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24/04/2024 | FRANCE | N°21/08045

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 24 avril 2024, 21/08045


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° 2024/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08045 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEM4Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/03835



APPELANT



Monsieur [L] [E]

[Adresse 1]

[Local

ité 4]

Représenté par Me Hannelore SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0988



INTIMEE



S.A.S. BOUCHERON

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Brigitte PELLETIE...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° 2024/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08045 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEM4Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/03835

APPELANT

Monsieur [L] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Hannelore SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0988

INTIMEE

S.A.S. BOUCHERON

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Brigitte PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0104

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 octobre 2000, M. [L] [E] a été engagé par la société Boucheron en qualité de chef de produit junior (avec position cadre et application d'une convention de forfait en jours sur l'année), l'intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable de zone export Europe de l'est. La société Boucheron emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et activités qui s'y rattachent.

Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 12 mars 2014, à un entretien préalable fixé au 26 mars 2014, M. [E] a été licencié pour insuffisance professionnelle suivant courrier recommandé du 1er avril 2014.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, invoquant l'existence d'une discrimination salariale et d'une situation de travail dissimulé et sollicitant un rappel d'heures supplémentaires ainsi que de primes sur objectif, M. [E] a saisi la juridiction prud'homale le 10 juillet 2014.

Par jugement du 20 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- fixé la moyenne des salaires à la somme de 6 620 euros,

- condamné la société Boucheron à payer à M. [E] les sommes suivantes :

- 3 330 euros à titre de rappel de salaire sur prime d'objectif pour l'année 2014,

- 66 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour délivrance erronée de l'attestation Pôle Emploi,

-1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [E] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Boucheron de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 10 février 2016, M. [E] a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 16 juin 2017, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement en ses dispositions relatives au rejet des demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts au titre de la discrimination salariale, de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement, d'indemnité pour travail dissimulé, et en ce qu'il a condamné la société Boucheron aux dépens de première instance ainsi qu'à payer 1 000 euros pour délivrance tardive de l'attestation Pôle Emploi et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmé le jugement en ses autres dispositions, et, statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamné la société Boucheron à payer à M. [E] les sommes suivantes :

- 8 325 euros au titre de la prime sur objectif 2014,

- 164 532,75 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Boucheron aux dépens d'appel,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Par arrêt du 27 mars 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par la société Boucheron et par M. [E].

M. [E] a saisi la juridiction prud'homale d'une nouvelle requête le 16 juin 2020 aux fins de solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents aux heures supplémentaires versées en règlement de la condamnation de la cour d'appel de Paris en date du 16 juin 2017 ainsi que d'un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Par jugement du 16 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- déclaré les demandes de M. [E] irrecevables,

- débouté la société Boucheron de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [E] aux dépens.

Par déclaration du 29 septembre 2021, M. [E] a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 11 juillet 2023, M. [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré ses demandes irrecevables et l'a condamné aux dépens et, statuant à nouveau,

- déclarer ses demandes recevables,

- condamner la société Boucheron à lui payer les sommes suivantes :

- 16 453 euros brut à titre d'indemnité de congés payés afférents aux heures supplémentaires versées en règlement de la condamnation prononcée par la cour d'appel de Paris le 16 juin 2017,

- 15 288,48 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- juger que ces sommes porteront intérêt légal à compter de l'audience de conciliation intervenue le 2 mars 2021,

- condamner la société Boucheron au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Boucheron de l'intégralité de ses demandes, le cas échant,

- condamner la société Boucheron aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 février 2022, la société Boucheron demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé les demandes de M. [E] irrecevables,

- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée le 9 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 février 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

L'appelant fait valoir que si les demandes ayant donné lieu à l'arrêt rendu par la cour d'appel découlaient bien du contrat de travail, les demandes qu'il formule dans la présente instance découlent, elles, de la condamnation de la société intimée à lui verser une somme de 164 532 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées préalablement à la rupture de son contrat de travail, ses demandes n'étant donc pas liées à son contrat de travail mais aux condamnations prononcées par la cour le 16 juin 2017. Il précise que le fondement de ses prétentions actuelles est né postérieurement à la première saisine du conseil de prud'hommes puisque le règlement du salaire afférent à des heures supplémentaires n'était pas acquis avant l'arrêt rendu par la cour le 16 juin 2017, ledit arrêt ayant fait naître le fondement d'une demande d'indemnité de congés payés ainsi que d'une demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement. Il souligne par ailleurs que le versement des heures supplémentaires en conséquence de l'invalidation de la convention de forfait en jours lui ouvrait automatiquement droit au versement d'une indemnité de congés payés égale à 10 % de la somme versée à titre de rappel de salaire mais que l'employeur ne s'est pas acquitté de cette indemnité de congés payés subséquente, et ce alors que la cour n'avait pas à le condamner à la régler, dès lors que toute créance à caractère salarial ouvre automatiquement droit à indemnité de congés payés au profit du salarié.

La société intimée réplique que dans le cadre de ses demandes formées au cours de la précédente instance, le salarié avait nécessairement connaissance de l'étendue de ses droits éventuels découlant de ses demandes d'heures supplémentaires, ouvrant droit à l'indemnité compensatrice de congés payés afférente et à la majoration de l'assiette du salaire servant de base de calcul de l'indemnité de licenciement à laquelle il pouvait avoir droit, le fondement de ces demandes n'étant pas né en raison de l'arrêt de la cour d'appel mais découlant bien de la demande formulée initialement au titre du rappel d'heures supplémentaires. Elle indique qu'il appartenait donc au salarié de formuler toute demande en ce sens au cours de l'instance initiée le 10 juillet 2014 et ayant pris fin lors du prononcé de la décision de la cour le 16 juin 2017 mais qu'il est manifeste que l'intéressé a simplement omis de formuler les demandes litigieuses. Elle précise que la cour ne pouvait pas statuer, dans son arrêt du 16 juin 2017, sur des demandes dont elle n'était pas valablement saisie, lesdites demandes, bien qu'accessoires à la demande de rappel d'heures supplémentaires, n'ayant aucun caractère automatique.

Elle souligne que les demandes formées par l'appelant se heurtent en tout état de cause à la prescription triennale qui court à compter de la rupture de son contrat de travail, soit depuis le 1er avril 2014, lesdites demandes étant, compte tenu de leur nature, frappées par la prescription extinctive depuis le 1er avril 2017.

Aux termes de l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret nº2016-660 du 20 mai 2016, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance.

Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Il résulte de ces dispositions qu'une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive, en sorte que sont irrecevables les demandes formées dans une nouvelle procédure lorsque leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure, la règle de l'unicité de l'instance n'étant applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par une décision sur le fond.

En l'espèce, au vu du jugement du conseil de prud'hommes du 20 novembre 2015 ainsi que de l'arrêt de la cour d'appel du 16 juin 2017, il sera relevé que, tant en première instance qu'en cause d'appel, le salarié s'est abstenu de formuler une demande au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires sollicitées ainsi qu'une demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur la base d'une rémunération de référence intégrant le rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Or, il apparaît que le salarié, dont le contrat de travail était rompu depuis le 1er avril 2014 et qui indique lui-même dans le cadre de ses conclusions que toute créance à caractère salarial ouvre droit au paiement d'une indemnité de congés payés égale à 10 % et qu'un salarié est en droit de voir réévaluer le montant de son indemnité conventionnelle de licenciement compte tenu de la modification de son assiette de calcul, pouvait, dès l'instance initiale, joindre à sa demande principale de rappel de salaire pour heures supplémentaires résultant de la privation d'effet de sa convention de forfait en jours, toutes les demandes en découlant, en ce comprises les demandes litigieuses de congés payés afférents au rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur la base d'une rémunération de référence intégrant le rappel de salaire pour heures supplémentaires, ce dont il résulte que le fondement des demandes nouvelles était né avant la clôture des débats (intervenue le 10 novembre 2016) devant la cour d'appel saisie de l'instance initiale.

Dès lors, étant rappelé qu'en application du principe de l'unicité de l'instance, la solution donnée par une précédente décision ne peut constituer le fondement d'une nouvelle instance et qu'il appartient au demandeur d'envisager toutes les conséquences juridiques de ses demandes initiales pour formuler les différentes demandes qui peuvent être attachées au point de droit qu'il soumet au juge, il en résulte que l'appelant aurait dû, en même temps que sa demande principale, présenter l'ensemble des demandes additionnelles dérivant de cette demande sans attendre de connaître le résultat de celle-ci, l'intéressé, qui a alors effectivement eu la possibilité de présenter les prétentions litigieuses, ayant manifestement omis de les formuler, de sorte que la cour d'appel ne pouvait aucunement statuer sur des demandes dont elle n'était pas saisie, celles-ci n'ayant pas de caractère automatique, contrairement à ce qu'affirme à tort l'appelant.

Il s'en déduit également que l'appelant ne peut aucunement reprocher à la société intimée de ne pas s'être spontanément acquittée d'une indemnité de congés payés au titre des heures supplémentaires, étant en toute hypothèse observé que les demandes formées dans le cadre de la nouvelle instance ne s'analysent pas comme une difficulté née de l'exécution de la décision antérieure.

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour retient que les demandes litigieuses, présentées par l'appelant dans le cadre d'une nouvelle instance engagée devant la juridiction prud'homale postérieurement à l'instance précédente s'étant achevée par la décision sur le fond de la cour d'appel en date du 16 juin 2017, se heurtent au principe de l' unicité de l'instance ainsi que l'ont justement décidé les premiers juges. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de l'appelant.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'appelant sera condamné à verser à la société intimée la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.

L'appelant, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [E] à payer à la société Boucheron la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [E] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/08045
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.08045 ?
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