REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRET DU 25 AVRIL 2024
(n° )
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/09782 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHW4O
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2023 -Juge de l'exécution de BOBIGNY
APPELANT
Monsieur [F] [R]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représenté par Me Emilie PERRIER de la SELARL EMPC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2095
INTIMES
Monsieur [H] [R]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Ayant pour Avocat la SELARL AGUILA-MORESCO et
pour Avocat plaidant Me LAMY Stéphanie, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [O] [C]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Ayant pour Avocat la SELARL AGUILA-MORESCO et
pour Avocat plaidant Me LAMY Stéphanie, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre
Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
Par jugement du 15 septembre 2011, le tribunal d'instance d'Antony a condamné M. [F] [R] à payer diverses indemnités d'un montant total de 7000 euros à M. [H] [R] et M. [O] [C] en réparation d'atteintes à la vie privée et d'atteintes au droit à l'image, outre une somme de 2990 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a été signifié à M. [F] [R] par acte d'huissier du 10 février 2012 remis à parquet, le destinataire étant alors domicilié en Thaïlande, puis par acte d'huissier du 18 octobre 2015 à [Adresse 7].
Un certificat de non-appel du jugement susvisé a été délivré le 18 janvier 2018.
En exécution de ce jugement, MM. [H] [R] et [O] [C] ont fait pratiquer le 4 juin 2019, entre les mains de la SCP Calvet-Baudet-Desoutter-Calvet de notaires à [Localité 9], chargée de la succession de Mme [L] [W], une saisie-arrêt à l'encontre de M. [F] [R] pour avoir paiement de la somme totale de 1.806.206 Francs pacifiques, soit 15.136,01 euros.
Par acte d'huissier du 11 juin 2019, MM. [H] [R] et [O] [C] ont fait assigner M. [F] [R] devant le tribunal de première instance de Nouméa en validité de la saisie-arrêt.
Par jugement du 4 novembre 2019, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Nouméa du 11 février 2021, le tribunal de première instance de Nouméa s'est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Bobigny.
Par jugement du 16 mai 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a :
ordonné la suppression du premier paragraphe de la page 15 des conclusions soutenues par M. [F] [R] à l'audience du 30 mars 2023 devant lui ;
débouté M. [F] [R] de ses demandes ;
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [F] [R] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a estimé diffamatoire en ce qu'il porte atteinte à la présomption d'innocence le premier paragraphe de la page 15 des conclusions de M. [F] [R] et en ce que les faits dénoncés ne sont étayés par aucun élément émanant d'un tiers.
Il a déclaré régulière l'assignation et la procédure, au motif que les éléments produits n'établissaient pas que MM. [H] [R] et [O] [C] n'étaient pas domiciliés à [Localité 9] et qu'aucun grief n'était allégué, M. [H] [R] comparaissant à l'instance.
Ensuite, il a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la signification du titre exécutoire à parquet le 10 février 2012.
En outre, il a rejeté le moyen tiré de la nullité de la saisie-arrêt au regard du caractère métropolitain du litige, le droit applicable en Nouvelle-Calédonie étant celui de l'ancien code de procédure civile.
Enfin il a déclaré l'action en recouvrement non prescrite, le litige ayant pour objet l'exécution d'un jugement rendu par le tribunal d'instance d'Antony, relevant, par suite, de la prescription décennale de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution.
Par déclaration du 31 mai 2023, M. [F] [R] a formé appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 25 septembre 2023, il demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
déclarer la procédure de saisie-arrêt infondée ;
En tout état de cause,
constater la prescription du « titre exécutoire reposant sur le jugement du 15 septembre 2011 »
En conséquence,
rejeter l'ensemble des demandes de MM. [H] [R] et [O] [C] ;
condamner MM. [H] [R] et [O] [C] à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
condamner MM. [H] [R] et [O] [C] à lui payer la somme de 3658,64 euros au titre des frais induits en Nouvelle-Calédonie par leur assignation devant le tribunal de première instance de Nouméa ;
condamner MM. [H] [R] et [O] [C] solidairement à lui payer les intérêts au taux légal en vigueur, aggravés de leur anatocisme sur la somme de 18.794,65 euros à compter du 4 juin 2019, date de la saisie-arrêt ;
condamner MM. [H] [R] et [O] [C] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner MM. [H] [R] et [O] [C] aux entiers dépens de l'instance ;
« ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ».
L'appelant soulève la nullité de la saisie-arrêt compte tenu de l'irrégularité alléguée des actes suivants :
le certificat de non-appel du 18 janvier 2018 ;
les actes de signification du jugement, en date des 10 février 2012 et 18 octobre 2015 ;
l'acte de signification de la saisie-arrêt du 4 juin 2019 ainsi que l'assignation en validité du 11 juin 2019.
A cet effet, il fait valoir que les intimés ont entretenu une ambiguïté sur leur domicile effectif depuis 12 ans, prétendant faussement habiter [Localité 9], notamment [Adresse 5] au [Localité 11], alors que le détective privé qu'il a mandaté a découvert que cette adresse était celle de leur cousine exclusivement ; que cette mention mensongère lui a fait nécessairement grief comme « faisant échec de facto à l'exercice de ses droits ».
Ensuite, il conteste avoir jamais été destinataire de la signification remise à parquet le 10 février 2012 du jugement du tribunal d'instance d'Antony, aucune preuve de la transmission du parquet aux autorités compétentes en Thaïlande n'ayant été produite.
Il ajoute que par suite de l'application de l'article 26 du décret n°58-1284 du 22 décembre 1958 prévoyant que le tribunal compétent est celui du domicile du débiteur saisi ou du tiers saisi, de l'article 42 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie prévoyant que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur, du principe en droit privé de l'applicabilité de la loi du for, enfin de ce que le litige est né en métropole d'un jugement du tribunal d'instance d'Antony, la procédure de saisie-arrêt est infondée, l'ancien code de procédure civile ne s'appliquant pas devant le tribunal judiciaire de Bobigny.
Enfin, il soulève la prescription, que ce soit au regard de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution dès lors que la notification du jugement et le certificat de non-appel sont entachés de nullité, ou au regard de la prescription quinquennale s'appliquant à l'exécution des titres exécutoires sur le territoire de Nouvelle-Calédonie pour le cas où la cour considérerait la notification à parquet du 10 février 2012 comme régulière.
Par conclusions du même jour, M. [F] [R] a formé une inscription de faux, tendant à voir :
retirer des débats les actes suivants :
l'acte d'huissier de signification à parquet effectué le 10 février 2012 par la SCP Venezia ;
l'acte d'huissier de signification à partie effectué le 18 octobre 2015 par la SCP Leroi & associés ;
le certificat de non-appel établi le 18 janvier 2018 ;
condamner MM. [H] [R] et [O] [C] à lui verser la somme de 3658,64 euros à titre de dommages-intérêts ;
condamner MM. [H] [R] et [O] [C] à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner MM. [H] [R] et [O] [C] aux entiers dépens.
A cet effet, il soutient que l'exactitude des mentions des procès-verbaux d'huissier de justice doit s'apprécier en considération de la conformité de leur contenu à la réalité, la conscience ou non de l'inexactitude et l'existence d'un préjudice étant indifférentes, le faux pouvant en outre être invoqué à tout moment de la procédure.
Il prétend que MM. [H] [R] et [O] [C] n'ont jamais été domiciliés au [Adresse 5], à [Localité 9] ; qu'il existe également un doute sur la résidence effective de [O] [C] à [Localité 9] ; ce qui lui a causé un préjudice, en ce qu'il ne pouvait accomplir avec certitude les actes de procédure garantissant le bon exercice de sa défense et l'a contraint à exposer des frais importants pour contester la saisie en se déplaçant à [Localité 9] et à s'adjoindre les services, onéreux, d'un détective privé.
Par dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2023, MM. [H] [R] et [O] [C] demandent à la cour de :
juger irrecevable l'inscription de faux soulevée à titre incident par M. [F] [R] ;
subsidiairement,
juger cette action prescrite,
confirmer le jugement dont appel ;
y ajoutant,
juger valable la saisie-arrêt diligentée ;
ordonner que les sommes détenues par le tiers saisi leur seront versées à concurrence de leur créance en principal, intérêts et frais ;
débouter M. [F] [R] de toutes ses demandes ;
condamner M. [F] [R] à leur verser la somme de 4000 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
condamner M. [F] [R] à leur verser la somme de 4000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
le condamner aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de leur avocat.
Sur l'inscription de faux, ils soulèvent l'irrecevabilité de l'action, dont les formalités de l'article 306 du code de procédure civile n'ont pas été respectées. Subsidiairement, ils soulèvent la prescription de cette action au visa de l'article 2224 du code civil, comme ayant été engagée au-delà du délai de cinq ans. A titre infiniment subsidiaire, ils soutiennent que la procédure d'inscription de faux à l'encontre des mentions de signification d'un acte d'huissier n'est recevable que dans le cadre de constatations relevant effectivement du ministère de l'huissier de justice, alors qu'à aucun moment, l'huissier de justice n'a eu à constater la réalité de leur domiciliation, et d'autant moins qu'elle se situait en Nouvelle-Calédonie ; que l'inscription de faux est dépourvue d'intérêt et de sens, outre que M. [F] [R] ne justifie à aucun moment de la fausseté de leur domiciliation, confondant domiciliation et résidence.
Sur l'action au fond, ils se prévalent d'un jugement définitif et exécutoire comme ayant été notifié deux fois, une première fois à parquet le 10 février 2012, une seconde à l'adresse actuelle de M. [F] [R] le 8 octobre 2015, justifiant l'établissement du certificat de non-appel.
Sur la prescription du jugement du tribunal d'instance d'Antony, ils estiment que seule la prescription décennale s'applique, ne s'agissant pas d'un titre exécutoire calédonien ni d'un litige né en Nouvelle-Calédonie. Ils ajoutent que si le jugement date du 15 septembre 2011, il n'a acquis force exécutoire que le 18 janvier 2018.
Ils estiment seule applicable la procédure de saisie-arrêt calédonienne et précisent que la cour devra valider la saisie-arrêt pratiquée, le premier juge ayant oublié d'y procéder.
Par conclusions du 24 novembre 2023 sur inscription de faux, ils réitèrent les mêmes moyens et prétentions, relatifs à l'inscription de faux, que ceux développés à l'intérieur de leurs conclusions au fond.
MOTIFS
A titre liminaire et sur l'inscription de faux, la cour entend soumettre à la contradiction des parties les dispositions de l'article 305 du code de procédure civile, selon lesquelles le demandeur en faux qui succombe [en son inscription de faux] est condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Par ailleurs, aux termes de l'article 22-1 de la loi du 8 février 1995 modifié par la loi du 23 mars 2019, en tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu'il estime qu'une résolution amiable du litige est possible, le juge peut, s'il n'a pas recueilli l'accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu'il désigne. Celui-ci informe les parties sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation.
La cour considère que cette affaire présente plusieurs critères d'éligibilité à une mesure de médiation et qu'une telle mesure serait seule de nature à faciliter le règlement durable du conflit opposant les parties depuis de nombreuses années ; qu'il est donc du plus grand intérêt des parties d'y recourir.
Compte tenu des explications nécessaires à une décision éclairée, et de manière à accélérer le traitement de ce litige, il convient de commettre un médiateur pour recueillir l'accord éventuel des parties sur une telle mesure.
Dans l'hypothèse où toutes les parties donneraient au médiateur un accord écrit à la médiation, celui-ci, désigné par provision, pourra commencer, dès la consignation de la provision, ses opérations de médiation.
PAR CES MOTIFS
Invite les parties à présenter leurs éventuelles observations sur l'application des dispositions de l'article 305 du code de procédure civile ;
Enjoint à M. [F] [R] d'une part et MM. [H] [R] et [O] [C] d'autre part de rencontrer un médiateur ;
Désigne à cet effet Madame [E] [X] exerçant au [Adresse 3], email : [Courriel 6], téléphone : [XXXXXXXX01] et [XXXXXXXX02]
Donne mission au médiateur ainsi désigné d'expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d'une mesure de médiation ; de recueillir par écrit leur consentement ou leur refus de cette mesure ;
Fait injonction aux parties de se joindre à leurs représentants en vue de rencontrer le médiateur désigné ;
Dit que dans l'hypothèse où, au moins l'une des parties refuserait le principe de la médiation, le médiateur transmettra à la cour les décisions écrites prises par chacune d'elles sur la proposition de médiation et cessera ses opérations, sans défraiement ;
Dit que dans l'hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation ainsi proposée, le médiateur aura pour mission d'entendre les parties et confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose et pourra commencer, dès la consignation de la provision ci-après fixée, les opérations de médiation ;
Dit que la médiation devra alors être réalisée dans un délai de trois mois à compter du versement de la provision, et qu'elle pourra, le cas échéant, être renouvelée pour une période de trois mois à la demande du médiateur.
Fixe à la somme de 2.100 euros HT, le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur qui devra être consignée, entre les mains du médiateur. La somme de 700 euros HT sera versée par l'appelant, M. [H] [R], et 1400 euros HT par les intimés, ensemble, MM. [H] [R] et [O] [C] ;
Dit que le médiateur informera le président de la chambre 1-10 de tout incident affectant le bon déroulement de la médiation, dans le respect de la confidentialité de rigueur en la matière.
Dit qu'au terme de la médiation, le médiateur informera le président de la chambre, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu'elles n'y sont pas parvenues ;
Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 18 septembre 2024 à 9 heures 30 ;
Le greffier, Le président,