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25/04/2024 | FRANCE | N°21/07072

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 avril 2024, 21/07072


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 AVRIL 2024



(n° 2024/ , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07072 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFA3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01041





APPELANT



Monsieur [D] [W]

[Adresse 1]
>[Localité 2]

Représenté par Me Denis DELCOURT-POUDENX, avocat au barreau de PARIS, toque : R167



INTIMEE



Société ELOGIE-S.I.E.M.P

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Ruth ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 AVRIL 2024

(n° 2024/ , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07072 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFA3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01041

APPELANT

Monsieur [D] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Denis DELCOURT-POUDENX, avocat au barreau de PARIS, toque : R167

INTIMEE

Société ELOGIE-S.I.E.M.P

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Ruth CARDOSO-EZVAN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et de la formation

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Elogie-siemp (la société), née de la fusion en 2017 entre les sociétés Elogie et Siemp, est un bailleur social de la Ville de [Localité 5] qui emploie plus de 500 collaborateurs et applique la convention collective nationale de l'immobilier.

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 23 octobre 1995, M. [D] [W] a été engagé par la Société de gérance d'immeubles municipaux, devenue Elogie-siemp, en qualité d'assistant technique pour une durée de travail à temps plein. Tout au long de l'exécution du contrat de travail, il a connu diverses promotions. À compter du 1er janvier 2017, il a été soumis à une convention de forfait annuel de 202 jours de travail. En dernier lieu, il occupait les fonctions de responsable service maintenance et politiques techniques au sein de la direction technique et réhabilitation (DTR) et percevait une rémunération mensuelle fixe de 5 496 euros versée par treizième conduisant selon le salarié à une moyenne mensuelle brute perçue de 5 899,87 euros calculée sur douze mois.

M. [W] a présenté des arrêts de travail à compter du 9 octobre 2018, prolongés jusqu'au 23 décembre 2018 puis, à nouveau à compter du 9 janvier 2019 et n'a plus repris son activité jusqu'à la rupture des relations contractuelles.

Par courrier du 10 octobre 2018, M. [W], par l'intermédiaire de son conseil, a dénoncé la dégradation de ses conditions de travail, sollicité le paiement d'heures supplémentaires et annoncé son intention de saisir la juridiction prud'homale en vue d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 6 février 2019, estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par courrier recommandé du 18 février 2019, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 février 2019 puis s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier adressé sous la même forme le 8 mars 2019. Il a été dispensé de l'exécution de son préavis par courrier reçu en main propre le 18 mars 2019.

Par jugement du 9 juillet 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes, la société Elogie-Siemp de ses demandes reconventionnelles et a condamné M. [W] aux dépens.

M. [W] a régulièrement relevé appel du jugement le 2 août 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant n° 3, transmises par voie électronique le 6 avril 2023, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M [W] prie la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens et :

- dire nulle, privée d'effet ou inopposable la convention de forfait jour,

- condamner la société Elogie-siemp à lui verser les sommes suivantes :

* 59 102,66 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 5 910,27 euros au titre des congés payés afférents,

* 20 299,70 euros de dommages-intérêts pour contrepartie obligatoire en repos outre 2029,97 euros au titre des congés payés afférents,

* 20 000 euros de dommages-intérêts pour violation des durées maximales,

* 47 841,54 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- fixer son salaire mensuel de référence à 8 137,58 euros,

- condamner la société Elogie-siemp à lui verser les sommes de :

* 15 947,18 euros de dommages-intérêts pour modification unilatérale de son contrat de travail,

* 30 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, subsidiairement, dire son licenciement nul, à défaut sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Elogie-siemp à lui verser les sommes de :

* 7 924,74 euros à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés outre 792,47 euros au titre des congés payés afférents,

* 14 555,11 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

* 183 392,57 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les condamnations porteront intérêts à compter de l'introduction de la demande avec capitalisation annuelle des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Elogie-siemp aux dépens en ce compris les frais d'exécution,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Elogie-siemp de ses demandes reconventionnelles.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée n°3 transmises par voie électronique le 11 avril 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Elogie-siemp prie la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'indemnité présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau, condamner M. [W] à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [W] aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2023.

MOTIVATION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur les demandes relatives à la durée du travail :

Sur la nullité de la convention de forfait :

M. [W] soutient que la convention de forfait qui lui a été appliquée est nulle dans la mesure où elle est conclue sur le fondement de la convention collective nationale de l'immobilier alors que la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 14 décembre 2016 (Cass.soc 14 décembre 2016 n° 15-22.003) que les dispositions de l'article 9 de l'avenant n° 20 du 29 novembre 2000 relatif à l'ARTT dans sa rédaction issue de l'avenant n° 20 bis du 6 novembre 2001 à la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988 ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

La société conclut au débouté en faisant valoir qu'à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 2016, visé par l'appelant, les partenaires sociaux ont conclu le 5 décembre 2017 un avenant modifiant l'article 19. 9 de la convention collective et que ces nouvelles dispositions, conformes aux exigences jurisprudentielles et légales concernant le suivi de la charge de travail notamment se sont appliquées aux entreprises adhérentes à l'une des organisations patronales depuis le 6 juin 2018 et ont été étendues à toutes les entreprises de la branche à partir du 30 décembre 2018.

La cour observe toutefois que la convention individuelle de forfait signée par les parties le 10 novembre 2016 est antérieure à la modification intervenue applicable à compter du 6 juin 2018 dont se prévaut l'employeur. Cependant, malgré la nullité des dispositions de l'article 9 de l l'avenant n° 20 du 29 novembre 2000 relatif à l'ARTT dans sa rédaction issue de l'avenant n° 20 bis du 6 novembre 2001 à la convention collective que les parties ne discutent pas, l'employeur peut quand même conclure un forfait jours à condition d'appliquer les dispositions légales supplétives prévues à l'article L. 3121-65 du code du travail dans sa version applicable lors de l'entrée en vigueur de la convention de forfait qui dispose que :

'I.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :

1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

II.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-8.'

Le moyen tiré de la nullité des dispositions de la convention collective est donc rejeté, étant observé que M. [W] ne soulève aucun autre moyen de nullité.

Sur l'opposabilité de la convention de forfait :

M. [W] fait valoir qu'une convention de forfait annuel en jours n'est opposable au salarié concerné que si l'employeur s'assure de manière effective que la charge de travail et les horaires du salarié sont raisonnables et respectueux de son droit au repos et à la déconnexion. Il soutient que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que :

- le décompte mensuel de son temps de travail n'a jamais été instauré,

- la société n'a mis en place aucun suivi de sa charge de travail et ne lui a notifié aucune procédure à ce sujet,

- il a dépassé son forfait annuel de travail,

- l'outil mis en place par l'employeur (logiciel kelio) ne permet pas de contrôler le nombre et la nature des jours travaillés,

- il n'existe aucun document de contrôle annuel du temps de travail contrairement aux prévisions de son contrat de travail,

- l'amplitude de travail ne permet pas de garantir le droit au repos,

- l'employeur ne peut valablement se décharger sur le salarié de ses obligations en la matière,

- aucun entetien annuel spécifique n'a effectivement été tenu puisqu'en 2017 l'entretien annuel n'a porté que sur ses performances et que l'employeur s'était engagé à en assurer deux par an.

De son côté, l'employeur conclut au débouté en faisant valoir que :

- M. [W] n'a jamais considéré devoir se soumettre à la procédure de suivi de son temps de travail mettant ainsi les ressources humaines dans l'impossibilité d'établir le document visé dans l'accord sur le temps de travail,

- le salarié ne peut se prévaloir de l'absence de notification individuelle de l'accord d'entreprise puisqu'issue de la négociation collective, dûment publié et accesssible aux salariés, il s'impose à tous,

- une note interne a été diffusée relative à l'utilisation du logiciel kelio, lequel répondait parfaitement à l'impératif de suivi des jours travaillés des salariés en forfait-jours,

- il appartenait à M. [W] de se déconnecter en dehors de ses plages de travail,

- étaient tenus des états de connexions et des éditions de présence dont il communique des états pour la période du 12 juin 2017 au 8 octobre 2018 (connexions) et du 1er janvier 2013 au è janvier 2019 (présences),

- en 2017 un entretien a bien eu lieu concernant le suivi de la mise en euvre de la convention de forfait mais M. [W] a refusé de s'exprimer dessus ainsi que cela ressort de l'attestation de son supérieur hiérarchique M. [B],

- en 2018, l'entretien du 5 octobre a nécessairement porté sur la charge de travail puisque l'employeur lui a reproché son manque d'implication, un nouvel entretien devait avoir lieu le 12 octobre mais M. [W] a présenté un arrêt de travail, puis a repris son travail trop brièvement pour que soit matériellement possible d'organiser un nouvel entretien.

La cour considère que l'employeur ne justifie cependant ni avoir mis en place un document de décompte du temps de travail, étant observé que comme le souligne M. [W] le logiciel [F] ne permet pas de prendre en compte les jours de travail à domicile et l'employeur n'établit pas le contraire ni le respect du repos quotidien minimum. Par ailleurs, l'employeur n'a pas mis en peuvre de décompte annuel du temps de travail contrairement à l'avenant au contrat de travail du 10 novembre 2016. Enfin, l'exigence de double entretien annuel portant sur la charge de travail telle que prévue dans la convention de forfait n'a pas été respectée, l'employeur ne pouvant valabelement se prévaloir de ce que l'entretien du 5 octobre 2017 par lequel il reprochait au salarié son manque d'implication entraînait nécessairement que l'entretien avait porté sur la charge de travail.

La cour considère en conséquence que l'employeur a manqué à ses obligations découlant de l'application de la convention de forfait de sorte que celle -ci est inopposable au salarié. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

M. [W] sollicite une somme totale de 59 102,66 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre les mois de février 2016 et octobre 2018.

La société conclut au débouté et à la confirmation du jugement.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande, M. [W] verse aux débats les pièces suivantes :

- des relevés de badgeage retraçant pour 2016 les heures de début et de fin de chaque journée travaillée et l'heure de pause déjeuner, et pour 2017 et 2018 les heures de début de chaque demi-journée travaillée,

- son agenda professionnel,

- des mails démontrant selon lui qu'il travaillait en dehors des heures de bureau notamment pendant ses trajets en train qui duraient quatre heures par jour (aller-retour),

- des attestations de ses compagnons de trajet selon lesquelles il travaillaitsur son smartphone durant les trajets,

- des tableaux récapitulatifs de ses demandes.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

De son côté, la société fait valoir que :

- les tableaux de relevés d'heures produits par le salarié ont fait l'objet de trois versions successives,

- sur les quelque 550 mails communiqués, aucun ne correspond à un travail réalisé, il s'agit de simples transferts ou de réponse rapide, aucun ne suit une demande urgente de la hiérarchie,

- son agenda électronique démontre que ses journées n'étaient pas denses et qu'il s'accordait de nombreux temps libres, en parfaite contradiction avec les tableaux de relevés d'heures qu'il produit et qu'à de rares exceptions près, il commençait sa journée vers 9 heures et l'achevait avant 17 heures avec des pauses déjeuner dépassant l'heure,

- lui-même faisait des demandes non urgentes à ses collaborateurs en dehors des heures de travail,

- les attestations des compagnons de voyage de M. [W] ne sont ni circonstanciées ni précises sur la période pendant laquelle ils ont fait leur constat,

- la comparaison des relevés de badgeadge avec les relevés mis à jour par M. [W] révèle des incohérences et des aberrations comme par exemple pour la semaine du 28 mars au vendredi 1er avril 2016 pour 30 heures 45 hebdomadaire, un décompte de 39 heures 05 + 10 heures à domicile ou encore du lundi 30 mai au vendredi 3 juin 2016 pour 34 heures 31 de présence, 39 heures 35 + 10 heures à domicile décomptées,

- s'agissant de la période à laquelle M. [W] a été soumis à un forfait annuel en jour, l'édition des états de connexion établit ses heures d'arrivée, les états de connexion et les heures auxquelles il a quitté son poste de travail et les éditions de présence permettant quant à elle d'identifier les heures d'arrivée et généralement celles de retour de déjeuner, ces états renseignent par ailleurs les moments où il se connectait depuis son téléphone portable ce dont l'employeur conclut qu'en dehors de ces temps de présence au bureau, il était extrêmement rare qu'il se connecte à son espace et travaille à ses dossiers et lorsqu'il était soumis à des horaires relevant du droit commun, il le faisait à des horaires normaux conformes à ceux en vigueur et qu'il ne se connectait jamais durant ses congés et journées de RTT qu'il posait systématiquement,

- il n'a jamais appelé son manager ou ses collaborateurs sur les temps pendant lesquels il affirme avoir travaillé ainsi que cela ressort de l'attestation du directeur technique et réhabilitation ou de la DRH,

Au vu de l'ensemble des éléments fournis par les parties, la cour est convaincue que M. [W] a accompli des heures supplémentaires mais dans une mesure moindre que celle qu'il revendique et condamne en conséquence la société Elogie Siemp à lui verser la somme de 9 714,84 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre février 2016 et octobre 2018 outre 971,48 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur la demande présentée au titre de la contrepartie obligatoire en repos :

Aux termes de l'article L. 3121-30 du code du travail, " des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale'. À défaut d'accord le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures par salarié en application de l'article D. 3121-24 du code du travail .

M. [W] réclame la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 20 299,70 euros à ce titre outre celle de 2 029,97 euros au titre des congés payés.

La société conclut au débouté.

La cour considère toutefois que le dépassement annuel allégué n'est pas établi au vu des heures supplémentaires qu'elle a allouées à M. [W] sur les trois années concernées n'ayant pas atteint le nombre de 220 heures par an, de sorte que sa demande est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail :

M. [W] fait valoir qu'au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de 48 heures et que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation. Il soutient avoir très régulièrement été contraint de dépasser cette durée maximale hebdomadaire et ses tableaux de relevés d'heures en donnent selon lui des dizaines d'exemples. Il fait valoir que ces dépassements ont nécessairement engendré pour lui une accumulation de fatigue et de stress, qu'il a été privé de ce fait d'un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle et sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts.

La société fait valoir de son côté que cette demande ne repose que sur les tableaux établis par le salarié lui-même et non conformes à la réalité, que la preuve du préjudice allégué n'est pas rapportée et conclut au débouté.

Au regard des relevés de badgeage et tableaux de relevés d'heures et des heures supplémentaires allouées par la cour, la violation de la durée maximale de travail édictée par l'article L. 3121-20 du code du travail est établie à plusieurs reprises et la cour condamne en conséquence la société à verser à M. [W] la somme de 1 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice.

Sur la demande de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail de M. [W] :

M. [W] indique qu'il occupait depuis plusieurs années les fonctions de responsable service maintenance et sécurité mais qu'il s'est vu retirer de nombreuses fonctions de son périmètre de responsabilité au profit d'un salarié nouvellement recruté M. [G] et sollicite en conséquence la somme de 15 947,18 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

La société conclut au débouté et à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.

M. [W] soutient qu'à compter de fin 2016, avec la fusion des sociétés Elogie et Siemp, son poste a été intitulé " responsable service maintenance et sécurité " s'appuyant sur la pièce 6 délégations de signature du 16 décembre 2016 et l'organigramme de la société établi en juin 2017. Il soutient que des responsabilités liées à trois services lui ont été ôtées dans le courant de l'année 2018 :

- la maintenance ascenseur,

- la maintenance chauffage,

- le département sécurité,

de sorte que lui ont été retirées les missions de planification des travaux, suivi des contrats et activités d'entretien et exploitation des équipements qui étaient relatives aux services ascenseur et chauffage.

Il soutient que l'intitulé de son poste a d'ailleurs été modifié en responsable service maintenance et politiques technique, ainsi que cela ressort de l'organigramme du 25 septembre 2018 qu'il communique. Il fait valoir que dans le même temps, ses fonctions d'encadrement ont été sensiblement réduites et que l'encadrement de 3 salariés ainsi que cela ressort de l'organigramme du 25 septembre 2018 a été supprimé de son périmètre de responsabilité.

La société conclut au débouté en faisant valoir que :

- ni l'intitulé du poste de M. [W] ni ses missions ni son niveau de responsabilité n'ont été modifiés.

- le pôle sécurité et maintenance dont il était responsable et simplement a été renommé maintenance et politiques techniques au sein de la nouvelle direction technique et réhabilitation,

- son équipe s'est étoffée puis a finalement été ramenée à 9 comme précédemment,

- le nouveau responsable M. [S] travaillait sous l'autorité de M. [W] avec une équipe de quatre collaborateurs ainsi que cela ressort de son contrat de travail et de l'organigramme du 25 septembre 2018 étant observé que M. [S] a ensuite été remplacé par M. [G],

- M. [W] est resté attaché au directeur technique et réhabilitation.

La cour relève que l'employeur justifie ainsi que seules les conditions de travail de M. [W] ont été modifiées mais qu'il a conservé l'essence de ses missions avec un périmètre varié, des missions d'encadrement et qu'il n'a subi aucun changement au niveau de sa rémunération, son positionnement hiérarchique, son statut et sa qualification. La cour considère en conséquence que la modification unilatérale du contrat de travail alléguée n'est pas établie étant observé que M. [W] ne peut valablement reprocher à l'employeur de s'être organisé temporairement pendant son absence pour arrêt maladie, aucun élément des débats n'établissant qu'il s'agissait d'une réorganisation définitive puisque le mail du 28 décembre 2018 dans lequel il fait état de cette situation n'est corroboré par aucun élément objectif.

M. [W] est donc débouté de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la violation de l'obligation de sécurité :

M. [W] fait valoir que ses conditions de travail subies pendant plusieurs années ont altéré son état de santé en raison de sa charge de travail et de la modification unilatérale et vexatoire de son contrat. Il soutient que le 5 octobre 2018, il a été convoqué par la directrice des ressources humaines et par son supérieur hiérarchique qui lui ont fait des reproches injustifiés sur la qualité de son travail et lui ont dit qu'ils n'envisageaient pas de le maintenir à son poste et ce, alors qu'en 23 ans d'ancienneté, il n'avait jamais fait l'objet de la moindre critique de sorte qu'il a été placé en arrêt maladie le 9 octobre et que pendant trois mois, il a dû suivre un traitement médicamenteux lourd. Il explique avoir alerté l'employeur sur sa situation par la voix de son conseil et reproche à la société de n'avoir pris aucune mesure pour garantir sa sécurité et préserver sa santé, accentuant au contraire sa pression pour le convaincre de quitter l'entreprise à son retour de congé maladie.

La société conclut au débouté en faisant valoir que les arrêts de travail communiqués ne suffisent pas à établir la dégradation des conditions de travail alléguée.

La cour rappelle que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

La cour considère que la modification unilatérale du contrat du contrat de travail n'est pas établie et enfin, les certificats médicaux produits au dossier qui ne sont que le reflet des déclarations de M. [W] ne sont pas de nature à justifier que la dégradation de son état de santé est consécutive à ses conditions de travail. Dès lors, la cour considère que le manquement allégué n'est pas établi. La demande de dommages-intérêts présentée est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de ce chef de demande.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande et les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement comme c'est le cas en l'espèce, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

M. [W] sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail en faisant état de

- la violation des durées maximales de travail,

- le défaut de paiement de ses heures supplémentaires,

- la modification unilatérale de son contrat de travail,

- l'atteinte à sa santé et à sa sécurité.

La cour a retenu que la violation des durées maximales de travail était établie de même que le défaut de paiement des heures supplémentaires. En revanche, la modification unilatérale du contrat de travail n'a pas été retenue pas plus que l'atteinte à la santé du salarié. La cour considère que les manquements qu'elle a retenus, dans une mesure moindre que celle alléguée par le salarié, qui sont intervenus notamment sur une période au cours de laquelle le salarié était autonome dans l'organisation de son temps de travail, n'ont pas revêtu une importance telle qu'elle a empêché la poursuite du contrat de travail. La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est donc rejetée.

Sur le licenciement :

M. [W] soutient que son licenciement est nul pour violation de la liberté fondamentale du salarié d'ester en justice en faisant valoir que tant la chronologie des évènements que les mentions de la lettre de licenciement établissent qu'il a été licencié pour avoir saisi le conseil de prud'hommes et avoir fait intervenir un avocat pour revendiquer ses droits, d'autant qu'entre le 5 octobre 2018, date à laquelle s'est tenu un entretien par lequel l'employeur lui a reproché divers manquements, et l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, aucun nouveau fait ne s'est produit si ce n'est sa saisine de la juridiction prud'homale puisqu'entretemps il a été en arrêt de travail de façon quasiment ininterrompue.

La société conclut au débouté en faisant valoir qu'elle n'a jamais reproché au salarié d'avoir agi en justice et que la lettre de licenciement n'y fait d'ailleurs pas référence, qu'une simple mise en demeure adressée à l'employeur avec l'annonce d'une saisine prud'homale ne saurait empêcher un licenciement postérieur dès lors que celui-ci est justifié par d'autres motifs dont elle rapporte la preuve et qu'il appartient au juge de vérifier et qu'elle était en droit d'invoquer, au-delà des carences managériales et insuffisances professionnelles du salarié, sa déloyauté par multiplication d'accusations de circonstance et de mensonges.

La cour rappelle en premier lieu que comme le soutient à bon droit M. [W], le droit d'ester en justice est une liberté fondamentale garantie par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 de sorte qu'est nécessairement nul le licenciement intervenu en violation de ce droit.

En second lieu, lorsqu'un motif de licenciement emporte la nullité de celui-ci, il est considéré comme contaminant et suffit à justifier la nullité du licenciement sans que les juges aient à examiner les autres griefs, par application du principe selon lequel toute mesure de rétorsion, tout licenciement prononcé en violation d'un droit fondamental ou d'une liberté fondamentale est nul.

En troisième lieu, le seul fait qu'une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d'une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d'une atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice. Cependant, le lien de cause à effet est établi lorsque la lettre de licenciement comporte une mention reprochant au salarié d'avoir intenté une action en justice, cette seule mention suffisant à faire annuler le licenciement sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres motifs invoqués.Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque la lettre de licenciement ne fait pas expressément référence à l'action judiciaire engagée quelques jours plus tôt par le salarié.

En revanche, la simultanéité de l'action en justice exercée par M. [W] par sa saisine du conseil de prud'hommes le 6 février 2019 ce dont l'employeur a été avisé par le conseil du salarié par un mail du 7 février 2019 et l'engagement de la procédure de licenciement est établie puisque la lettre de convocation à l'entretien préalable lui a été adressée le 18 février 2019.

Par ailleurs la lettre de licenciement comprend le passage suivant :

" ['] Vous comprendrez que dans ce contexte, l'intervention soudaine d'un avocat à vos côtés en octobre 2018 (au moment même où nous réitérions nos motifs de mécontentement) affirmant que vous seriez soumis à la durée légale du travail et auriez accompli de nombreuses heures supplémentaires, qu'il aurait été porté atteinte à votre contrat de travail et que nous aurions manqué à notre obligation de sécurité, nous semble particulièrement suspecte et nous ne pouvons accepter vos accusations graves et mensongères.

Vous tentez de vous défendre en prétendant aujourd'hui que vous travailliez deux heures de plus tous les jours, pendant vos trajets en train. L'examen de l'activité de votre messagerie démontre qu'il n'en est rien et l'application de votre forfait annuel en jour et votre charge de travail, faible ont été contrôlées.

De même, il n'a à aucun moment été porté atteinte à votre contrat de travail dans ses éléments essentiels et il relève de notre pouvoir d'adapter vos missions aux évolutions de l'entreprise, et de notre devoir de prendre les mesures utiles lorsqu'une situation d'insuffisance professionnelle apparaît, afin de permettre au salarié concerné d'en sortir.

Au cours de l'entretien préalable, sans aucun moment marquer une volonté constructive, vous vous êtes contenté de tenter de vous exonérer en invoquant :

- une prétendue surcharge de travail de vos collaborateurs [']

- la responsabilité de Messieurs [H] et [J] [']

- la cohérence de la mise en place de référents spécialisés par thématique parmi les cadres techniques [']

- l'absence de référent à la DFC

- le coach en management qui serait totalement incompétent

- une cabale organisée contre vous afin de vous mettre des bâtons dans les roues.

À aucun moment, vous n'avez reconnu votre part de responsabilité dans les mauvais résultats de votre service. Il s'agit pourtant de votre mission principale.

Vos arguments, dont certains sont particulièrement choquants, ne sont absolument pas recevables.

Le manque d'implication et de temps consacré à votre activité, vos carences managériales, votre incapacité à prioriser vos dossiers et travailler avec efficacité, votre difficulté à partager une information claire, à proposer une organisation et à formaliser les différentes thématiques sous votre responsabilité ainsi que votre refus de modifier votre mode de fonctionnement et de comportement, vos accusations et mensonges qui caractérisent une déloyauté à l'égard de votre employeur nous contraignent aujourd'hui à vous notifier votre licenciement. ['] "

La cour considère que la coïncidence entre les dates auxquelles l'employeur a eu connaissance de l'action judiciaire exercée par le salarié (7 février 2019) et l'engagement de la procédure de licenciement (18 février 2019) jointe à la mention expresse de la présence d'un avocat aux côtés du salarié avec une référence directe au courrier adressé par cet avocat en octobre 2018, comme il a été rappelé plus haut, l'absence de tout fait commis par le salarié entre octobre 2018 et février 2019 puisqu'il était en arrêt de travail ainsi que cela ressort des arrêts de travail communiqués établissent une présomption que le motif réel du licenciement est une rétorsion au droit d'ester en justice exercé par le salarié.

Il appartient donc à l'employeur de renverser cette présomption.

L'employeur soutient que l'insuffisance professionnelle est caractérisée et que le salarié a également fait preuve de déloyauté en proférant à son encontre des accusations mensongères. Sur ce dernier point, la cour relève qu'elle a considéré, ainsi qu'il a été vu plus haut, que les accusations proférées par le salarié n'étaient pas mensongères puisqu'elle lui a donné raison au moins en partie. Par ailleurs, bien que ce point ne soit pas soulevé par le salarié, elle observe que ce grief pourrait être considéré comme un moyen de nullité en raison de l'atteinte directe à la liberté d'expression du salarié, mais là n'est pas l'objet du litige puisque M. [W] n'évoque ce point que dans le cadre de sa contestation de la cause réelle et sérieuse de licenciement.

S'agissant de l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié, la cour rappelle que l'incompétence ou l'insuffisance professionnelle d'un salarié se manifeste par sa difficulté à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté et peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle fait l'objet d'une appréciation objective. Il n'est pas nécessaire que l'inadaptation à l'emploi ou l'incompétence du salarié se soient traduites par une faute. Il importe cependant que les insuffisances alléguées par l'employeur se soient manifestées par des éléments extérieurs, par des anomalies de nature à entraver la bonne marche de l'entreprise, et susceptibles de vérifications objectives.

La lettre de licenciement reproche au salarié, tableaux à l'appui :

-ses carences managériales tant d'un point de vue humain qu'opérationnel ayant conduit l'employeur dans le courant de l'été 2017 à lui éviter d'encadrer un trop grand nombre de collaborateurs en créant entre lui et eux une hiérarchie intermédiaire, sans résultat toutefois, en invoquant le mail d'un collaborateur imputant directement la rupture de sa période d'essai à l'attitude de M. [W] (manque de convivialité, aucune formation), ainsi que des reproches sur son management formés par deux de ses collaborateurs (MM. [K] et [X])

- la non atteinte de ses objectifs 2018 fixés au cours de l'entretien annuel 2017 portant sur :

* la politique technique et maintenance,

* le développement et la valorisation de l'expertise du pôle GPA/DO,

Sur les carences managériales :

L'employeur s'appuyant sur le support de l'entretien annuel du 12 novembre 2015 fait valoir que dès le 12 novembre 2015, dans le cadre de l'entretien d'évaluation de M. [W], était mentionnée la maîtrise, seulement partielle, de sa mission de management du pôle et que lors de l'entretien annuel du 3 novembre 2017, les mêmes constats étaient faits, malgré la réorganisation intervenue, les objectifs sur l'élévation du niveau d'exigence et le développement de l'autonomie et la mise en valeur des activités du service n'étant que partiellement atteints.

L'employeur s'appuie également sur le courriel de M. [S] en date du 24 novembre 2017, transmis à l'un de ses collaborateurs, M. [K], ayant rompu sa période d'essai le 22 novembre 2017, par lequel il se plaint de l'attitude de M. [W] et critique son comportement social (refus de dire bonjour à une personne identifiée sous les initiales MB), absence d'attitude managériale, absence d'attitude conviviale avec les équipes, absence de formation à son égard, absence de comportement fédérateur.

L'employeur s'appuie également sur le courriel d'un autre salarié de l'entreprise, M. [K] en date du 24 novembre 2017, destinataire du mail de M. [S] qu'il a transmis à l'employeur avec ses propres commentaires sur l'attitude de M. [W] qui refuse de lui dire bonjour et fait de la restriction d'information.

Il communique également l'attestation de sa directrice des ressources humaines, rédactrice de la lettre de licenciement, selon laquelle, lorsqu'elle a fait connaissance de M. [W], début janvier 2017, lors de sa prise de fonction comme DRH d'Elogie-Siemp, M. [W] lui a très rapidement fait part de son incapacité à manager un de ses collaborateurs M. [K]. Elle fait également état de ce qu'un autre salarié démissionnaire, M. [X], l'a avisée oralement, peu avant son départ en novembre 2018, que M. [W] n'animait pas l'équipe, organisant peu de réunions et d'échanges.

De même, l'employeur fait état d'un mail du 24 septembre 2018, émanant de M. [V] qui a assuré le coaching de M. [W] et mentionne des 'axes de progrès' restant à travailler sur l'affirmation du leadership, la visibilité à donner aux collaborateurs sur les objectifs à suivre et l'activité, l'accompagnement plus important des collaborateurs dans le développement de leurs compétences et la nécessité d'augmenter le rythme de travail et à dépenser davantage d'énergie dans l'activité. Il produit également le contrat cadre de mission de M. [V] avec Elogie siemp.

Enfin, l'employeur s'appuie sur un courriel de M. [B], supérieur hiérarchique de M. [W] , rédacteur de l'entretien de 2017, à l'origine du coaching suivi par le salarié.

La cour relève que ces éléments sont insuffisants pour caractériser l'insuffisance managériale de M. [W] dès lors que l'employeur s'appuie sur ses propres comptes-rendus d'entretiens, reflétant son appréciation du salarié sans éléments objectifs permettant à la cour d'apprécier si elle est justifiée, sur une attestation de sa DRH, laquelle, signataire de la lettre de licenciement, rapporte des propos qui lui ont été tenus de façon non circonstanciée et ne fait état d'aucune constatation directe susceptible de vérification objective, d'un courriel d'un salarié qui a rompu sa période d'essai et qui se plaint du comportement de M. [W] sans que des éléments concrets soient produits pour justifier ses doléances et que le seul courriel de M. [K] qu'un conflit manifeste et connu de tous opposait à M. [W] ne saurait suffire à objectiver. Par ailleurs, le simple courriel du coach ayant suivi M. [W] et qui développe des axes de progrès n'y suffit pas davantage, pas plus que le courriel de son supérieur hiérarchique, rédacteur de l'entretien du 3 novembre 2017.

Sur la non atteinte des objectifs :

Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur indique : " il s'avère qu'en dépit des aides apportées et de l'aménagement de vos missions vous n'avez pas réussi à atteindre vos objectifs 2018 fixés au cours de l'entretien annuel 2017. Nous vous avons rappelé quels étaient vos objectifs 2018 et quels ont été les résultats, arrêtés à début octobre 2018' "

La lettre de licenciement fait état de trois objectifs :

- " formaliser et diffuser la politique technique et maintenance (notamment : chambre de bonne, commerce, foyer, amiante, risque') " puis dresse un tableau comprenant 18 rubriques qu'il décline en thématique, formalisation, travaux en découlant,

- " développer et valoriser l'expertise du pôle GPA/DO pour travailler sur nos relations avec la DMO, rôle de relai interne DTR et évaluation de la performance réelle de nos livraisons. Formaliser le " qui fait quoi "/tout au long de 2018 sur les opérations à venir.

Le " qui fait quoi " n'a pas été formalisé entre DMO/DTR et GPA/DO. Les comités d'évaluation n'ont pas été mis en place. "

" Participer aux démarches transverses de formalisation poste fusion (qui fait quoi, prescription) ['] "

Il ressort de l'entretien du 3 novembre 2017 que les objectifs de M. [W] pour l'année 2018 étaient ceux énoncés dans la lettre de licenciement, ci dessus rappelés, et que dans un mail du 2 janvier 2018, M. [B] s'adressant à plusieurs salariés dont M. [W] et leur joignant sa propre lettre de mission leur demandait de " décliner cette lettre de mission pour chacun de vos services ".

La cour considère en conséquence que M. [W] avait connaissance de ses objectifs et de leur contenu, tels que déclinés dans le courrier de licenciement et répertoriés dans le tableau ci-dessus évoqué.

Sur le premier objectif consistant à formaliser et diffuser la politique technique et maintenance (notamment : chambre de bonne, commerce, foyer, amiante, risque') " l'employeur dresse dans son courrier de licenciement un tableau comprenant 18 rubriques qu'il décline en thématique, formalisation, travaux en découlant,

Sur l'amiante,

La cour observe que pour caractériser les insuffisances qu'il reproche à son salarié, l'employeur s'appuie en premier lieu sur :

- des notes manuscrites présentées comme écrites par M. [B] et prises au cours des points d'activité avec M. [W] d'octobre 2017 à juin 2018, illisibles, non contextualisées, inopérantes pour caractériser l'incapacité du salarié à tenir ses objectifs,

- des échanges de courriels en date du 27 mars 2018 dont le contenu indiquant " Il avait été décidé en Inter bailleur de réaliser les DAPP sur la liste A, liste B et sols souples. Ce n'est pas ce qui est réalisé ' " " En réponse à un mail du même jour adressé par M. [W] à 8h37 disant " DAPP concerne liste A c'est peut-être pour ça. Mais le mieux est de faire un DAAT avec prélèvement si travaux " ou des échanges de courriels du 20 juin 2018 dont il ressort que M. [W] a demandé à M. [B] qui doit lancer les commandes et accompagner l'opérateur de repérage amiante pour les ascenseurs et les chaufferies, ce qu'il lui avait déjà demandé le 15 juin 2018 et que l'employeur lui répond " pour moi, c'est toi qui lances les commandes puisque c'est toi le chef de projet amiante par contre pour l'accompagnement des opérateurs ce n'est pas ton rôle peut-être celui de l'AMO ou de l'exploitant qu'en penses-tu, que proposes tu ' " ne suffisent pas à prouver l'absence d'appropriation du sujet et de rigueur alléguée par l'employeur.

S'agissant de l'absence de finalisation de la cartographie amiante dont l'employeur soutient qu'elle n'était toujours pas réalisée le 24 septembre 2018, l'employeur fait valoir que cette cartographie a été finalisée en quelques semaines pendant l'absence pour maladie de M. [W]. Cependant, la simple communication du tableau de cartographie ne lui permet pas d'en justifier alors que par ailleurs, le salarié explique avec justesse qu'aucun délai ne lui avait été fixé, l'employeur ne justifiant pas du contraire et qu'il effectuait un suivi du projet relatif à l'amiante en rencontrant le responsable de l'AMO, en organisant un point sur l'avancement de la cartographie ainsi que cela ressort de son mail du 26 juin 2018, en lui communiquant le tableau récapitulatif des DTA, en animant une réunion le 30 août 2018. Enfin, M. [W] explique que s'il n'avait pu en septembre 2018 finaliser la cartographie amiante c'est parce qu'il lui manquait les résultats des parties privatives qui ne dépendaient pas de lui mais d'autres personnes ainsi que cela ressort de son mail du 3 avril 2018.

S'agissant de la politique plomb, l'employeur reproche au salarié de ne pas l'avoir formalisée mais la cour relève que cette question n'est pas mentionnée dans les objectifs fixés lors de l'entretien du 3 novembre 2017 pas plus que dans la lettre de mission communiquée par M. [B] le 2 janvier 2018 et que l'employeur ne justifie pas de son affirmation selon laquelle cette demande avait été exprimée à M. [W] lors d'un comité contrat et patrimoine au cours duquel il a été décidé que les services HCV traiteraient du plomb classe trois.

Sur la loi de 48, l'employeur fait valoir qu'il était attendu du service de M. [W] qu'il se charge de restructurer les logements et lui reproche de n'avoir établi aucun tableau de suivi partagé sur ce thème ni livré le ratio de coûts pour s'assurer de la cohérence des prix pratiqués ni fait de points avec les agences et la direction de la gestion locative pour s'assurer que les logements restructurés sont bien remis en location, toute démarche qu'il lui appartenait d'effectuer.

Pour justifier les carences du salarié à cet égard, l'employeur s'appuie sur les notes manuscrites de M. [B] dont la cour a relevé précédemment qu'elles étaient inopérantes.

Sur le regroupement de chambres, l'employeur reproche à M. [W] de n'avoir pas engagé de travaux pour les biens dans lesquels l'état des lieux a été réalisé et soutient qu'il n'y a pas de visibilité sur le lancement ou non du relogement des locataires pour les chambres identifiées comme prioritaires. M. [W] réplique que le non engagement des travaux ne lui était pas imputable, que le service était toujours en attente de l'accord de la direction du logement et de l'habitat de la ville de [Localité 5] et que l'activité de relogement n'est pas non plus de sa responsabilité relevant du service gestion locative. L'employeur soutient qu'il avait été demandé à M. [W] de modifier le mode de gestion sur le projet : ne plus attendre que les chambres se libèrent pour réaliser les travaux mais accompagner les locataires vers un relogement pour réaliser plus de regroupements et diminuer le nombre de baux de chambres de bonne plus rapidement. Par ailleurs, il soutient qu'en sa qualité de chef de projet, le salarié se devait d'intervenir en coopération avec la direction de la gestion locative pour le problème du relogement. Toutefois, la cour observe qu'aucun élément n'est produit par l'employeur pour établir que les carences qu'il reproche au salarié ressortaient de sa responsabilité.

S'agissant de l'ADAP (agenda d'accessibilité programmée) avec un objectif de 150 commerçants moyenne par an, l'employeur reproche à M. [W] " l'absence de formalisation des travaux notamment sur la question des vitrines pour obtenir le passage nécessaire " et que ' l'objectif travaux n'est pas atteint'. L'employeur explique que l'appelant se devait d'assurer le pilotage et le suivi des travaux réalisés et, à ce titre, disposer des attestations photographies, signatures des commerçants ce qui n'a pas été le cas. M. [W] réplique qu'à l'occasion des diagnostics, des difficultés sont apparues avec la découverte d'amiante ce qui a nécessairement ralentit l'engagement des travaux. L'employeur fait valoir que comme il était référent amiante cette situation démontre son incapacité à gérer un projet dans ses différentes composantes sans toutefois le démontrer, le courriel de M. [R], en date du 7 juillet 2020 faisant une estimation du temps passé par les collaborateurs sur le dossier ADAP auquel il se réfère n'y suffisant pas.

S'agissant des travaux programmés DTR, l'employeur indique que " le tableau existe. Quelques questions sur les décalages entre le tableau et la réalité " et qu'un " rappel a été fait par M. [B] au cours de l'année sur l'acceptation de travaux incombant au service HCV qui allait contre l'organisation mise en place ". M. [W] conteste le reproche qui lui est fait en faisant valoir que dans un souci d'optimisation, il avait été décidé avec l'accord de M. [B] lors d'un comité patrimoine du 14 juin 2018 que la DTR prendrait en charge les travaux pour les deux immeubles et qu'il avait mis à jour le tableau de suivi de sa direction. L'employeur soutient que ces tableaux n'ont été ni partagés ni communiqués contrairement à ce qu'il se passe depuis le départ de M. [W]. La cour considère cependant que le reproche ne repose pas sur des éléments concrets lui permettant d'apprécier l'insuffisance professionnelle alléguée dès lors que sont produits des tableaux et que les doutes de l'employeur sur leur authenticité ne suffit pas à remettre en cause leur existence.

S'agissant des travaux des commerces vacants, l'employeur formule à l'encontre du salarié le reproche suivant : " la formalisation de la politique et du tableau d'activité partagée avec la DGL a pris du retard et nécessité de nombreuses relances de la part de M. [B] qui a fini par tenir la plume pour mettre en place un tableau de suivi partagé avec la DGL ". L'employeur s'appuie sur les notes manuscrites de M. [B] dont la cour a considéré qu'elles étaient inopérantes, sur des convocations à des réunions également insuffisantes à établir la preuve recherchée.

S'agissant des foyers, l'employeur indique dans la lettre de licenciement : " pas de suivi sur les travaux réalisés ou non par le référent foyers, notamment sur la mise en sécurité prévue lors de notre réunion en juin 2018 ". L'employeur fait valoir que M. [W] qui avait en charge l'activité des deux pôles d'activité GPA/DO et politique technique se devait à ce titre de procéder au suivi des travaux confiés à sa direction concernant les foyers, sujet abordé lors des points avec son manager, comme rappelé lors de la réunion gestion foyers qui s'est tenue le 27 juin 2018. Il verse aux débats le compte rendu de cette réunion ainsi que les notes de M. [B], déjà évoquées, inopérantes. M. [W] se défend du reproche de l'employeur en faisant valoir qu'il tenait à jour ce tableau très régulièrement se référant à son tableau de suivi des travaux. Le grief n'est pas établi.

S'agissant de l'accessibilité, l'employeur forme le reproche suivant à l'encontre du salarié : " la politique accessibilité n'a pas été formalisée et le tableau attendu n'a pas été mis en place contrairement aux attendus de la réunion de mai 2018 " et indique : travaux en découlant : " pas de logement mis en accessibilité en 2018, contrairement à nos engagements avec la Ville de [Localité 5]. ". M. [W] fait valoir que la mise en accessibilité des logements ne relève pas de ses fonctions mais de la responsabilité du service réhabilitation/agence et qu'aucune demande de formalisation de la politique accessibilité ne lui a été faite. Il fait valoir qu'un tableau de suivi d'accessibilité été mis en place dès le mois de mai 2018. La cour observe que puisqu'il effectuait les tableaux de suivi d'accessibilité, la mission relevait de sa responsabilité et que si l'employeur prétend que le tableau a été établi par M. [B], et non par M. [W], il ne l'établit pas, l'attestation en ce sens de M. [B] n'y suffisant pas. Les faits ne sont donc pas retenus à l'encontre de M. [W], le tableau de suivi ayant été finalement établi.

S'agissant des problèmes de structure, l'employeur reproche au salarié les points suivants : " pas de liste des groupes avec problèmes structurels identifiés ni du qui fait quoi-notamment sur les opérations DMO. " Il explique qu'il lui appartenait de partager avec son manager les problèmes de structure, ce qui n'a jamais été fait. Il s'appuie sur les notes manuscrites de M. [B] que la cour considère comme dépourvues de valeur probatoire. L'insuffisance du salarié n'est donc pas caractérisée.

Sur les travaux de sécurité incendie, l'employeur fait au salarié le reproche suivant : " pas de liste de groupes à traiter en priorité sur l'ensemble du patrimoine. Les immeubles du centre sont privilégiés mais tous les groupes d'avant 1986 pourraient être concernés. 13 groupes du centre ont été identifiés les travaux n'ont pas été réalisés ". M. [W] fait valoir que les choix stratégiques ne relèvent pas de sa responsabilité mais de la direction et que le retard des travaux ne lui est pas imputable compte tenu de la lourdeur de la procédure d'appel d'offres nécessaire. L'employeur soutient que si les choix stratégiques ne relevaient effectivement pas de la responsabilité de M. [W], en tant que responsable de service, il se devait cependant d'établir une liste complète à l'échelle de tout le patrimoine pour identifier et localiser le risque incendie, ce sujet étant abordé dans les notes manuscrites de M. [B], dépourvues de valeur probante comme il a déjà été dit plus haut, les faits ne sont pas retenus.

Sur la pénibilité, l'employeur fait au salarié le reproche suivant : " pas d'état des lieux réalisés de façon globale. Le 12e a servi de test mais pas de retour sur la suite de la démarche. " M. [W] fait valoir que le travail a été très largement avancé, qu'il a élaboré et diffusé un questionnaire auprès de tous les gardiens du 12ème arrondissement et que dès réception, une analyse a été fournie à M. [B], un tableau de suivi ayant été établi pour centraliser les résultats et un point organisé le 19 juin 2018 pour analyser les retours et enfin l'avancement de ce projet ayant été relayé auprès de toute la direction lors de réunions du 11 juin et du 6 juillet 2018. Les faits ne sont pas retenus.

Sur la GPA, l'employeur forme le reproche suivant : " état des lieux réalisé sur les opérations à venir, après relance. Pas de complément sur l'organisation avec l'arrivée des nouveaux cadres GPA/DO " travaux en découlant : " les comités d'évaluation n'ont pas été mis en place ". L'employeur s'appuie sur les notes manuscrites de M. [B] qui sont inopérantes comme il a déjà été dit et sur un courriel de M. [B] du 1er août 2018 demandant à M. [W] d'établir un plan de charge des livraisons à venir de la cellule GPA/DO en regardant 'par an le nombre d'opérations livrées à gérer en GPA et le nombre d'opérations à accompagner en livraison'. M. [W] soutient qu'avant le 1er août 2018, il ne lui avait pas été demandé de dresser une note sur le sujet, qu'il l'a fait après la demande et a réalisé une présentation PowerPoint. S'agissant de l'absence de mise en place des comités d'évaluation, M. [W] fait valoir qu'il n'était pas pertinent de les mettre en place immédiatement, l'équipe GPA étant selon lui trop récente. La cour considère que le grief est établi : les comités d'évaluation n'ont pas été installés cependant, ce point qui découle non pas de l'incompétence de M. [W] mais d'une décision délibérée que l'employeur ne qualifie pas de fautive ne caractérise pas l'insuffisance professionnelle alléguée.

Sur les DO, l'employeur forme le reproche suivant : " tableau existant continue de vivre tel que. Pas de propositions d'indicateurs d'activité correspondant ". L'employeur fait valoir que l'objectif d'un tableau de suivi des dommages ouvrage qui permettent aux différents interlocuteurs internes de savoir où en est le dossier est d'être partagé, mis en ligne et mis à jour mais que M. [W] ne s'est jamais attelé à cette tâche alors que son supérieur hiérarchique le lui demandait expressément. Les notes manuscrites communiquées étant inopérantes comme la cour l'a déjà relevé, l'employeur établit avoir sollicité M. [W] sur ce point dans son courriel du 1er août 2018. M. [W] justifie qu'un tableau de suivi existait et ne posait aucune difficulté et qu'il a écrit la note qui lui était demandée. L'employeur explique dans ses écritures que cette note était insuffisante et ne répondait pas à la demande mais ce reproche n'est pas formé dans la lettre de licenciement.

Sur le fonctionnement des panneaux photovoltaïques, l'employeur forme le reproche suivant : " liste établie par [N] pas encore cohérente en termes d'état des lieux. " Travaux en découlant : " pas de propositions de plan d'actions ". L'employeur explique que le service que M. [W] dirigeait devait s'assurer que les panneaux mis en service étaient bien raccordés et que l'électricité était bien revendue dans le cadre de l'obligation d'achat, l'objectif étant de s'assurer de la bonne réalisation de ce qui était prévu. Il souligne en s'appuyant sur un courriel de M. [B] du 1er août 2018 qu'il avait été demandé au salarié d'établir un tableau de suivi et qu'il attendait qu'il dresse un état des lieux et propose des actions. M. [W] soutient qu'en septembre 2018, Mme [P] nouvellement recrutée a repris la liste établie par [N] [Y] et explique ne pas avoir voulu exercer de pressions sur elle et qu'il avait toujours été prévu de faire réaliser un diagnostic par un bureau d'études. Aucun de ces éléments avancés par le salarié n'est établi et les faits sont donc caractérisés, cependant, la cour considère qu'ils ne sont pas de nature à objectiver l'incompétence de M. [W] étant observé que le caractère urgent de la réalisation du tableau n'est pas démontré.

Sur le projet coup de pouce, l'employeur forme le reproche suivant : " passage en CAO après avoir relancé à plusieurs reprises. " Travaux en découlant " certains chantiers proposés nécessitent des investissements supplémentaires trop importants et ont dû être stoppés. " M. [W] communique la note qu'il a établie après relance de M. [B] du 14 mars 2018. L'employeur fait ensuite valoir que M. [W] n'a pas assuré le suivi mais ce n'est pas le reproche qui est formé dans la lettre de licenciement qui fait le lien entre le fait que certains chantiers proposés nécessitent des investissements supplémentaires trop importants et ont dû être stoppés.

Sur le volet administratif achat, l'employeur forme le reproche suivant : " des avenants et des marchés complémentaires ont été signés sans forcément suivre le circuit mis en place (service AFSP) notamment sur le volet compteurs d'eau et numericable. Des sous-traitants ont été agréés sans en informer les équipes. ". Dans ses écritures, l'employeur explique qu'un nouveau service depuis la fusion a été mis en place dénommé " appui fonctionnel et stratégie patrimoniale ", (AFSP) que celui-ci a notamment pour rôle de passer l'ensemble des marchés hors travaux et de suivre la vie du contrat en centralisant la question des avenants et des marchés à prestations similaires et que cette organisation étant effective en juin 2017, M. [W] n'aurait pas dû signer de nouveaux marchés à prestations similaires, produisant des avenants contractuels signés en 2018 par le salarié pour les compteurs d'eau. M. [W] se défend des reproches formulés par l'employeur en expliquant que si en juin 2018, il avait signé ces avenants, c'est uniquement parce qu'il avait reçu des plaintes de M. [X] qui n'arrivait pas à obtenir de signature de la part du service AFSP. Il en veut pour preuve les échanges d'e-mails relatifs à la pose des compteurs d'eau et précise qu'afin de débloquer la situation, il a accepté de signer les avenants sans aucune modification des clauses. La cour considère que les faits ne sont pas de nature à démontrer l'incompétence du salarié.

S'agissant du comité risque, l'employeur forme le reproche suivant : " sentiment de démobilisation des participants par manque de clarté des actions menées et des lignes conductrices ". Dans ses écritures, l'employeur explique que l'attentisme de M. [W] est d'autant plus avéré que durant son absence, M. [G], responsable du service sécurité et maintenance, a dû réunir les participants du comité risque pour leur proposer de réfléchir à son évolution. Des propositions concrètes ont été faites et approuvées ensuite par le comité notamment concernant la revue des incidents. La cour considère que ces éléments relevant d'une appréciation subjective des sentiments prêtés aux membres du comité sont insuffisants pour caractériser l'incompétence reprochée à M. [W].

S'agissant du deuxième objectif développer et valoriser l'expertise du pôle GPA/DO :

L'employeur reproche à M. [W] de n'avoir pas formalisé le " qui fait quoi " entre DMO/DTR et GPA/DO et de ne pas avoir mis en place les comités d'évaluation.

La cour relève que ce dernier reproche fait redondance avec les griefs exprimés dans le tableau ci-dessus analysé, dans la partie consavrée au " GPA "

Pour justifier l'existence de l'objectif, l'employeur verse aux débats la lettre de mission de M. [B] du 18 décembre 2017 par laquelle il lui était demandé de préciser autant que possible les " qui fait quoi " et critique le travail effectué à cet égard par M. [W] qui a juste produit quatre slides et n'a jamais mis en place les comités d'évaluation. M. [W] conteste que l'objectif lui ait été fixé s'agissant des comités d'évaluation mais la cour a retenu que M. [B] en lui transmettant ainsi qu'aux autres responsables la feuille de mission l'a bien chargé d'une telle tâche puisqu'il a expressément demandé à chacun des salariés de les appliquer à leur services respectifs de sorte que cela ressortait de la mission du salarié. Par ailleurs, s'agissant des " qui fait quoi ", M. [W] a rendu un travail et l'employeur ne vise pas la mauvaise qualité de celui-ci dans la lettre de licenciement.

S'agissant du troisième objectif participer aux démarches transverses de formalisation post fusion (qui fait quoi, prescription) :

L'employeur dans le courrier de licenciement indique que : " la formalisation n'a pas été suffisante en 2018 et l'organisation mise en place n'a pas été respectée (administratif, budgétaire, achats et travaux). Nous ne pouvons que constater que malgré les nombreuses alertes et relances de votre hiérarchie, les résultats et les améliorations attendues ne sont pas au rendez-vous. Il est à noter que les trois responsables qui ont assuré votre intérim pendant votre absence maladie entre octobre et ce jour ont réussi à accomplir en quelques semaines plus que vous-même en plusieurs mois ".

La cour observe que dans ses écritures l'employeur sans produire des éléments concrets sur les carences de M. [W] se contente d'indiquer que ce dernier attendait que la gestion de son service reste celle en vigueur avant la fusion et n'a à aucun moment considéré devoir tenir compte du nouveau patrimoine fusionné et que sa persistance à nier toute responsabilité dans les carences et dysfonctionnements et la nécessité de se reprendre l'a conduit à mettre un terme à sa collaboration son inadaptation à la nouvelle dimension prise par l'entreprise malgré le soutien apporté par la direction justifiant son licenciement pour insuffisance professionnelle. M. [W] fait état du caractère imprécis des démarches qu'il n'aurait pas accomplies et soutient qu'il a respecté l'organisation mise en place sur les sujets dont il avait la charge.

Enfin, M. [W] d'où soutient que le motif réel du licenciement est d'ordre économique sans apporter de justificatifs à ses allégations de sorte que la cour qui a retenu certains faits parmi la vingtaine d'éléments visés par l'employeur considère que le motif exact du licenciement est bien l'insuffisance professionnelle du salarié.

En définitive, la cour considère que les quelques éléments qu'elle a retenus comme étant établis sont insuffisants pour caractériser par des éléments objectifs l'insuffisance professionnelle du salarié.

Par ailleurs, s'agissant du grief constitué par les accusations mensongères, caractérisant le manque de loyauté du salarié, la cour relève que ce grief constitue en réalité comme le soutient le salarié une atteinte à sa liberté d'expression étant observé qu'il n'évoque pas ce moyen au soutien de sa demande de nullité du licenciement.

Il résulte de ce qui précède que le licenciement n'est pas fondé sur un motif réel et sérieux.

Dés lors, la cour considère que dans la mesure où le licenciement n'est pas fondé sur un motif réel et sérieux, l'employeur échoue à démontrer que la très grande proximité de dates entre sa connaissance de la saisine de la juridiction prud'homale et l'engagement de la procédure de licenciement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la violation du droit d'ester en justice alléguée par le salarié. La cour prononce en conséquence la nullité du licenciement. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de ce chef de demande.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement :

Sur la demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis :

M [W] qui a été dispesé de l'exécution de son préavis, reproche à l'employeur de ne pas avoir intégré dans le montant qu'il a perçu les heures supplémentaires qu'il effectuait. La société conclut au débouté en faisant valoir que M. [W] a été indemnisé pendant son préavis sur la base de son salaire mensuel brut de 5 496 euros. La cour n'ayant pas alloué au salarié l'intégralité des sommes qu'il sollicitait au titre des heures supplémentaire et ne retenant pas le caractère régulier de celles qui ont été effectuées, considère qu'il a été rempli de ses droits par la perception admise par lui dans ses écritures de la somme de 16 488 euros calculée sur la base de son dernier salaire mensuel fixe de 5 496 euros, de sorte que sa demande est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

M. [W] forme la même demande s'agissant de l'indemnité légale de licenciement qu'il calcule sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 8 137,58 euros, heures supplémentaires incluses. Compte tenu des heures supplémentaires effectuées pendant la période considérée la cour évalue le salaire de référence calculé sur les douze derniers mois à la somme mensuelle brute de 6 799,39 euros de sorte que l'indemnité légale de licenciement s'évalue à la somme de 47 218,18 euros. Il en résulte que le versement par l'employeur de la somme de 41 955,85 euros n'a pas rempli M. [W] de ses droits. La cour condamne en conséquence la société à lui verser une somme de 5 262,33 euros au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur l'indemnité pour nullité du licenciement :

En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, en cas de violation d'une liberté fondamentale, l'article L. 1235-3 du code du travail n'est pas applicable et l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [W] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 183 392,57 euros, correspondant selon lui à 23 mois de salaire ce dont la cour déduit qu'il évalue pour cette demande son salaire mensuel à la somme de 7 973,59 euros brut.

Il fait valoir que la société a évolué grâce à son investissement sans faille, qu'il a trouvé un nouvel emploi après quatre longs mois de recherches actives comme manager d'expertise/de coordination mais que sa brillante carrière a été brisée. Il soutient que son préjudice est très important tant financièrement, puisque le nouvel emploi qu'il a trouvé est moins bien rémunéré, que moralement puisque licencié brutalement après 23 ans d'ancienneté parce qu'il avait osé revendiquer ses droits, il a souffert d'un syndrome anxio-dépressif d'autant plus sévère que son état de santé était déjà fragilisé en raison des manquements graves de l'employeur.

Compte-tenu de l'ancienneté de M. [W], de son âge au moment du licenciement (né en 1973), de sa rémunération des six derniers mois, des circonstances du licenciement et de ce qu'il justifie de sa situation postérieure à celui-ci, la cour condamne la société à lui verser une somme de 160 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

La seule omission des heures supplémentaires effectuées sur les bulletins de salaire d'un salarié au forfait dont la convention a été annulée judiciairement ne suffit pas à caractériser la volonté de dissimulation alléguée en l'absence de tout autre élément venant la démontrer. M. [W] d'où est débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :

Le caractère abusif de la procédure, allégué par l'intimée, n'étant pas établi, la demande de dommages-intérêts présentée par la société est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Eu égard à la solution du litige, il est fait d'office application de l'article L 1235-4 du code du travail, et la société Elogie-siemp est condamnée à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [W] dans la limite de six mois.

La société, partie perdante est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser M. [W] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [D] [W] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, de dommages-intérêts pour contrepartie obligatoire en repos et congés payés afférents, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail, dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, reliquat d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, et en ce qu'il a débouté la société Elogie-siemp de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la convention de forfait est inopposable à M. [D] [W],

Condamne la société Elogie-siemp à verser à M. [D] [W] les sommes de :

9 714,84 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période comprise entre février 2016 et octobre 2018 outre 971,48 euros au titre des congés payés afférents,

1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour violation des durées maximales de travail,

Prononce la nullité du licenciement,

Condamne la société Elogie-siemp à verser à M. [D] [W] les sommes de :

5 262,33 euros au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement,

160 000 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement,

3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau d'orientation et de consultation et que ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière,

Condamne la société Elogie-siemp à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [D] [W] depuis son licenciement jusqu'à ce jour dans la limite de six mois,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Elogie-siemp,

Condamne la société Elogie-siemp aux dépens et à verser à M. [D] [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/07072
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.07072 ?
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