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Créteil (RG19-1101) en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

JUGE que le taux d'incapacité permanente partielle de 15 % accordé par à Mme [T] à la suite de la maladie professionnelle qu'elle a déclarée le 10 avril 2015 a été correctement évalué ;

JUGE opposable à la société SAS [3] la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loire le 17 janvier 2019 fixant le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [T] à la suite de la maladie professionnelle qu'elle a déclarée le 10 avril 2015 à 15 % ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la Société aux dépens d'instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/04526
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;22.04526 ?
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