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24/04/2024 | FRANCE | N°22/16532

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 24 avril 2024, 22/16532


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° /2024, 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16532 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOBP



Décision déférée à la Cour : jugement du 31 octobre 2017 - tribunal de grande instance de Paris - RG 14/15585

Réinscription après radiation du 5 octobre 2021 - Cour d'Appel de Paris - RG n° 18/00217





APPELANTE


>S.A.R.L. SOCIETE AUXILIAIRE BORDELAISE DE RESTAURATION IMMOBILIERE prise en personne de ses représentants domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 2]



Représen...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° /2024, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16532 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOBP

Décision déférée à la Cour : jugement du 31 octobre 2017 - tribunal de grande instance de Paris - RG 14/15585

Réinscription après radiation du 5 octobre 2021 - Cour d'Appel de Paris - RG n° 18/00217

APPELANTE

S.A.R.L. SOCIETE AUXILIAIRE BORDELAISE DE RESTAURATION IMMOBILIERE prise en personne de ses représentants domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Sébastien COURTIER de la SELASU ARTIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1505

INTIMES

S.C.I. DU [Adresse 3] prise en personne de ses représentants domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Melinda VOLTZ de la SELAS CMH - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : 88, substituée à l'audience par Me Moncef SMATI

Monsieur [E] [W]

[Adresse 5]

[Localité 6]

N'a pas constitué avocat - Signification de la déclaration d'appel le 8 mars 2018 par procès-verbal de recherches infructueuses

INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.E.L.A.R.L. PHILEA en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE AUXILIAIRE BORDELAISE DE RESTAURATION IMMOBILIERE, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sébastien COURTIER de la SELASU ARTIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1505

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [Y] [V] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

- défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Ludovic JARIEL, président et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 30 décembre 2009, la société civile immobilière [Adresse 3] (la société Rapin), a été constituée pour l'acquisition de l'ancienne aumônerie de [Localité 9], ensemble immobilier sis à [Localité 10] et inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Le même jour, elle a passé, via son gérant M. [W], un marché de travaux tous corps d'état avec la société auxiliaire bordelaise de réhabilitation immobilière (la société Sabrimo), dont le gérant était M. [P], portant sur la réalisation et la coordination des travaux de réhabilitation de l'immeuble, pour un prix forfaitaire de 1 637 566,51 euros TTC.

Le 30 décembre 2009, l'assemblée générale ordinaire de la société Rapin, présidée par M. [W], son gérant statutaire, a voté le budget de réhabilitation de l'immeuble à hauteur de 1 745 059 euros, comprenant les honoraires de maîtrise d''uvre de l'architecte, le coût des travaux, les honoraires du coordonnateur SPS, ainsi que les résolutions relatives à l'attribution des budgets aux intervenants et la validation de l'acte d'engagement de la société Sabrimo.

Le même jour, l'assemblée générale ordinaire de la société Rapin a approuvé le contrat de la société Forum conseil pour sa mission de conseil à investisseur pour un montant de 7 508 euros TTC.

Les budgets étaient ainsi décomposés :

- maîtrise d''uvre : 95 089,26 euros TTC,

- assistance à maîtrise d'ouvrage, association Pact Indre et Loir : 5 133,23 euros TTC,

- entreprise générale, société Sabrimo : 1 637 567 euros TTC,

- Cabinet expertise ingénierie (CEI), coordonnateur SPS : 4 853 euros TTC.

Les travaux confiés à la société Sabrimo étaient divisés en 18 lots et devaient être réalisés, en ce qui concerne les travaux de toiture et le traitement de l'ensemble des façades, conformément aux prescriptions de l'architecte des bâtiments de France.

Le 20 avril 2010, la société Rapin a signé un contrat de mission de coordonnateurs SPS avec le CEI.

Le 14 septembre 2010, la société Rapin a signé un contrat d'architecte pour travaux sur existants avec la société Atelier B. [S].

Le 9 novembre 2010, la société Rapin a signé une convention d'assistance à maîtrise d'ouvrage n° 1 avec l'association Pact d'Indre et Loir, agréée comme organisme à l'initiative d'opérations de restauration immobilière situées dans un secteur sauvegardé ou une zone de protection du patrimoine architectural et urbain et paysager (ZPPAUP) en Indre-et-Loire pour l'application du régime spécial d'imputation des déficits fonciers.

Les travaux n'ont pas été réceptionnés.

Le 20 mars 2013, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le conseil des associés de la société Rapin a sollicité de la société Sabrimo des informations concernant l'achèvement des travaux et l'état des comptes avec les sous-traitants.

Le 4 avril 2013, en réponse, la société Sabrimo a réclamé la somme de 101 507 euros au titre des travaux supplémentaires relatifs à la corniche en pierre et la charpente neuve et un solde de marché de 99 237 euros.

Le 10 septembre 2013, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le conseil de la société Rapin mettait en demeure la société Sabrimo concernant la date de reprise des travaux et leur achèvement et rappelait le caractère forfaitaire du marché et l'existence de pénalités de retard contractuelles.

Le 26 septembre 2013, la société Sabrimo renvoyait sa réponse du 4 avril 2013 et indiquait le nom de son conseil.

Le 8 octobre 2013, la société Rapin a désigné M. [R], associé, en qualité de gérant en remplacement de M. [W].

Le 21 février 2014, la société Rapin a fait dresser par la société Alliance huissiers un constat d'état des lieux du chantier.

Le 18 avril 2014, la société Rapin a assigné, la société Sabrimo et M. [W] devant le tribunal de grande instance de Paris en indemnisation de différents préjudices.

Par jugement du 31 octobre 2017, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Condamne M. [W] à payer à la société Rapin les sommes de :

- huit mille sept cent soixante euros (8 760 euros) au titre du rattrapage de comptabilité ;

- neuf mille cent quatorze euros et cinquante-deux centimes (9 114, 52 euros) au titre de la restitution des sommes non dues ;

Condamne in solidum la société Sabrimo et M. [W], à payer à la société Rapin la somme de cent un mille six cent cinquante euros (101 650 euros) au titre de la facture réglée à la société Ferrand ;

Condamne la société Sabrimo à payer à la société Rapin les sommes de :

- cent-quarante-neuf mille-dix-huit euros et soixante centimes (149 018, 60 euros) au titre des pénalités de retard ;

- trois-cent-soixante-deux-mille-huit-cent-trente-quatre euros et soixante-dix-neuf centimes (362 834, 79 euros) à titre de dommages et intérêts du fait des travaux de reprise ;

- soixante-quatre-mille-deux-cent-soixante euros (64 260 euros) à titre de dommages et intérêts du fait de la perte de loyers ;

Déboute la société Rapin du surplus de ses demandes et notamment de ses demandes indemnitaires plus amples, de sa demande de condamnation solidaire avec M. [W] pour ses demandes indemnitaires et de sa demande de remboursement de la facture de l'entreprise Jallais ;

Déboute la société Sabrimo de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne in solidum M. [W] et la société Sabrimo à payer à la société Rapin la somme de quatre mille euros (4 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [W] et la société Sabrimo, aux dépens et en autorise la distraction au profit de Me [B] dans les termes prévus par l'article 699 du code de procédure civile.

Le 21 décembre 2017, la société Sabrimo a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- la société Rapin,

- M. [W].

Le 2 décembre 2020, la société Sabrimo a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Le 10 février 2021, la société Sabrimo a été placée en liquidation judiciaire.

Le 13 avril 2021, la société Rapin a assigné en intervention forcée la société Philéa, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Sabrimo, et elle a déclaré sa créance à l'encontre de la société Sabrimo.

Le 4 mai 2021, en application des dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce l'instance a été interrompue, par une ordonnance du conseiller de la mise en état car le mandataire judiciaire a indiqué ne pas vouloir reprendre l'instance.

Le 5 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire.

Le 30 septembre 2022, la société Philea, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sabrimo, a déposé une requête aux fins de réinscription de l'affaire après radiation afin de pouvoir intervenir volontairement dans la procédure d'appel initiée par la société Sabrimo et reprendre l'ensemble des demandes formulées par celle-ci dans ses conclusions d'appelant.

L'affaire enregistrée précédemment sous le numéro RG 18/00217 a été enregistrée sous le numéro RG 22/16532.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2022, la société Philea, ès qualités, demande à la cour de :

Recevoir la société Philea, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sabrimo en son intervention volontaire,

Infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société Rapin de sa demande de remboursement de la facture émise par la société Jallais,

Et statuant à nouveau de :

Dire et juger que la société Sabrimo n'a commis aucune faute dans l'exécution du marché de travaux,

Débouter la société Rapin de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions telles que dirigées à l'encontre de la société Sabrimo,

A titre reconventionnel,

Recevoir la société Philea, ès qualités, en ses demandes et l'y dire bien fondée,

En conséquence,

Dire et juger que la société Rapin a modifié de façon unilatérale le marché de travaux initialement convenu entre les parties,

Condamner la société Rapin à régler à la société Philea, ès qualités, les sommes suivantes :

- 101 707,88 euros au titre des travaux supplémentaires outre intérêts au taux légal à compter du 7 février 2012,

- 32 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la prise en charge du gardiennage de l'immeuble pendant une période de 16 mois, du fait de la société Rapin,

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices liés à l'allongement de la durée du chantier, du fait de la société Rapin,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices liés à la rupture fautive du contrat par la société Rapin et au non-respect par cette dernière de ses engagements,

- 120 009,95 euros en remboursement des honoraires versés à la société Forum conseil pour le compte de la société Rapin.

En tout état de cause,

Condamner la société Rapin à verser à la société Philea, ès qualités, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ceux-ci distraits au profit de Me Baechlin, avocat, sur son affirmation de droit (article 699 du code de procédure civile).

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2022, la société Rapin demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a reconnu que la société Sabrimo a failli à ses obligations et a commis des fautes dans l'exécution du contrat la liant à la société Rapin,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a reconnu que M. [W] a commis des fautes dans l'exercice de son mandat de gérant,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a solidairement condamné M. [W] et la société Sabrimo à payer à la société Rapin :

- 101 650 euros au titre de la facture réglée à la société Ferrand ;

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 1ère instance ;

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a condamné M. [W] à payer à la société Rapin :

- 8 760 euros au titre du rattrapage de comptabilité ;

- 9 114,52 euros au titre de la restitution des sommes non dues ;

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a condamné la société Sabrimo à payer à la société Rapin :

- 149 018,60 euros au titre des pénalités de retard ;

- 362 834,79 euros à titre de dommages et intérêts du fait des travaux de reprise ;

- 64 260 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la perte des loyers ;

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a débouté la société Sabrimo de l'intégralité de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

Condamner solidairement M. [W] et Sabrimo à verser à la société Rapin 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner solidairement M. [W] et Sabrimo aux dépens, dont distraction au profit de Me [B] dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Le 8 mars 2018, la société Sabrimo a signifié sa déclaration d'appel à M. [W] suivant les modalités prévues par l'article 659 du code de procédure civile et celui-ci n'a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 30 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 février 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

A titre liminaire

Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel.

Il en résulte que lorsque l'appelant se borne, dans le dispositif de ses conclusions, à conclure à l'infirmation d'un jugement, sans formuler de prétention sur les demandes tranchées dans ce jugement, la cour d'appel, qui n'est pas saisie de prétention relative à ces demandes, ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 5 décembre 2013, pourvoi n° 12-23.611, Bull. 2013, II, n° 230 ; 2e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 19-12.244, publié au Bulletin).

Dans ses conclusions de reprise d'instance et d'intervention volontaire, la société Philéa, ès qualités, demande l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société Rapin de sa demande de remboursement de la facture émise par la société Jallais.

Les demandes de la société Philéa, ès qualités, incluent donc la demande d'infirmation des condamnations propres à M. [W] lequel ne comparaît pas en appel alors que la déclaration d'appel lui a été signifiée le 8 mars 2018 à la requête de la société Sabrimo.

La société Philéa ne présentent toutefois pas de prétentions tendant au rejet des demandes en condamnation présentées par la société Rapin à l'encontre de M. [W].

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Sabrimo

Moyens des parties

La société Philéa, ès qualités, soutient que la société Sabrimo n'a commis aucune faute dans l'exécution du marché de travaux à forfait signé avec la société Rapin et qu'en sa qualité d'entreprise générale de travaux, celle-ci exécutait les travaux sous la responsabilité de l'architecte et qu'il n'y avait aucune confusion avec la mission des autres intervenants au projet de rénovation.

Elle précise que l'objet du marché à forfait était limité à la réalisation et la coordination de travaux qui n'incluaient ni les parties extérieures des bâtiments, ni la construction ou la reconstruction à neuf.

Elle met à la charge du maître d'ouvrage, le changement de programme induisant des travaux supplémentaires qui ont dû être facturés concernant la remise à neuf des planchers pour 20 467 euros TTC, la création de trois lucarnes neuves pour 43 865,84 euros TTC, la dépose de la corniche existante au profit d'une corniche en pierre neuve pour 37 175, 04 euros.

Elle ajoute que la société Rapin a demandé le changement substantiel des plans en cours d'exécution à plusieurs reprises et particulièrement la distribution intérieure des lots n° 3, 5 et 6 le 7 octobre 2011 ; les lots n° 3 et 6 le 14 novembre 2011 ; les lots n° 1, 4 et 6 le 27  janvier 2012 et que les lots n° 5 et 6 se sont trouvés affectés par des changements de distribution intérieure avec les plans du 7 février 2012.

L'appelante prétend que la société Sabrimo a dû attendre la réalisation des travaux de pose des menuiseries pour pouvoir à nouveau intervenir et que le retard de chantier n'est dû qu'à l'immixtion directe de la société Rapin dans la conduite des travaux mettant l'entreprise dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution du marché.

Elle impute également au maître d'ouvrage la rupture unilatérale du contrat d'entreprise.

La société Philéa, ès qualités, maintient que le retard de chantier étant exclusivement imputable à la société Rapin, celle-ci ne peut réclamer des pénalités de retard contractuelles en ce qu'elle a modifié le marché initial et s'est immiscée dans la réalisation des menuiseries extérieures empêchant l'entreprise d'intervenir sur le chantier.

De son côté, la société Rapin revient sur les liens étroits proches entre la société Sabrimo, son gérant et M. [W] et la société Forum conseil. Elle affirme s'être entourée de ces professionnels pour réhabiliter l'immeuble conformément aux prescriptions de l'architecte des Bâtiments de France compte tenu de l'inscription de celui-ci à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH).

Elle affirme que les contraintes du projet immobilier en cause qui rentrait dans une opération de défiscalisation des monuments historiques avec une demande de subvention de l'Anah, étaient connues de tous les intervenants.

Elle fait valoir que la société Sabrimo est responsable d'avoir pris des décisions contraires à l'intérêt de la société Rapin dans l'exécution de ses missions de réalisation et de coordonnateur des travaux.

Elle lui impute le retard dans l'exécution de travaux, la facturation de travaux supplémentaires indument mis à sa charge, l'inachèvement du chantier alors que le prix forfaitaire était presque totalement encaissé.

Elle soutient que les fautes de la société Sabrimo ont causé un coût supplémentaire de 460 000 euros alors que l'entreprise était tenue d'une obligation de résultat.

Elle conteste les travaux supplémentaires de menuiseries et de maçonnerie facturés par la société Sabrimo pour 106 761,12 euros, qu'elle a néanmoins réglés alors même qu'elle ne les avait pas acceptés et qu'ils n'avaient pas été proposés par le maître d''uvre. Elle estime que le paiement de ces travaux supplémentaires relatifs à la menuiserie a eu pour effet que la société Sabrimo conserve le prix relatif à cette prestation qui était incluse dans le marché à forfait.

Elle souligne que les factures Jallais sont libellées à l'ordre de la société Sabrimo et qu'il s'agit de travaux de transformation de porte-fenêtre qui résultent d'une erreur de la société Sabrimo qui n'a pas mis en 'uvre les prestations correspondant aux contraintes des architectes de Bâtiments de France.

Elle s'appuie sur le constat d'huissier du 21 février 2014 pour démontrer que le chantier était abandonné à cette date avec de nombreuses non-façons alors même qu'elle avait déjà réglé 99 % du prix du marché à la société Sabrimo.

Cette situation a engendré une reprise des travaux par une société tierce occasionnant un coût supplémentaire.

Elle conteste son immixtion dans le chantier en soutenant que la modification des plans en cours de chantier avait été minime et ne justifiait pas un allongement des délais.

Elle estime que son préjudice résulte du coût des travaux supplémentaires pour 101 650 euros au titre de la facture réglée à la société Ferrand, du retard dans l'exécution des travaux et de l'inachèvement des travaux pour 149 018,60 euros au titre des pénalités de retard, de la perte de loyers pour 64 260 euros.

Réponse de la cour

En application de l'article 1787 du code civil, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation du prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d''uvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

Selon les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, le 30 décembre 2009, les sociétés Rapin et Sabrimo ont conclu un marché de travaux par lequel l'entreprise s'engageait à exécuter pour le maître d'ouvrage la réalisation et la coordination de travaux décomposés en huit lots moyennant un prix global et forfaitaire non révisable de 1 637 566, 51 euros dans un délai de 18 mois commençant au plus tard dans le mois de réception de l'ordre de service.

Selon le devis du 30 décembre 2009 de la société Sabrimo, la réalisation et la coordination des travaux de remise en état des bâtiments ne concernaient pas les parties extérieures de ceux-ci.

Les travaux de toiture et de traitement de l'ensemble des façades devaient être réalisés conformément aux prescriptions de l'architecte de Bâtiments de France, l'architecte concepteur étant en charge de la conception architecturale et technique de l'ouvrage, du suivi des travaux, du contrôle des situations et de la réception de l'ouvrage.

La société Sabrimo reconnaissait dans le contrat avoir pris connaissance des lieux et des sujétions d'urbanisme et dans son acte d'engagement, qu'elle avait pris connaissance de l'avant-projet définitif établi par l'architecte, qu'elle se conformait au descriptif des travaux et au devis décomposant le prix global et forfaitaire.

- Les travaux supplémentaires contestés

Les travaux supplémentaires contestés correspondent aux travaux de menuiseries extérieures facturés le 8 novembre 2012 par la société Ferrand pour la somme de 101 650 euros.

Les factures de la société Jallais des 13 et 14 mars 2012 pour une transformation de porte-fenêtre en fenêtre, une protection au sol et un échafaudage pour un montant de 4 609,14 euros TTC et 501,08 euros TTC, ne sont pas dans le débat.

Aux termes de la clause 5.2 du marché, les travaux supplémentaires non prévus au marché et acceptés par le maître d'ouvrage sur proposition du maître d''uvre étaient réglés sur la base de prix unitaires des architectes Ed93, affectés des coefficients en vigueur au premier jour du mois précédent la date de remise des propositions, frappées d'un rabais de 20 % et faisaient l'objet d'une facture séparée des situations.

Le 10 mai 2012, la société Rapin a signé un marché de gré à gré avec la société Ferrand selon devis du 25 avril 2012, pour des travaux supplémentaires de menuiseries extérieures des appartements 1, 2, 3, 4, 5 alors même que le marché à forfait prévoyait ces prestations dans le lot n° 7 attribué à la société Sabrimo : " Suivant prescriptions du PSMV, remise en état ou remplacement si cela est nécessaire de toutes les menuiseries extérieures des façades (y compris pièces d'appuis, dormants et jets d'eau) et de leurs quincailleries ; la qualité des bois employés sera du bois dur exotique. Reconstitution des fenêtres à petits bois (voir plans) avec fourniture et pose de bouches d'entrée d'air. "

Il n'est pas contesté que la facture de la société Ferrand a été payée par la société Rapin même si, lors de la réunion du 18 décembre 2012, les associés ont refusé prendre en charge ces travaux compte tenu du caractère forfaitaire du marché, s'étonnant de la décision unilatérale de la gérance de la régler directement sans en informer les associés.

Il résulte de ces éléments que représentée, à l'époque, par son gérant M. [W], désigné dans ses statuts en qualité de premier gérant de la société pour une durée indéterminée ayant qualité pour engager la société par les actes entrant dans son objet social, a accepté de façon expresse et non équivoque les travaux supplémentaires ainsi réalisés, en signant un marché de gré à gré, puis en procédant au paiement de la facture de la société Ferrand pour des menuiseries extérieures dont l'éventuel remplacement était pourtant inclus dans le marché à forfait (3e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 17-10.913).

Ainsi, le maître d'ouvrage qui a accepté de façon expresse et non équivoque des travaux supplémentaires en concluant un marché de gré à gré avec la société Ferrand et en procédant au paiement de la prestation, ne peut réclamer le remboursement de ce règlement à la société Sabrimo.

En conséquence, le jugement du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Paris sera infirmé en ce qu'il condamne la société Sabrimo, in solidum avec M. [W], à payer à la société Rapin la somme de 101 650 euros au titre de la facture réglée à la société Ferrand.

Il sera ajouté que la société Sabrimo n'est pas redevable à l'égard de la société Rapin du paiement de la somme de 101 650 euros au titre de la facture réglée à la société Ferrand.

- Les retards d'exécution

Il n'est pas établi par la société Sabrimo que l'arrêt des travaux est dû à la recherche de solutions techniques ou d'adaptation à des modifications substantielles des plans qui serait due aux tergiversations du maître d'ouvrage.

Dans le compte-rendu OPC de la réunion n° 73 du 7 février 2013, la société Sabrimo indique que les travaux ne pourront pas être exécutés sans les plans et avis concernant l'appartement 6 et le détail de la porte-fenêtre du 1 ; elle précise qu'elle ne peut travailler que ponctuellement et qu'elle ne peut pas établir de plan de finition sans les plans et les devis de travaux complémentaires signés " bon pour accord ".

Dans le compte-rendu n° 74 du 21 février 2013, elle sollicite l'avis du client sur les plans de M. [S] pour l'appartement n° 6 et réitère sa demande d'accord sur les devis des travaux complémentaires communiqués depuis début novembre 2012 nécessaires, selon elle, à la bonne fin des travaux.

Aucune précision n'est donnée dans les comptes-rendus de réunion sur ces travaux complémentaires mais il est établi par les pièces que ceux-ci concernent : la réalisation d'une charpente neuve pour 64 332,85 euros TTC et d'une corniche en pierre neuve 37 175,04 euros TTC.

Le paiement de la somme de 101 707,88 euros pour ces travaux supplémentaires selon deux factures du 28 juin 2011, avait été sollicité par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par la société Sabrimo à la société Rapin, le 7 février 2012 puis réclamé à nouveau le 4 avril 2013.

La société Philéa, ès qualités, ne démontre pas en quoi ces travaux complémentaires devaient être préalables à l'exécution des aménagements intérieurs et interdisaient à la société Sabrimo d'exécuter techniquement ses prestations et de respecter le planning du chantier.

Déjà le 17 avril 2012, l'architecte interpellait la société Sabrimo en indiquant qu'elle ne semblait pas pouvoir engager ses sous-traitants et que le chantier ne pouvait pas continuer à un rythme normal, il sommait l'entreprise de préciser ses échéances pour poursuivre ou non ces travaux et lui demandait d'indiquer une fin probable du chantier.

La signature par la société Rapin du marché de gré à gré avec la société Ferrand du 10 mai 2012 fait suite à un courrier de l'architecte à la société Rapin du 19 mars 2012 qui indiquait que le chantier se déroulait avec beaucoup de difficultés, qu'il y avait une dérive du planning et que la mise en 'uvre des doublages et des cloisons sans la fermeture des fenêtres était contraire au bon déroulement du chantier et que la question des fenêtres devait être réglée au plus vite.

Il résulte de la lettre recommandée adressée par la société Sabrimo au conseil de la société Rapin le 4 avril 2013 que la question des travaux supplémentaires n'était pas un sujet technique mais économique.

Ainsi, l'appelante ne démontre pas en quoi la modification des plans pour bénéficier de la subvention de l'Anah était substantielle au point de conditionner l'exécution de ses obligations contractuelles au regard des 18 lots dont elle avait la charge, pas plus que les travaux supplémentaires étaient déterminants pour la poursuite de ses prestations sur le chantier.

Il n'est pas établi par la société Sabrimo que l'arrêt des travaux est dû à la recherche de solutions techniques ou d'adaptation à des modifications substantielles des plans qui serait due aux tergiversations du maître d'ouvrage.

En conséquence, la société Sabrimo a bien commis des fautes dans l'exécution du marché en n'exécutant pas des prestations contractuelles dont elle avait la charge, en bloquant l'évolution du chantier pour des motifs purement financiers pour finalement l'abandonner totalement.

En effet, par un message électronique du 7 janvier 2013, M. [W] indiquait qu'il n'avait pas obtenu d'information sur l'état d'avancement du chantier et que pour achever celui-ci la société Sabrimo réclamait le coût des travaux à réaliser et le règlement des sous-traitants directement par la société Rapin.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mars 2013, le conseil de la société Rapin demandait à la société Sabrimo de lui indiquer à quelle date elle serait en capacité de reprendre et d'achever les travaux du chantier.

En réponse, par une lettre du 4 avril 2013, la société Sabrimo réclamait le paiement des travaux supplémentaires et du solde du marché.

La société AP métallerie facturait à la société Sabrimo, le 26 avril 2013, la fourniture et la pose d'une serrure à souder pour la fermeture du portail métallique du chantier, laquelle était changée le 21 février 2014 par la société Rapin.

Par mise en demeure du 10 septembre 2013, le conseil de la société Rapin indiquait que le chantier inachevé était au point mort, rappelait les pénalités de retard contractuelles et sollicitait une date de reprise et d'achèvement des travaux.

En réponse, la société Sabrimo faisait connaître le nom de son conseil.

Le procès-verbal d'huissier que la société Rapin a fait établir le 21 février 2014 démontre que le chantier était à cette date vide et largement inachevé.

Ainsi, le déroulé des faits et les échanges entre les parties démontrent que la société Sabrimo a commis une faute contractuelle en abandonnant le chantier dès 2013.

- Les indemnités de retard contractuelles

La clause 5.4 du marché à forfait prévoit qu'au cas où les travaux ne seraient pas exécutés dans les délais fixés au planning, et sans mise en demeure préalable sur simple confrontation, de la date d'achèvement des travaux avec la date d'expiration du délai contractuel, il sera appliqué une pénalité calculée au taux de 1/1000 du montant des travaux par semaine de retard.

En l'espèce, la société Philéa, ès qualités, conteste le principe des pénalités de retard sans en discuter le montant.

De son côté, la société Rapin conteste le point de départ fixé par le jugement en sollicitant un montant de 320 852 euros pour 196 semaines de retard, mais parallèlement, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Sabrimo à lui payer la somme de 149 018, 60 euros soit des pénalités contractuelles calculées sur 91 semaines.

En l'absence d'élément nouveau et par adoption des motifs du jugement, le point de départ fixé à la date du devis de réhabilitation par une société tierce, sera ainsi retenu avec des pénalités de retard calculées sur 91 semaines.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

- La perte des loyers

L'immeuble réhabilité devait permettre la mise en location des 6 appartements rénovés et la société Rapin sollicite l'indemnisation sur 45 mois à 21 euros le m².

Cependant, parallèlement, elle demande la confirmation du jugement sur ce point qui a retenu le même délai que pour les pénalités de retard soit 21 mois ou 91 semaines et donc une somme de 64 260 euros.

En l'espèce, la société Philéa, ès qualités n'apporte pas d'élément pour contester le montant octroyé au titre de la perte des loyers.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties et il y a lieu de retenir la somme de 64 260 euros.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

- Les travaux de reprise

La société Rapin demande la confirmation du jugement qui a fixé le montant des travaux de reprise au montant du devis Projedis, avec intervention de la Batec en qualité de SPS, de l'Apave comme contrôleur technique et de M. [S] en qualité d'architecte, à 462 071,19 euros, somme dont il a déduit la part non réglée à la société Sabrimo sur le marché initial soit 99 237 euros.

La société Philéa, ne peut pas contester le principe de la charge de réalisation des menuiseries extérieures puisque ces prestations étaient bien incluses dans le marché à forfait dans le lot n° 8.

Même s'il ne peut être imputé à la société Sabrimo le montant des travaux de reprise correspondant à des lots et des prestations dont elle n'avait pas la charge, la société Philéa, ès qualités, ne chiffre pas la ventilation qu'elle opère concernant les postes qu'elle souhaite exclure et notamment les travaux de la cour intérieure, des murs de clôture, le traitement du mur de clôture et la création d'une rampe handicapée dans la cour intérieure, le raccordement de l'immeuble aux réseaux publics, les travaux de construction ou de reconstruction à neuf ayant pour objet les façades des bâtiments, le gros 'uvre, la charpente, la couverture.

Ainsi, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties et il y a lieu de retenir le calcul établi en première instance soit la somme de 362 834,79 euros au titre des travaux de reprise.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Rapin

Moyens des parties

La société Philéa, ès qualités, soutient que la société Rapin a modifié la nature des travaux contractuels définis dans le marché à forfait en recourant à un financement auprès de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah).

Elle en infère que la modification des travaux a eu pour effet de rendre les travaux initialement prévus incompatibles avec les exigences de l'Anah notamment en ce qui concerne la mise en place dans tous les logements d'un chauffage individuel au gaz naturel et un objectif de performance énergétique pour l'ensemble des menuiseries extérieures, ces nouvelles prescriptions étant incompatibles avec les prestations techniques contractuellement prévues par le marché concernant les lots " menuiseries -bois " et " chauffage électrique ".

S'agissant du lot " menuiseries-bois ", l'appelante relève que les prescriptions du service départemental de l'architecture et du patrimoine (Sdap) de la ville de [Localité 10] étaient connues de tous les participants à la réunion du 7 octobre 2010 et que les objectifs fixés par l'Anah sur le plan thermique ne trouvaient pas de solutions techniques compatibles avec ces contraintes.

Elle en déduit que la prestation contractuelle ne pouvait pas être conservée en l'état et que l'objectif de performance requis pour les menuiseries extérieures imposait la mise en place de menuiseries neuves à double vitrage répondant au cahier des charges spécifiques de l'Anah et excluait de facto toute velléité de restauration des menuiseries d'époque existantes.

Elle fait valoir que, malgré ces incompatibilités, la société Rapin a maintenu la décision de respecter les conditions de l'Anah pour bénéficier de la subvention, ce qui dénote une implication de maître d'ouvrage dans l'exécution du contrat qui a provoqué des retards dans le chantier.

Elle soutient ainsi que la dépose de toutes les menuiseries en façade en cours de travaux par la société responsable du lot " ravalement-taille de pierre " et donc l'exécution de travaux hors marché, la suspension des travaux des lots " menuiseries extérieures-bois ", " chauffage " et " ventilation mécanique contrôlée " jusqu'au 12 novembre 2012, sont imputables à la société Rapin qui les a entrepris.

L'appelante soutient que le maître d'ouvrage s'est ainsi immiscé dans les travaux pendant 25 mois notamment en signant directement un marché de gré à gré avec la société Ferrand d'un montant de 101 650 euros pour la pose de menuiseries neuves en simple vitrage pour respecter la décision de l'architecte des bâtiments de France et qu'ainsi elle n'a pas pu bénéficier de la subvention de l'Anah.

La société Philéa, ès qualités, rappelle que la société Sabrimo n'était pas en charge des travaux de construction ou de reconstruction qui étaient expressément exclus du marché et que les travaux supplémentaires relatifs à la corniche et à la charpente facturés le 28 juin 2011 pour 101 707,88 euros résultent bien d'un changement de programme dû à la société Rapin.

Elle prétend également que les plans ont été modifiés à plusieurs reprises à la demande de la société Rapin durant le déroulement du chantier parfois deux ans après le début des travaux, ce qui engendrait des difficultés pour respecter les plannings s'agissant de modifications substantielles.

Elle en déduit que les règles du forfait ont ainsi cessé de s'appliquer compte tenu des changements incessants et convenus des plans arrêtés à la date de signature du marché.

Elle soutient encore que la société Rapin est à l'origine d'entrave dans la coordination des ouvrages en ce que la société Rapin formulait des exigences sur le mode de chauffage, des observations sur la mise en 'uvre des doublages et des cloisons sans la fermeture des fenêtres.

La société Philéa met également à la charge de la société Rapin la rupture unilatérale du contrat à la date du 21 février 2014 lorsqu'elle a procédé au changement de serrure d'accès au chantier, mettant la société Sabrimo dans l'impossibilité de poursuivre les travaux.

La société Rapin répond que les contraintes liées à la nature des bâtiments à réhabiliter étaient connues dès la signature du marché.

Elle se défend d'une ingérence ayant voulu assurer la reprise des travaux alors que la société Sabrimo a abandonné le chantier et relève que des travaux supplémentaires avaient été commandés sans son accord,

Elle soutient que l'allongement des délais n'est dû qu'à la société Sabrimo qui a volontairement ralentit le chantier pour utiliser le prix du marché pour sa trésorerie et qu'en conséquence les travaux ont pris un retard de trois ans.

Elle fait valoir qu'à aucun moment la société Sabrimo n'a sollicité un avenant alors même qu'elle prétend que les modifications des plans modifiaient l'économie du marché.

Elle s'appuie sur le constat d'huissier du 21 février 2014 pour démontrer que le chantier a été abandonné avec de nombreuses non-façons qui démontrent l'ampleur des travaux qu'il restait à réaliser à cette date alors même qu'elle avait déjà réglé 99 % du prix du marché à la société Sabrimo, lui imposant de faire reprendre les travaux par une société tierce occasionnant un coût supplémentaire.

Réponse de la Cour

Il est fait application des articles 1787 et 1134 et 1147 du code civil, ceux-ci dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil, tels que cités supra.

La preuve de la faute du maître de l'ouvrage qui est de nature à réduire ou à exclure la responsabilité du locateur d'ouvrage, incombe au locateur d'ouvrage.

Une telle faute peut résulter de l'immixtion fautive qui suppose une compétence notoire du maître de l'ouvrage en matière de technique de construction et de bâtiment et des actes positifs d'ingérence, les deux conditions étant cumulatives (3e Civ., 6 mars 2002 pourvoi n° 99-18.016 ; 3e Civ., 6 mai 2008, pourvoi n° 07-13.685 ; 3e Civ., 14 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.638, d'une part ; 3e Civ., 30 mars 1989, pourvoi n° 88-10.145, Bull n° 75 ; 3e Civ., 6 mai 2008, pourvoi n° 07-13.685 ; 3e Civ., 24 mai 2011, pourvoi n° 10-14.801 ; 3e Civ., 4 mars 2014, pourvoi n° 13-10.617, d'autre part).

La société Philéa n'apporte pas d'éléments susceptibles de prouver que la société Rapin avait une compétence notoire en matière de construction puisqu'au contraire celle-ci avait pris soin de s'entourer de professionnels.

Le maître d'ouvrage n'est d'ailleurs intervenu pour signer le marché avec la société Ferrand concernant les menuiseries extérieures qu'après avoir été alerté par l'architecte sur les difficultés du chantier.

La société Philéa n'établit pas, non plus, que le changement de serrure d'accès opéré lors du constat établi à l'initiative de la société Rapin et dont la société Sabrimo a pris acte dans sa lettre du 28 février 2014 constitue une rupture unilatérale du marché à l'initiative fautive du maître d'ouvrage, d'autant que l'entreprise a utilisé ce moyen pour justifier qu'elle n'accèderait plus au chantier alors qu'elle pouvait également ou réclamer la clé ou contester le procédé.

En conséquence, en l'absence de faute contractuelle de la société Rapin, il n'est pas fait droit aux demandes reconventionnelles de la société Philéa, ès qualités.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et la cour rejette toutes les demandes au titre de l'article 700 précité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a condamné la société Sabrimo à payer à la société Rapin, in solidum avec M. [W], la somme de 101 650 euros au titre de la facture réglée à la société Ferrand ;

L'infirme sur ce point et statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande de la société Rapin de condamnation de la société Sabrimo à lui payer la somme de 101 650 euros au titre de la facture réglée à la société Ferrand ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/16532
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;22.16532 ?
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