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24/04/2024 | FRANCE | N°21/18623

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 24 avril 2024, 21/18623


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° /2024, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18623 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERVV



Décision déférée à la Cour : jugement du 7 septembre 2021 -tribunal judiciaire de Paris RG n° 19/03802





APPELANTE



S.A. INTER MUTUELLES ENTREPRISES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette

qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentée par Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, toque : R273 substitué à l...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° /2024, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18623 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERVV

Décision déférée à la Cour : jugement du 7 septembre 2021 -tribunal judiciaire de Paris RG n° 19/03802

APPELANTE

S.A. INTER MUTUELLES ENTREPRISES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, toque : R273 substitué à l'audience par Me Lotfi BENKANOUN

INTIMES

Monsieur [M] [O]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocat plaidant Me Olivia CHAFIR substituée à l'audience par Me Marie CADOT, avocates au barreau de Paris

Madame [R] [B] [L] épouse [O]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocat plaidant Me Olivia CHAFIR substituée à l'audience par Me Marie CADOT, avocates au barreau de Paris

S.C.I. SENTINEL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocat plaidant Me Olivia CHAFIR substituée à l'audience par Me Marie CADOT, avocates au barreau de Paris

Société DUMAPLAST NV prise en la personne de tous représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 8]

[Localité 7] (BELGIQUE)

Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Ayant pour avocat plaidant Me Françoise HECQUET, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Maxime BLADIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [Z] [U] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Ludovic Jariel, président et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Courant 2011, M. et Mme [O] ont confié à la société Jardins des cinq mondes (la société JCM), assurée auprès de la société Matmut entreprises, l'installation d'une terrasse en bois dans le jardin attenant à leur appartement, situé en rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4].

Le 22 janvier 2011, un acompte de 13 500 euros a été réglé et, le 14 février 2011, la société JCM a émis une facture à hauteur de 23 885,20 euros.

Le 29 avril 2011, M. et Mme [O] ont réglé la somme de 10 385,20 euros.

Les travaux n'ont pas fait l'objet de réception.

Courant 2013, M. et Mme [O] ont signalé à la société JCM la déformation des lames de la terrasse. Cette dernière a répercuté ce signalement à son fournisseur, la société SM bois, qui s'est, elle-même, rapprochée du fabricant, la société Dumaplast NV (la société Dumaplast).

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 24 septembre 2013, M. et Mme [O] ont, par la voie de leur conseil, mis la société JCM en demeure de reprendre son ouvrage.

Le 26 novembre 2013, ils ont fait dresser par huissier de justice un procès-verbal de constat des désordres.

Le 26 décembre 2013, M. [O] a, en référé, assigné la société JCM en condamnation, sous astreinte, à reprendre les désordres et indemnisation provisionnelle de son préjudice.

Le 31 janvier 2014, la société JCM a assigné en intervention forcée la société SM bois.

Les instances ont été jointes.

Par conclusions du 24 mars 2014, la société Matmut entreprises est intervenue volontairement à la procédure.

Par ordonnance du 30 avril 2014, le juge des référés a fait droit à la demande de réalisation des travaux sous astreinte et a accordé à M. [O] la somme provisionnelle de 5 000 euros au titre de son préjudice de jouissance.

La société Matmut entreprises est devenue la société Inter mutuelles entreprises (la société Intermutuelles).

Par arrêt du 24 septembre 2015, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance en ce qu'elle avait ordonné l'exécution des travaux sous astreinte, confirmé pour le surplus les dispositions de cette ordonnance et, y ajoutant, ordonné une expertise judiciaire confiée à Mme [V].

Le 30 juin 2015, M. et Mme [O] ont vendu leur appartement à la société Sentinel.

Par actes des 24 mai et 1er juin 2016, M. [O] et la société Sentinel ont, en l'absence de versement par la société JCM de la consignation fixée par la cour d'appel, assigné les sociétés JCM et SM bois en référé-expertise ainsi que, selon les termes de l'ordonnance à venir, la société Intermutuelles.

Par ordonnance du 21 juillet 2016, il a été fait droit à cette demande et M. [F] a été désigné pour y procéder. La société JCM a, par ailleurs, été condamnée à verser à la société Sentinel la somme provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur son préjudice de jouissance.

Le 27 octobre 2016, la société JCM a été radiée du registre du commerce et des sociétés.

Par ordonnance de référé du 19 janvier 2017, rendue à la requête de la société SM bois, les opérations d'expertise ont été rendues communes à la société Dumaplast.

Le 13 février 2018, l'expert a déposé son rapport.

Par actes des 4 mars et 10 avril 2019, M. et Mme [O] et la société Sentinel ont assigné, en ouverture du rapport, les sociétés Intermutuelles et Dumaplast en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 7 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Déclare recevables les demandes formées par la société Sentinel, M. et Mme [O] à l'encontre de la société Intermutuelles ;

Déclare irrecevables les demandes formées par la société Sentinel, M. et Mme [O] à l'encontre de la société Dumaplast ;

Condamne la société Intermutuelles à payer à la société Sentinel les sommes de :

- 54 042 euros TTC, actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction depuis le 18 décembre 2017, au titre des travaux réparatoires ;

- 11 800 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Intermutuelles et la société Dumaplast à payer à M. et Mme [O] les sommes de :

- 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance, en deniers ou quittance ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Intermutuelles aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes :

Ordonne l'exécution provisoire.

Par requête en date du 28 septembre 2021, la société Dumaplast a sollicité la rectification du jugement du 7 septembre 2021 en ce qu'il l'avait condamné solidairement au profit de M. et Mme [O] et la société Sentinel.

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement rectificatif en date du 8 février 2022, lequel a modifié la mention : " Condamne in solidum la société Intermutuelles et la société Dumaplast à payer à M. et Mme [O] les sommes de :

- 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance, en deniers ou quittance ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile " ;

en supprimant les termes " in solidum " et " et la société Dumaplast ".

Par déclaration en date du 26 octobre 2021, la société Intermutuelles a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- M. et Mme [O],

- la société Sentinel,

- la société Dumaplast.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 juillet 2022, la société Intermutuelles demande à la cour de :

In limine litis

Infirmer le jugement contesté ;

Juger l'action de M. et Mme [O] et de la société Sentinel prescrite et les en débouter ;

Au fond,

Débouter M. et Mme [O] ainsi que la société Sentinel et la société Dumaplast, de l'intégralité leurs demandes ;

Ordonner la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire avec intérêt et anatocisme à compter du paiement ;

A titre subsidiaire,

Condamner la société Dumaplast à garantir et relever indemne Intermutuelles de toutes condamnations ;

En tout état de cause,

Condamner M. et Mme [O], la société Sentinel ainsi que la société Dumaplast aux entiers dépens ainsi qu'à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2022, la société Dumaplast demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement tel qu'il a été rectifié le 8 février 2022, y ajoutant,

Déclarer irrecevables car prescrites les demandes de la société Intermutuelles à l'encontre de la société Dumaplast,

A titre subsidiaire,

Déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [O], de la société Sentinel et de la société Intermutuelles entreprises à l'encontre de la société Dumaplast en ce qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée,

À titre très subsidiaire,

Débouter les parties de leur demande contre la société Dumaplast

A titre infiniment subsidiaire,

Evaluer à de plus juste proportion le préjudice de M. et Mme [O] et de la société Sentinel,

Déduire notamment du préjudice de M. et Mme [O] la provision de 5 000 euros qu'ils ont perçus à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance,

Condamner la société Intermutuelles à garantir la société Dumaplast de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge.

En tout état de cause :

Condamner in solidum les parties succombantes à payer à la société Dumaplast la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum les parties succombantes aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Pachalis conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2024, M. et Mme [O] et la société Sentinel demandent à la cour de :

Recevoir et déclarer M. et Mme [O] et la société Sentinel bien fondés en leurs demandes, fins et prétentions ;

En conséquence,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 septembre 2021 tel que rectifié par le jugement du 8 février 2022 en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formées par la société Sentinel et M. et Mme [O] à l'encontre de la société Intermutuelles ;

Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 septembre 2021 tel que rectifié par le jugement du 8 février 2022 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Sentinel et M. et Mme [O] à l'encontre de la société Dumaplast ;

Infirmer le jugement du 7 septembre 2021 sur le quantum des sommes allouées à la société Sentinel, M. et Mme [O] en ce qu'il a :

- condamné la société Intermutuelles à payer à la société Sentinel la somme de 11 800 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- condamné la société Intermutuelles à payer à la société Sentinel la somme de 54 042 euros au titre du préjudice matériel ;

- condamné la société Intermutuelles à payer à M. et Mme [O] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance, en deniers ou quittance ;

Statuant à nouveau,

Condamner in solidum la société Intermutuelles et la société Dumaplast à verser à la société Sentinel :

- au titre du préjudice matériel, à titre principal, la somme de 71 161,80 euros ;

- à titre subsidiaire, au titre du préjudice matériel, la somme de 54 042 euros, outre la somme de 7 620 euros, valeur décembre 2017 à actualiser en fonction de l'indice BT01 du coût de la construction ;

- au titre du préjudice de jouissance, à titre principal, à la somme de 161 976 euros, arrêté au jour des présentes, soit le 8 janvier 2024 ;

- à titre subsidiaire, à la date du jugement, soit au 31 mars 2019, la somme de 117 512 euros, sauf à parfaire ;

- 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum la société Intermutuelles et la société Dumaplast à verser à M. et Mme [O] les sommes suivantes :

- au titre du préjudice de jouissance : la somme de 30 172 euros ;

- 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum la société Intermutuelles et la société Dumaplast aux entiers dépens, qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire, lesquels pourront être recouvrés par Me Chafir, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

Condamner la société Intermutuelles à verser à la société Sentinel :

- au titre du préjudice matériel, à titre principal, la somme de 71 161,80 euros ;

- à titre subsidiaire, au titre du préjudice matériel, la somme de 54 042 euros, outre la somme de 7 620 euros, valeur décembre 2017 à actualiser en fonction de l'indice BT01 du coût de la construction ;

- au titre du préjudice de jouissance, à titre principal, à la somme de 161 976 euros, arrêté au jour des présentes, soit le 8 janvier 2024 ;

- à titre subsidiaire, à la date du jugement, soit au 31 mars 2019, la somme de 117 512 euros, sauf à parfaire

- 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Intermutuelles à verser à M. et Mme [O] les sommes suivantes :

- au titre du préjudice de jouissance : la somme de 30 172 euros ;

- 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Intermutuelles aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 30 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 février 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

I.- Sur la recevabilité des demandes

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Intermutuelles

Moyens des parties

La société Intermutuelles soutient que M. et Mme [O] ont eu, au plus tard, connaissance des désordres affectant leur terrasse à compter de la mise en demeure adressée à la société JCM, soit en septembre 2013, de sorte que leur action initiée à l'encontre de la société Intermutuelles le 4 mars 2019 est prescrite du fait de l'expiration du délai quinquennal de l'article 2224 du code civil.

Elle relève que ce délai n'a pas été interrompu par le référé-provision initié en 2013 dès lors que l'assignation a été délivrée à la société Matmut, personne morale distincte de la société Matmut entreprises.

En réponse, M. et Mme [O] et la société Sentinel font valoir que le délai d'action a été interrompu une première fois, par l'intervention volontaire, le 26 décembre 2013, de la société intermutuelles, puis, une seconde fois, par l'assignation à elle délivrée le 1er juin 2016.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Cette action, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable (1re Civ., 10 mars 1982, pourvoi n° 80-16.679, Bull. 1982, I, n° 108 ; 3e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-14.858).

Par suite, la réponse à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. et Mme [O] et de la société Sentinel à l'encontre de la société Intermutuelles implique, au préalable, de déterminer la nature de la responsabilité de la société JCM à l'égard des demandeurs.

En présence d'une convention les liant, eu égard à son objet, la simple installation d'une terrasse, qui ne constitue pas un ouvrage, et, en tout état de cause, en l'absence de réception, il s'agit, ce qui n'est pas contesté par les parties, d'une action en responsabilité contractuelle soumise au délai de l'article 2224 du code civil.

Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon l'article 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Au cas d'espèce, l'assignation en cause n'étant produite par aucune des parties, il résulte de l'examen de l'ordonnance du 21 juillet 2016 qu'y figure en qualité de défenderesse la société Intermutuelles et non la société Matmut, de sorte que, même si par contraction il est fait référence dans la motivation à cette dénomination, il échet de constater que l'action a bien été initiée, sans doute possible, à l'encontre de la société Intermutuelles.

Partant, le délai de prescription, qui avait commencé à courir le 24 septembre 2013, date de la mise en demeure adressée à la société JCM, a été interrompu le 1er juin 2016, de sorte que l'assignation ayant conduit à la présente procédure ayant été délivrée le 4 mars 2019, la prescription quinquennale n'est pas acquise.

Par suite, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, les demandes formées par M. et Mme [O] et la société Sentinel à l'encontre de la société Intermutuelles sont recevables.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription opposées à titre principal par la société Dumaplast

Moyens des parties

La société Dumaplast soutient que l'action rédhibitoire est enfermée dans un double délai de prescription : le délai de deux ans à compter de la découverte du vice encadré par le délai-butoir de cinq ans, correspondant au délai de prescription de droit commun, à compter de la vente.

Elle indique, qu'alors qu'elle avait livré les lames de bois en cause, au plus tard au mois octobre 2010 comme cela ressort du rapport d'expertise, elle n'a été assignée par M. et Mme [O] et la société Sentinel que le 4 mars 2019 et la société Intermutuelles n'a présenté des demandes à son encontre qu'à compter du 30 décembre 2020, de sorte que leurs actions sont prescrites.

Elle fait valoir en ce sens que l'action diligentée à son encontre par M. et Mme [O] et la société Sentinel est prescrite, d'une part, pour avoir été initiée plus de deux ans après la découverte du vice alors qu'ils avaient une connaissance suffisante de l'origine des déformations lors de l'assignation en référé-provision du 26 décembre 2013 ou, à tout le moins, lors de l'assignation en référé-expertise des 24 mai et 1er juin 2016, d'autre part, en raison de l'expiration du délai-butoir de cinq ans encadrant l'action.

Elle relève que la connaissance du vice caché ne peut être repoussée au jour du dépôt du rapport d'expertise ; l'assignation du poseur puis du fournisseur des lames de bois démontrant, en l'occurrence, la connaissance suffisante de M. et Mme [O] et de la société Sentinel.

A titre subsidiaire, elle soutient que, plus de cinq ans s'étant écoulés depuis la livraison des lames de bois, elle est, en tout état de cause, en droit de leur opposer la prescription de l'action de son acquéreur, la société SM bois, les conclusions déposées devant le tribunal de commerce de Gand relativement à une demande reconventionnelle portant sur les réclamations potentielles de ses clients ne pouvant avoir eu d'effet interruptif dès lors que cette juridiction l'en a déboutée.

Elle ajoute que les actions initiées par M. et Mme [O] et la société Sentinel à l'encontre de tiers n'ont pas pu avoir d'effet interruptif de prescription la concernant.

En réponse, M. et Mme [O] et la société Sentinel font valoir que ce n'est qu'à la lecture du rapport d'expertise qu'ils ont appris que les lames de bois présentaient des anormalités dans leur composition à l'origine des désordres en cause, de sorte qu'ils n'ont eu connaissance de la réalité des vices les affectant dans toute leur ampleur et conséquences, qu'au jour du dépôt dudit rapport.

Quant à la société Intermutuelles, qui recherche la garantie de la société Dumaplast, elle n'a pas répliqué sur la fin de non-recevoir opposée à sa demande.

Réponse de la cour

Aux termes du premier alinéa de l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Aux termes du premier alinéa de l'article 2232 du même code, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

Il est établi que, en application de ces articles, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie (Ch. mixte., 21 juillet 2023, pourvoi n° 20-10.763, publié au Bulletin).

Au cas d'espèce, selon le rapport d'expertise, la partie de la terrasse dont la pose est non conforme à la notice du fabricant conduit à des déformations très importantes alors que celle qui respecte le critère géométrique de calepinage conduit à des déformations de moindre amplitude.

S'agissant de l'analyse de cohésion matrice polymétrique/fibre de bois par une observation microscopique de faciès de rupture réalisée sur un échantillon de lame de terrasse Dumaplast non-soumise au phénomène de blocage des déplacements dus à une pose non-conforme, elle montre une adhésion variable selon le profil de la lame cohésion et moindre au centre de la lame qu'aux bords, ce qui, selon l'expert, est anormal et constitue une cause du phénomène de déformation observé.

Il en résulte que ce n'est que cette analyse scientifique qui a permis d'identifier que les désordres avaient pour cause, outre la mauvaise pose, un vice du matériau.

Dès lors, ce n'est qu'à compter du dépôt du rapport d'expertise, soit le 13 février 2018 que M. et Mme [O] et la société Sentinel ont découvert ledit vice, de sorte, qu'au 4 mars 2019, jour de l'assignation délivrée à la société Dumaplast, le délai biennal de prescription n'était pas expiré.

Quant au délai-butoir de 20 ans encadrant l'action rédhibitoire, il ressort du dire n° 1 de la société SM bois, produit par la société Dumaplast, que les lames de parquet en cause ont été acquises par la première société auprès de celle-ci les 6 mai, 4 août et 7 octobre 2010, de sorte que ledit délai n'était pas, non plus, expiré.

De même, en l'absence d'expiation de ce délai de vingt ans courant à compter de la vente initiale, et non de cinq ans comme le soutient la société Dumaplast, il n'est pas conféré plus de droit à l'acquéreur final qu'au vendeur intermédiaire.

Par suite, les demandes formées par M. et Mme [O] et la société Sentinel à l'encontre de la société Dumaplast ne sont pas prescrites.

Il en est nécessairement de même de l'appel en garantie formé par la société Intermutuelles à l'encontre de la société Dumaplast qui a pour objet de lui permettre de recouvrer auprès de cette dernière ce qu'elle aurait acquitté au-delà de ses parts et portions telles que fixées au stade de la contribution à la dette.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée opposée à titre subsidiaire par la société Dumaplast

Moyens des parties

La société Dumaplast soutient qu'elle peut opposer à M. et Mme [O] et à la société Sentinel l'autorité de la chose jugée tirée du jugement rendu le 7 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Gand dans un litige l'opposant à la société SM bois et dans lequel il a été statué sur les demandes reconventionnelles de celle-ci en indemnisation de ses préjudices tirés du vice affectant les lames de bois dont celui tenant aux réclamations de ses clients y compris celle formulée le 15 juillet 2013 par la société JCM.

Elle ajoute qu'aucun événement postérieur n'est venu modifier la situation antérieurement reconnue par ce jugement dès lors que, lors de l'audience tenue le 9 novembre 2016, la société SM bois était parfaitement informée des référé-provision et référé-expertise diligentés par M. et Mme [O] et la société Sentinel.

En réponse, M. et Mme [O] et la société Sentinel font valoir que le jugement en cause ne s'est pas prononcé spécifiquement sur l'indemnisation de la société SM bois au titre des frais à venir pour répondre aux réclamations concernant la qualité du produit livré dit profil 1, et notamment pour remplacer les terrasses concernées, dont fait partie la réclamation de M. et Mme [O], de sorte que la présente instance a un objet qui n'a pas été spécifiquement tranché par le dispositif du jugement.

Ils ajoutent, qu'en tout état de cause, le rapport d'expertise déposé le 13 février 2018, qui a permis d'établir la défectuosité du matériel livré, est venu modifier la situation antérieurement reconnue par ce jugement.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Si un sous-acquéreur peut exercer directement l'action du premier acquéreur, qui lui a été transmise avec la chose vendue, le fabricant est en droit de lui opposer tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son propre cocontractant (Com., 28 janvier 2004, pourvoi n° 02-11.522).

Au cas présent, la société Dumaplast se prévalant de l'autorité de chose jugée d'une décision rendue par une juridiction du Royaume de Belgique dans un litige l'opposant à la société SM bois, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, en application de l'article 36 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

Aux termes de l'article 1351, devenu 1355, du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Au cas d'espèce, il ressort de l'examen du jugement du tribunal de commerce de Gand en date du 7 décembre 2016 et des conclusions déposées devant cette juridiction par la société SM bois, que saisie d'une demande principale en paiement formée par la société Dumaplast à l'encontre de la société SM bois, il a été statué sur les demandes reconventionnelles opposées par cette dernière et tenant au vice affectant tant le profil 2 de bois commercialisé depuis 2012 que le profil 1 antérieurement commercialisé et au titre duquel elle avait reçu, le 15 juillet 2013, une réclamation de la société JCM.

S'agissant de ces demandes reconventionnelles, la société SM bois avait ainsi sollicité la résiliation du contrat de vente, le remboursement du prix, correspondant à la somme de 66 684,96 euros, un préjudice d'image évalué à la somme de 40 000 euros ainsi que la somme de 130 000 euros correspondant aux frais qu'elle avait exposés et qu'elle devrait exposer pour satisfaire ses clients.

Après avoir relevé qu'il était " inadmissible que toutes les réclamations soient dues seulement et uniquement à une mauvaise pose ", le jugement a retenu que le matériel qui avait été fourni était défectueux, de sorte que la demande principale en paiement était non fondée et que, celle reconventionnelle étant bien fondée, la convention devait être résiliée aux torts de la société Dumaplast et, à titre d'indemnisation, la société SM bois pouvait garder les planches sans avoir à les payer.

En conséquence, le tribunal a, dans son dispositif, résilié la convention aux torts de la société Dumaplast, condamné celle-ci à indemniser la société SM bois et " dit pour droit que, partant, la facture litigieuse de la partie demanderesse au principal, défenderesse sur reconvention, du 2 juillet 2013, doit être créditée et que la partie défenderesse au principal, partie demanderesse sur reconvention, peut garder les marchandises qui font l'objet de cette facture ".

Il en résulte que, dans un litige opposant les sociétés Dumaplast et SM bois, le jugement a statué sur l'action contractuelle en réparation des préjudices découlant du vice affectant les matériaux acquis par la seconde société auprès de la première, y compris celui ayant donné lieu à une réclamation de la société JCM en tant que sous-acquéreur, de sorte qu'il y a bien identité de parties, d'objet et de cause avec l'action de la société SM bois aujourd'hui exercée directement par M. et Mme [O] et la société Sentinel, en tant qu'acquéreurs finaux.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par M. et Mme [O] et la société Sentinel, la production de nouveaux moyens de preuve relativement aux faits jugés, telle l'expertise relative à la défectuosité du matériel en cause, ne constitue pas un événement postérieur venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice (2e Civ., 10 mars 1982, pourvoi n° 80-11.910, Bull. 1982, II, n° 39 ; 3e Civ., 19 septembre 2007, pourvoi n° 06-11.962, Bull. 2007, III, n° 146 ; 1re Civ., 23 juin 2011, pourvoi n° 10-20.110, Bull. 2011, I, n° 119).

Par suite, plus de droit ne pouvant être conféré à l'acquéreur final qu'au vendeur intermédiaire, la société Dumaplast peut opposer à M. et Mme [O] et à la société Sentinel l'autorité de la chose jugée qu'elle pourrait opposer à la société SM bois, de sorte que les demandes formées par eux à l'encontre de la société Dumaplast sont irrecevables.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

II.- Sur les responsabilités et garanties

Sur la responsabilité de la société JCM

Moyens des parties

M. et Mme [O] et la société Sentinel soutiennent que, la responsabilité contractuelle de la société JCM est engagée dès lors qu'il ressort incontestablement du rapport d'expertise que les désordres résultent principalement d'une pose non-conforme aux règles de l'art des lames, laquelle est entièrement imputable à cette société, et qui est à l'origine de la majeure partie des préjudices invoqués par les concluants.

En réponse, la société Intermutuelles fait valoir que la responsabilité de son assuré n'est pas engagée dès lors qu'il n'est pas responsable des dégâts engendrés puisque, comme l'a établi l'expert, les lames se seraient inévitablement dilatées par ondulation quel que soit le mode de pose.

Réponse de la cour

Selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date du marché, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il est établi que l'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat envers le maître de l'ouvrage (3e Civ., 17 octobre 1990, pourvoi n° 89-12.940).

Au cas d'espèce, il ressort des constatations de l'expert, non contestées par les parties, que les désordres en cause sont constitués par une déformation très importante des lames de la terrasse conduisant à l'apparition de vagues en surface.

Par suite, tenue à une obligation de résultat envers le maître de l'ouvrage, la responsabilité de la société JCM, qui n'a pas livré un ouvrage exempt de vice, est donc engagée, peu important la part de responsabilité pouvant revenir, au stade de la contribution à la dette ou dans le cadre d'une action récursoire, à son fournisseur ou au fabricant.

Sur la garantie de la société Intermutuelles

Moyens des parties

M. et Mme [O] et la société Sentinel soutiennent que la société Intermutuelles ne démontre pas que le contrat qu'elle produit soit celui en vigueur à la date du sinistre et soulignent que rien ne permet de rattacher l'annexe aux conditions particulières ni les conditions générales invoquées avec celui-ci, de sorte qu'il n'est pas rapporté la preuve que les exclusions invoquées soient opposables à l'assuré.

En tout état de cause, ils relèvent, s'agissant de l'activité de paysagiste déclarée, qu'elle comprend la pose d'une terrasse et que le contrat produit ne prévoit aucune exclusion relativement à la pose de terrasses en bois.

Ils soutiennent que les exclusions tenant aux dommages causés au produit fourni par l'assuré ainsi qu'aux dommages immatériels non consécutifs ne sont pas, en contradiction avec l'article L. 113-1 du code des assurances, formelles et limitées et ce d'autant plus, qu'en l'absence de production de l'intégralité de la police, il n'est pas possible de déterminer, une fois ces clauses appliquées, ce qui reste de la garantie.

En réponse, la société Intermutuelles fait valoir que sa garantie est, conformément aux documents contractuels qu'elle verse aux débats, dont la proposition d'assurance signée, exclue dès lors que la pose d'une terrasse en bois ne fait pas partie de l'activité déclarée de paysagiste par la société JCM et que de la garantie responsabilité civile sont exclus les dommages causés au produit fourni par l'assuré et les frais de son retrait ainsi que les dommages immatériels qui ne sont pas consécutifs à des dommages matériels garantis.

Elle en déduit que les demandes d'indemnisation des préjudices relatifs au coût de remplacement des lames en bois de terrasse, aux frais de dépose-repose et à la perte de jouissance, qui constitue un dommage immatériel non-consécutif, devront être rejetées.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

S'il incombe à l'assuré, qui réclame à l'assureur l'exécution de son obligation de garantie en raison d'un sinistre, de prouver que celui-ci est survenu dans des circonstances de fait conformes aux prévisions de la police, il appartient en revanche à l'assureur de démontrer l'existence des causes d'exclusion dont il se prévaut (1re Civ., 25 octobre 1994, pourvoi n° 92-14.654 ; 2e Civ., 25 octobre 2012, pourvoi n° 11-25.490).

Au cas d'espèce, la société Intermutuelles produit aux débats, d'abord, une proposition d'assurance RCP en date du 13 juillet 2009, devant produire effet au 18 novembre de la même année, portant manuscritement le n° 971000006624 D50 et revêtue de la signature du gérant de la société JCM, ensuite, les conditions particulières d'un contrat d'assurance multigaranties des collectivités et risque professionnels conclu avec la société JCM, non signé par elle mais revêtu du n° 97100006624 D50 et mentionnant une date de prise d'effet au 18 novembre 2009, enfin, un message électronique du conseil de cette société déclarant, au titre du contrat n° 97100006624 D50, le sinistre intervenu ensuite de la prestation réalisée au domicile de M. [O].

Il en résulte que les clauses d'exclusion prévues au contrat revêtant ce numéro sont bien opposables à l'assuré, en particulier les conventions spéciales et les conditions générales auxquelles il est fait expressément référence.

S'agissant du champ d'application du contrat, il est mentionné qu'il couvre l'activité de paysagiste mais exclut, au titre de conventions spéciales, les activités d'enrobage, de pose de clôture ainsi que les travaux de maçonnerie et de terrassement.

Par suite, il résulte de la comparaison de l'activité couverte au regard des prestations expressément exclues que la pose d'une terrasse en bois fait bien partie de l'activité de paysagiste et entre donc dans le champ de la garantie.

S'agissant de leur validité, il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances précité que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et est établi, d'une part, qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de cet article lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation, d'autre part, qu'une telle clause n'est pas limitée au sens du même article lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire (3e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-19.341, publié au Bulletin et au Rapport).

Au cas d'espèce, il est stipulé aux conditions générales, auxquelles renvoient les conditions particulières du contrat n° 97100006624 D50, qu'il n'y a pas d'assurance pour :

- article 32 § 1 : " les dommages immatériels qui ne sont pas consécutifs à des dommages matériels ou corporels garantis ; "

-article 32 § 21 : " les coûts de réparation, remplacement ou remboursement des produits livrés ou des travaux exécutés par l'assuré qui ne remplissent pas les fonctions promises par ce dernier, ainsi que les défauts de performance ; "

-article 32 § 32 : " les frais occasionnés par le retrait des biens, produits ou marchandises livrés qu'elle qu'en soit la cause, ainsi que les dommages subis par les acquéreurs et/ou l'assuré du fait de l'arrêt de leur livraison ".

Il résulte de leur examen au regard de l'ensemble de la police assurantielle, d'une part, que ces clauses, qui se réfèrent à des critères précis, ne nécessitent pas d'interprétation, de sorte qu'elles sont formelles, d'autre part, que, laissant dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers par les produits livrés par l'assuré, elles ne vident pas la garantie de sa substance, de sorte qu'elles sont limitées.

Par suite, ces clauses d'exclusions de garantie sont valides.

S'agissant de leurs conditions d'application, il est établi qu'il appartient à l'assureur, qui les invoque, de démontrer la réunion des conditions de fait de ces exclusions (1re Civ., 15 octobre 1980, pourvoi n° 79-17.075, Bull., 1980, I, n° 258).

Au cas d'espèce, la société Intermutuelles démontre que le coût du remplacement de l'ensemble du platelage entre dans l'exclusion de garantie prévue à l'article 32 § 21 et que les frais de dépose de la terrasse et de l'évacuation des lames entrent dans celle prévue à l'article 32 § 32.

Quant à la privation de la jouissance de la terrasse, la société Intermutuelles établit qu'il s'agit d'un dommage immatériel non consécutif à un dommage matériel garanti dès lors qu'aucun des dommages matériels en cause ne relèvent de sa garantie.

Par suite, les demandes de M. et Mme [O] et de la société Sentinel en condamnation de la société Intermutuelles seront rejetées.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur la demande de restitution formée par la société Intermutuelles

Il est établi que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution (2e Civ., 9 décembre 1999, pourvoi n° 98-10.416, Bull. 1999, II, n° 188).

Au cas d'espèce, la société Intermutuelles demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, avec les intérêts au taux légal à compter de leur versement.

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution de la société Intermutuelles.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [O] et la société Sentinel, parties succombantes, seront condamnés aux dépens et les demandes formées au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il :

Déclare recevables les demandes formées par la société Sentinel, M. et Mme [O] à l'encontre de la société Inter mutuelles entreprises ;

Déclare irrecevables les demandes formées par la société Sentinel, M. et Mme [O] à l'encontre de la société Dumaplast NV ;

Le confirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette les demandes formées par M. et Mme [O] et la société Sentinel à l'encontre de la société Inter mutuelles entreprises ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

Condamne M. et Mme [O] et de la société Sentinel aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/18623
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.18623 ?
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