La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2024 | FRANCE | N°23/15772

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 25 avril 2024, 23/15772


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15772 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CII6P



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Août 2023 -Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n°23/04903





APPELANTS



M. [Z] [B]

[Adresse 4]

[L

ocalité 5]



Mme [S] [B]

[Adresse 4]

[Localité 5]



L'Association ICI ET MAINTENANT

[Adresse 4]

[Localité 5]



Ayant pour avocat postulant Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15772 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CII6P

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Août 2023 -Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n°23/04903

APPELANTS

M. [Z] [B]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Mme [S] [B]

[Adresse 4]

[Localité 5]

L'Association ICI ET MAINTENANT

[Adresse 4]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Représentés à l'audience par Me Ornella SARFATI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0946

INTIMES

Mme [R] [O]

[Adresse 7]

[Localité 6]

M. [M] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Ayant pour avocat postulant Me Diane RATTALINO, avocat au barreau de PARIS

Représentés à l'audience par Me Jérôme PINTURIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Mme [K] [N] veuve [L]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Stéphanie SCHWEITZER du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J040, présente à l'audience

PARTIE INTERVENANTE :

L'Association ICI ET MAINTENANT, inscrite au Registre National des Associations sous le numéro W751058044

[Adresse 7]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Diane RATTALINO, avocat au barreau de PARIS

Représentés à l'audience par Me Jérôme PINTURIER, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2024, en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [N] est propriétaire d'un bien immobilier à usage d'habitation dans un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6], qu'elle a donné à bail à M. [U] [O] par acte du 1er mai 2019, moyennant un loyer de 1.600 euros et 400 euros de charges.

M. [U] [O] est le fondateur de l'association Ici et maintenant, qui anime une radio libre créée en 1981. Cette association, présidée par ce dernier, employait Mme [S] [B], M. [Z] [B], son père, intervenant sur les ondes de la radio.

[U] [O] est décédé le 26 septembre 2022, laissant deux enfants, Mme [R] [O] et M. [M] [O].

Le 20 février 2023, Mme [R] [O] a écrit à Mme [N] qu'elle et son frère libéreraient l'appartement de leur père le 31 mars 2023 au plus tard et paieraient le loyer jusqu'à cette date.

Le 15 mars 2023, Mme [R] [O] s'est présentée au [Adresse 3] à [Localité 8] pour déménager les effets de son père et ceux de l'association Ici et maintenant, mais s'est heurtée au refus des consorts [B]. Mme [O] a déposé une main-courante le même jour.

Suivant assemblée générale du 23 mars 2023, Mme [R] [O] et M. [M] [O], membres du conseil d'administration de l'association Ici et maintenant, en sont devenus respectivement président et trésorier.

Le 22 avril 2023, l'association a initié une procédure de licenciement à l'encontre de Mme [B].

M. [B] et Mme [B] se revendiquent membres réguliers du conseil d'administration de l'association et respectivement président et secrétaire générale selon déclaration enregistrée auprès de la Préfecture de [Localité 8] le 6 mars 2023.

Par actes des 18 et 24 avril 2023, Mme [N] a assigné l'association Ici et maintenant, M. [B], Mme [B], Mme [O] et M. [O] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir :

constater que l'association Ici et maintenant, M. [B] et Mme [B] sont occupants sans droit ni titre et en conséquence ordonner à défaut de départ volontaire leur expulsion, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice.

Par ordonnance contradictoire du 30 août 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent, vu l'absence de contestation sérieuse ;

déclaré irrecevable en ses demandes l'association Ici et maintenant, représentée par M. [B] et/ou Mme [B] pour défaut de qualité à agir ;

déclaré son incompétence pour statuer sur les demandes de M. et Mme [B] qui ne relèvent pas de la compétence matérielle du juge des contentieux de la protection ;

constaté que M. [B] et Mme [B] sont occupants sans droit ni titre du logement situé [Adresse 3] à [Localité 6] ;

ordonné en conséquence à M. [B] et Mme [B] de libérer les lieux immédiatement à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 60 euros par jour de retard passé un délai de 24 heures à compter de la signification de la présente décision, et ce pendant un délai de six mois à l'expiration duquel il pourra être à nouveau statué ;

dit qu'à défaut pour M. [B] et Mme [B] d'avoir volontairement libéré les lieux, Mme [N] pourra, après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, conformément à l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

ordonné à M. [B] et Mme [B] de restituer aux consorts [O] et à l'association Ici et maintenant l'ensemble des meubles et effets personnels appartenant à M. [U] [O] ainsi que l'ensemble du matériel appartenant à l'association Ici et maintenant, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 24 heures à compter de la signification de la décision, et ce pendant un délai de deux mois à l'expiration duquel il pourra être à nouveau statué ;

condamné solidairement M. [B] et Mme [B] à verser à Mme [N] une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation d'un montant de 10.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice du fait de l'occupation du logement jusqu'au prononcé de la présente décision ;

condamné solidairement M. [B] et Mme [B] à verser à Mme [N] une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné solidairement M. [B] et Mme [B] à verser à Mme [O], M. [O] et l'association Ici et maintenant la somme globale de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné solidairement M. [B] et Mme [B] aux dépens ;

débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Par déclaration du 22 septembre 2023, M. [B], Mme [B] et l'association Ici et maintenant ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 27 février 2024, ils demandent à la cour, au visa des articles 31, 31, 117, 122, 455 et 835 du code de procédure civile, de :

déclarer les consorts [B] recevables et bien fondés en leur appel ;

déclarer l'association Ici et maintenant représentée par les consorts [B] recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit :

réformer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a :

* déclaré irrecevable en ses demandes l'association Ici et maintenant représentée par M. [B] et/ou Mme [B] pour défaut de qualité à agir et a retenu la qualité à agir de l'association Ici et maintenant représentée par Mme [O] ;

* constaté que les consorts [B] sont occupants sans droit ni titre du logement situé au [Adresse 3] à [Localité 6] ;

* condamné solidairement les consorts [B] à verser une indemnité provisionnellement mensuelle d'occupation d'un montant de 10.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice du fait de l'occupation du logement jusqu'au prononcé de la présente décision ;

* condamné les consorts [B] à verser solidairement les sommes provisionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 1.500 euros à Mme [N], Mme [O], M. [O] et à l'association Ici et maintenant ;

Statuant à nouveau :

déclarer irrecevable l'association Ici et maintenant représentée par Mme [O] pour défaut de pouvoir ;

En conséquence :

déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formulées par l'association Ici et maintenant ;

déclarer irrecevables Mme et M. [O] comme n'ayant ni qualité ni intérêt à agir à titre personnel ;

déclarer irrecevables l'intégralité des demandes formulées par Mme et M. [O] ;

juger nulle l'ordonnance de référé s'agissant des condamnations prononcées au titre d'une occupation illicite du local d'habitation et en particulier au versement d'une indemnité d'occupation ;

subsidiairement, l'occupation du local par Mme [B] ne constituant par un trouble manifestement illicite, constater l'existence de contestations sérieuses faisant obstacle aux demandes provisionnelles de Mme [N] et aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Mme [N] ;

En tout état de cause :

condamner solidairement Mme et M. [O] à verser aux consorts [B] la somme totale de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

condamner solidairement Mme et M. [O] aux entiers dépens ;

dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Me Bellichach, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les appelants soutiennent :

- que conformément à la volonté de [U] [O], ils ont été désignés membres du conseil d'administration de l'Association par l'assemblée générale du 20 décembre 2021 et en tant que membres réguliers du conseil d'administration, après le décès de [U] [O] ils se sont réunis pour modifier l'organisation de l'Association et désigné [Z] [B] en qualité de président et [S] [B] en qualité de secrétaire générale, déclaration en Préfecture ayant été faite en ce sens le 6 mars 2023 ;

- que Mme [R] [O] a de son côté effectué une nouvelle déclaration en Préfecture le 24 mars 2023, se déclarant présidente et son frère trésorier, cette déclaration étant toutefois irrégulière faute de respect des conditions cumulatives posées par les statuts pour se prévaloir de la qualité de membre, à savoir l'acceptation par le conseil d'administration et le versement de la cotisation fixée par l'assemblée générale ;

- que Mme [O] n'a donc pas le pouvoir ni la capacité de représenter l'Association dans le cadre de la présente instance ;

- que Mme [O] et son frère n'ont pas non plus qualité ni intérêt à agir à titre personnel pour former leurs demandes, les biens dont ils sollicitent la restitution appartenant à l'Association, [U] [O] n'ayant jamais résidé dans l'appartement du [Adresse 3] ;

- que l'obligation mise à la charge de M. et Mme [B] de verser une somme provisionnelle à Mme [N] est sérieusement contestable aux motifs suivants :

- l'ordonnance entreprise est nulle car ses motifs portant sur l'indemnité d'occupation sont en totale contradiction avec les condamnations figurant à ce titre au dispositif (les motifs prévoient le versement d'une somme globale de 10.000 euros par les consorts [B] à Mme [N] alors que le dispositif prévoit le versement par les consorts [B] d'une indemnité d'occupation de 10.000 euros mensuelle) ;

- l'occupation de l'appartement par Mme [B] ne constitue pas un trouble manifestement illicite car il ressort de la commune intention des parties que Mme [N] et [U] [O] ont souhaité conclure un bail au bénéfice de la seule Association pour que celle-ci puisse y exercer son activité, et permettre à Mme [B], en tant que salariée de l'Association, d'occuper le local comme logement de fonction ;

- qu'ainsi le bail aurait dû se poursuivre au bénéfice de Mme [B] qui en aucun cas ne saurait être considérée comme occupante sans droit ni titre.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 4 mars 2024, les consorts [O] et l'association Ici et maintenant (intervenante volontaire aux côtés des consorts [O]) demandent à la cour, de :

confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance de référé dont appel ;

déclarer irrecevables les conclusions de M. [B] au nom de l'association Ici et maintenant ;

en conséquence, débouter M. [B] et Mme [B] de toutes leurs demandes ;

condamner M. [B] et Mme [B] à verser à l'association Ici et maintenant, Mme [O] et M. [O], la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

les condamner aux entiers dépens.

Ils exposent que seule Mme [O] a qualité pour agir en tant que représentante légale dûment mandatée par l'Association pour agir en justice dans l'intérêt de cette dernière, ayant été nommée présidente de l'association en vertu d'une décision du conseil d'administration du 3 mars 2023, ledit conseil s'étant en outre réuni le 31 mars 2023 pour l'autoriser à agir en justice contre M. [B] et Mme [B], lesquels ont manoeuvré pour détourner l'Association à leur profit, rédigeant le 20 décembre 2021 un faux procès-verbal de réunion du bureau en s'attribuant respectivement les fonctions de président et trésorier adjoint, s'appropriant aussi l'appartement du [Adresse 3] qui a été le siège de l'Association mais surtout le lieu de résidence à [Localité 8] de [U] [O] qui en acquittait le loyer et la taxe d'habitation, Mme [B] s'y installant provisoirement et s'y maintenant après le décès de [U] [O] alors que le contrat de travail qui la liait à l'Association ne lui allouait aucun avantage en nature de résidence et qu'elle s'est toujours domiciliée au n°66 de l'[Adresse 4] qui appartient à son père [Z] [B] d'où la radio continue à émettre ; que Mme [B] a finalement quitté les lieux le 25 septembre 2023 et les effets et meubles de [U] [O] ont pu être récupérés à compter du 30 mars 2023, que toutefois, seul le matériel en panne ou inutilisable de l'Association a été laissé dans les lieux, les consorts [B] s'étant approprié le reste ; que les consorts [O] ont parfaitement assumé leurs obligations vis-à-vis de Mme [N] en lui réglant les loyers de janvier, février et mars 2023, n'ayant pu restituer les lieux du fait des agissements des consorts [B].

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 mars 2023, Mme [N] demande à la cour, au visa des article 835 du code de procédure civile et 1242 du code civil, de :

confirmer l'ordonnance de référé du 30 août 2023 en toutes ses dispositions ;

rectifier l'erreur figurant dans le dispositif ;

constater que le juge des référés a condamné M et Mme [B] au paiement de la somme provisionnelle de 10.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice du fait de l'occupation du logement ;

Y ajoutant :

constater que les consorts [B] n'entendent pas contester l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné leur expulsion et qu'ils ne revendiquent aucun droit quelconque sur son appartement ;

condamner solidairement les consorts [B] à lui payer une provision complémentaire à valoir sur son préjudice de 6.000 euros, soit une somme totale provisionnelle de 16.000 euros ;

condamner solidairement les consorts [B] à lui payer une somme complémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui comprendrons les frais du procès-verbal de constat de reprise de possession et d'état des lieux du 25 septembre 2023.

Mme [N] soutient que le seul locataire était M. [U] [O] et que l'Association n'a jamais été titulaire du bail, ni Mme [B], le fait que des loyers aient été payés par l'Association et que Mme [B] ait été salariée de cette association ne lui conférant en rien la qualité de locataire, ce dont elle est parfaitement consciente puisqu'elle a sollicité qu'un bail soit établi à son nom après le décès de [U] [O] ; que Mme [B] a donc bien été occupante des lieux sans droit ni titre jusqu'au 25 septembre 2023, date à laquelle elle les a quittés spontanément ; que n'ayant perçu aucun loyer entre le 1er avril et le 25 septembre 2023, qui se chiffre à 2 000 euros par mois, ayant par ailleurs été contrainte de faire appel à un serrurier et ayant subi un préjudice moral important, elle est fondée à solliciter le paiement d'une provision de 16 000 euros ; qu'elle n'a pas encaissé le chèque de 2 000 euros qui lui avait été remis par [U] [O] à titre de dépôt de garantie, et le tient à la disposition des consorts [O] pour leur restituer.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024.

SUR CE, LA COUR

Sur la qualité pour représenter l'association Ici et maintenant

Aux termes de ses statuts, l'association Ici et maintenant est dirigée par un conseil de membres, élus pour cinq années par l'assemblée générale, et c'est ce conseil d'administration qui choisit parmi ses membres un bureau, composé d'un président, d'un vice-président, d'un secrétaire et d'un secrétaire adjoint, d'un trésorier et d'un trésorier adjoint.

Parmi ses pouvoirs, le conseil d'administration a celui d'autoriser le président à intenter une action en justice ou à y défendre.

A la date de la mise à jour des statuts le 1er juin 2019 (pièce 1 des consorts [O] et de l'Association), étaient membres du bureau du conseil d'administration M. [U] [O], président, Mme [W] [T], secrétaire, M. [M] [O], secrétaire adjoint, et Mme [R] [O], trésorière.

Mme [S] [B] et son père M. [Z] [B] soutiennent être devenus membre du conseil d'administration en qualités respectives de représentant et trésorier adjoint, produisant une lettre datée du 20 décembre 2021 émanant de l'Association, revêtue de la signature de son président [U] [O], ayant pour objet « procès verbal de la réunion du bureau de l'association » et indiquant que les membres du bureau de l'association réunis ce jour ont à l'unanimité intégré deux nouveaux responsables : [S] [B], représentant, et [Z] [B], trésorier adjoint. Ils produisent une déclaration qu'ils ont faite en ce sens auprès de la Préfecture le 3 janvier 2022.

Cette simple lettre de l'Association signée par son dirigeant, au demeurant arguée de faux par Mme [O] et son frère qui soutiennent que [U] [O] n'a pas pu la signer étant absent à cette date, ne peut en tout état de cause valoir désignation régulière de Mme [E] et de son père en tant que membres du conseil d'administration, ne valant pas procès-verbal d'assemblée générale comme qualifiée à tort par Mme et M. [B]. La volonté manifestée par [U] [O] d'intégrer Mme [B] dans le conseil d'administration comme directrice d'antenne, qui ressort d'un courriel qu'il a adressé à sa fille [R] [O] le 24 septembre 2019, est insuffisante à établir la qualité de membre du conseil d'administration de Mme [B], à défaut d'une décision de l'assemblée générale et du conseil d'administration de l'Association conformément aux statuts, dont l'existence n'est pas démontrée.

Il doit d'ailleurs être relevé, au vu de la pièce 24 des consorts [O] (rapport du conseil d'administration du 23 décembre 2021), que le conseil d'administration de l'Association s'est réuni à cette date et donc après la réunion du 20 décembre 2021 alléguée par les consorts [B], sous la présidence de [U] [O] et en présence de [M] [O], secrétaire général et de [R] [O], trésorière, sans mentionner de nouveaux membres.

De la même façon, les consorts [B] sont mal fondés à se prévaloir de leurs qualités respectives de président et secrétaire générale de l'Association sur la base d'une simple déclaration qu'ils ont faite en Préfecture le 6 mars 2023, sans justifier de leur désignation régulière à ces fonctions par une décision du conseil d'administration de l'Association.

Mme [R] [O] et son frère M. [M] [O] justifient pour leur part que suivant procès-verbal du 23 mars 2023, l'assemblée générale extraordinaire de l'Association a renouvelé le mandat des membres du conseil d'administration élus en juin 2019 : Mme [R] [O], M. [M] [O] et Mme [W] [T] ; élu Mme [O] comme nouveau président, M. [O] comme nouveau trésorier et Mme [T] comme nouvelle secrétaire du bureau. Une déclaration en Préfecture a été faite en ce sens et le 31 mars 2023, le conseil d'administration a autorisé sa présidente à agir en justice contre Mme [B] et son père (rapport du conseil d'administration du 31 mars 2023, pièce 28 des consorts [O]).

Il est ainsi établi que l'association Ici & maintenant n'est régulièrement représentée dans le cadre de la présente instance que par Mme [R] [O], sa présidente, laquelle est en conséquence recevable à présenter des demandes au nom de cette association. M. [B] est, lui, irrecevable en ses demandes présentées au nom de l'Association en tant que président, ne la représentant pas régulièrement.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable en ses demandes l'association Ici et maintenant, représentée par M. [B] et/ou Mme [B] pour défaut de qualité à agir, la cour substituant ses propres motifs à ceux du premier juge.

Sur la demande d'expulsion et les demandes indemnitaires

Il résulte des dispositions du contrat de location du 1er mai 2019 que M. [U] [O] a pris location de l'appartement de Mme [N] personnellement, et non en qualité de président de l'Association.

S'il est constant que cet appartement a servi de siège à l'Association et aussi de logement à Mme [B] en sa qualité de salariée de ladite association (même si son contrat de travail ne prévoit pas cet avantage en nature), ceux-ci n'étaient qu'occupants de fait du chef de M. [O], avec l'accord de Mme [N], mais n'avaient pas la qualité de locataires, aucune disposition du bail ne le stipulant, peu important que des loyers aient pu être réglés par l'Association.

En application de l'article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, à défaut de personnes remplissant les conditions prévues par ce texte pour se voir transférer le contrat de location, celui-ci s'est trouvé résilié de plein droit au décès de [U] [O] le 26 décembre 2022.

Mme [R] [O], en tant qu'héritière de [U] [O] et de représentante de l'Association, a pris acte de cette résiliation et en accord avec la bailleresse, a décidé de libérer les lieux le 31 mars 2023, après avoir acquitté les loyers de janvier, février et mars 2023. Elle s'est toutefois heurtée au refus de Mme [B] et de son père de quitter les lieux, ceux-ci ne les ayant libérés que le 25 septembre 2023, après la décision de première instance rendue le 30 août 2023, ce qui n'est pas discuté en appel.

Il en résulte que M. [B] et Mme [B] se sont fautivement maintenus dans les lieux sans droit ni titre depuis la résiliation du bail jusqu'au 25 septembre 2023, et sont dès lors redevables à Mme [N], qui n'a reçu paiement du loyer de Mme [O] que jusqu'au mois de mars 2023 inclus, d'une indemnité d'occupation destinée à réparer le préjudice de jouissance subi par la propriétaire, du 1er avril 2023 jusqu'au 25 septembre 2023.

Le premier juge a commis une simple erreur matérielle, qui n'entache en rien de nullité sa décision et que la cour rectifie, en condamnant Mme [B] et M. [B] au paiement d'une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation de 10.000 euros, les motifs de sa décision faisant clairement ressortir qu'il a entendu, et à bon droit, allouer la somme provisionnelle de 10.000 euros correspondant au montant mensuel du loyer (2.000 euros) d'avril à août 2023.

Cette indemnité d'occupation doit être actualisée au 25 septembre 2023, date de la libération effective des lieux par les consorts [B], à la somme de 11.612 euros, Mme [N] étant déboutée du surplus de sa demande de provision formée en appel, faute de justifier du coût de remplacement de la serrure et faute de caractériser le préjudice moral dont elle se prévaut.

M. [B] et Mme [B] seront condamnés in solidum (et non solidairement) au paiement de cette provision de 11.612 euros, l'ordonnance étant infirmée sur ce point ainsi que sur le quantum de la provision.

En tant qu'héritiers de [U] [O] et représentants de l'Association, les consorts [O] et l'Association étaient bien fondés à se voir restituer par les occupants sans droit ni titre tous les biens de [U] [O] et ceux de l'Association, l'ordonnance étant confirmée de ce chef.

L'ordonnance n'est pas critiquée par les consorts [O] en ce qu'elle a rejeté leur demande de remboursement du dépôt de garantie, le chèque de 2.000 euros remis par [U] [O] à sa bailleresse n'ayant d'ailleurs pas été encaissé selon les déclarations de Mme [N], non contredites par les consorts [O].

Sur les mesures accessoires

Le sort des frais et dépens de première instance a été exactement réglé par le premier juge, sauf à dire que les consorts [B] doivent être condamnés in solidum et non solidairement aux dépens et à l'indemnité pour frais irrépétibles.

Perdant en appel, Mme [B] et M. [B] seront condamnés in solidum aux dépens de l'instance d'appel et à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à Mme [N] la somme de 2.500 euros (comprenant le coût du procès-verbal de constat de reprise de possession et d'état des lieux, qui n'entre pas dans les dépens), à l'Association et les consorts [O], ensemble, la somme de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Rectifie l'erreur matérielle commise par le premier juge en ce qu'il a condamné M. [B] et Mme [B] à une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation d'un montant de 10.000 euros, au lieu d'une indemnité provisionnelle d'occupation de 10.000 euros,

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf sur le montant de la provision allouée à Mme [N] et sauf en ce qu'elle a prononcé condamnations solidaires et non in solidum à l'encontre de M. [B] et Mme [B],

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [B] et Mme [B] à payer à Mme [N], à titre d'indemnité d'occupation due à compter du 1er avril 2023 jusqu'au 25 septembre 2023, la somme provisionnelle de 11.612 euros,

Déboute Mme [N] du surplus de sa demande de provision,

Condamne in solidum M. [B] et Mme [B] aux dépens de l'instance d'appel et à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

à Mme [N] la somme de 2.500 euros (incluant le coût du procès-verbal de constat de reprise des lieux et d'état des lieux),

à Mme [O], M. [O] et l'association Ici & maintenant, ensemble, la somme de 2.500 euros,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/15772
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;23.15772 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award