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24/04/2024 | FRANCE | N°21/05274

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 24 avril 2024, 21/05274


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° /2024, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05274 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2Y4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 20/00267





APPELANTE



S.A.S. GSM

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Meggy SAVERIMOUTOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 176





INTIME



Monsieur [X] [O]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Frédéric BE...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° /2024, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05274 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2Y4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 20/00267

APPELANTE

S.A.S. GSM

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Meggy SAVERIMOUTOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 176

INTIME

Monsieur [X] [O]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Frédéric BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0356

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [X] [O] a été embauché par la société GSM, spécialisée dans l'extraction, la production et la distribution de granulats, de sables et de graviers pour réaliser des ouvrages de travaux, par contrat à durée déterminée du 4 septembre au 27 octobre 2000 en qualité de surveillant d'installation, avant de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée à compter du 29 décembre 2000.

Par avenant à son contrat de travail en date du 1er février 2008, le salarié a été promu au poste de conducteur d'installation et occupait en dernier lieu les fonctions de pilote d'installation.

A compter du 17 février 2018, M. [O] a été placé en arrêt maladie à la suite d'un accident survenu durant ses congés.

Une visite de pré-reprise avec le médecin du travail a été fixée au 27 novembre 2019.

Par courrier du 25 novembre 2019, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 11 décembre 2019.

Par lettre du 19 décembre 2019, M. [O] a été licencié au motif que son absence prolongée depuis le 17 février 2018 perturbait la bonne marche du service et rendait nécessaire son remplacement définitif.

M. [O] a assigné, le 4 août 2020, la société GSM devant le conseil de prud'hommes de Melun aux fins de voir, notamment, juger son licenciement nul à titre principal et dépourvu de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et ainsi condamner son employeur à lui verser des indemnités et dommages-intérêts afférents.

Par jugement du 6 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Melun a statué en ces termes :

- prononce la nullité du licenciement de M. [O] [X],

- condamne la société GSM à verser à M. [O] [X] les sommes suivantes :

* 30 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- déboute M. [O] [X] du surplus de ses demandes,

- condamne la SAS GSM aux entiers dépens.

Par déclaration du 14 juin 2021, la société GSM a interjeté appel de cette décision, intimant M. [O].

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2021, la S.A.S. GSM demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise et débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes ;

- le condamner à verser 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2021, M. [O] demande à la cour de :

A titre principal ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement de M. [O] et condamné la S.A.S. GSM à une indemnité pour licenciement nul de 30 000 euros ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A.S. GSM à verser à M. [O] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- juger le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

- condamner la S.A.S. GSM à lui verser les sommes de 30 660 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A.S. GSM à verser à M. [O] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêt pour envoi tardif de l'attestation Pôle emploi ;

Statuant à nouveau,

- condamner la S.A.S. GSM à verser à M. [O] la somme de 2 044 euros à titre de dommages et intérêt pour envoi tardif de l'attestation Pôle emploi ;

- condamner la S.A.S. GSM en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 3 000 euros ;

- condamner la S.A.S. GSM aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 février 2024.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la nullité du licenciement :

Il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail qu'un salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé et qu'un tel licenciement est nul.

L'article L. 1134-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Les dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 ne s'opposent toutefois pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de perturbation du fonctionnement de l'entreprise résultant de l'absence prolongée ou des absences répétées du salarié entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.

En l'espèce, M. [O], qui conclut à la confirmation du jugement, soutient qu'il a été licencié, au moment où il commençait à se rétablir, uniquement en raison de son état de santé, le motif de désorganisation servant de prétexte pour ne pas le voir rependre son travail et éviter tout aménagement de son poste ou le respect par son employeur de son obligation de reclassement.

Au soutien de son argumentation, M. [O] produit notamment :

- sa convocation, datée du 4 novembre 2019, par les services de la médecine du travail à un examen médical le 27 novembre 2019,

- le courrier de son employeur daté du 25 novembre 2019 de convocation à l'entretien préalable au licenciement, fixé au 11 décembre 2019,

- les recommandations établies par la médecine du travail le 27 novembre 2019, à l'issue de l'examen de pré-reprise, préconisant « une reprise à temps partiel thérapeutique organisé en demi-journées » et indiquant : « la possibilité de reprise au poste antérieur sera précisée à l'issue de la visite de reprise » ;

- la lettre de licenciement du 19 décembre 2019, qui indique : « votre absence prolongée depuis le 17 février 2018 perturbe le bon fonctionnement du service et rend nécessaire votre remplacement définitif ('). Le recours à l'intérim pour pallier à votre absence cumulée de 22 mois n'est pas compatible avec la nécessité pour GSM d'avoir du personnel compétent, formé en continu et qui s'inscrit sans la durée ».

Il en résulte qu'alors que le salarié était absent en raison de son état de santé depuis vingt-deux mois, son employeur l'a convoqué, deux jours avant la date fixé pour l'examen de pré-reprise, à un entretien préalable au licenciement.

Dès lors, ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'une discrimination de la part de l'employeur en lien avec l'état de santé du salarié.

La société GSM soutient que c'est à tort que la juridiction prud'homale a considéré que le salarié avait été licencié en raison de son état de santé, et fait valoir que ce licenciement était fondé sur la perturbation de la bonne marche du service causée par son absence depuis près de deux ans et l'obligation de procéder à son remplacement définitif.

Elle indique que lorsqu'elle a convoqué le salarié à l'entretien préalable le 25 novembre 2019, elle ne pouvait avoir connaissance des indications de la médecine du travail du 27 novembre suivant.

Elle ajoute, enfin, que la visite de pré-reprise aurait été incidence sur la situation, dès lors qu'au cours de l'entretien préalable du 11 décembre 2019, le salarié a déclaré qu'il lui était impossible, compte tenu de son problème de cheville, de porter des chaussures de sécurité et de se déplacer sur une longue distance, que son rétablissement serait très long, et qu'il a, à cette occasion, refusé l'éventualité d'un reclassement dans un poste sédentaire.

Pour justifier de ses assertions, elle produit une attestation établie par Mme [G], chef de projet, le 27 octobre 2020, qui indique notamment que M. [O] était « fermé à l'idée d'une reconversion [dans] un poste sédentaire ».

Toutefois, cette seule attestation, établie sous lien de subordination et contestée par le salarié, ne permet pas d'établir que le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, alors qu'il résulte des pièces produites par M. [O] que la société a engagé une procédure disciplinaire sans attendre les conclusions du médecin du travail, puis prononcé le licenciement sans prendre en compte ses préconisations.

En outre, les motifs-mêmes de la lettre de licenciement ne font état d'une perturbation que du service et non du fonctionnement de l'entreprise.

Si la société évoque, dans ce courrier, « une équipe à l'effectif réduit mais très sollicitée pour répondre à une forte demande en granulats de[s] clients » concernant le site de [Localité 4] sur lequel était affecté l'intéressé, elle ne produit aucun élément permettant d'établir objectivement les incidences alléguées de l'absence prolongée de M. [O], à laquelle elle a pallié entre février 2018 et février 2020 par le recours à des missions intérimaires.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le véritable motif de la rupture du contrat repose sur l'état de santé du salarié.

Ce motif discriminatoire rend le licenciement nul en application de l'article L. 1132-4 du code du travail et le jugement déféré doit être confirmé.

Sur les dommages et intérêts à raison de la nullité du licenciement :

L'indemnisation accordée à M. [O] au titre de la nullité de son licenciement n'étant pas contestée dans son quantum, le jugement sera confirmé à cet égard.

Sur l'appel incident :

M. [O] soutient que c'est à tort que la juridiction prud'homale a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi.

La société GSM fait valoir qu'elle a transmis par courriel ces documents le 23 mars 2020 puis par courrier le 15 juin, en raison de la situation sanitaire, et que le salarié ne justifie d'aucun préjudice à cet égard.

Selon l'article R. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

L'obligation de remettre une attestation Pôle emploi - devenu France travail- pesant sur l'employeur étant quérable, il appartient au salarié de démontrer qu'il s'est heurté à une inertie ou un refus de son employeur et de justifier de l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la société a transmis au salarié cette attestation, établie le 17 mars 2020, par courriel du 23 mars 2020 puis par courrier le 15 juin suivant, le salarié ne justifiant d'aucun préjudice qui résulterait d'une transmission tardive de ce document.

Par suite, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais du litige :

Au regard de ce qui précède, le jugement sera également confirmé sur la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société GSM sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

CONDAMNE la société GSM aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la société GSM à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05274
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.05274 ?
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