La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2024 | FRANCE | N°21/07056

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 avril 2024, 21/07056


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 AVRIL 2024



(n° 2024/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07056 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE6V



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 20/01639





APPELANTE



Madame [H] [P]

[Adresse 1]
>[Localité 13]

Représentée par Me Aurélien BONANNI, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMEE



Société THOM

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Saskia HENNINGER de LA GARANDER...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 AVRIL 2024

(n° 2024/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07056 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE6V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 20/01639

APPELANTE

Madame [H] [P]

[Adresse 1]

[Localité 13]

Représentée par Me Aurélien BONANNI, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

Société THOM

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Saskia HENNINGER de LA GARANDERIE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 487

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 19 mars 2012, la société [12], aux droits et obligations de laquelle vient la société Thom (ci-après la société), a embauché Mme [H] [P] en qualité de conseillère de vente, coefficient 140, niveau 1, échelon 1, moyennant une rémunération fixée au SMIC pour 151,67 heures par mois, outre une prime de fin d'année et une prime mensuelle variable en fonction des objectifs à atteindre par le magasin dans lequel elle est affectée.

Mme [P] exerçait ses fonctions au sein du magasin « [12] » du [11] de [Localité 13].

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale du commerce de détail de l'horlogerie bijouterie en date du 17 décembre 1987 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Par lettre recommandée datée du 21 février 2013, la société a convoqué Mme [P] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 mars 2013 puis reporté au 12 mars suivant.

Par lettre recommandée du 20 mars 2013, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 15 juillet 2020.

Par jugement du 6 juillet 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [P] aux dépens.

Par déclaration du 30 juillet 2021, Mme [P] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 octobre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement ;

et, par conséquent,

- dire son licenciement comme étant sans cause réelle ni sérieuse ;

- dire son licenciement comme ayant été réalisé dans des conditions vexatoires ;

Et, par conséquent :

- condamner la société au paiement des sommes suivantes :

* 345,59 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (article 43 de la convention collective susmentionnée) ;

* 10 367,76 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

* 1 727,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 mois : article 23 de la convention collective susmentionnée) ;

* 3 455,92 euros à titre de dommages et intérêts pour les circonstances vexatoires de la mesure de licenciement ;

* 172,80 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis ;

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel ;

* intérêts au taux légal avec anatocisme.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 avril 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

à titre principal :

- constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel ;

- confirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions ;

à titre subsidiaire :

- confirmer l'ensemble des dispositions du jugement ;

- condamner Mme [P] au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2023.

Dans ses dernières conclusions, la société avait soulevé l'absence d'effet dévolutif de l'appel en alléguant l'absence de mention des chefs de dispositif du jugement critiqués dans la déclaration d'appel.

Mme [P] avait sollicité un report de l'ordonnance de clôture le 12 avril 2023 à 11h50 - refusé par message du greffe le 12 avril 2023 à 15h57 (« Votre demande de report est intervenue trop tardivement, la clôture étant à 10h (voir avis de fixation). »).

C'est dans ce contexte que l'appelante principale a transmis par voie électronique le 19 avril 2023 des conclusions d'appel n°2 accompagnées d'une demande de rabat de clôture, destinées à la cour et que l'intimée a transmis par voie électronique de nouvelles conclusions le 4 mai 2023.

Par arrêt du 28 septembre 2023, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture rendue par le conseiller de la mise en état, ordonné la réouverture des débats, renvoyé à l'audience du 9 janvier 2024 pour clôture et plaidoiries et réservé les demandes et les dépens.

Dans ses dernières conclusions n°2 renvoyées au greffe par voie électronique le 15 décembre 2023, Mme [P] demande à la cour de :

- débouter la société de sa demande relative à l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel du 30 juillet 2021;

par conséquent,

- infirmer le jugement ;

et, par conséquent,

- dire son licenciement comme étant sans cause réelle ni sérieuse ;

- dire son licenciement comme ayant été réalisé dans des conditions vexatoires ;

et, par conséquent :

- condamner la société au paiement des sommes suivantes :

* 345,59 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (article 43 de la convention collective susmentionnée) ;

* 10 367,76 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

* 1 727,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 mois : article 23 de la convention collective susmentionnée) ;

* 3 455,92 euros à titre de dommages et intérêts pour les circonstances vexatoires de la mesure de licenciement ;

* 172,80 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis ;

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel ;

* intérêts au taux légal avec anatocisme.

Dans ses dernières conclusions n°4 reçues au greffe par voie électronique le 8 janvier 2024, la société demande à la cour de :

à titre principal :

- constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel ;

- confirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions ;

à titre subsidiaire :

- confirmer l'ensemble des dispositions du jugement ;

- condamner Mme [P] au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel

La société soutient que Mme [P] n'a pas énuméré les chefs de jugement critiqués dans sa déclaration d'appel c'est-à-dire ceux qui ont été effectivement tranchés par le conseil de prud'hommes et donc ceux qui figurent au dispositif du jugement.

Ce à quoi Mme [P] réplique que le jugement est laconique en ce qu'il indique seulement qu'elle est déboutée de l'intégralité de ses demandes de sorte qu'il est nécessaire de reprendre les prétentions de première instance pour que la cour sache ce qui est critiqué. Elle réplique encore que qu'il est faux de prétendre que la déclaration d'appel ne fait que reprendre les prétentions de première instance alors que l'une des prétentions a été abandonnée.

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Suivant l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

(...)

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.

En l'espèce, la déclaration d'appel de Mme [P] est ainsi rédigée :

'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués :

1°) Rejet de la demande de requalification du licenciement de Madame [P] en un licenciement

abusif

2°) Rejet de la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive': 10.367,76 €

3°) Rejet de la demande relative à l'indemnité conventionnelle de licenciement': 345,59 €';

4°) Rejet de la demande d'indemnité compensatrice de préavis pour un montant de 1.727,96 €';

5°) Rejet de la demande d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis d'un montant de 172,80 €';

6°) Rejet de la demande relative aux circonstances vexatoires de la mesure de licenciement : 3.455,92 €;0

7°) Rejet de la demande d'article 700 du Code de procédure civile': 2.000 €';

8°) Rejet de la demande de condamnation aux dépens de l'instance.'

Mme [P] a réitéré cette énumération dans les mêmes termes dans une annexe.

Contrairement à ce que soutient la société, Mme [P] n'a pas simplement énuméré tout ou partie des demandes soumises en première instance mais la réponse apportée par le conseil de prud'hommes en explicitant la portée de la formule la déboutant de l'ensemble de ses demandes.

Dès lors, la déclaration d'appel a opéré un effet dévolutif. La cour est saisie et la demande de la société tendant à voir dire qu'il n'y a pas eu d'effet dévolutif sera rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

' Madame,

Par courrier du 21 février 2013 nous vous avons convoquée à un entretien préalable à une éventuelle procédure de licenciement fixé le 02 mars 2013 auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Souhaitant vous entendre en vos explications nous vous avons une nouvelle fois convoquée le 12 mars 2013 à un entretien à une éventuelle procédure de licenciement par courrier du 04 mars 2013.

Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien sans pour autant justifier de votre absence.

Nous tenons préalablement à vous rappeler les faits qui ont conduit à cette convocation.

Nous avons constaté la création et l'utilisation atypiques de chèques fidélité (émis après 5 achats) que vous avez enregistrés.

A titre d'exemple sans que cette liste ne soit exhaustive.

Le 17 janvier 2013 :

- un chèque fidélité n° [Numéro identifiant 5] a été émis au nom de M. [G] [R]. Ce chèque a été utilisé par M. [BR] [S] le 26 janvier 2013 (réparation montre).

- un chèque fidélité n° [Numéro identifiant 6] a été émis au nom de Mme [J] [U]. Ce chèque a été utilisé le 19 janvier 2013 par Mme [N] [X].

Le 18 janvier 2013 un chèque fidélité N° [Numéro identifiant 7] a été émis au nom de Mme [K] [M]. Ce chèque a été utilisé le 26 janvier par Monsieur [L] [OE] (achat pendentif or)

Le 24 janvier 2013 un chèque fidélité N° [Numéro identifiant 8] a été émis au nom de M. [I] [T] et a été utilisé le 26 janvier 2013 par Mme [F] [O] le 26 janvier 2013 (achat montre Guess)

Le 26 janvier 2013 :

- un chèque fidélité au nom de M. [Y] [W] n° [Numéro identifiant 9] a été émis et utilisé le 26 janvier 2013 par M. [L] [OE] (achat pendentif or)

- un chèque n° [Numéro identifiant 10] a été émis au nom de Mme [C] [V]. Ce chèque a été utilisé le 26 janvier 2013 par M. [BR] [S] (réparation montre).

A la lecture des exemples ci-dessus, nous pouvons constater des anomalies flagrantes dans l'utilisation des chèques fidélités. En effet, les chèques fidélité ne sont pas utilisés par les clients qui devraient en être en possession mais de plus, les clients utilisateurs possèdent dès chèques fidélités établis à des noms différents. Ainsi, Monsieur [L] qui utilise deux chèques fidélités au nom de Mme [Z] et M. [Y] pour acheter un pendentif en or ou encore M. [BR] [S] qui détient deux chèques fidélités au nom de M. [G] et Mme [C] qu'il utilise pour une réparation de montre.

Les émissions et les utilisations des chèques fidélités ont été effectiés lors de votre présence sur le point de vente et sous votre code vendeur.

Ces faits établissent une manipulation et un détournement de chèques fidélités à votre profit qui ne sont pas tolérables.

En effet, les faits ci-dessus établissent un déclenchement de chèques fidélités par enregistrement d'une vente sur le compte d'un client ayant déjà effectué 4 achats, et l'utilisation du chèque fidélité sur le compte d'un autre client à des fins personnelles.

Ce détournement de chèque fidélité a lésé d'une part notre clientèle et crée un préjudice commercial pour notre société.

Ces faits, sont de nature à remettre en cause inévitablement la confiance placée en vous lors de votre embauche au sein de notre Société, nous considérons qu'il n'est plus possible de poursuivre nos relations contractuelles.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, qui prendra effet à la date de la première présentation de la présente lettre, sans indemnité, ni préavis. (...)'

* sur le bien-fondé du licenciement

Mme [P] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle conteste avoir fait bénéficier les personnes mentionnées dans la lettre de licenciement de chèques de fidélité et soutient ne pas connaître les personnes concernées notamment les bénéficiaires du détournement de ces chèques. Elle fait valoir que la circonstance que les achats aient été enregistrés sous son nom et que son code vendeur apparaissen ne prouve pas qu'elle est l'auteure de ces détournements. A cet égard, elle déclare que les codes vendeur sont connus de tout le monde et qu'ils ne sont pas confidentiels et souligne que l'employeur ne démontre pas qu'elle a été la seule utilisatrice de son code vendeur. Mme [P] rappelle que, dans ces conditions, le doute aurait dû lui profiter d'autant plus que l'employeur ne démontre pas avoir mis en place une procédure claire relativement à ces codes à l'attention des salariés.

Ce à quoi la société réplique que c'est le contrôle interne qui a détecté des anomalies en décembre 2012 et janvier 2013, toujours avec l'utilisation du même code vendeur, à savoir celui de Mme [P]; que c'est en violation d'une note interne connue de Mme [P] que le client utilisateur du chèque n'était pas le client possesseur de ce chèque. La société réplique également que Mme [P] affirme sans aucune preuve qu'elle n'aurait pas été la seule utilisatrice de son code vendeur. Elle réplique encore que les émissions et utilisations enregistrées se sont produites à des dates où Mme [P] était présente dans le magasin.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, les 21 décembre 2012 et 18 février 2013, Mme [B] [D] du service chargé du contrôle interne a alerté Mme [E] [A] d'anomalies sur le magasin '013" concernant des chèques de fidélité utilisés par des clients autres que ceux qui en sont normalement possesseurs et toujours avec le même code salarié '[Numéro identifiant 4] [P] [H]'.

La matérialité des émissions et utilisations des chèques de fidélité litigieux avec le code vendeur de Mme [P] et l'absence d'identité entre le client possesseur et le client utilisateur ne sont pas contestées. Toutefois, la salariée, qui conteste être l'auteur de ces émissions et utilisations, soutient que son code vendeur n'était pas confidentiel et qu'il a pu être utilisé par d'autres personnes. L'employeur qui a la charge de démontrer l'existence d'une faute grave et son imputabilité à la salariée ne produit aucun élément pour justifier du caractère confidentiel du code vendeur attribué à Mme [P] et de l'impossibilité pour une autre pesonne, notamment un autre salarié, de l'utiliser à la place de Mme [P].

Par conséquent, l'employeur étant défaillant dans la démonstration que seule Mme [P] avait pu procéder aux émissions et utilisations litigieuses lorsqu'elle était présente dans le magasin, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les conséquences du licenciement

* sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et de l'article 23 de la convention collective, l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [P] correspond au montant des salaires et avantages que la salariée aurait perçus si elle avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée d'un mois, soit la somme de 1 727,96 euros, outre celle de 172,80 euros au titre des congés payés afférents, que la société sera condamnée à payer à la salariée. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité de licenciement

Mme [P] sollicite le versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement en invoquant, dans ses conclusions, l'article 43 de la convention collective. Toutefois, cet article ne concerne pas l'indemnité conventionnelle de licenciement qui relève, en réalité, de l'article 23.3 de la convention collective qui prévoit :

' Sauf en cas de faute grave ou faute lourde, tel que précisé à l'article L. 122-9 du code du travail, tout salarié licencié recevra une indemnité de licenciement calculée de la manière suivante :

- pour les salariés ayant de 2 à 5 ans d'ancienneté de service : 1/10 de mois par année de présence ; (...)'.

Là encore, contrairement à ce que soutient la salariée, l'indemnité due n'est pas égale à 1/5 de mois de salaire par ancienneté, eu égard à son ancienneté d'un an et un mois.

Par conséquent, en application des articles L. 1234-9, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail dans leur version applicable au litige et eu égard à son ancienneté et à la moyenne des trois derniers de salaire sur le choix de laquelle les parties s'accordent, la société sera condamnée à payer à Mme [P] la somme de 345,59 euros dans la limite du quantum sollicité. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige,

ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

(...)

2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 27 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies - Mme [P] ne produisant aucun élément sur sa situation actuelle - il lui sera alloué, en application de l'article précité, une somme de 5 184 euros, suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur les dommages-intérêts à raison du caractère vexatoire du licenciement

Mme [P] soutient que plusieurs faits sont révélateurs des circonstances vexatoires dans lesquelles son licenciement est intervenu :

- il lui a été demandé de ne plus se présenter à son poste de travail pour provoquer un abandon de poste;

- lorsqu'elle s'est présentée le 27 février 2013 à 9h30, la directrice du magasin s'est opposée à son entrée;

- elle n'a pas eu de réponse à la lettre qu'elle a alors adressée à son employeur le 28 février 2013 et le 18 mars suivant, la société lui a demandé de justifier son absence;

- sur les plannings, elle apparaissait avec la mention 'AI' soit absence injustifiée à l'avance.

Ce à quoi la société réplique que le 27 février 2013, la directrice du magasin était en repos selon le planning prévisionnel versé aux débats par Mme [P] et que celle-ci ne produit aucun autre élément de nature à étayer ses allégations. Elle réplique également que Mme [P] n'a pas contesté le bulletin de salaire de mars 2013 faisant apparaître une absence du 9 au 22 mars.

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l'espèce, Mme [P] ne produit que des lettres émanant d'elle et datées respectivement des 28 février et 11 mars 2013 sans que ses allégations de demande d'abandon de poste ou d'humiliation ne soient étayées par des éléments extérieurs alors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, elle sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens de première instance et en appel, la décision des premiers juges étant infirmée sur les dépens.

La société sera également condamnée à payer à Mme [P] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles pour la première instance et l'appel, la décision des premiers juges étant infirmée en ce qu'elle a débouté la salariée de sa demande à ce titre et confirmée en ce qu'elle a débouté la société à ce même titre.

Enfin, la société sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

Dit que la déclaration d'appel a opéré l'effet dévolutif et que la cour est saisie ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [H] [P] de sa demande en dommages-intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture et de sa demande au titre des frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [H] [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Thom à payer à Mme [H] [P] les sommes suivantes :

* 1 727,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

* 172,80 euros au titre des congés payés afférents;

* 345,59 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement;

* 5 184 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Thom à payer à Mme [H] [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes;

Condamne la société Thom aux dépens de première instance et en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/07056
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.07056 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award