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25/04/2024 | FRANCE | N°21/20505

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 25 avril 2024, 21/20505


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 25 AVRIL 2024



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20505 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEW3U



Décision déférée à la Cour : jugement du 26 octobre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 20/05923





APPELANTS



Madame [Z] [E] épouse [N] agissant tant en son nom personnel qu'en q

ualité de représentante légale de sa fille mineure [O] [N] née le [Date naissance 11] 2013

[Adresse 2]

[Localité 9]

Née le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 15]

Représent...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 25 AVRIL 2024

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20505 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEW3U

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 octobre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 20/05923

APPELANTS

Madame [Z] [E] épouse [N] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [O] [N] née le [Date naissance 11] 2013

[Adresse 2]

[Localité 9]

Née le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 15]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par Me Benoist ANDRÉ, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [S] [N]

[Adresse 12]

[Localité 8]

Né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 15]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté par Me Benoist ANDRÉ, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. GAN ASSURANCES

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représentée et assistée par Me Patrice GAUD de la SCP GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 14]

Représentée par Me Florent VIGNY de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

SECURITE SOCIALE DES INDEPENDANTS

[Adresse 6]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat

PARTIE INTERVENANTE

URSSAF DE FRANCHE-COMTÉ

[Adresse 7]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Sylvie LEROY, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

[R] [N], conducteur d'un véhicule assuré par la société Allianz IARD (la société Allianz) auprès de laquelle la société Jura Diesel dont il était le gérant avait souscrit une police d'assurance « professionnels de l'automobile » comportant une garantie du conducteur, a été victime, le 17 juillet 2016, d'un accident mortel de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. [M] [K], assuré auprès de la société Gan assurances (la société Gan).

Par un jugement en date du 20 juin 2017, le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier a déclaré M. [K] coupable des chefs d'homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur, de conduite à une vitesse excessive au regard des circonstances et de dépassement par la gauche d'un véhicule tournant à gauche.

Par ordonnance en date du 31 janvier 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné à la demande de Mme [Z] [E] veuve [N], agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure, [O] [N], et du père de [R] [N], M. [S] [N] (les consorts [N]), une expertise comptable afin d'évaluer leurs préjudices économiques et désigné en qualité d'expert M. [B] [F], remplacé par la suite par M. [W] [S] suivant ordonnance du 5 juin 2018.

L'expert a établi son rapport le 30 septembre 2019.

Par actes d'huissier en date des 18, 19 juin et 1er juillet 2020, les consorts [N] ont fait assigner la société Gan, la société Allianz et la caisse de sécurité sociale des indépendants de Franche-Comté, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants de Franche-Comté (le RSI), devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 26 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit que le droit à indemnisation des proches de [R] [N] des suites de l'accident de la circulation survenu le 17 juillet 2016 est entier et que la société Gan sera tenue de les indemniser des conséquences dommageables de l'accident,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N] à titre de réparation de ses préjudices, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :

* préjudice économique : 1 046 254,31 euros

* frais d'obsèques : 4 393,63 euros

avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre pour elle-même effectuée le 26 novembre 2020, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 29 février 2020 au 16 novembre 2020,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N], en qualité de représentante légale de sa fille [O] [N], à titre de réparation de ses préjudices, en deniers ou quittances, provisions non déduites, la somme de 27 318,32 euros au titre de son préjudice économique, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N] en qualité de représentante légale de sa fille [O] [N], les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre pour sa fille [O] [N] effectuée le 26 novembre 2020, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 29 février 2020 au 16 novembre 2020,

- débouté Mme [Z] [N] de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice du fait de la cessation d'activité de la société Jura Diesel, au titre de la perte de dividendes et du remboursement des loyers,

- débouté M. [S] [N] de ses demandes d'indemnisation au titre de la perte de dividendes, de l'absence de location des locaux et de l'absence de crédit TVA ainsi que de la cessation d'activité de la société Jura Diesel,

- condamné la société Gan à payer à la société Allianz la somme de 249 999,96 euros au titre de son recours subrogatoire, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2020 sur la somme de 182 999,96 euros et du 29 janvier 2021 pour le surplus,

- ordonné la capitalisation des intérêts sur la condamnation au titre du recours subrogatoire uniquement,

- déclaré le jugement commun au RSI,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Gan aux dépens et dit que Maître Benoist André et la société Causidicor pour ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision pourront les recouvrer directement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 24 novembre 2021, les consorts [N] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des demandes de Mme [Z] [N], tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure [O] [N] au titre de leur préjudice économique, de celui lié à la cessation d'activité de la société Jura Diesel, à la demande de dividendes, au remboursement des loyers non perçus, aux frais d'obsèques et en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [S] [N] au titre de la perte des dividendes, au titre de la perte de bénéfice du crédit de TVA, et en ce qu'il n'a fait droit à la demande de doublement des intérêts que pour la période courant du 29 février au 16 novembre 2020 et limité la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 7 décembre 2023, la cour d'appel de Paris a :

- confirme le jugement, sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N] à titre de réparation de ses préjudices, en deniers ou quittances, provisions non déduites, la somme de 1 046 254,31 euros au titre de son préjudice économique,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre pour elle-même effectuée le 26 novembre 2020, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 29 février 2020 au 16 novembre 2020,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N], en qualité de représentante légale de sa fille [O] [N], à titre de réparation de ses préjudices, en deniers ou quittances, provisions non déduites, la somme de 27 318,32 euros au titre de son préjudice économique, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N], en qualité de représentante légale de sa fille [O] [N], les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre pour sa fille [O] [N] effectuée le 26 novembre 2020, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 29 février 2020 au 16 novembre 2020,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, une indemnité d'un montant de 1 879 533,19 euros en réparation de son préjudice économique,

- condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N], en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [O] [N], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, une indemnité d'un montant de 125 720,54 euros en réparation du préjudice économique de l'enfant,

- débouté M. [S] [N] de sa demande de doublement du taux de l'intérêt légal,

Avant dire droit sur la pénalité encourue par la société Gan, en application de l'article L. 211-13 du code des assurances à l'égard de Mme [Z] [N] et de sa fille mineure [O] [N] et sur la demande de capitalisation des intérêts,

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 25 janvier 2024,

- invité la société Gan à produire ses conclusions de première instance notifiées le 16 novembre 2020 ainsi que les conclusions ultérieurement notifiées au cours de cette instance,

- condamné en application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Gan à payer à Mme [Z] [N] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [O] [N], une indemnité globale de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour jusqu'à ce jour,

- rejeté les demandes formulées par M. [S] [N], par la société Allianz et par la société Gan au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Gan aux dépens d'appel exposés jusqu'à ce jour à payer qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions après réouverture des débats des consorts [N], notifiées le 24 janvier 2024, aux termes desquelles ils demandent à la cour, au visa des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, de :

- condamner la société Gan à payer à Mme [Z] [N] et à sa fille [O] [N], les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur les indemnités qui leur ont été allouées par l'arrêt du 7 décembre 2023, avant imputation de la créance de la société Allianz et de la Sécurité sociale des indépendants, avec anatocisme, et ce pour la période allant du 10 mars 2017 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Gan aux entiers dépens de procédure, en ce compris les frais d'expertise.

Vu les conclusions après réouverture des débats de la société Gan, notifiées le 22 janvier 2024, par lesquelles elle demande à la cour de :

- débouter M. [S] [N], Madame [Z] [N], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [O] [N], de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Gan à payer à Mme [Z] [N] en qualité de représentante légale de sa fille [O] [N], les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre pour sa fille [O] [N] effectuée le 26 novembre 2020, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 29 février 2020 jusqu'au 16 novembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal et la demande de capitalisation des intérêts

Dans son précédent arrêt du 7 décembre 2023, la cour a débouté M. [S] [N] de sa demande de doublement du taux de l'intérêt légal et, avant dire droit sur la pénalité encourue par la société Gan, en application de l'article L. 211-13 du code des assurances, à l'égard de Mme [Z] [N] et de sa fille mineure, [O] [N], ordonné la réouverture des débats en invitant la société Gan à produire ses conclusions de première instance.

Mme [Z] [N], agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure, fait valoir que les offres faites par la société Gan par voie de conclusions devant les premiers juges sont manifestement insuffisantes pour ne représenter que 48 % des indemnités allouées par la cour au titre du préjudice économique des proches.

Elle sollicite ainsi la condamnation de la société Gan à lui payer ainsi qu'à sa fille, [O] [N], les intérêts au double du taux légal sur le montant des indemnités allouées par l'arrêt du 7 décembre 2023, avant imputation de la créance de la société Allianz et de la Sécurité sociale des indépendants, à compter du 10 mars 2017 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir.

La société Gan, qui conclut à la confirmation du jugement, relève que Mme [Z] [N] ne conteste pas avoir reçu des offres d'indemnisation au titre du préjudice moral des proches.

Elle estime qu'il ne peut lui être reproché, s'agissant du préjudice économique, de ne pas avoir présenté d'offre sur un poste de préjudice que Mme [Z] [N] n'était pas en mesure de chiffrer et pour l'évaluation duquel elle a sollicité la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise comptable.

Elle ajoute qu'elle ne disposait d'aucun élément concret pour chiffrer ce préjudice dans le délai de huit mois à compter de la date de l'accident et qu'il est constant que l'assureur ne peut faire une offre que sur les seuls éléments de préjudice connus de lui.

Elle considère qu'elle disposait, comme l'a relevé le tribunal, d'un délai de cinq mois après le dépôt du rapport d'expertise comptable pour formuler une offre sur les préjudices économiques, soit au plus tard le 29 février 2020.

Elle expose qu'elle a formulé une offre d'indemnisation par voie de conclusions signifiées le 18 novembre 2020, dont le caractère suffisant doit être apprécié à la date de l'offre et ajoute que la circonstance que cette offre représente 48 % du montant de l'indemnité allouée par la cour ne constitue pas un critère pertinent permettant d'établir son caractère manifestement insuffisant.

Elle conclut ainsi qu'elle ne peut être condamnée au paiement des intérêts au double du taux légal que sur le montant de cette offre et pour la période du 29 février 2020 au 16 novembre 2020, comme l'a jugé le tribunal.

Sur ce, en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident.

En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers, et s'il y a lieu à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Il résulte de ces textes, qu'en cas de décès de la victime directe, l'assureur doit présenter à ses héritiers ou le cas échéant à son conjoint, dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les préjudices personnels subis par ricochet par ces derniers.

Par ailleurs, la possibilité offerte à l'assureur de formuler une offre provisionnelle dans les huit mois de l'accident suivie d'une offre définitive dans les cinq mois de la date à laquelle il a été informé de la consolidation de l'état de la victime n'est pas applicable lorsque, comme dans le cas de l'espèce, la victime est décédée dans les suites immédiates de l'accident.

L'accident s'étant produit le 17 juillet 2016, la société Gan devait présenter à Mme [Z] [N], épouse du défunt et à [O] [N], dont la qualité d'héritière résulte des dispositions de l'article 734 du code civil, une offre d'indemnisation portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice au plus tard le 17 mars 2017, sauf à justifier d'une des causes de suspension prévues aux articles R. 211-29 et suivants du code des assurances.

S'il est admis par les parties que la société Gan a formulé une offre d'indemnisation portant sur les préjudices extra-patrimoniaux de Mme [Z] [N] et de sa fille mineure, la société Gan, sur laquelle repose la charge de la preuve du respect de ses obligations légales ne justifie pas que cette offre, qui n'est pas versée aux débats, a été faite dans le délai de huit mois qui lui était imparti.

En tout état de cause, cette offre d'indemnisation ne portait pas sur tous les éléments indemnisables du préjudice dans la mesure où il n'est pas contesté qu'elle ne comportait aucune proposition d'indemnisation au titre des frais d'obsèques et du préjudice économique de Mme [Z] [N] et de sa fille mineure, alors qu'il appartenait à la société Gan si elle s'estimait insuffisamment informée de formuler une demande de renseignements dans les formes et conditions prévues à l'article R. 211-39 du code des assurances, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait, la seule demande de renseignements produite (pièce n° 48 des consorts [N]) ayant été adressée à la société Allianz et non à Mme [Z] [N].

Par ailleurs, la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise comptable plusieurs mois après l'expiration du délai d'offre ne dispensait pas l'assureur de formuler une offre d'indemnisation répondant aux exigences légales dans le délai de huit mois qui lui était imparti.

Enfin, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le dépôt de son rapport par l'expert comptable désigné n'a pas eu pour effet de fait courir un nouveau délai de cinq mois dans lequel l'assureur devait formuler une offre d'indemnisation sur les préjudices économiques consécutifs à l'accident, ce que ni les dispositions de l'article L. 211-9 du code des assurances, ni celles des articles R. 211-29 et suivants de ce code ne prévoient.

Il résulte de ce qui précède, que la société Gan encourt la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances à compter du 18 mars 2017.

La société Gan a produit, après la réouverture des débats, les trois jeux de conclusions qu'elle a signifiées en première instance.

Aux termes de ses conclusions notifiées les 16 novembre 2020 et 22 mars 2021, la société Gan a demandé au tribunal de « débouter en l'état » Mme [Z] [N], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure, [O] [N], de ses demandes dans l'attente de la communication de la créance définitive de la Sécurité sociale des indépendants et de la créance de la société Allianz, de fixer provisoirement la créance de Mme [Z] [N] au titre de son préjudice économique à la somme de 1 131 959,77 euros, de fixer provisoirement la créance de Mme [Z] [N] prise en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, au titre de ce même poste de préjudice, à la somme de 89 516,49 euros et d'allouer à Mme [Z] [N] la somme de 5 000 euros au titre des frais d'obsèques.

Ces conclusions, qui ne comportent aucune proposition d'indemnisation définitive au titre du préjudice économique susceptible d'être acceptée par les destinataires de l'offre, mais seulement une demande de fixation provisionnelle, ne constituent pas une offre complète pouvant interrompre le cours des intérêts au taux doublé.

En revanche, l'offre d'indemnisation faite par voie de conclusions notifiées le 3 mai 2021 qui contient une proposition d'indemnisation chiffrée au titre du préjudice économique de Mme [Z] [N] et de sa fille, [O] [N], et au titre des frais d'obsèques, porte sur tous les éléments indemnisables du préjudice sur lesquels les parties n'avaient pas transigé, étant observé que les consorts [N] ont admis dans leurs dernières conclusions, notifiées le 12 juillet 2022 avant la clôture des débats et le prononcé de l'arrêt du 7 décembre 2023, qu'un accord avec la société Gan était intervenu le 7 juin 2018 concernant l'indemnisation des préjudices moraux des proches.

Cette offre n'apparaît pas manifestement insuffisante à la date à laquelle elle a été émise, alors qu'elle représente, comme le relève Mme [Z] [N] 48 % du montant des indemnités allouées au titre du préjudice économique des proches.

Il convient ainsi de condamner la société Gan à payer :

- à Mme [Z] [N] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre la concernant effectuée le 3 mai 2021, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 18 mars 2017 et jusqu'au 3 mai 2021,

- à Mme [Z] [N], prise en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [O] [N], les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre concernant l'enfant effectuée le 3 mai 2021, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 18 mars 2017 et jusqu'au 3 mai 2021.

Sur la capitalisation des intérêts

Les dispositions de l'article L. 211-13 du code des assurances ne dérogent pas à celles de l'article 1154, devenu 1343-2 du code civil, qui s'appliquent, de manière générale, aux intérêts moratoires.

Il convient, dans ces conditions, conformément à la demande des consorts [N] de dire que les intérêts au double du taux légal seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes annexes

La société Gan qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation sera condamnée aux dépens d'appel exposés depuis l'arrêt du 7 décembre 2023, la cour s'étant déjà prononcée dans sa précédente décision sur les dépens de première instance et ceux exposés en cause d'appel jusqu'à la date de l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt du 7 décembre 2023,

- Condamne la société Gan assurances à payer à Mme [Z] [E] épouse [N] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre la concernant effectuée le 3 mai 2021, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 18 mars 2017 et jusqu'au 3 mai 2021, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne la société Gan assurances à payer à Mme [Z] [E] épouse [N], prise en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [O] [N], les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre concernant l'enfant effectuée le 3 mai 2021, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 18 mars 2017 et jusqu'au 3 mai 2021, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne la société Gan assurances aux dépens d'appel exposés depuis l'arrêt du 7 décembre 2023.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/20505
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.20505 ?
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