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25/04/2024 | FRANCE | N°21/09882

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 avril 2024, 21/09882


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 AVRIL 2024



(n° 2024/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09882 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEX4D



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/05848





APPELANTE



Madame [E] [J]

élisant domicile chez son Conseil

[Adresse 3]r>
Représentée par Me Lucie MARIUS, avocat au barreau de PARIS, toque : E 547





INTIME



S.A.S. BDR ET ASSOCIES prise en la personne de Maître [A] [M], en qualité de liquidateur de la SA ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 AVRIL 2024

(n° 2024/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09882 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEX4D

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/05848

APPELANTE

Madame [E] [J]

élisant domicile chez son Conseil

[Adresse 3]

Représentée par Me Lucie MARIUS, avocat au barreau de PARIS, toque : E 547

INTIME

S.A.S. BDR ET ASSOCIES prise en la personne de Maître [A] [M], en qualité de liquidateur de la SA SIGFOX

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Emilie DEHERMANN-ROY, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 332

PARTIE INTERVENANTE

UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 2]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Sigfox, ci-après la société, avait pour activité le développement et le commerce d'objets connectés et employait habituellement au moins onze salariés. Le tribunal de commerce de Toulouse a, par jugement du 26 janvier 2022, ouvert le redressement judiciaire de la société, puis par jugement du 21 avril 2022, prononcé sa liquidation judiciaire et désigné la société BDR & Associés prise en la personne de Me [A] [M] en qualité de mandataire liquidateur.

Mme [E] [J] a été engagée par la société Sigfox par contrat de travail à durée indéterminée du 11 mars 2019, en qualité de « personnal assistant to the CEO », statut cadre, position II, indice 114 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 applicable à la relation de travail, moyennant une rémunération mensuelle brute fixe de 5 416,67 euros outre une rémunération variable conduisant à une moyenne mensuelle brute de 5 477,06 euros non discutée par les parties, pour une durée annuelle de travail de 218 jours.

Par mail du 14 février 2020 Mme [J] dénonçait auprès de son supérieur hiérarchique, M. [G], dirigeant de la société, ses conditions de travail et le comportement de celui-ci.

Mme [S] 'international RH business partner'a reçu Mme [J] le 25 février 2020 en entretien.

Mme [J] a présenté un arrêt de travail du 29 février au 14 mars 2020 puis du 18 mars au 19 avril 2020.

Par mail du 3 mars 2020 adressé en copie à l'inspecteur du travail et au comité social et économique (CSE), Mme [J] a fait état de sa souffrance au travail.

Le CSE a enclenché la procédure d'alerte prévue par l'article L. 2312-59 du code du travail et a diligenté une enquête conduisant à l'audition de Mme [J] le 20 avril 2020 et concluant à l'absence de harcèlement moral.

Le 21 avril 2020, Mme [J] a de nouveau été placée en arrêt de travail jusqu'au 10 mai 2020.

Par courrier recommandé du 21 avril 2020, lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 6 mai 2020 et s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 15 mai 2020.

Le 25 mai 2020, Mme [J] a adressé à la société une demande de précision des motifs de son licenciement, courrier auquel la société a répondu le 26 mai 2020 en lui joignant le courrier de licenciement.

Contestant la validité et le bien fondé de son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 12 août 2020 afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de trvavail. Par jugement du 12 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Sigfox à payer à Mme [J] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement:

* 16 431,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 643,11 euros à titre de congés payés afférents,

* 1 939,78 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- rappelé l'exécution provisoire de droit et fixé dans ce cadre la moyenne mensuelle de salaire à la somme de 5 416,67 euros.

* 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intétrêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu'au jour du paiement.

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [J] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société Sigfox de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée au paiement des entiers dépens.

Mme [J] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 3 décembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante récapitulatives, notifiées par voie électronique le 18 octobre 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [J] prie la cour de :

A titre principal,

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de la discrimination, du harcèlement, de l'obligation de sécurité, du préjudice distinct et de sa demande principale sur la rupture visant à annuler le licenciement intervenu en raison de la dénonciation de faits de harcèlement ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Sigfox à lui payer 16 431,18 euros à titre de préavis, 1 643,11 euros à titre de congés payés afférents et 1 939,78 euros à titre d'indemnité de licenciement, excepté en ce qu'il conviendra de prononcer une fixation au passif aux lieu et place d'une condamnation ;

Statuant à nouveau

- Constater le harcèlement discriminatoire exercé par l'employeur en raison de sa condition de femme ;

- Constater le manquement de la société à son obligation de sécurité ;

En conséquence,

Sur l'exécution du contrat,

- Fixer au passif de la société Sigfox, représentée par la société BDR et Associés, prise en la personne de Me [M], es qualités de liquidateur judiciaire, les sommes suivantes :

* 20 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination,

* 20 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement,

* 15 000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité ;

Sur la rupture du contrat

A titre principal

- dire et juger nul le licenciement intervenu en raison de son caractère discriminatoire ;

- constater l'impossibilité d'ordonner la réintégration de Mme [J] dans son poste de travail en raison de la liquidation judiciaire intervenue en cours d'instance ;

En conséquence,

- fixer au passif de la société Sigfox, représentée par la société BDR et Associés, prise en la personne de Me [M], es qualité de liquidateur judiciaire une indemnité de 65 724,72 euros pour licenciement nul ;

Subsidiairement

- dire et juger que le licenciement de Mme [J] est sans cause réelle et sérieuse ;

- écarter l'application du barème d'indemnisation prévu à l'article L.1235-3 du code du

travail ;

En conséquence,

- fixer au passif de la société Sigfox, représentée par la société BDR et Associés, prise en la personne de Me [M], es qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 16 431,18 euros au titre du préjudice subi ;

- fixer au passif de la société Sigfox, représentée par la société BDR et Associés, prise en la personne de Me [M], es qualité de liquidateur judiciaire :

* 16 431,18 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 643,11 euros de congés payés afférents,

* 1 939,78 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- fixer au passif de la société Sigfox, la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct causé par le caractère vexatoire de la rupture ;

- dire et juger que ces créances salariales et indemnitaires seront garanties par l'AGS CGEA de [Localité 2] ;

- ordonner la communication des documents de fin de contrat rectifiés de la salariée et de ses bulletins de salaire des mois de février et mai 2020 ;

Le tout avec intérêt légal à compter du jour de l'introduction de la demande ;

- fixer au passif de la société Sigfox, représentée par la société BDR et Associés, prise en la personne de Me [M], es qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions responsives et récapitulatives n° 2 notifiées par voie électronique le 13 juillet 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société BDR et Associés, prise en la personne de Me [A] [M] ès qualités de liquidateur de la société Sigfox prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes au titre de l'obligation de sécurité, du harcèlement et de la discrimination, de la rupture vexatoire, de sa demande principale au titre de la nullité du licenciement et de réintégration ainsi que des demandes indemnitaires afférentes ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société Sigfox a :

* 16 431,18 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 643,11 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 939,78 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave ;

- débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes ;

- débouter l'AGS de sa demande tenant à conditionner l'avance des créances à la justification par le liquidateur de l'absence de fonds disponibles entre ses mains ;

- condamner Mme [J] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [J] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 2] prie la cour de:

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a alloué à Mme [J] les indemnités et dommages afférents à la rupture ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- débouter Mme [J] de ses demandes, fins et conclusions ;

- rejeter les demandes de fixation de créances et en tout état de cause, réduire aux seuls montants dûment justifiés les créances susceptibles d'être fixées ;

- lui donner acte des conditions d'intervention de l'AGS dans le cadre des dispositions du code de commerce rappelées ci-dessus, et des conditions, limites et plafonds de la garantie de l'AGS prévus notamment par les articles L.3253-6 à L.3253-17, L.3253-19 à L.3253-20 du code du travail ;

- rejeter toute demande contraire dirigée à l'encontre de l'AGS ;

- dire en tout état de cause que la décision à intervenir de fixation de créances ne sera opposable à l'AGS que dans les conditions, limites et plafond de sa garantie légale subsidiaire ;

- dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant de ces dispositions, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 novembre 2023.

MOTIVATION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur le harcèlement discriminatoire :

Mme [J] soutient qu'elle a été confrontée à un environnement de travail sexiste, constitutif d'un harcèlement discriminatoire et que sa qualité de femme a été à l'origine de remarques et de critiques dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail.

La société conclut au débouté.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Toute mesure discriminatoire en raison du sexe est prohibée par l'article L. 1132-1 du code du travail. En application de l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application de l'article L.1132-1 du code du travail, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné entant que de besoin, toutes les meures d'instruction qu'il estime utiles.

Aux termes de l'article L. 1153-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Mme [J] présente les éléments de faits suivants :

- la perméabilité instaurée par le dirigeant de l'entreprise dans son mode de collaboration avec elle puisqu'il utilisait sa messagerie professionnelle à laquelle elle avait accès dans le cadre de sa vie personnelle, de sorte qu'elle été témoin de son comportement séducteur. Elle verse aux débats des échanges de mails extraits de cette messagerie ainsi que l'attestation d'un ancien salarié de l'entreprise faisant état de la réputation de " coureur " du dirigeant de celle-ci,

- les accusations de harcèlement sexuel portées à l'encontre du dirigeant, elle explique que le 21 juin 2019, elle a été informée que l'une de ses collègues accusait celui-ci de faits de harcèlement sexuel. Elle verse aux débats le mail adressé en ce sens par Mme [K] " HR director " faisant état de confidences de cette collègue dont la cour relève qu'aucun élément ne met en cause le dirigeant de l'entreprise. Elle se réfère également à ses propres déclarations lors de l'enquête diligentée par le CSE en évoquant : " l'affaire " sans qu'aucun élément objectif ne vienne corroborer ses accusations à l'encontre du dirigeant,

- les messages ambigus que lui a adressés son supérieur hiérarchique au mois de septembre 2019, Mme [J] se réfère à ses propres déclarations lors de l'enquête diligentée par le CSE, ainsi qu'à des SMS échangés avec lui le 15 septembre 2019 par lesquels il lui dit : " tu aurais dû me rejoindre on se serait fait des tapas " et un peu plus tard 'je te croyais routarde ", lors d'un séminaire prévu du 16 au 17 décembre 2019 en Espagne auxquels tous deux participaient dont la cour relève qu'ils sont dépourvus de toute connotation à caractère sexuel ou sexiste.

- le changement de comportement de son supérieur hiérarchique suite à son refus de ses avances mais la cour relève en premier lieu que ni les avances ni les refus ne sont établis.

Toutefois, la salariée fait état des éléments suivants :

* un accident du travail qui s'est produit le 17 septembre 2019 provoqué par l'employeur qui a roulé sur son pied avec sa voiture, et selon, elle ne s'en est pas excusé et n'a pas procédé à une déclaration d'accident de travail. Cependant, la cour relève que l'absence d'excuse n'est pas démontrée que la salariée a attendu quelques jours pour consulter un médecin et que la déclaration d'accident du travail est contemporaine de cette visite et comporte toutes les références de l'employeur de sorte qu'il a bien été pris en charge au titre de la législation sur les risques et que la carence de l'employeur à cet égard n'est pas établie,

* la tenue de propos réducteurs et sexistes, se référant à ses propres déclarations lors de l'enquête du CSE ainsi qu'à son courriel du 24 avril 2020 adressé à la directrice des ressources humaines et en copie à l'inspecteur du travail faisant état de propos tenus lors d'une sortie en bateau, visant à lui faire faire un travail d'hôtesse d'accueil pour pouvoir faire payer les entrées mais la cour relève que la salariée ne produit aucun élément objectif de nature à établir la matérialité de ces faits ni leur imputation à l'employeur,

* le refus de la saluer mais la cour relève que là non plus, les allégations de la salariée ne sont pas corroborées par des éléments objectifs

* son exclusion de plusieurs événements majeurs,

* sa mission d'organiser une rencontre de l'équipe se référant à un mail de Mme [K] (ancienne DRH) en date du 2 décembre 2019 faisant référence à ce projet, à son mail du 11 décembre 2019 faisant état de la possibilité de louer une salle et à son mail du 9 décembre 2019 par lequel elle fait allusion à l'idée de M. [G] d'organiser un karaoké chez lui mais, la cour relève que la chronologie de ces mails n'établit pas la réalité des faits

* des remarques vexatoires lors d'une conversation téléphonique, mais aucun élément objectif n'établit la réalité de ces propos dont le caractère vexatoire n'est d'ailleurs pas expliqué,

* l'opposition de M. [G] à ses congés avec dénigrement de son travail, Mme [J] fait référence à des échanges de mails du 9 décembre 2019 au sujet de ses congés par lequel l'employeur lui reproche de ne pas chercher une solution pour assurer son remplacement et lui dit de façon générale qu'elle a tendance à ne pas s'approprier pleinement les sujets et à chercher des réponses ailleurs,

- sa souffrance et ses alertes, elle se réfère à ses différents écrits du 16 décembre 2019, à une communication téléphonique qui se serait tenue avec Mme [S] au sujet d'une réunion au cours de laquelle M. [G] l'a totalement ignorée mais le simple relevé des appels téléphoniques qu'elle communique ne suffit pas à établir le contenu de la communication téléphonique et rien ne vient corroborer ses affirmations selon lesquelles son employeur l'a ignorée lors d'une réunion,

- les propos stigmatisants tenus par M. [G] à son égard en février 2020 faisant référence à son propre mail du 14 février 2020 dans lequel elle reproche à M. [G] d'avoir dit publiquement la veille qu'elle 'recevait un salaire pour lire les mails' ainsi qu'à ce mail de l'employeur du 16 février 2025 dans lequel il fait état des problèmes personnels de Mme [J] et lui dit que " [sa] fragilité [le] met dans une position délicate avec une assistante incapable de pouvoir prendre en charge plus que la gestion de [ses] mails et agendas en étant déjà en surcharge cognitive " et lui demandant d'organiser un entretien avec elle pour faire le point sur leur collaboration,

- la suppression d'une partie de ses tâches ce qui a contribué à son mal-être se référant à aux conclusions de l'enquête selon lesquelles le dirigeant a 'effectivement réadapté les missions de Mme [J] mais a manqué de clarté avec elle sur les raisons pour lesquelles il l'a déchargée (restrictions budgétaires, manque de performance)',

- ses arrêts de travail.

Les éléments que la cour a considérés matériellement établis, pris dans leur ensemble laissent supposer des agissements de harcèlement et il appartient à l'employeur de prouver qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

En premier lieu, l'employeur fait valoir à juste titre qu'outre le fait que Mme [J] n'hésite pas à communiquer des messages de sa correspondance privée ou de celle de son épouse ces échanges anodins qui ne la concernent en rien ne révèlent aucun harcèlement à son égard et que l'attestation de M. [L] ne fait état que de rumeurs ou de son opinion personnelle et subjective sur M. [G].

S'agissant de l'exclusion de Mme [J] d'un séminaire, l'employeur explique que le déplacement de celle-ci n'a pas été possible en raison de contraintes budgétaires, la société ayant décidé pour cette raison d'abaisser le nombre total des participants de 87 à 60 ainsi que cela ressort du mail de Mme [O] du 3 octobre 2019 qu'il communique et il précise que cette réunion n'était pas destinée à tous les salariés mais constituait un événement commercial. La cour considère que les faits sont ainsi justifiés par des éléments objectifs étrangers au harcèlement dénoncé. S'agissant de l'exclusion de Mme [J] du CODIR, l'employeur explique qu' assurer le secrétariat du CODIR ne faisait pas partie des missions contractuelles de Mme [J], qu'il le lui a confié à deux reprises mais que fin novembre, ayant des décisions confidentielles à annoncer, il n'a pas souhaité que son assistante soit présente ni continuer à lui confier cette tâche, la cour considère qu'il justifie ainsi les faits par un exercice non abusif de son pouvoir de direction, étranger au harcèlement allégué.

S'agissant des congés, l'employeur fait valoir qu'il a simplement demandé à Mme [J] de prévoir son remplacement, qu'elle l'a fait et qu'elle a pu partir aux dates qu'elle souhaitait, de sorte que l'échange de mails à cet égard est justifié par le souci de l'employeur d'assurer la continuité du service de la salariée dans l'intérêt de l'entreprise, étranger au harcèlement moral allégué.

S'agissant de la réflexion sur le fait que Mme [J] était payée pour lire les mails de M. [G], l'employeur réplique que cette réflexion est la conséquence de ce que la salariée, elle-même, avait précédemment dit à son supérieur hiérarchique qu'il n'avait qu'à l'informer de ses messages non traités de sorte que les faits qui ne constituent qu'un rappel sans délicatesse, certes mais non abusif, du rôle de chacun sont justifiés par des éléments objectifs étrangers au harcèlement dénoncé.

Par ailleurs, la cour relève que le CSE, au terme d'une enquête menée sur place, contradictoirement lors de laquelle Mme [J] a été entendue, n'a pas constaté l'existence de harcèlement moral ou sexuel et que Mme [J] ne peut valablement se prévaloir d'un article de presse pour en en contester la valeur probante.

La cour considère en conséquence que l'employeur démontre que les faits qui pris dans leur ensemble laissaient supposer des agissements de harcèlement discriminatoire sont en réalité justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers. Mme [J] est déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement et pour discrimination, le jugement étant confirmé de ces chefs.

Sur la violation de l'obligation de sécurité :

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs . Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° Des actions d'information et de prévention,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptée.

L'employeur veille à l'adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des mesures existentes.'

Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'

L'article L. 1152-4 prévoit quant à lui que 'l'employeur prend toutes dipositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.'

L'employeur tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité. Ne méconnait pas son obligation, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Mme [J] fait valoir qu'elle a fait l'objet de harcèlement discriminatoire émanant de son employeur, qu'elle l'a alerté à plusieurs reprises de même que le service des ressources humaines de la dégradation de ses conditions de travail et de sa souffrance dès le mois de décembre 2019, qu'au mois de janvier 2020, des échanges avaient lieu entre les différents membres de la direction sur la situation générale de souffrance des salariés et la nécessité de recruter un DRH suite au départ de Mme [K], qu'aucune mesure n'a cependant été mise en place face à un risque connu, que suite à l'enquête du CSE, un risque psychosocial a été reconnu du fait du comportement de M. [G].

L'employeur conclut au débouté en faisant valoir que le harcèlement n'est pas caractérisé pas plus que le lien entre la situation de travail qu'elle a connu et son état de santé.

Eu égard à la solution du litige, le harcèlement discriminatoire allégué n'ayant pas été retenu, au fait que les différentes alertes de Mme [J] ont donné lieu à l'intervention de la direction des ressources humaines en la personne de Mme [S], à une enquête réalisée par le CSE, compte tenu de l'absence de lien établi entre la dégradation de l'état de santé de Mme [J] et ses conditions de travail en l'absence de toute constatation en ce sens par le médecin du travail, au fait que les conclusions de l'enquête du CSE en faisant état d'une communication parfois 'sèche' de M. [G] ne suffit pas à caractériser un manquement à l'obligation de sécurité, la cour déboute Mme [J] de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige dès lors que l'employeur n'a pas entendu en préciser les motifs à la suite de la demande en ce sens de la salariée est rédigée dans les termes suivants :

" ['] nous sommes amenés à prononcer votre licenciement pour faute grave, et ce pour les motifs suivants :

- manquements graves à votre obligation de loyauté

* Pour rappel, vous occupez depuis le 11 mars 2019, date de votre embauche, le poste de personal assistant to the CEO.

À cet égard, votre mission consistait à travailler en étroite collaboration avec M. [G], CEO de Sigfox. Cet emploi, compte tenu des responsabilités et de l'agenda très fourni de M. [G], ainsi que de la nature confidentielle des informations auxquelles vous avez accès, nécessite honnêteté, loyauté et respect réciproques. Force est de constater que vous avez largement mis à mal ces prérequis par le comportement que vous avez adopté tant vis-à-vis de M. [G] que de Mme [S], international HR business partner.

* Alors que vous et M. [G] rencontriez au mois de février 2020 des difficultés de communication, ce dernier a souhaité faire intervenir le service RH afin qu'il puisse faire office d'intermédiaire entre vous pour améliorer cette communication. Vous avez dans un premier temps refusé cette intervention que vous considériez comme une mesure de défiance à votre égard, pour finalement accepter de vous entretenir avec Mme [S] le 25 février 2020. L'objectif était de trouver ensemble un mode de fonctionnement qui puisse convenir à tous, et Mme [S] vous a écrit le 26 février pour vous indiquer qu'elle allait revenir vers vous pur proposer des pistes d'amélioration.

* Sans attendre les propositions de Mme [S], vous avez adressé un nouvel email à Mme [S] avec copie au CSE et à l'inspection du travail, ainsi qu'un document annexe, dès le 3 mars, afin :

- De vous étonner de ne pas avoir eu encore de retour de sa part (alors que vous avez été placés en arrêt maladie seulement deux jours après son mail du 26 février),

- Formaliser également de graves accusations à l'égard de M. [G] que vous n'aviez jusqu'alors jamais évoquées (harcèlement moral et sexuel),

- Indiquer que M. [G] aurait exprimé qu'il ne voulait plus collaborer avec vous, et qu'il vous aurait " poussé " à contacter les RH (alors que dans le document annexe, vous relatez des propos très différents : " [V] m'a répété qu'il n'était pas satisfait de notre collaboration et m'a invitée à contacter les RH. J'ai refusé ")

- Affirmer également que Mme [S] vous aurait écrit le 26 février que M. [G] aurait " changé d'avis et voulait repartir sur de bonnes bases ". Or le contenu de cet email est très différent de ce que vous affirmiez puisqu'il était rédigé ainsi : " lui dommage fait part de sa volonté de rétablir la situation et de retrouver un mode de collaboration efficace ".

* Compte tenu de la gravité de vos accusations nouvelles, et le fait que vous ayez fait le choix de saisir le CSE et l'inspection du travail, sans attendre l'accompagnement RH qui vous était proposé, et dont vous n'avez en réalité jamais voulue il était convenu que les sujets seraient désormais examinés par le CSE.

Mme [S] vous précisait néanmoins qu'elle regrettait que les termes que vous utilisiez dans cet email ne correspondent pas à la réalité de vos échanges, que vous détourniez vos propos et les siens (vous n'avez en effet jamais indiqué que M. [G] aurait exprimé son souhait de vous voir partir puisque précisément il avait demandé l'intervention du service RH pour améliorer les choses, et Mme [S] ne vous a jamais indiqué que ce dernier aurait changé d'avis à ce sujet), sans comprendre l'objectif que vous poursuiviez.

La Direction n'a pas souhaité polémiquer avec vous, dans l'attente des conclusions de l'enquête et afin de respecter le travail du CSE.

Vous avez été informée de la mise en place de l'enquête du CSE par email du 13 mars 2020.

* Cependant alors même que l'enquête était en cours, vous avez manqué à votre devoir de loyauté en réitérant vos mensonges et alimentant à nouveau une fausse présentation de votre situation.

Ainsi, le 16 mars 2020 à 9h11, jour de votre retour d'arrêt maladie, et quelques minutes après votre prise de poste, vous adressiez un email à M. [G] pour indiquer que vous n'aviez plus l'accès à sa messagerie et à son agenda (accès suspendu pendant votre arrêt maladie), laissant entendre que la démarche était faite pour vous nuire. Le 18 mars, vous étiez à nouveau en arrêt maladie jusqu'au 19 avril inclus. Or, dès le 20 avril, à peine arriver sur votre lieu de travail, et alors que nous n'avions aucune certitude sur le fait que vous reprendriez ce jour-là, vous adressiez un mail agressif et mensonger à M. [G] pour :

- Vous étonner, sur un ton agressif, ne pas avoir accès à sa messagerie et à son agenda : " tu ne dois pas être sans savoir que mon arrêt maladie a pris fin hier. Je constate que je n'ai toujours pas accès à ta messagerie ni à ton agenda ".

- Affirmer : " à mon retour des suites de mon premier arrêt maladie, le 16 mars, tu as une nouvelle fois exprimé, que tu ne souhaitais pas reprendre notre collaboration. Tu l'avais déjà en effet clairement fait entendre bien plus tôt et m'avais en ce sens sommée de prendre contact avec les RH pour demander mon départ " ;

- Prétendre : " j'ai bien compris que tu souhaites que ce soit moi qui aie la démarche de demander mon départ pour répondre à ta volonté personnelle ".

Vos propos, réitérés, sont parfaitement mensongers : M. [G] ne vous a jamais indiqué qu'il souhaitait votre départ ou n' a cherché à vous pousser à demander une rupture de votre contrat, puisque, au contraire, il a souhaité la mise en place d'une mesure RH vous permettant de dépasser vos problèmes de communication.

En réaffirmant cela, alors que vous saviez pertinemment que cela était faux, qui plus est en mettant en copie l'inspection du travail afin de tenter de nuire à l'entreprise, vous avez manqué à votre devoir de loyauté et fait preuve d'un manque d'honnêteté empêchant la poursuite de la relation de travail. Qui plus est, cet email est intervenu alors même que la mesure d'enquête du CSE était en cours : cela démontre clairement que vous n'avez jamais cherché à trouver une issue à une mésentente passagère (aucun harcèlement n'a été constaté par le CSE), mais qu'au contraire, votre objectif était dès le départ d'entrer en conflit avec M. [G]. Raison pour laquelle d'ailleurs vous avez dans un premier temps refusé l'intervention du service RH, et n'avez ensuite pas même attendu que des solutions RH d'amélioration de la communication vous soient proposées.

Reste qu'il n'est pas envisageable, dans une relation de travail sincère, et en cours d'enquête CSE, d'affirmer, qui plus est en mettant en copie l'inspection du travail, que votre employeur vous aurait demandé de quitter l'entreprise alors que cela est parfaitement faux.

Ce manque de loyauté vis-à-vis de votre responsable hiérarchique direct, avec qui vous devait pourtant collaborer quotidiennement dans un respect mutuel, obère toute possibilité de poursuite de la relation contractuelle.

* Pire : à réception de votre convocation à entretien préalable, vous avez adressé deux emails dont le contenu confirme votre attitude délétère :

- Un premier du 22 avril adressé à Mme [S] (qui sera adressé par la suite à l'inspection du travail) dans lequel vous prétendez que cette dernière vous aurait tenu les propos suivants par écrit en février : " malgré ces agissements et sa volonté exprimée de me voir quitter l'entreprise, [V] a changé d'avis et était prêt à reprendre une collaboration professionnelle dans les meilleures conditions " : cela constitue un mensonge éhonté. Mme [S] ne vous a jamais écrit (ni dit) cela, pour la simple et bonne raison que cela est totalement faux. Vous avez ainsi tenté d'attribuer à Mme [S] de faux propos pour vous présenter en victime et alimenter votre thèse mensongère. Ici encore, votre déloyauté est manifeste.

- Un second du 24 avril adressé à Mme [S] et M. [G] avec copie à l'inspection du travail, pour réitérer ces mensonges, prétendant que M. [G] vous aurait demandé de contacter le service RH " pour demander mon départ ".

* Même s'il est aujourd'hui avéré que les accusations graves que vous avez portées à l'encontre de M. [G], de nature à engager sa responsabilité pénale, étaient fausses, comme le confirme le compte rendu du CSE, la dénonciation mensongère d'un harcèlement moral et sexuel que vous avez choisies de porter à son encontre ne feront pas l'objet sanction disciplinaire dans la mesure où nous ne pouvons déterminer avec certitude si vous avez agi de mauvaise foi ou bien si vous cherchiez simplement à attirer l'attention sur vous en vous présentant en prétendue victime.

* En revanche, le fait d'avoir menti à plusieurs reprises en affirmant que M. [G] vous aurait poussé à partir, tout cela avec la complicité prétendue du service RH, en prétend à Mme [D] elle des propos qu'elle n'a jamais tenu, et en mettant en copie l'inspection du travail, alors même que votre hiérarchie, depuis le départ, s'est inscrite dans une démarche de discussion et d'amélioration de la communication que vous avez finalement refusée, constitue un manquement manifeste à votre obligation de loyauté et empêche la poursuite de votre contrat de travail, y compris pendant la durée d'un préavis.

Dans ces conditions, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave, sans indemnité, ni préavis. [' ] ".

Sur la nullité du licenciement :

Mme [J] soulève à titre principal la nullité du licenciement intervenu, selon elle, en représailles de sa dénonciation d'une situation de harcèlement, faisant valoir que la lettre de licenciement y fait expressément référence de sorte que le licenciement est nul en l'absence d'allégations de mauvaise foi de sa part.

Elle fait également valoir que :

- la chronologie des événements est sans appel puisqu'elle a été convoquée à un entretien préalable le 21 avril 2020, lendemain de sa reprise de poste, alors qu'elle avait été interrogée la veille par le CSE dans le cadre de l'enquête, et que le contenu de l'entretien préalable établit l'absence de faute grave ainsi que cela ressort du compte rendu d'entretien rédigé par l'élu CSE

- le licenciement ne repose que sur la dénonciation de faits de harcèlement par la salariée.

De son côté, l'employeur conclut au rejet de la demande de nullité en faisant valoir que contrairement à ce que soutient Mme [J] la dénonciation du harcèlement qu'elle aurait subi n'est pas un motif du licenciement au contraire, il a expressément indiqué écarter ce motif en raison de l'absence de mauvaise foi de la salariée.

La cour observe que dans la lettre de licenciement, au titre des manquements à l'obligation de loyauté justifiant le licenciement pour faute grave l'employeur reproche à la salariée d'avoir formalisé " de graves accusations à l'égard de M. [G] que vous n'avez jusqu'alors jamais évoqué (harcèlement moral et sexuel)) ". Par ailleurs le fait même de mentionner " les déclarations mensongères d'un harcèlement moral et sexuel que vous avez choisies de porter à son encontre ne feront pas l'objet d'une sanction disciplinaire dans la mesure où nous ne pouvons déterminer avec certitude si vous avez agi de mauvaise foi ", tout en faisant clairement figurer ce reproche dans la lettre de licenciement pour prétendre que cela ne serait pas sanctionné au lieu de le taire suffit à entraîner la nullité du licenciement.

La cour considère en conséquence que le licenciement a été prononcé parce que Mme [J] a dénoncé les agissements de harcèlement dont elle s'estimait victime et l'employeur a reconnu lui-même que sa mauvaise foi n'était pas établie de sorte que le licenciement doit être annulé en application de l'article L. 1152-3 du code du travail. Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de ce chef de demande.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement :

Sur l'indemnité pour licenciement nul :

Mme [J] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 65 724,72 euros correspondant à 12 mois de salaire au titre de la nullité du licenciement en faisant valoir que celui-ci est intervenu pendant la pandémie ce qui a largement entravé ses recherches, qu'elle est restée au chômage jusqu'au mois de septembre 2022 et a vu sa situation financière se dégrader au point qu'elle a bénéficié du RSA et que finalement elle a retrouvé un nouvel emploi pour une période de deux ans à l'étranger avec une rémunération bien inférieure à celle qu'elle percevait.

La société conclut au débouté.

En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'indemnité allouée à la salariée au titre de la nullité du licenciement ne peut être inférieure à six mois de salaire. Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise (une année complète), à son âge au moment du licenciement (née en 1984), au montant de son salaire mensuel brut, aux circonstances du licenciement, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure à la rupture, la cour fixe sa créance au passif de la société à la somme de 35 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur les indemnités de rupture :

Le liquidateur ès qualités conclut à l'infirmation du jugement des chefs de condamnations au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement sans critiquer leur montant mais en soutenant qu'elles ne sont pas dues dès lors que le licenciement est fondé sur une faute grave.

La cour a retenu que le licenciement était nul ce qui ouvre droit au profit du salarié au paiement des indemnités de rupture en sus de l'indemnité allouée pour nullité du licenciement.

Mme [J] conclut à la confirmation du jugement et dès lors que les montants alloués ont été calculés conformément aux dispositions légales et contractuelles, la cour fixe la créance de la salariée de ces chefs aux montants alloués par les premiers juges. Le jugement est infirmé en raison de la prise en considération de l'ouverture de la procédure collective.

Sur les dommages-intérêts pour rupture vexatoire :

Mme [J] fait valoir qu'elle a été licenciée alors qu'elle était en arrêt maladie pour dépression et qu'une enquête du CSE était en cours mais que l'employeur n'a cependant pas attendu l'issue de la procédure de licenciement et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire de manière totalement injustifiée, qu'au surplus son licenciement est intervenu au début de la crise sanitaire liée au covid19, en pleine période de confinement, ce qui a restreint ses perspectives de retrouver un emploi et a aggravé son état de détresse psychologique. Elle fait également valoir que l'employeur ne lui a pas remis ses bulletins de salaires des mois de février et avril 2020 et sollicite en conséquence une somme de 5000 euros en réparation de son préjudice.

La société conclut au débouté en faisant valoir que le fait que la société ait tardé à lui remettre les documents de fin de contrat ne caractérise pas le caractère vexatoire de la rupture, qu'elle a bénéficié de ses bulletins de salaire qui étaient accessibles dans l'espace sécurisé de la salariée, lesquels ont tous été communiqués.

La cour considère que le fait que l'enquête du CSE soit toujours en cours est de nature à justifier la mise à pied à titre conservatoire de la salariée, que l'indemnité pour nullité du licenciement prend en compte les circonstances de la rupture et que les autres manquements invoqués par la salariée pour soutenir que la rupture était vexatoire sont inopérants de sorte qu'elle la déboute de sa demande. Le jugement est confirmé en sur ce point.

Sur la garantie de l'AGS :

La cour précise que la présente décision est opposable à l'AGS qui doit sa garantie dans les conditions légales prévues par les articles L. 3253-8 et suivants du code du travail et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification de ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-20 du code du travail.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation. Cependant, le cours des intérêts est arrêté par le jugement du tribunal de commerce de Toulous en date du 26 janvier 2022 ouvrant le redressement judciaire de la société.

La cour ordonne à la société BDR et Associés prise en la personne de Me [A] [M] ès qualités de liquidateur de la société Sigfox de remettre à Mme [E] [J] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision.

La demande présentée au titre de la communication des bulletins de salaire de février et mai 2020 est rejetée comme sans objet, les bulletins ayant été communiqués.

La société BDR et associés ès qualités de liquidateur de la société Sigfox, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser Mme [J] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] [J] de sa demande de nullité du licenciement et d'indemnité pour licenciement nul, sauf en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Sigfox à verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et du chef des condamnations prononcées à titre d'indemnité compensatrice de préavis, indemnités de congés payés sur préavis, indemnité légale de licenciement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la nullité du licenciement,

Fixe au passif de la liquidation de la société Sigfox la créance de Mme [E] [J] au aux sommes suivantes :

35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

16 431,18 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 643,11 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

1 939,78 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et que le cours des intérêts a été arrêté par le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Sigfox en date du 26 janvier 2022,

Déclare la présente décision opposable à l'AGS CGEA de [Localité 2] dans les limites et conditions légales de sa garantie,

Ordonne à la société BDR et Associés prise en la personne de Me [A] [M] ès qualités de liquidateur de la société Sigfox de remettre à Mme [E] [J] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision,

Déboute Mme [E] [J] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société BDR et Associés ès qualités,

Condamne la société BDR et Associés prise en la personne de Me [A] [M] ès qualités de liquidateur de la société Sigfox aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09882
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.09882 ?
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