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24/04/2024 | FRANCE | N°22/08871

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 24 avril 2024, 22/08871


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° /2024 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08871 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYSQ



Décision déférée à la Cour : jugement du 15 mars 2022 - tribunal de commerce de CRETEIL - RG n° 2021F00387





APPELANTE



S.A.S. J.F.GALLIOT - C.VANNIER prise en la personne

de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Sylvie FRANCK de la SELARL FRANCK & LETAILLEUR, avocat au barre...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° /2024 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08871 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYSQ

Décision déférée à la Cour : jugement du 15 mars 2022 - tribunal de commerce de CRETEIL - RG n° 2021F00387

APPELANTE

S.A.S. J.F.GALLIOT - C.VANNIER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sylvie FRANCK de la SELARL FRANCK & LETAILLEUR, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : C 647

INTIMEE

S.A.S. FRANCE PIERRE 2 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Saïd MELLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0289

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M..Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Ludovic Jariel,président de chambre et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 13 mars 2018, la société France pierre 2 (la société France pierre), en qualité de maître d'ouvrage, a signé avec la société J.F. Galliot- C. Vannier (la SAGV), un contrat de maîtrise d''uvre portant sur la réalisation de cent vingt logements au lieu-dit les 4 dromadaires sur la commune d'[Localité 5] (91).

Le 21 février 2019, le conseil municipal a approuvé une procédure de déclaration de projet emportant la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme (PLU) car le projet n'était pas compatible avec la destination de la zone prévue sur le PLU.

Le 4 avril 2019, le permis de construire a été délivré.

Le 1er juillet 2020, par courrier électronique, la SAGV a adressé le dossier de consultation des entreprises (DCE) avec sa note d'honoraires de 112 896 euros TTC, à la société France pierre.

Le 16 juillet 2020, sur un déféré du préfet de l'Essonne et une requête de quatre particuliers, le tribunal administratif de Versailles a annulé la déclaration de projet valant mise en compatibilité du PLU et, subséquemment, le permis de construire.

Le 1er octobre 2020, par courrier électronique, la SAGV a relancé la société France pierre pour obtenir le paiement de sa note d'honoraires correspondant au solde de la phase DCE.

Le 9 octobre 2020, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la société France pierre a contesté la qualité du travail effectué par l'architecte, le qualifiant d'inexploitable et elle a refusé de payer la prestation de la phase DCE et qu'elle lui avait déjà payé des honoraires importants pour un projet qui n'aboutirait pas puisque le permis de construire avait été annulé.

Le 22 octobre 2020, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la SAGV a contesté les reproches du maître d'ouvrage concernant la prestation de la Phase DCE et elle a maintenu sa demande de paiement.

Le 7 janvier 2021, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le conseil de la SAGV a mis la société France pierre en demeure de payer la note d'honoraires n° 6 de 94 080 euros HT (112 896 euros TTC).

Le 12 mars 2021, la SAGV a assigné la société France Pierre devant le tribunal de commerce de Créteil pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 112 896 euros TTC au titre de sa note d'honoraires n° 6 avec les pénalités de retard au taux majoré à compter du jour suivant celui de la date de règlement figurant sur la facture, 117 600 euros au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal multiplié par trois à compter de la mise en demeure du 7 janvier 2021, le tout avec anatocisme, outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 mars 2022, le tribunal de commerce de Créteil a statué en ces termes :

Déboute la SAGV de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la SAGV à payer à la société France pierre la somme de 28 224 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2021, et déboute la société France pierre du surplus de sa demande au titre des intérêts ;

Déboute la société France pierre de sa demande reconventionnelle de remboursement des honoraires versés ;

Ordonne la capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière à compter du 14 septembre 2021 ;

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leur demande de ce chef ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;

Condamne la SAGV aux dépens.

Par déclaration en date du 3 mai 2022, la SAGV a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société France Pierre.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2023, la SAGV demande à la cour de :

Déclarer la SAGV recevable et fondée en son appel ;

Y faisant droit,

Réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

Condamner la société France pierre à payer à la SAGV la somme de 112 896 euros au titre de la note d'honoraires n° 6 ainsi que celle de 28 224 euros au titre de la note d'honoraires n° 5, avec pénalités de retard au taux majoré prévu par les dispositions d'ordre public de l'article L. 441-10 du code de commerce, soit au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points, à compter du jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ;

Condamner la société France pierre à payer à la SAGV la somme de 117 600 euros au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêt au taux légal multiplié par 3 à compter du 7 janvier 2021, date de la mise en demeure ;

Ordonner l'anatocisme des intérêts dus pour une année entière à compter de l'assignation en justice soit le 12 mars 2021 ;

Rejeter l'appel incident de la société France pierre ;

En conséquence,

Débouter la société France pierre de sa demande en paiement de la somme de 141 120 euros ;

Condamner la société France pierre au paiement des entiers dépens ;

Condamner la société France pierre à payer à la SAGV la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, la société France pierre demande à la cour de :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

o débouté la SAGV de l'ensemble de ses demandes ;

o condamné la SAGV à verser à la société France pierre la somme de 28 224 euros avec intérêt légal à compter du 14 septembre 2021 ;

o ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 14 septembre 2021 ;

o condamné la SAGV aux dépens ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

o rejeté les autres demandes formées par la société France pierre à l'encontre de la SAGV

Et statuant à nouveau :

Condamner la SAGV à verser à la société France pierre :

- 141 120 euros TTC en remboursement des honoraires qui lui ont été inutilement versés, outre les intérêts au taux contractuel, ou à défaut légal, à compter de la date de chacun des versements intervenus ;

- la capitalisation des intérêts ;

- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile du chef des frais irrépétibles de première instance ;

Et en tout état de cause :

Condamner la SAGV à verser à la société France pierre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile du chef des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamner la SAGV aux entiers dépens qui comprendront les frais de signification du jugement à intervenir ainsi que l'intégralité des frais inhérents à l'exécution forcée éventuelle.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 30 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 7 février 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur les honoraires de la SAGV

Moyens des parties

La SAGV, sur le fondement des articles 1103 et 1104 du code civil et du contrat qui la lie au maître d'ouvrage, demande le paiement de la prestation DCE qu'elle a réalisée.

Elle estime que le paiement de sa note d'honoraires n° 5 de 28 224 euros TTC, représentant l'acompte de 20 % sur le montant total de la prestation DCE vaut accord tacite du maître d'ouvrage sur l'engagement de cette phase du marché.

Elle fait valoir que la société France pierre, professionnel de l'immobilier, a bien commandé les DCE et a accompli des actes démontrant sa volonté de poursuivre le marché malgré le risque de la procédure administrative en cours, ce qui est conforme aux pratiques en matière de construction immobilière afin de ne pas prendre de retard.

La société France pierre reprend l'historique de la procédure d'obtention du permis de construire et fait valoir que le tribunal administratif a évoqué la légalité du permis de construire au regard du PLU et a indiqué que dès l'origine, le classement du secteur des " 4 dromadaires " en zone UD interdisait l'octroi du permis.

Elle estime avoir payé des honoraires importants à l'architecte pour un projet qui n'a pas abouti et qu'elle n'entendait pas régler la dernière facture de celui-ci pour des prestations inutiles.

Elle reproche à la SAGV d'avoir remis le 26 juin 2020, un dossier incomplet de permis de construire, deux jours avant les élections municipales et de ne l'avoir complété que le 15 septembre 2020, ce qui a eu pour effet un refus du maire au motif que le projet ne s'intégrait pas au site.

Elle conteste la note d'honoraires n° 5 qui n'était pas contractuellement prévue mais qu'elle a néanmoins réglée et la note d'honoraires n° 6 sur le même motif.

La société France pierre indique qu'elle n'a pas approuvé la phase " purge du recours des tiers " qui n'a pas été facturée par l'architecte. Elle réclame le remboursement de l'acompte de 28 224 euros TTC qu'elle a versé par erreur, sur le fondement de l'article 1302 du code civil.

Elle rappelle que le projet de DCE n'était pas prêt en juin 2020 alors que l'architecte avait facturé l'acompte en décembre 2019 et qu'il s'agit d'un manquement contractuel tout comme le défaut de conseil d'attendre la purge des recours avant d''uvrer sur les DCE.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1104 du code civil dont les dispositions sont d'ordre public, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

Selon les stipulations de la clause 4.4 du contrat de maîtrise d''uvre régularisé entre les parties, il était envisageable, pour les besoins de l'opération, de regrouper les phases " avant-projet définitif " (APD), " projet " (PRO) et " dossiers de consultation des entreprises " (DCE) en une seule et même phase.

Selon la clause 9.1 du contrat, l'architecte devait recevoir une rémunération hors taxe globale et forfaitaire de 7 %, pourcentage appliqué au coût prévisionnel d'objectif HT des travaux (784 000 euros HT).

Aux termes de la clause 10.1.2 du contrat de maîtrise d''uvre, chaque phase du projet ou élément de mission, ne pouvait être engagée par la maîtrise d''uvre qu'à la demande du maître d'ouvrage.

Selon la clause 10.2 relative aux conditions de paiement, chaque phase d'études était payée à hauteur de 20 % par acompte au démarrage de la phase, puis selon avancement par acompte mensuel jusqu'à remise du dossier correspondant à ladite phase, le solde étant payé à l'approbation du dossier par le maître d'ouvrage.

L'annexe 2 du contrat prévoyait des honoraires de 117 600 euros HT à la phase de remise du dossier de consultation.

Le contrat est la loi des parties et, sauf stipulation contraire, le droit à honoraire de l'architecte à hauteur des prestations effectuées est maintenu en cas d'abandon du projet indépendamment de son fait (3e Civ., 3 mars 1992, pourvoi n° 90-17-888).

La note d'honoraires n° 5

Aux termes de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Il est établi que c'est au demandeur en restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées, qu'il incombe de prouver le caractère indu du paiement (1re Civ., 13 mai 1986, pourvoi n° 85-10.494, Bull n° 120 ; Soc., 20 octobre 1998, pourvoi n° 96-41.698, Bull n° 434 ; 1re Civ., 16 novembre 2004, pourvoi n° 01-17.182, Bull n° 276).

En l'espèce, la note d'honoraires n° 5 du 19 décembre 2019 d'un montant de 23 520 euros HT (28 224 euros TTC) a été établie par l'architecte conformément aux dispositions contractuelles.

Elle est intervenue après l'obtention du permis de construire du 4 avril 2019 et du déféré du préfet en date du 17 juillet 2019 et elle a été réglée par la société France pierre.

En conséquence, la société France pierre ne peut se prévaloir d'un indu, dès lors que l'architecte a réalisé la prestation relative aux DCE qu'elle a choisi de lui confier malgré le recours devant le tribunal administratif de Versailles et sans attendre la fin de la phase " purge des recours " qui n'a pas été facturée d'ailleurs par l'architecte.

La demande de la société France pierre en remboursement de la somme de 23 520 euros HT est donc rejetée.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Par ailleurs, la SAGV ne saurait solliciter la condamnation de la société France pierre au paiement de cette somme dès lors qu'elle lui a d'ores et déjà été versée.

Sa demande en paiement sera donc rejetée.

La note d'honoraires n° 6

En l'espèce, la note d'honoraires n° 6 en date du 1er juillet 2020 d'un montant de 94 080 euros HT (112 896 euros TTC) a été adressée par la SAGV avec le dossier de consultation des entreprises, conformément aux stipulations contractuelles lesquelles prévoyaient le paiement de 15 % du marché à la fin de la phase DCE [(784 000 euros HTx15%) - (117 600 euros HT x 20%) = 94 080 euros HT].

Conformément à la clause 10.1.2 du contrat de maîtrise d''uvre, la phase DCE ne pouvait être engagée qu'avec l'approbation du maître d'ouvrage et celui-ci, était parfaitement informé des travaux de la SAGV sur le DCE ainsi qu'il résulte des échanges entre les parties.

Par courrier électronique du 13 février 2020, l'architecte indique " ['] A votre demande, nous avons entamé depuis plusieurs semaines, la réalisation du DCE de cette opération. Le dossier, dans son état d'avancement, vous a été transmis mardi 11 février dernier ['] "

Par courrier électronique du 8 juin 2020, l'architecte envoie au maître d'ouvrage les plans d'architecte du projet, phase DCE pour avis avant finalisation.

Par courrier électronique du 30 juin 2020, l'architecte demande au maître d'ouvrage " le règlement de consultation, CCAP et un acte d'engagement type afin de finaliser son DCE " et sollicite de pouvoir lancer l'impression.

Par courrier électronique du 1er juillet, l'architecte indique au maître d'ouvrage " Comme convenu, et conformément à votre demande, j'ai le plaisir de vous transmettre ci-joint le lien de téléchargement du dossier DCE du programme des 4 dromadaires sur la commune d'[Localité 5]. "

La société France pierre ne produit aucune contestation du déroulement de cette phase à l'exception de la lettre du 9 octobre 2020 qui intervient trois mois après la fin de la phase DCE et la facturation correspondante.

En conséquence, la société France pierre est condamnée à payer cette somme de 94 080 euros HT à la SAGV.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Les pénalités de retard

Les pénalités de retard au taux supplétif prévues à l'article L. 441-10 du code de commerce sont applicables de plein droit et constituent des intérêts moratoires à l'instar des intérêts légaux prévus à l'article 1231-6 du code civil.

En l'espèce, selon la clause 10.2 du contrat, l'acompte de 20 % était payé au démarrage de la phase et le solde de la phase d'étude à l'approbation du dossier par le maître d'ouvrage.

Selon la clause 10.3 du contrat, le paiement devait intervenir par virement bancaire dans les 30 jours de la réception de la facture.

Néanmoins, le maître d'ouvrage n'a contesté la facture adressée le 1er juillet 2020 que trois mois plus tard arguant de la qualité des DCE, qu'il n'argumente pas devant la cour.

La SAGV est donc fondée à réclamer l'application du taux supplétif majoré de l'article L. 441-10 du code de commerce qui sera calculé à compter du 1er août 2020.

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation de ces intérêts sera ordonnée.

Sur l'indemnité de résiliation

Moyens des parties

La SAGV demande le paiement des indemnités contractuelles de résiliation prévues en cas d'abandon définitif de l'opération au motif qu'elle n'a pas rédigé le contrat lequel doit donc s'interpréter en sa faveur conformément aux dispositions de l'article 1190 du code civil.

Elle fait valoir que l'annulation du permis de construire est également en lien avec l'inaction de la société France pierre qui a perdu une chance de voir le projet aboutir en ne faisant pas appel de la décision du tribunal administratif de Versailles.

L'appelante soutient ainsi que l'abandon du projet résulte de la seule volonté du maître d'ouvrage et qu'elle est bien fondée à solliciter l'indemnité contractuelle de résiliation.

La société France pierre fait valoir qu'elle n'a pas résilié le contrat mais qu'en application de l'article 1186 du code civil, celui-ci a perdu son objet juridique et qu'il est frappé de caducité de plein droit conformément à ce qu'a décidé le tribunal de commerce.

Elle soutient qu'il n'y avait pas de chance de succès en cas d'appel car le secteur des 4 dromadaires était classé en zone urbaine UD et qu'elle n'a commis aucune faute.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1104 du code civil, dont les dispositions sont d'ordre public, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

Aux termes du premier alinéa de l'article 1186 du code civil, un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Selon les dispositions de l'article 1190 du code civil, dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.

Selon la clause 15.1.2 du contrat de maîtrise d''uvre, le maître d'ouvrage peut résilier le contrat à tout moment sans avoir à en donner la raison en application de l'article 1794 du code civil sous réserve de prévenir la maîtrise d''uvre avec un préavis de sept jours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En pareille hypothèse, le maître de l'ouvrage est redevable au maître d''uvre de la partie du prix forfaitaire correspondant aux prestations effectivement réalisées et d'une indemnité forfaitaire de résiliation de 20 % des honoraires correspondants aux éléments de mission restant à exécuter, à l'exclusion de toute autre somme, indemnité ou dédommagement.

En l'espèce, la SAGV n'apporte pas la preuve que le contrat a fait l'objet d'une résiliation à l'initiative de la société France pierre et elle ne peut donc bénéficier de l'indemnité forfaitaire de résiliation correspondante.

L'annulation du permis de construire a fait disparaître la cause de l'engagement des parties l'une envers l'autre et s'agissant d'un élément essentiel du contrat, le contrat de maîtrise d''uvre est bien devenu caduc au sens de l'article 1186 du code civil.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande en paiement d'une indemnité de résiliation.

Sur la faute du maître d''uvre

Moyens des parties

La société France pierre forme un appel incident arguant d'un manquement de la SAGV à son devoir de conseil en ce que l'architecte aurait dû l'alerter de l'infaisabilité technique du projet ainsi que cela résulte du jugement du tribunal administratif de Versailles au regard d'un problème de traitement des eaux usées, ce qui justifie le remboursement des honoraires versés à hauteur de 141 120 euros TTC.

Elle fait valoir que le permis de construire initial était entaché de non-conformités que l'architecte s'était employé à rectifier dans le cadre d'un permis modificatif voué à l'annulation.

La société France pierre conteste la validité de l'attestation de M. [B], ancien maire de la commune d'[Localité 5], produite par la SAGV.

Elle soutient encore que l'architecte lui a donné toutes les raisons de croire à la faisabilité de l'opération en ce qu'il a soutenu que le PLU pouvait être mis en compatibilité par la commune avec le projet alors qu'il aurait dû alerter le maître d'ouvrage du risque de refus ou d'annulation du permis de construire.

La SAGV soutient qu'elle n'était pas tenue à garantir l'obtention du permis de construire et qu'elle était débitrice d'un devoir de conseil dans le cadre d'un projet réalisable et qu'en l'espèce le permis de construire a bien été accordé.

S'agissant du permis de construire, l'architecte fait valoir que la demande de suspension de l'exécution d'arrêté du permis de construire a été rejetée par une ordonnance du 13 août 2019 et que l'attestation de M. [B] a été régularisée et répond aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.

Le maître d''uvre soutient que l'annulation du permis de construire n'est que la conséquence de l'annulation de la déclaration de projet dont il n'avait pas la responsabilité, en soulignant qu'il a été reproché à la commune de ne pas défendre le projet.

Réponse de la cour

A titre liminaire, la cour constate que la société France pierre n'argumente pas sur la qualité du DCE remis par l'architecte.

Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts en raison de l'inexécution de l'obligation s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Il incombe à l'architecte, débiteur de l'obligation d'information, de prouver qu'il a respecté celle-ci (3e Civ., 12 janvier 2011, pourvoi n° 09-70.262, Bull. 2011, III, n° 3) et il n'est tenu que dans les limites de sa mission.

L'article 4 du contrat de maîtrise d''uvre précise le contenu et les obligations de l'architecte et outre les obligations générales de l'article 4.1, l'architecte était tenu des études d'esquisse ou de faisabilité lui permettant de l'éclairer sur l'environnement et le contexte de l'opération notamment en prenant connaissance du PLU ; de constituer le dossier de permis de construire sous réserve de l'accord et des observations éventuelles du maître d'ouvrage, du projet et du dossier de consultation des entreprises après l'obtention du permis de construire.

En l'espèce, le tribunal administratif de Versailles a relevé que le conseil municipal d'Itteville a décidé par délibération du 15 mars 2018 d'engager une procédure de déclaration de projet emportant mise en compatibilité du PLU sur le fondement des dispositions de L. 300-6 du code de l'urbanisme et que cette déclaration de projet valant mise en conformité du PLU a été approuvée par le conseil municipal le 21 février 2019.

En conséquence de cette approbation, le permis de construire a été délivré le 4 avril 2019 à la société France pierre.

Le préfet de l'Essonne a demandé l'annulation du permis de construire ainsi délivré avec la déclaration de projet arguant que l'illégalité de la déclaration de projet aurait dû conduire le maire d'[Localité 5] à refuser le permis de construire à la société France pierre.

La déclaration de projet a été annulée en conséquence de quoi le permis de construire a également été annulé.

La société France pierre ne justifie pas de l'existence d'un motif dirimant de refus qu'aurait dû nécessairement connaître l'architecte puisque le tribunal administratif de Versailles a précisé que la commune n'avait pas fait connaître de moyens de défense utiles face à l'argumentation préfectorale.

Dans sa lettre du 9 octobre 2020, la société France pierre conteste la qualité du dossier DCE mais ne formule pas d'observation sur le conseil que lui a apporté l'architecte quant à l'élaboration du projet.

Elle indique d'ailleurs que le dossier était fragile pour des raisons liées à la station l'épuration.

Il résulte de ces éléments que l'architecte, dans le cadre de sa mission, a rempli son obligation contractuelle en obtenant le permis de construire et il ne peut pas lui être reproché un manquement à son obligation de conseil quant à l'annulation de la déclaration de projet valant mise en compatibilité du PLU à l'origine de l'annulation du permis de construire.

Par suite, la demande de remboursement des honoraires sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens mais à confirmer celui-ci en ce qu'il dit n'y avoir à l'octroi de frais irrépétibles.

En cause d'appel, la société France pierre, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la SAGV la somme de 5 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il :

-déboute la société France pierre 2 de sa demande reconventionnelle de remboursement des honoraires versés,

-déboute la société J.F Galliot - C. Vannier de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation,

-dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Le confirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande de la société France pierre 2 en remboursement de la somme de 23 520 euros HT soit 28 224 euros TTC ;

Rejette la demande la société J.F Galliot - C. Vannier en condamnation de la société France pierre 2 à lui payer la somme de 28 224 euros TTC ;

Condamne la société France pierre 2 à payer à la société J.F Galliot - C. Vannier la somme de 94 080 euros HT (112 896 euros TTC) avec les intérêts au taux majoré de l'article L. 441-10 du code de commerce à compter du 1er août 2020 ;

Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;

Condamne la société France pierre 2 aux dépens de première instance et d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société France pierre 2 à payer à la société J.F Galliot - C. Vannier la somme de 5 000 euros et rejette la demande de la société France pierre 2 à ce titre.

La greffière, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/08871
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;22.08871 ?
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