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26/04/2024 | FRANCE | N°18/14145

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 26 avril 2024, 18/14145


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 26 Avril 2024



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/14145 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67CK



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16-01980



APPELANTE

SARL [7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno SE

RIZAY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Adeline NAZAROVA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020



INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Loc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 26 Avril 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/14145 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67CK

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16-01980

APPELANTE

SARL [7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno SERIZAY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Adeline NAZAROVA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par M. [D] [Z] en vertu d'un pouvoir général

AGESSA

La Sécurité sociale des artistes auteurs

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, président de chambre

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M. Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la SARL [7] (la société) d'un jugement rendu le 26 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF Île-de-France (l'URSSAF) et l'AGESSA.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle portant sur l'application de la législation de la sécurité sociale pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'URSSAF Île-de-France a procédé à un redressement par lettre d'observations en date du 22 avril 2015 portant sur trois chefs de redressement pour un montant total de 92 593 euros ; que par un courrier en date du 26 mai 2015, la SARL [7] a répliqué à la lettre d'observations ; que par un courrier en date du 24 juin 2015, l'inspecteur du recouvrement a maintenu l'ensemble du redressement ; que par un courrier en date du

5 août 2015, l'inspecteur du recouvrement a rectifié le montant du redressement en raison d'une erreur informatique ; que le montant du redressement a été ramené à la somme de

78 961 euros ; qu'une mise en demeure en date du 7 décembre 2015 a été adressée à l'URSSAF Île-de-France pour un montant de 78 968 euros au titre des cotisations et la somme de 12 471 euros au titre des majorations de retard ; que la SARL [7] a saisi le 7 janvier 2016 la commission de recours amiable ; que par lettre recommandée avec avis de réception en date du 31 mars 2016, elle a formé un recours contentieux à l'encontre de la décision implicite de rejet devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que par une décision prise lors de la séance du

19 septembre 2016, la commission de recours amiable a rejeté la requête de la SARL [7].

Par jugement du 26 octobre 2018, le tribunal a :

confirmé partiellement le redressement opéré par l'URSSAF Île-de-France pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ;

annulé le chef de redressement numéro 3 de la lettre d'observations du

22 avril 2015 relatif à l'avantage en nature outils issus des NTIC pour un montant de 4 023 euros ;

rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.

Le tribunal a estimé que la procédure était régulière dès lors que de l'avis de contrôle de l'URSSAF Île-de-France mentionne clairement l'existence de la charte du cotisant et indique l'adresse électronique à laquelle elle est disponible. La formalité relative à la charte du cotisant prévue par l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale a été respectée. Relativement aux réponses apportées aux observations, il a ajouté que l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale contraint l'inspecteur du recouvrement à répondre aux observations émises par le cotisant contrôlé. Cependant, il n'impose aucune modalité particulière de réponse ni sur la forme ni sur le fond. Par un courrier en date du

26 mai 2015, la SARL [7] a critiqué certaines observations réalisées par l'URSSAF Île-de-France qui a répondu à ces répliques dans un courrier en date du 24 juin 2015. Le tribunal a considéré que l'URSSAF Île-de-France a répondu de manière individualisée pour chaque chef de redressement et que la réponse adressée par l'inspecteur du recouvrement à la société satisfaisait aux exigences posées par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

Relativement à la validité de la mise en demeure, le tribunal a considéré qu'elle était régulière, conformément aux dispositions de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale puisqu'elle indiquait la cause, la nature, le montant et les périodes objets du contrôle. Le formalisme requis a bien été respecté.

Relativement au point n°1 relatif à la contribution FNAL supplémentaire, le tribunal a noté que les mentions du procès-verbal des agents de contrôle, dont la lettre d'observations est un élément constitutif, font foi jusqu'à preuve contraire et que le cotisant contrôlé doit prouver l'inexactitude des déclarations énoncées par l'inspecteur du recouvrement. Or, il a considéré que les tableaux récapitulatifs des déclarations de la société pour les années 2013 et 2014 ne permettaient pas de vérifier précisément l'effectif des salariés pour les périodes contrôlées. Il a donc retenu la vérification réalisée par l'inspecteur du recouvrement qui a permis de déterminer que le nombre de salariés était effectivement de 44 et 43 salariés au 31 décembre de l'année 2013 et 2014. Il a ajouté que ce n'est qu'en septembre 2017 que les effectifs ont pu être définis et qu'il est apparu que l'effectif de la Société était de 84,83 pour l'année 2011, 106,75 pour l'année 2012 et 59,43 pour l'année 2013.

Relativement au point n°2 relatif à l'assujettissement des journalistes, le tribunal a indiqué que l'article L. 7112-1 du code du travail pose une présomption de salariat pour les journalistes professionnels dont l'activité s'effectue en collaboration régulière avec une entreprise de presse et dont ils tirent leurs revenus principaux. Cette présomption simple peut être renversée notamment par la preuve de l'affiliation au régime de sécurité sociale des auteurs. Le régime de sécurité sociale des auteurs ne concerne que ceux d'entre eux qui ont créé en toute indépendance une 'uvre de l'esprit originale, et dont l'activité est comprise dans l'énumération de l'article R. 382-2 du code de la sécurité sociale précité. L''uvre de l'esprit originale s'entend comme celle d'une empreinte de la marque de la personnalité de son auteur

Il a pris acte de l'exclusion des pigistes [T] [M], [Y] [H], [S] [G] et [O] [U] dans le calcul du redressement dont le montant total est ramené à la somme de 61 015 euros. Il a indiqué qu'il convenait de vérifier si l'activité des pigistes inclus dans le redressement est comprise dans l'énumération de l'article R. 382-2 du code de la sécurité sociale. S'agissant des pigistes non exclus, il a retenu la présomption de salariat faute de preuve d'une liberté de création, d'indépendance des journalistes dans leur travail et faute de démonstration du caractère original des créations littéraires produites par les journalistes. Aucun élément ne permet de caractériser une 'uvre de l'esprit.

Relativement au chef de redressement n°3 relatif à l'avantage en nature « outils issus des NTIC », le tribunal a indiqué que la S.A.R.L. [7] met à la disposition des journalistes des tablettes tactiles et des ordinateurs portables. Aucune restriction particulière n'est prévue dans l'usage de ces appareils électroniques. Toutefois, la nature de la profession de journaliste suppose des déplacements fréquents et spontanés. Des restrictions dans l'usage de matériels électroniques seraient contraires à la fonction de journaliste qui est par nature itinérante. Les éléments de preuve habituellement nécessaires pour démontrer le caractère strictement professionnel de l'usage du matériel informatique ne peuvent donc être appliqués de la même manière à la situation particulière des journalistes. La mise à disposition des tablettes tactiles et des ordinateurs portables s'inscrit donc dans le cadre de la profession des journalistes et ne constitue pas un avantage en nature soumis aux cotisations sociales. Il a donc annulé le chef de redressement

numéro 3.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception non remise à la S.A.R.L. [7] qui en a interjeté appel par déclaration formée le 14 décembre 2018 par voie électronique.

Par arrêt du 20 janvier 2023, la Cour :

déclare recevable l'appel de la SARL [7] ;

ordonne la réouverture des débats à une audience ultérieure sur le chef de redressement n° 2 afin d'assurer la convocation de Mme [F]

de [L], M. [X] [E] et Mme [A] [J] pour que la décision relative à l'assujettissement à l'URSSAF Île-de-France ou à l'AGESSA et portant ainsi sur la qualification de leur relation de travail leur soit rendue opposable ;

sursoit à statuer sur les demandes ;

réserve les dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.R.L. [7] demande à la cour de :

infirmer le jugement du 26 octobre 2018 en ce qu'il rejette l'exception de nullité issue de la violation du principe du contradictoire, et statuant à nouveau, annuler la mise en demeure ;

infirmer le jugement du 26 octobre 2018 en ce qu' il rejette l'exception de nullité issue du non-respect des droits de la défense et, statuant à nouveau, annuler la mise en demeure ;

infirmer le jugement du 26 octobre 2018 en ce qu'il rejette l'exception de nullité issue du défaut de précision de la nature des cotisations réclamées et, statuant à nouveau, annuler la mise en demeure ;

à titre subsidiaire

infirmer le jugement du 26 octobre 2018 en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du chef de redressement contribution FNAL supplémentaire et, statuant à nouveau, annuler la lettre d'observations sur ce point et le redressement en résultant ;

confirmer le jugement du 26 octobre 2018 en ce qu'il a acté l'exclusion des pigistes [T] [M], [Y] [H], [S] [G] et

[O] [U] dans le calcul du redressement ;

infirmer le jugement du 26 octobre 2018 en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du chef de redressement assujettissement journalistes concernant [F] [B], [X] [E] et [A] [J] et, statuant à nouveau, annuler la lettre d'observations sur ce point et le redressement en résultant ;

en toute hypothèse

condamner l'URSSAF Île-de-France à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais engagés pour assurer sa défense sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner l'URSSAF Île-de-France aux dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF Île-de-France demande à la cour de :

confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris

4ème section en ce qu'il a :

validé la procédure de contrôle,

déclaré régulière la mise en demeure du 7 décembre 2015,

validé les redressements opérés au titre de la contribution FNAL supplémentaire et de l'assujettissement des journalistes pigistes à l'exception de Mmes [M], [H], [G] et [U] ;

y ajoutant

condamner la S.A.R.L. [7] à lui régler une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AGESSA a adressé des conclusions en sollicitant sa dispense de comparution et aux termes desquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement.

Par acte d'huissier en date des 10 et 12 juillet 2023, l'URSSAF Île-de-France a régulièrement assigné Mme [B], M. [X] [E] et Mme [A] [J], pour l'audience du 29 janvier 2024 à laquelle ils n'ont pas comparu.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 14 novembre 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

- sur la procédure et la nullité de la mise en demeure

Moyens des parties :

La SARL [7] expose avoir adressé, en réponse à la lettre d'observations, un courrier détaillé et argumenté en droit et en fait ; que la lettre de l'URSSAF Île-de-France, adressée en réponse, se contente de répondre très rapidement aux griefs de la Société, sans apporter le moindre argument de fond ; qu'elle ne constitue donc pas, du fait de son caractère purement formel, une réponse aux observations de l'entreprise ; qu'en outre, il résulte que le semblant de réponse apporté est incorrect ; que pour qu'elle ait un sens, l'obligation faite à l'URSSAF de répondre aux observations de l'entreprise suppose que la réponse soit argumentée ; qu'à défaut, le caractère simplement formel de la lettre ne satisfait pas au respect du principe du contradictoire ; qu'au demeurant, la lettre de l'URSSAF est une simple réponse à la lettre de la société et non à ses observations détaillées et argumentées ; qu'elle ajoute qu'au début de son contrôle, l'URSSAF n'a pas remis à la Société la « Charte du cotisant contrôlé » ; qu'en cas de litige, il appartient à l'URSSAF d'apporter la preuve que la charte a bien été remise au cotisant « dès le début du contrôle » comme le prévoit l'article R.243-59 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale ; qu'il s'agit d'une formalité substantielle en l'absence de laquelle la procédure de contrôle serait empreinte de nullité ; qu'elle met en avant en outre avoir reçu une mise en demeure en date du 7 décembre 2015 ; que cette mise en demeure ne mentionne aucun des chefs de redressement retenus, aucune annexe n'ayant été jointe à cet envoi ; que dès lors en ne joignant pas d'état détaillé des chefs de redressement et des périodes de redressement pour chacun d'eux, l'URSSAF n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 2441 du Code de la sécurité sociale pourtant prescrites à peine de nullité ; que la mise en demeure du

7 décembre 2015 n'identifie nullement autrement la nature des cotisations réclamées que par la formule laconique « régime  général » ; que le montant et la période des sommes réclamées ne font l'objet d'aucun détail, alors même que l'URSSAF est tenue de le fournir au cotisant redressé.

L'URSSAF Île-de-France réplique qu'à l'époque du contrôle, la procédure était régie par l'article R.243-59 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2014 au 11 juillet 2016 ; qu'ainsi que le mentionne le texte précité, il revient au cotisant de consulter la Charte du cotisant sur internet à l'adresse indiquée sur l'avis de contrôle ; que si l'article R.243-59 conditionne la mise en recouvrement à l'envoi de la réponse de l'inspecteur, il ne précise absolument pas la teneur ou la forme de ladite réponse ; que lorsque la prise en compte des éléments apportés par le cotisant durant la période contradictoire conduit à une minoration du redressement, le nouveau montant est indiqué dans la réponse à observations, sans envoi d'une nouvelle lettre d'observation ; que ce principe est repris par la lettre collective n° 2012-0000107 du 12 avril 2012 (réponse n° 35) ainsi que par la lettre collective n° 2007-0000296 du 17 décembre 2007 ; que la Cour de cassation a eu l'occasion de confirmer le bien-fondé de cette position en cas de minoration du redressement, y compris lorsque cette minoration s'accompagne d'un changement de fondement juridique ; qu'au demeurant la réponse apportée par l'inspecteur du recouvrement était détaillée ; que la mise en demeure du 7 décembre 2015 répond parfaitement aux mentions exigées par la jurisprudence ; sa validité ne saurait donc être critiquée.

L'AGESSA ne conclut pas sur ce point.

Réponse de la Cour :

Selon l'article R. 243-59 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 applicable au litige,

« Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail. Cet avis fait état de l'existence d'un document intitulé " Charte du cotisant contrôlé " présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande ».

En l'espèce, l'avis de contrôle adressé le 2 janvier 2015, que la SARL [7] ne conteste pas avoir reçu, mentionne expressément dans son dernier paragraphe avant la formule de politesse qu'un document intitulé « Charte du cotisant  contrôlé », dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, « est consultable sur le site htttp://www.urssaf.fr. A votre demande, cette charte peut vous être adressée ». La S.A.R.L. [7] ne démontre pas avoir formé de demande pour obtenir la charte et la lettre portant avis de contrôle est conforme aux dispositions légales alors en vigueur. Ce moyen doit donc être rejeté.

L'article R. 234-59 alinéas 5 à 7, dans sa version applicable au litige dispose que :

« A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant ».

En l'espèce, suite à la lettre d'observations du 22 avril 2015, la société a répondu le

22 avril 2015, à la suite de quoi, l'inspectrice du recouvrement a adressé ses propres réponses le 24 juin 2015, complétées le 5 août 2015 d'un courrier reconnaissant une erreur de calcul. Le texte de l'article R. 243-59 n'impose pas de formalisme particulier à la réponse apportée et la société ne conteste pas l'avoir reçue. Aucune disposition réglementaire n'impose que la réponse apportée aux observations des inspecteurs du recouvrement prenne la forme d'une nouvelle lettre d'observations.

La réponse du 24 juin 2015 détaille par chefs de contrôle contestés la réponse et présente une argumentation complète pour s'opposer aux dires de la société, de telle sorte que cette dernière ne saurait faire grief à l'URSSAF Île-de-France de ne pas avoir respecté les dispositions précitées.

S'agissant de la lettre de complément du 5 août 2015, elle rappelle les référence du contrôle et la période prise en considération tout en précisant le calcul corrigé relatif au chef de redressement n°2. La mise en demeure datant du 7 décembre 2015 a donc été adressée au-delà des délais minimaux exigés par le texte précité.

Le moyen développé par la S.A.R.L. [7] sera donc rejeté.

Selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Les mentions exigées d'une mise en demeure après contrôle sont impérativement la référence, au redressement précédemment notifié par une lettre d'observations et le montant des cotisations et majorations de retard réclamées année par année. Il n'est pas exigé que la mise en demeure détaille le calcul des cotisations réclamées, en raison du renvoi à la lettre d'observations, dès lors que le redressement tient compte des déclarations et versements enregistrés et permet à la personne contrôlée, en considération des explications circonstanciées fournies de part et d'autre au cours des échanges intervenus depuis la lettre d'observations, d'avoir une connaissance suffisamment précise des manquements reprochés ainsi que des bases du redressement, et donc de connaître la nature, l'étendue et la cause de son obligation.

Toutefois, le fait de mentionner dans la mise en demeure que les cotisations étaient appelées au titre du régime général et incluaient la contribution à l'assurance-chômage et les cotisations AGS, en précisant la période en cause est suffisant pour permettre à la société de connaître la nature des cotisations mises à sa charge (2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n° 20-12.264).

En l'espèce, la mise en demeure du 7 décembre 2015 a été adressée à la société par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception reçue le 8 décembre 2015. Elle rappelle qu'elle porte sur les cotisations du régime général et mentionne comme motif de mise en recouvrement le contrôle et les chefs de redressement notifiés le 22 avril 2015 par application des dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale. Les cotisations sont rappelées globalement pour chaque année ainsi que les majorations de retard.

La mise en demeure satisfait donc aux exigences des articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité.

Les demandes tendant à l'annulation du contrôle et de la mise en demeure seront donc rejetées. Le jugement sera donc confirmé.

- sur le chef de redressement n°1 :

Moyens des parties :

La SARL [7] expose n'avoir eu, que ce soit pour l'année 2012, 2013 ou 2014, qu'un effectif inférieur à 20 salariés ; qu'elle n'était donc pas assujettie à cette contribution, ce que d'ailleurs n'avait pas manqué de lui rappeler l'URSSAF dans le cadre d'un courrier adressé le 15 mars 2014 ; que c'est manifestement à tort que le Tribunal des affaires de sécurité sociale a estimé que la société ne produisait pas des justificatifs permettant de déterminer l'effectif des salariés ; qu'elle produit au contraire des éléments permettant de vérifier l'effectif des salariés à travers ses pièces.

L'URSSAF Île-de-France réplique que le principe de l'assujettissement au FNAL est posé par l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale ; que l'assujettissement au FNAL supplémentaire est donc lié à l'effectif de l'entreprise, qui doit atteindre ou dépasser le seuil de 20 salariés ; que toutefois, afin d'atténuer les conséquences financières liées au franchissement du seuil d'assujettissement à la contribution, le législateur a instauré à titre expérimental un dispositif d'assujettissement progressif au FNAL supplémentaire ; que les dispositions relatives aux modalités de décompte des effectifs sont définies par l'article

R. 834-1-1 du code de la sécurité sociale, résultent du décret n° 2009-775 du 23 juin 2009, entré en vigueur au 25 juin 2009 ; que pour les entreprises dites « en régime de croisière », l'assujettissement à la contribution, pour une année N, est déterminé au 31 décembre de l'année N-1 en fonction de la moyenne des effectifs déterminés au dernier jour de chaque mois de l'année civile ; que le système étant déclaratif, il implique en contrepartie la possibilité pour l'URSSAF de contrôler le respect de la législation sociale et l'exactitude des déclarations établies par les cotisants ; que la société ne saurait donc se prévaloir utilement du courrier du 15 mars 2014, dès lors que les chiffres étaient établis sous réserve de contrôle ultérieur ; que la société n'a pas fourni les justificatifs permettant de déterminer avec exactitude l'effectif lors du contrôle ; que ce n'est qu'en septembre 2017 que les effectifs ont pu être définis.

Réponse de la Cour :

L'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable aux cotisations exigibles pour les années 2012, 2013 et 2014, à la suite de l'annulation de sa version issue de la loi n° 2014-892 du

8 août 2014 par le Conseil Constitutionnel disposait que :

«  Le financement de l'allocation de logement relevant du présent titre et des dépenses de gestion qui s'y rapportent est assuré par le fonds national d'aide au logement mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation.

Pour concourir à ce financement, les employeurs sont assujettis à :

1° Une cotisation assise sur les salaires plafonnés et recouvrée selon les règles applicables en matière de sécurité sociale ;

2° Une contribution calculée par application d'un taux de 0,40 % sur la part des salaires plafonnés et d'un taux de 0,50 % sur la part des salaires dépassant le plafond, cette contribution étant recouvrée suivant les règles applicables en matière de sécurité sociale.

Les employeurs occupant moins de vingt salariés et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale ne sont pas soumis à la contribution mentionnée au 2°. Le cinquième alinéa de l'article L. 620-10 du code du travail s'applique au calcul de l'effectif mentionné au présent article ».

Afin de déterminer le calcul des effectifs, l'article r 834-1-1 du code de la sécurité sociale, applicable au litige, disposait que :

« Pour l'application des dispositions prévues à l'article L. 834-1, l'effectif de l'entreprise calculé au 31 décembre, tous établissements confondus, est égal à la moyenne des effectifs déterminés chaque mois de l'année civile.

Pour la détermination des effectifs du mois, il est tenu compte des salariés titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, y compris les salariés absents, conformément aux dispositions des articles L. 1111-2, L. 1111-3 et L. 1251-54 du code du travail.

Pour une entreprise créée en cours d'année, l'effectif est apprécié à la date de sa création. Au titre de l'année suivante, l'effectif de cette entreprise est apprécié dans les conditions définies aux deux alinéas précédents, en fonction de la moyenne des effectifs de chacun des mois d'existence de la première année.

Pour la détermination de la moyenne mentionnée aux premier et troisième alinéas, les mois au cours desquels aucun salarié n'est employé ne sont pas pris en compte ».

La société ne saurait exciper de la notification de non assujettissement à la contribution supplémentaire due au FNAL adressée le 15 mars 2014, dès lors que le calcul de l'effectif ne résulte que de ses propres déclarations.

Pour justifier du redressement, la lettre d'observations indique à la fois une erreur de la société sur les taux appliqués et sur la base assujettie qu'elle rappelle année par année. La réponse du 24 juin 2015 précise le modalités retenues par l'URSSAF Île-de-France de calcul des effectifs année par année.

Pour 2012, l'effectif a été calculé en prenant en considération des déclarations mensuelles, la DASU, les inspecteurs du recouvrement relevant que les bulletins de paie et les journal de paie n'avaient pas été produits. La société ne dépose aucune pièce pour justifier de son calcul d'effectif, au vu des documents consultés par l'URSSAF Île-de-France lors du contrôle. L'effectif doit donc être retenu à 84,83 salariés

Pour 2013 et 2014, l'URSSAF Île-de-France s'est basée sur le journal de paie, dont il résulte un effectif de 44 salariés au 31 décembre 2013 et 43 salariés au 31 décembre 2014. La société ne dépose aucune pièce contradictoirement débattue lors du contrôle pour contester ce calcul.

Ce chef de redressement sera donc maintenu et le jugement sera confirmé.

- sur le chef de redressement n°2

Moyens des parties :

La SARL [7] indique que l'URSSAF ne peut pas assujettir aux charges sociales visées à l'article L 242-1 du Code de sécurité sociale les droits des auteur régulièrement assujettis aux cotisations AGESSA ; que l'assujettissement aux charges sociales est, la conséquence d'un statut juridique ; que dès lors qu'il n'est pas contesté que les droits d'auteurs ont été régulièrement assujettis (et les auteurs affiliés) au titre du régime des Auteurs (L.382-1), l'URSSAF ne peut pas assujettir aux charges du régime général (L.242-1) les mêmes droits d'auteurs ; qu'il y a bien eu décision de la Caisse primaire d'assurance maladie relative à l'affiliation des personnes concernées au régime des artistes-auteurs, étant par ailleurs précisé qu'il n'a pas alors été jugé nécessaire de consulter les Commissions professionnelles habilitées par l'article L.382-1 du code de la sécurité sociale à donner un avis sur le bien-fondé, ou non, de l'affiliation à ce régime ; que l'URSSAF n'a pas compétence pour procéder à l'affiliation d'office des auteurs (ni de quiconque) au régime général ; que seule la Caisse primaire d'assurance maladie peut procéder à l'affiliation (article R.312-10 du code de la sécurité sociale) ; que les articles L. 213-1 et L. 243-7 du code de la sécurité sociale n'autorisent pas les URSSAF à procéder à la désaffiliation de personnes ayant régulièrement été inscrites au régime des Auteurs et pour lesquelles ont été versées à l'AGESSA les cotisations afférentes ; que cette désaffiliation, de surcroît, aurait pour effet de remettre en cause la décision administrative d'affiliation de l'auteur au régime des Auteurs ce qui annulerait les effets de la décision administrative initiale ; que l'URSSAF ne dispose pas d'une telle compétence ; qu'elle n'a donc pas compétence, dans le cadre du contrôle opéré, de décider de l'affiliation de ces journalistes à un autre régime que celui auquel ils sont aujourd'hui affiliés ; qu'elle aurait eu seulement la compétence d'assujettir d'office les intéressés dans l'hypothèse où aucune affiliation n'aurait été réalisée et aucune cotisation versée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'elle a enfin relevé que le redressement concernait uniquement 7 pigistes et que l'URSSAF a par ailleurs exclu 4 d'entre eux du calcul du redressement devant le juge de première instance sur la totalité des pigistes travaillant pour le compte de la société ; que la décision de procéder au redressement des sommes versées à ces pigistes au titre des droits d'auteur est parfaitement arbitraire de sorte que le redressement subséquent ne peut être qu'annulé.

Au fond, elle ajoute que concernant plus spécifiquement des journalistes, les juges ont rejeté l'existence d'un contrat de travail dès lors qu'un journaliste est amené à intervenir de façon totalement autonome, sans contrainte de choix de sujets, sans instruction directive de la société ; que dès lors que les journalistes sont amenés à intervenir de façon totalement autonome, hors d'un cadre organisé par l'employeur, sans contrainte d'horaire, de volume de production (nombre d'articles...) ni de choix des sujets, ni de construction des articles et qui plus est travaillaient également pour d'autres personnes, ces derniers ne sont pas liés à l'organe de presse par un contrat de travail, de sorte que l'organe de presse n'a pas lieu de les affilier à l'URSSAF ni d'assujettir leur rémunération aux charges sociales ; qu'au cas particulier, elle estime que les trois éléments constitutifs du contrat de travail ne sont pas caractérisés dans le cadre des relations existant entre les 4 journalistes pigistes ; que le seul fait qu'ils soient amenés à travailler régulièrement pour la société ne saurait remettre en cause l'absence de lien de subordination et donc l'absence de contrat de travail.

L'URSSAF Île-de-France réplique que lors du contrôle, l'inspecteur du recouvrement a constaté que la société, pour les besoins de cette publication, avait fait appel à plusieurs journalistes-pigistes pour rédiger des chroniques sur le design, la décoration, la peinture, l'architecture etc.., et un réalisateur de vidéos pour le web, et leur avait versé, en contrepartie, des rémunérations sous forme de « droits d'auteur », déclarées à ce titre à l'AGESSA ; qu'estimant que ces personnes ne relevaient pas du champ d'application du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs, eu égard à la régularité de leurs interventions, de leur statut de journaliste professionnel et de la nature de leurs prestations ; que l'inspecteur a requalifié en salaires les sommes en cause et procédé à leur réintégration dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et des contributions chômage, opérant de ce fait un redressement global de 79 142 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014 ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 311-3-16° du code de la sécurité sociale que sont notamment compris les personnes auxquelles s'impose l'obligation prévue à l'article L. 311-2 les journalistes professionnels et assimilés, au sens des articles L. 761-1 et L. 761-2 du code du travail, dont les fournitures d'articles, d'informations, de reportages, de dessins ou de photographies à une agence de presse ou à une entreprise de presse quotidienne ou périodique, sont réglées à la pige, quelle que soit la nature du lien juridique qui les unit à l'agence ou à l'entreprise de presse ; que l'article L. 761-2 du code du travail, devenu article L. 7111-3 du code du travail, définit le journaliste professionnel comme étant celui qui a pour occupation régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que l'article L. 7112-1 du code du travail précise que toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail ; que cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ; qu'il en résulte que les journalistes professionnels et assimilés, exerçant à titre principal ou accessoire, sont des salariés auxquels s'appliquent toutes les conséquences juridiques attachées à ce statut ; que la jurisprudence retient, outre l'existence d'un lien de subordination, l'exécution d'un travail profitable à l'entreprise, l'importance, régularité et fixité de la rémunération, le respect des horaires ou des délais d'exécution, les moyens nécessaires à l'exécution du travail mis à disposition, l'absence de risque économique pour l'intervenant, pour soumettre à cotisations les sommes versées ; que la commission professionnelle des écrivains émet un avis défavorable si l'activité d'auteur d'articles, bien qu'accessoire à une autre activité principale, représente pour l'entreprise de presse une collaboration constante ; qu'en l'espèce, la SARL [7] a rémunéré des journalistes-pigistes (MM. [H], [E], [U] et [N]) sous forme de « droits d'auteurs » pour rédiger des chroniques publiées dans le magazine «  Connaissances des Arts » qu'elle édite, sommes déclarées en DAS 2 (état des honoraires, commissions, droits d'auteur...) ; qu'elle a également versé des « droits d'auteurs » à Mme [M] pour la réalisation de vidéos sur le web ; qu'aucun contrat de cession de droits d'auteur n'a été produit par la société, alors que ces personnes intervenaient de manière régulière pour le compte de la société sur la période contrôlée ; que ces personnes avaient en outre la qualité de journaliste professionnel au sens de l'article L. 7111-3 du code du travail, ce que ne contestait pas la société ; que dès lors, les prescriptions des articles L. 7111-3 à L. 7112-1 du Code du Travail doivent en conséquence trouver leur application ; que le concours d'un journaliste professionnel étant présumé être un contrat de travail, ces personnes relèvent bien du régime général de Sécurité Sociale, en application de l'article L. 311-3-16° du code de la sécurité sociale ; que par ailleurs les rémunérations versées ont été enregistrées dans la comptabilité de l'entreprise (compte 651602 « Piges rédactionnelles »), et sont fixées à l'avance d'un commun accord selon un mode forfaitaire, de sorte que les intéressés ne supportent aucun risque économique inhérent à leur activité ; qu'au demeurant, une telle activité ne rentre pas dans le champ d'application du régime des auteurs, comme cela a été rappelé précédemment par l'AGESSA, seule compétente en matière de droits d'auteur, en conséquence, les rémunérations versées, qualifiées à tort de droits d'auteurs, doivent être assujetties de droit à cotisations et contributions du régime général de Sécurité Sociale, en application de l'article L .242-1 du code de la sécurité sociale ; que s'il est vrai, par ailleurs, que les Caisses primaires d'assurance maladie ont compétence pour se prononcer sur l'assujettissement au régime général, il n'en demeure pas moins que les URSSAF, dans le cadre de leurs missions de recouvrement des cotisations et de contrôle des déclarations sociales établies par les employeurs (DADS-TR, DAS 2...), ont la faculté, notamment à l'occasion d'un contrôle comptable d'assiette effectué au sein d'une entreprise, d'apprécier les conditions d'activité d'une personne et de conclure à l'assujettissement ou, le cas échéant, au non-assujettissement au régime général ; qu'ainsi, en l'absence de décision d'admission ou de rejet de la Caisse primaire compétente pour se prononcer sur l'affiliation d'un travailleur au régime général de la Sécurité Sociale, une URSSAF a la faculté d'apprécier le caractère subordonné ou indépendant de l'activité en litige et d'en tirer les conséquences pour le recouvrement des cotisations (Cass. soc., 1er avril 1993, 91-13.414).

L'AGESSA expose que le régime de sécurité sociale des auteurs, codifié sous les articles L. 382-1 et suivants et R. 382-1 et suivants du code de la sécurité sociale, ne concerne que les personnes qui ont créé en toute indépendance une 'uvre de l'esprit originale, et dont l'activité est comprise dans l'énumération de l'article R. 382-2 du code de la sécurité sociale ; que selon la jurisprudence, l'originalité s'entend comme l'empreinte de la marque de la personnalité du créateur sur son 'uvre ; que l'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur sa création d'un droit moral inaliénable et d'un droit patrimonial, qu'il peut céder à un tiers, moyennant le versement d'une rémunération pécuniaire, en principe proportionnelle aux recettes procurées par l'exploitation commerciale de l''uvre ; que dans certains cas limitativement énumérés par le code de la propriété intellectuelle {articles L. 131-4 et L. 132-6), cette rémunération peut être forfaitaire ; que pour être valable, la cession doit être concrétisée par un écrit, dans le cas de la représentation, l'édition et la production d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, et la transmission des droits de l'auteur est subordonnée « à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et sa destination, quant au lieu et quant à la durée » (article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle) ; que la présomption de salariat édictée pour les collaborateurs de presse ayant la qualité de journalistes professionnels n'est pas irréfragable, mais demande, pour être renversée, que l'entreprise apporte des éléments factuels concrets de la preuve de l'indépendance de ses collaborateurs à son égard ; que sont exclus du régime les auteurs de textes ou d'illustrations, qui apportent une collaboration constante, notamment dans le cadre d'une rubrique régulière ou pour des travaux réalisés en fonction de l'actualité, lesquels exercent inévitablement leur activité dans un lien de dépendance par rapport à la publication. en raison notamment du calendrier de remise des travaux à suivre en lien avec la fréquence de la publication et du respect de la ligne éditoriale.

Réponse de la Cour :

En l'absence de décision d'admission ou de rejet de la caisse primaire compétente pour se prononcer sur l'affiliation d'un travailleur au régime général de la sécurité sociale, une URSSAF a la faculté d'apprécier le caractère subordonné ou indépendant de l'activité en litige et d'en tirer les conséquences pour le recouvrement des cotisations.

En l'espèce, la société ne démontre pas d'affiliation d'office des journaliste en cause auprès d'une Caisse primaire d'assurance maladie de telle sorte que, dans le cadre de son contrôle, l'URSSAF Île-de-France était en droit d'apprécier le caractère subordonné ou indépendant de l'activité des personnes sous contrat avec elle.

Le moyen tiré de l'incompétence de l'URSSAF pour apprécier les conditions d'exercice d'activité des pigistes en cause doit donc être rejeté.

Aux termes de l'article L. 311-3, 16° du code de la sécurité sociale sont compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation d' affiliation prévue à l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale , les journalistes professionnels et assimilés au sens des articles L. 761-1 et L. 761-2 du code du travail, devenu article L. 7111-3 du code du travail, dont les fournitures d'articles d'informations, de reportages, de dessins ou de photographies à une agence de presse ou à une entreprise de presse quotidienne ou périodique, sont réglées à la pige, quelle que soit la nature du lien juridique qui les unit à cette agence ou entreprise.

Selon l'article L. 761-2, premier alinéa, du code du travail, devenu L. 7111-3 du code du travail, le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Il est nécessaire de rechercher si l'activité de journaliste était l'activité principale des intéressés et si ceux-ci en tiraient le principal de leur ressources (2e Civ., 18 janvier 2005, pourvoi n° 03-30.355, Bull. 2005, II, n° 11).

En l'espèce, la lettre d'observations du 22 avril 2015 relève que

Mme [Y] [H], M. [X] [E], Mme [O] [U],

Mme [T] [M] et Mme [A] [N] interviennent en qualité de pigistes rédactionnels et sont rémunérés selon un montant forfaitaire déterminé à l'avance d'un commun accord pour des articles sur divers supports médias. A la suite de la réponse apportée par la société, l'inspecteur du recouvrement répond le 24 juin 2015 que les paiements ne constituent pas des droits d'auteur à défaut de production d'un contrat d'auteur et alors que les circonstances de fait de l'activité des différentes personnes redressées confirment l'existence d'un contrat de travail.

Pour autant, l'inspecteur du recouvrement ne démontre pas que certaines des personnes en cause exercent l'activité principale de journaliste professionnel et la présomption de salariat qui s'y attache.

En effet, si l'AGESSA assimile Mme [B] et de M. [N] à des journalistes professionnels, les pièces versées ne démontrent pas que ces personnes tiraient le principal de leurs ressources de cette activité dès lors que ne sont visées que les revenus tirés de la collaboration avec la société sans comparaison avec la globalité des revenus perçus sur les mêmes périodes.

Dès lors, il appartient à l'URSSAF de démontrer l'existence d'un lien de subordination entre les personnes concernées et la société.

Toutefois, s'agissant de M. [E], l'AGESSA rapporte sans être contredite que ce dernier tirait l'essentiel de ses revenus de 2010 et de 2011 de sa collaboration avec elle, au visa des déclarations de revenus produites pour demander l'affiliation. La société indique dans ses archives qu'il est journaliste. Il est ainsi fait état d'une collaboration avec la revue depuis 1987. L'analyse de l'activité sur 2012 et 2013 atteste de la régularité de sa collaboration avec la société. L'URSSAF caractérise donc, au vu de ces éléments, sa situation de journaliste professionnel, salarié présumé.

Il appartient donc à la société de détruire cette présomption. Elle ne dépose aucune pièce susceptible de le faire.

S'agissant de même de Mme [J], l'AGESSA mentionne sans être contredite qu'elle est collaboratrice permanente de la société, en sa qualité de coordinatrice et de responsable éditoriale des hors séries, de telle sorte que l'essentiel de ses revenus en provient. La qualité de journaliste professionnelle doit donc lui être reconnue et la présomption de salariat s'applique. La société n'apporte aucune pièce susceptible de renverser cette présomption.

Selon l'article L. 311-11, alinéa 1, du code de sécurité sociale , les personnes physiques mentionnées à l'article L.8221-6, I, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

Dès lors, il appartient à l'organisme du recouvrement qui entend procéder à la réintégration des sommes versées par un donneur d'ordre à une personne physique bénéficiant de la présomption de non- salariat, de rapporter la preuve de ce lien de subordination juridique (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-13.944).

Le lien de subordination, qui constitue le critère essentiel du contrat de travail, est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

La preuve d'un tel lien n'est pas rapportée lorsqu'il est seulement constaté qu'une personne a collaboré à une publication, qu'elle est rémunérée à chaque parution et que son activité nécessite des impératifs au sein d'un service organisé.

En la présente espèce, la lettre d'observations mentionne simplement l'intervention régulière des pigistes pour la rédaction de chroniques ou la réalisation de vidéos pour le web.

Le caractère occasionnel de l'activité de Mme [M], de Mme [H], de

Mme [G], de Mme [U] est souligné par l'AGESSA, de telle sorte que les éléments retenus par l'inspecteur du recouvrement ne permettent pas de rapporter la preuve d'une relation salariée.

S'agissant de Mme [B], l'AGESSA a refusé son affiliation en qualité d'auteur en raison de l'absence de tout contrat, de production de factures ou de tout autre élément caractérisant la relation ave la société. Toutefois, la présomption de salariat ne s'appliquant pas, le simple fait que l'AGESSA ait refusé l'affiliation sur des éléments ne caractérisant pas le lien de subordination ne permet pas de caractériser, en ce qui la concerne, une relation de salariat.

Il convient donc de valider le redressement de manière partielle à l'exception de

Mme [M], de Mme [H], de Mme [G], de Mme [U], de

Mme [B] et de M. [N].

Le jugement déféré sera donc confirmé partiellement, l'infirmation portant sur le

non-assujettissement au régime général de sécurité sociale de Mme [B] et de M. [N].

La SARL [7], qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME le jugement rendu le 26 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en ce qu'il a :

- validé la procédure de contrôle ;

- déclaré régulière la mise en demeure du 7 décembre 2015 ;

- validé les redressements opérés au titre de la contribution FNAL supplémentaire ;

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau :

VALIDE le redressements n°2 relatif à l'assujettissement des journalistes pigistes à l'exception de Mme [M], de Mme [H], de Mme [G], de Mme [U], de Mme [B] et de M. [N] ;

CONDAMNE la SARL [7] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL [7] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/14145
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;18.14145 ?
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