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25/04/2024 | FRANCE | N°21/11401

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 25 avril 2024, 21/11401


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



(n° 102/2024, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/11401 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4NH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 avril 2021 -Tribunal judiciaire de Paris (loyers commerciaux)- RG n° 19/01766





APPELANTE



SCPI FICOMMERCE

Immatric

ulée au R.C.S de Nanterre sous le n° 337 633 861

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° 102/2024, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/11401 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4NH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 avril 2021 -Tribunal judiciaire de Paris (loyers commerciaux)- RG n° 19/01766

APPELANTE

SCPI FICOMMERCE

Immatriculée au R.C.S de Nanterre sous le n° 337 633 861

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Nelson SEGUNDO de la SELARL RACINE, avocat au barreau de Paris, toque : L0301

INTIMEE

S.A.S. PICARD SURGELES

Immatriculée au R.C.S. Melun sous le n° 784 939 666

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée de Edouard SCHOENKE substituant Me Philippe RIGLET, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie Girousse, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Marie Girousse, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 30 novembre 2007, la société Cicofoma 4, aux droits de laquelle vient la société Ficommerce, a donné à bail à la société Picard Surgelés (société Picard) des locaux commerciaux situés [Adresse 2] à [Localité 6], pour 9 ans à compter du 1er décembre 2007, moyennant un loyer annuel en principal de 68.000 euros, pour l'exercice d'une activité principale de vente de produits alimentaires conservés par le froid.

Par acte extrajudiciaire du 29 décembre 2016, la société Picard Surgelés a sollicité le renouvellement de son bail pour 9 ans à compter du 1er janvier 2017.

Après échange de mémoires entre les parties, par acte extrajudiciaire du 1er février 2019, la société Picard Surgelés a fait assigner la société Ficommerce devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir notamment fixer à compter du 1er janvier 2017, le montant du loyer annuel en principal du bail renouvelé à la somme de 53.000 euros.

Par jugement du 14 août 2019, le juge des loyers commerciaux a désigné M. [X] [R] expert judiciaire aux fins de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2017. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 15 mai 2020 retenant une valeur locative en renouvellement au 1er janvier 2017 de 67.146 euros, après abattement.

Par jugement du 6 avril 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris a :

- fixé à la somme de 64.330 euros en principal, hors taxes et hors charges, par an, à compter du 1er janvier 2017, le montant du loyer annuel du bail renouvelé entre la société Picard Surgelés et la société Ficommerce, et portant sur les locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 6] ;

- dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 1er février 2019 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

- partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise, par moitié entre les parties ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 18 juin 2021, la société Ficommerce a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 29 juin 2023, la société Ficommerce, appelante, demande à la Cour de :

- recevoir la société Ficommerce en son appel, ses demandes, fins et conclusions et la dire bien fondée ;

- infirmer le jugement rendu par le Juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 16 avril 2021 en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 64.330 euros en principal, hors taxes et hors charges, par an, à compter du 1er janvier 2017, le montant du loyer annuel du bail renouvelé entre la société Picard Surgelés et la société Ficommerce, et portant sur des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 6] ;

- dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 1er février 2019 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

- partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise, par moitié entre les parties ;

-rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Et statuant à nouveau :

- déclarer que le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2017 doit être fixé à la valeur locative des locaux ;

- déclarer que la valeur locative des locaux loués du bail renouvelé s'élève à la date du 1er janvier 2017, à la somme annuelle de 75.075 euros hors charges et hors taxes ;

- déclarer que le juge des loyers commerciaux et qu'ainsi la cour d'appel ne sont pas compétents pour faire droit à la demande de la société Picard surgelés visant à voir condamner la société Ficommerce aux intérêts de droit au taux légal sur la répétition des loyers trop payés par la société Picard surgelés ;

- déclarer en tout état de cause que les loyers trop perçus ne doivent pas porter intérêts au taux légal ;

En conséquence :

- fixer le montant du loyer du bail renouvelé entre la société Ficommerce et la société Picard surgelés à la somme de 75.075 € (soixante-quinze mille soixante-quinze euros) hors charges, hors taxes par an à compter du 1er janvier 2017, conformément à l'article L. 145-33 du code de commerce ;

- déclarer que le juge des loyers commerciaux et qu'ainsi la cour d'appel ne sont pas compétents pour faire droit à la demande de la société Picard Surgelés, d'assortir la restitution d'un éventuel trop-perçu d'un intérêt au taux légal avec capitalisation ;

- déclarer que la demande de la société Picard Surgelés visant à ce que le trop-perçu de loyer ne soit pas assorti d'un intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts est mal fondée ;

- débouter la société Picard surgelés de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et notamment celle au titre des intérêts sur le trop-perçu et à titre subsidiaire, si par extraordinaire il était retenu un abattement sur la valeur locative au titre de la taxe foncière, il ne pourrait être que de 1.631,88 € et non de 1.944 € comme retenu par le juge des loyers commerciaux lors de la procédure de première instance ;

En tout état de cause :

- débouter la société Picard Surgelés de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et notamment et notamment celles issues de son appel incident ;

- condamner la société Picard Surgelés à payer à la société Ficommerce la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Picard Surgelés aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions déposées le 3 juillet 2023, la société Picard Surgelés, intimée, demande à la Cour de :

- débouter la société Ficommerce de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement rendu par le Juge des Loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 16 avril 2021 en ce qu'il a dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 1er février 2019 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

- infirmer le jugement rendu par le Juge des Loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 16 avril 2021 en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 64.330 € par an en principal à compter du 1er janvier 2017 ;

Et statuant à nouveau,

- fixer à compter du 1er janvier 2017, le montant du bail du loyer renouvelé pour une durée de neuf ans à la somme de 48.193 euros par an hors charges et taxes ;

- condamner la société Ficommerce aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Selon l'article L. 145-33 du code de commerce, la valeur locative d'un local doit être déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 145-34 du même code, selon lequel à moins d'une modification notable des éléments mentionnés à l'article L. 145-33 1° à 4°, le taux de variation du loyer du bail renouvelé, dont la durée n'excède pas neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, qu'en cas de valeur locative inférieure au plafond fixée par ce texte, c'est cette valeur locative qui s'applique et non le loyer plafond résultant de l'application de l'indice.

C'est à juste titre que pour fixer le loyer plafond, conformément aux dispositions de l'article L. 145-34 , l'expert a pris pour référence les indices des loyers commerciaux du 2ème trimestre 2007 (97,45) et 3ème trimestre 2016 (108,56), en l'absence de clause contractuelle fixant un indice trimestriel des loyers commerciaux de référence, soit un loyer plafond de 75.752,48 € et non de 75.640 € comme l'indique la société Picard. Il n'est pas contesté que la valeur locative des locaux est inférieure à ce plafond, les deux parties ayant proposé des valeurs de loyer du bail renouvelé inférieures au plafond dès leurs premiers mémoires. Il convient donc de fixer le loyer du bail renouvelé à la valeur locative des locaux à la date du 1er janvier 2017.

S'agissant de la surface des locaux, l'expert a retenu une surface de 223,90 m2 en se fondant sur les plans établis par un géomètre expert en décembre 2019 et en a déduit une surface pondérée de 140 m2/P en appliquant un coefficient aux différentes zones des locaux en fonction de leur usage et de leur attractivité commerciale conformément à la charte de l'expertise. Ces pondérations sont partiellement contestées par les parties, la bailleresse demandant de retenir une surface pondérée de 143 m2/P et la locataire de 128 m2/P.

Il convient de se référer à la motivation du jugement déféré que la cour fait sienne selon laquelle l'expert a retenu à juste titre un coefficient de 0,80 pour la deuxième zone de vente située entre 5 et 10 mètres de la vitrine, un coefficient de 0,40 pour l'arrière boutique d'une surface de 43,60 m2 remplissant différentes fonctions (chambre froide, vestiaire, WC et bureau) non comparable à un débarras auquel le coefficient proposé de 0,15 pourrait s'appliquer et un coefficient de 0,15 pour le sous-sol de bonne dimension et de bonne hauteur sous plafond;

Selon l'article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surface permettant de déterminer la valeur locative du loyer du bail renouvelé, concernent des locaux équivalents eu égard aux caractéristiques propres au local, la destination des lieux autorisée par le bail, les facteurs locaux de commercialité pour le commerce considéré. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Il n'en résulte pas que les références de renouvellement judiciaires doivent être privilégiées pour déterminer les prix couramment pratiqués dans le voisinage, contrairement à ce que soutient la locataire.

Par des motifs pertinents et détaillés, auxquels la Cour renvoie, le tribunal a rappelé les constatations et observations de l'expert concernant les caractéristiques des locaux et du bail, soulignant notamment que les locaux sont à usage de vente de produits alimentaires conservés par le froid ainsi que de produits et prestations complémentaires; qu'ils dépendent d'un immeuble de la première moitié du 19ème siècle présentant un ravalement d'état correct ; qu'ils sont situés sur une placette délimitée par la rue Beccaria, piétonne à ce niveau, le boulevard Diderot et la rue de Charenton, dans un quartier mixte à dominante résidentielle, constitué de commerces de proximité et de services ; qu'ils comportent un linéaire de façade d'environ 8 mètres et disposent d'une bonne visibilité depuis la rue Charenton; que les locaux présentent un rétrécissement à l'arrière, quelques piles porteuses, juste après le front de caisse et au fond de la boutique à droite; qu'ils sont en bon état général avec un bon effet d'enseigne.

L'expert propose quinze éléments de comparaison comprenant des locations nouvelles, des renouvellements amiables et des fixations judiciaires et retient un prix unitaire de 525 €/m2 P que la société Ficommerce retient également en faisant état d'éléments de comparaison supplémentaires.

La société Picard soutient que ce prix est particulièrement élevé au regard des références présentées par l'expert et propose un prix de 460 €/m2 P. Elle fait notamment valoir que la prise en compte des loyers pratiqués dans le secteur de l'alimentation usuellement moins élevés doit être privilégiée au regard de l'activité en cause ; que les références citées portent sur des surfaces inférieures à celle du local en cause, pour lesquelles le prix au mètre carré est plus élevé que pour les grandes surfaces; qu'en conséquence trois des références proposées sont les plus pertinentes, deux portant sur des commerces alimentaires, dont les prix vont de 350 à 435 €/m2 P.

Toutefois, pour déterminer la valeur locative conformément aux textes précités, il importe de ne pas se contenter d'un nombre trop restreint de références étant préférable d'élargir le choix des éléments de comparaison afin d'apprécier l'attractivité de l'emplacement tout en procédant aux corrections nécessaires pour tenir compte des caractéristiques des locaux et du bail en cause.

Au titre d'éléments de comparaison relatifs à des commerces du voisinage dans le 12ème arrondissement, situés dans des axes de commercialité comparable, l'expert a retenu à juste titre les références suivantes:

- quatre locations nouvelles:

Bail à compter du 2ème trimestre 2017, un restaurant de 74 m2 [Adresse 8] au prix unitaire de 618 €/m2 P

Bail à compter du 3ème trimestre 2O14 , restauration rapide de 57 m2 [Adresse 7] au prix unitaire de 789€/m2 P

Bail à compter du 2ème trimestre 2011, banque de 75 m2/P avenue Daumesnil au prix unitaire de 800 €/m2 P outre un droit d'entrée de 50.000 €

Bail à compter du 2ème trimestre 2014, agence immobilière de 20 m2/P boulevard Diderotau prix unitaire de 900 €/m2 P

- 7 renouvellements amiables :

Bail à compter du 2ème trimestre 2008, restaurant de 69,27 m2/P rue Traversière au prix unitaire de 411 €/m2 P

Bail à compter du 2ème trimestre 2013, coordonnerie de 33 m2/P boulevard Diderot au prix unitaire de 425 €/m2 P

Bail à compter du 3ème trimestre 2013, agence d'interim de 138 m2/P rue Parrotau prix unitaire de 435 €/m2 P

Bail à compter du 3ème trimestre 2012, banque de 190 m2/P boulevard Diderot au prix unitaire de 468 €/m2 P

Bail à compter du 4ème trimestre 2011, épicerie fine de 48,42 m2/P boulevard Diderot au prix unitaire de 516 €/m2 P

Bail à compter du 2ème trimestre 2014, restauration de 39,30 m2/P rue Traversière au prix unitaire de 611 €/m2 P

Bail à compter du 1er trimestre 2015, restauration rapide de35 m2/P rue d'Aligre au prix unitaire de 657 €/m2 P

-4 renouvellements judiciaires:

Bail à compter du 1er trimestre 2012, boulangerie pâtisserie, de 63,47 m2/P pour la partie commerciale, rue Crozatier, au prix unitaire de 350 €/m2 P

Bail à compter du 3ème trimestre 2012, fleuriste de 57m2/P pour la partie boutique, boulevard Diderot, au prix unitaire de 350 €/m2 P

Bail à compter du 3ème trimestre 2014, épicerie de58,40 m2/P avenue Daumesnil au prix unitaire de 350 €/m2 P

Bail à compter du 1er trimestre 2010, pharmacie mitoyenne des locaux loués de 64 m2/P boulevard Diderot au prix unitaire de 500 €/m2 P

Au regard de l'ensemble de ces éléments, des caractéristiques, de la destination des lieux loués, de l'emplacement des lieux loués, des valeurs de références précitées appréciées en tenant compte de la date d'effet des baux considérés, de la situation des locaux, de leur surface, de l'activité, des caractéristiques des locaux, c'est à juste titre que le jugement déféré a retenu un prix unitaire de 525 €/m2 P conformément au rapport d'expertise et a fixé la valeur locative avant abattement à 73.500 € (140 m2 P x 525 €).

La société Ficommerce conteste les correctifs opérés sur cette valeur locative par le jugement déféré. La société Picard demande des abattements plus élevés.

Il résulte de l'article R. 145-8 du code de commerce que les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire sans contrepartie ainsi que les obligations imposées au locataire au delà de celles découlant de la loi ou des usages constituent des facteurs de diminution de la valeur locative.

Le redevable fiscal de la taxe foncière étant le bailleur, la clause mettant cette taxe à la charge du preneur est une clause exorbitante constituant un facteur de diminution de la valeur locative. Le jugement déféré observe, à juste titre que l'affirmation, au demeurant non démontrée, que cette clause serait usuelle pour ce type de commerce est inopérante. La société se prévaut du relevé de compte établi par son mandataire le 28 mai 2019 pour solliciter subsidiairement de retenir le montant hors taxe de la taxe foncière de l'année 2017, qui s'élevait selon ce relevé à 1.631,88 € HT. C'est à juste titre que l'expert s'est référé à la taxe foncière toutes charges comprises payée par la locataire pour l'année 2016, soit 1.944 € TTC et que le jugement déféré a retenu ce montant.

La clause mettant à la charge de la locataire la quote-part du bailleur de l'assurance de l'immeuble, obligation résultant du droit de propriété de ce dernier, constitue une charge exorbitante constituant un facteur de diminution de la valeur locative. La bailleresse produit le relevé individuel de charges adressé à la société Picard au titre de l'année 2016 dont il résulte qu'il lui a été facturé un montant de 78,96 € à ce titre. Cette dernière ne démontre pas avoir réglé un montant plus élevé. Il n'y a donc pas lieu d'appliquer l'abattement forfaitaire de 1 % que proposait l'expert faute de disposer alors d'un justificatif du montant de l'assurance. Le montant de 78,96 € sera conservé.

Sauf dispositions expresses, les réparations rendues nécessaires par la vétusté et les travaux exigés par l'autorité administrative incombent normalement au bailleur, de sorte que les clauses du bail aux termes desquelles il s'en décharge sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative. C'est donc à juste titre et par une motivation à laquelle il convient de renvoyer qu'en raison de la présence de telles clauses exorbitantes dans le bail (clauses 2 b) et 3 a)), le jugement déféré a retenu un abattement de 5 % de la valeur locative. C'est à juste titre également que pour établir cet abattement, le jugement déféré n'a pas tenu compte de la clause mettant à la charge du preneur les grosses réparations visées à l'article 606 du code civil puisqu'en application de l'article R. 145-35 du code de commerce, cette clause ne peut s'appliquer au bail renouvelé le 1er janvier 2017.

La société Ficommerce conteste l'abattement de 5 % opéré par le jugement déféré 'au titre de la clause d'accession' en faisant valoir que la clause d'accession s'applique en fin de bail, que la clause de remise en état ne s'applique pas pour les travaux autorisés par le bailleur à l'entrée dans les lieux, soit l'essentiel des travaux réalisés, de sorte qu'il n'y a pas lieu à abattement ; qu'il n'y a pas de différence entre les valeurs locatives antérieures ou postérieure aux travaux de la locataire.

La société Picard demande que l'abattement effectué à ce titre soit porté à 10 %.

Pour apprécier la valeur locative des locaux en cause, l'expert a tenu compte de leur état après la réalisation de travaux par le preneur, essentiellement lors de son entrée dans les lieux. Or, ces travaux ne peuvent être pris en compte pour apprécier la valeur locative de renouvellement que s'ils ont été pris en charge par le bailleur, ce qui n'est pas le cas, ou s'ils ont fait accession au bailleur en fin de bail.

En l'espèce, la clause 3 C) du bail dispose que tous les travaux, embellissements, installations et améliorations faits par le preneur, y compris ceux imposés par dispositions légales ou réglementaires, 'deviendront, à la fin du bail, la propriété du bailleur sans indemnité et sans préjudice du droit qu'il lui est réservé d'exiger la remise des lieux, en tout ou partie, dans l'état primitif au frais du preneur, à l'exeption des travaux expressément autorisés par le bailleur à l'entrée dans les lieux'. Il s'en déduit que le bailleur ne peut demander la démolition des travaux qu'il a autorisé à l'entrée dans les lieux. Dès lors que la remise des lieux dans leur état primitif est incompatible avec le renouvellement du bail, la clause 3 C), précitée, prévoyant que le bailleur bénéficie de l'accession mais peut exiger la suppression des travaux autre que ceux autorisés en début de bail par le bailleur doit s'interpréter comme étant une clause d'accession en fin de jouissance et non en fin de bail pour l'ensemble des travaux effectués par le preneur.

Il en résulte que les travaux effectués par la société Picard n'avaient pas fait accession au profit de la société Ficommerce à la date du renouvellement du bail le 1er janvier 2017. L'expert ayant fixé la valeur locative au regard de l'état des locaux après réalisation de ces travaux n'ayant pas fait accesssion à la bailleresse, c'est à juste titre que le jugement déféré a procédé à un abattement.

Le montant de 5 % apparait justifié au regard des travaux énumérés dans le contrat de bail et le rapport d'expertise, il sera retenu, la demande d'un abattement plus élevé n'étant pas justifiée.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 64.330 € en principal le montant du loyer annuel du bail renouvelé le 1er janvier 2017. (73.500 - 1.944 - 78,96 - 2 x 5 %).

Il résulte des dispositions des articles 1352-6 et 1352-7 du code civil que la restitution d'une somme d'argent inclus les intérêts au taux légal, celui qui a reçu de bonne foi ne doit les intérêts qu'à compter du jour de la demande. Dès lors, c'est à juste titre que dans le jugement déféré le juge des loyers, compétent en application de l'article R. 145-23 du code de commerce pour statuer sur les contestatoins relatives à la fixation du prix du bail renouvelé, a rappelé que les intérêts au taux légal sont donc dus sur le différentiel à restituer entre le loyer effectivement acquitté et le loyer tel que fixé par le jugement, à compter de l'assignation délivrée par la société Picard le 1er février 2019 pour les loyers échus avant cette date, puis au fur et à mesure à chacune des échéances pour les loyers échus après cette date.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions y compris celles relatives aux dépens, à l'exécution provisoire et aux frais irrépétibles de première instance.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'déclarer', dès lors qu'elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

La société Ficommerce qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à payer à la société Picard la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 16 avril 2021 (RG 19/1766) en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société Ficommerce de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société J.P. Ficommerce à payer à la société Picard Surgelés la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne la société J.P. Ficommerce aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 21/11401
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.11401 ?
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